Comment la dynamique démographique influe-t-elle sur la croissance économique ?

Introduction :

«  Si fondamentaux sont les problèmes de population qu’ils prennent de terribles revanches sur ceux qui les ignorent. »
Cette citation d’Alfred Sauvy, économiste du XXe siècle, en dit long sur les enjeux liés aux phénomènes démographiques. On peut définir la démographie comme la science qui s’attache à étudier les populations humaines, leur nombre, leurs mouvements ainsi que leur composition par genre et selon l’âge. Celle-ci est à l’origine de nombreuses discussions politiques puisqu’elle peut impacter directement ou indirectement l’économie d’un pays. Nous nous intéresserons dans un premier temps aux dernières évolutions démographiques et à la diversité des dynamiques démographiques européennes. Puis, nous étudierons les liens entre taux d’épargne et cycle de vie, et enfin, nous verrons l’influence du taux d’épargne et de la démographie sur la croissance économique.

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Rappel

L’allocation des ressources désigne le fait d’utiliser les différents types de ressources (capital, travail, matières premières) de manière optimale afin de satisfaire au mieux les besoins de consommation des agents économiques sur du court et du long terme.

Grandes évolutions démographiques et étude de la diversité des dynamiques démographiques européennes

Nous allons nous intéresser aux grandes tendances démographiques et aux différentes dynamiques démographiques européennes. Avant cela, nous identifierons les principaux facteurs démographiques qui permettent d’avoir une vision globale des problématiques de la démographie d’un pays.

Les facteurs démographiques

On peut identifier 3 facteurs importants lorsque l’on étudie la démographie :

  • la natalité ;
  • la mortalité ;
  • les flux migratoires.
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Définition

Natalité :

La natalité représente le nombre de naissances d’une population sur une période donnée.

L’indicateur associé est le taux de natalité qui est le rapport entre le nombre d’enfants nés vivants et la population totale d’un pays pour une période déterminée.

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Attention

Il ne faut pas confondre cet indicateur avec le taux de fécondité qui est lui, le rapport entre le nombre d’enfants nés vivants et le nombre de femmes en âge de procréer.

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Définition

Mortalité :

La mortalité représente le nombre de décès au sein d’une population sur une période donnée.

L’indicateur pour la mesurer est le taux de mortalité qui est le rapport entre le nombre de décès et la population moyenne pour une période déterminée. La notion de mortalité est fortement liée à celle de l’espérance de vie.

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Définition

Espérance de vie :

L’espérance de vie représente la durée de vie moyenne d’une génération fictive qui serait soumise à chaque âge aux conditions de mortalité de l’année considérée. Autrement dit, c’est le nombre d’années moyen qu’il reste à vivre après la naissance en considérant que les conditions de mortalité restent inchangées.

Enfin, les flux migratoires peuvent augmenter la population d’un pays (on parlera alors d’immigration) ou la diminuer (on parlera d’émigration).

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Définition

Flux migratoires :

Déplacements de populations d’une région à une autre.

Les notions de natalité et de mortalité permettent de mettre en évidence celle de taux d’excédent naturel.

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Définition

Taux d’excédent naturel :

Taux de croissance démographique qui correspond au mouvement naturel de la population, c’est-à-dire à la différence entre le taux de natalité et le taux de mortalité sur une période donnée.

L’évolution démographique peut également s’observer au travers du solde migratoire.

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Définition

Solde migratoire :

Le solde migratoire représente la différence entre les flux migratoires entrants (immigration) et sortants (émigration) entraînant l’augmentation ou la diminution de la population sur un territoire.

Nous allons maintenant nous intéresser aux grandes tendances démographiques du XXe siècle et au concept de transition démographique.

La transition démographique

La population mondiale est longtemps demeurée stable, elle se situait autour de 2,5 milliards d’habitants en 1950. À la fin des années 1980, elle est estimée à environ 5 milliards d’habitants.

  • Elle a donc doublé en moins de 40 ans.
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À retenir

La transition démographique se matérialise par une natalité et une mortalité faibles et donc par un accroissement démographique mesuré.

Elle est caractéristique des régimes démographiques modernes, par opposition aux régimes démographiques traditionnels où la natalité et la mortalité sont élevées, entraînant un accroissement démographique peu élevé.

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Durant le passage entre ces deux régimes, les démographes observent que dans un premier temps, la mortalité baisse et la natalité reste assez élevée, ce qui provoque un accroissement démographique relativement important.

Ce concept de transition démographique est démocratisé par Alfred Sauvy en 1943. Ce sont les pays européens qui sont les premiers concernés, dès le XIXe siècle. Cette transition a été rendue possible par l’amélioration continue des modes de vie en matière de santé, d’alimentation et d’hygiène, pesant ainsi favorablement sur la mortalité. Elle s’est accompagnée de changements dans les comportements influant sur la natalité.
Toutefois, des divergences notables existent entre les pays européens. C’est ce que nous allons voir à travers une comparaison entre la France et l’Allemagne.

Comparaisons européennes

En effet, on observe de grandes disparités au sein de l’Europe. Ainsi, en 1950, la population allemande était presque de 65 % supérieure à la population française. En 2012, l’écart n’est plus que d’environ 30 %, et on estime qu’en 2056 la population française devrait dépasser la population allemande.

  • Cela s’explique par un taux de natalité en France bien supérieur à celui constaté en Allemagne (12,4 % contre 8,5 %).

Ces constats sont importants car la démographie peut avoir des conséquences économiques non négligeables. En effet, si la population active d’un pays augmente, elle favorise son dynamisme. À l’inverse, un vieillissement démographique entraîne d’autres problématiques (protection sociale et régime des retraites). L’étude de la démographie est donc importante pour les politiques de croissance économique.

Maintenant que nous avons établi un tableau des enjeux démographiques et des singularités entre les pays, nous allons nous intéresser à la diversité des taux d’épargne et à la notion de cycle de vie.

Taux d’épargne et cycle de vie

Des divergences de taux à l’échelle mondiale

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Définition

Épargne :

L’épargne est la partie du revenu des travailleurs qui n’est pas allouée à la consommation.

L’épargne des ménages à l’échelle d’un pays joue un rôle majeur pour l’économie de ce dernier. Dans les années 2000, on constate que le taux d’épargne dans la zone euro et au Japon reste élevé, alors qu’aux États-Unis et en Grande-Bretagne, il décroît fortement.
En 2010, il est supérieur à 15 % en France, il se situe autour de 13 % dans la zone euro et il est de 11 % au sein de l’Union européenne. C’est l’Allemagne qui a le taux d’épargne le plus important des pays européens à cette date, avec un taux supérieur à 17 %. Celui des États-Unis, lui, demeure assez bas (autour de 4-5 %).

L’introduction du concept d’épargne va nous permettre de nous focaliser maintenant sur la notion de cycle de vie avant d’étudier quels sont ses liens avec la démographie.

La notion de cycle de vie

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À retenir

La théorie du cycle de vie a été développée par Modigliani (prix Nobel d’économie en 1985) afin de montrer que la consommation d’un individu au cours de sa vie est égale à l’ensemble de ses revenus. Dans cette vision, l’épargne intervient pour compenser un manque financier futur.

4 phases peuvent être identifiées :

  • phase 1 : les jeunes adultes ont recours à l’emprunt afin de financer des biens durables comme l’achat de leur maison, l’épargne est donc négative.
  • phase 2 : les revenus sont supérieurs aux achats, l’épargne permet alors de rembourser l’emprunt.
  • phase 3 : les revenus stagnent, mais les charges sont inférieures (les enfants sont devenus adultes).
  • phase 4 : les revenus diminuent, les jeunes adultes sont arrivés au stade de la retraite et puisent dans leur épargne pour satisfaire leur consommation courante.

Ces différentes phases identifiées, nous allons maintenant étudier les liens entre le cycle de vie, et notamment la dernière phase de celui-ci, avec les problématiques inhérentes à la démographie.

Liens entre cycle de vie et démographie

Les sociétés européennes sont marquées par la quatrième phase. En effet, le vieillissement observé de la population contraint les individus à épargner encore plus pour faire face à de futures dépenses lorsque les revenus seront plus faibles au moment de la retraite.

  • On peut dire que la quatrième phase s’allonge et que les besoins financiers s’en trouvent accrus.

Ainsi, un pays dans lequel est concentrée une forte population de personnes âgées aura un niveau de taux d’épargne élevé. À l’inverse, un pays où la croissance démographique est forte et où il y a une forte concentration d’individus jeunes connaîtra un niveau de taux d’épargne bas.

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À retenir

Le taux d’épargne d’un pays est une variable que l’on doit considérer puisqu’il détermine le niveau d’investissement et donne des indications sur la vision des individus vis-à-vis de l’avenir (méfiance ou enthousiasme). La théorie du cycle de vie permet donc d’expliquer ces différents comportements d’épargne.

Ces différentes notions présentées et ces constats établis nous permettent de nous concentrer dorénavant sur les conséquences du niveau de taux d’épargne et de la démographie sur la croissance économique. Pour cela, nous verrons en amont les liens qu’entretiennent l’épargne et la croissance économique.

L’influence du taux d’épargne et de la démographie sur la croissance économique

Épargne et croissance économique

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À retenir

L’épargne est un facteur important pour stimuler l’activité économique. Elle permet l’accumulation du capital et a des retombées positives sur la croissance économique.
Il existe 2 visions opposées sur l’épargne :

  • la vision classique ;
  • et la vision keynésienne.

Pour les auteurs classiques, l’offre crée sa propre demande. De ce fait, il ne peut pas y avoir de crise de surproduction liée à une demande trop faible. Si l’on applique cette théorie au marché financier, la rencontre de l’offre et de la demande doit conduire à un équilibre entre épargne et investissement. Ainsi, pour les auteurs classiques, il ne peut exister une épargne excédentaire puisque celle-ci rencontre toujours son équivalent en investissement.

Pour les auteurs keynésiens, le niveau d’investissement n’est pas seulement lié au niveau de l’épargne car ce niveau dépend également des débouchés anticipés de la production en question. Les ménages peuvent vouloir préférer conserver leur monnaie pour elle-même plutôt que de l’investir. Ici, l’épargne est néfaste à l’économie puisqu’elle ne sera pas utilisée pour consommer : les produits mis sur le marché par une entreprise ne trouveront pas de débouchés, entraînant ainsi une crise de surproduction.

Nous allons maintenant aborder les corrélations entre le vieillissement de la population et la balance commerciale.

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Définition

Balance commerciale :

Différence entre la valeur des exportations et des importations dans un pays donné.

Vieillissement démographique et balance commerciale

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À retenir

Un pays qui connaît un vieillissement de sa population pourra souffrir d’un déficit extérieur. Cela peut s’expliquer par le fait qu’une population vieillissante est une population au sein de laquelle il y a peu d’actifs. Or c’est la population active (ensemble des personnes en âge de travailler et disponibles) qui génère des richesses et qui cotise pour les retraités. Dans ce cas de figure, les cotisations sont donc insuffisantes. Pour compenser, le pays pourra faire entrer des capitaux provenant de l’extérieur, entraînant ainsi une balance commerciale déficitaire.

Or, cela n’est possible que si le pays n’est pas déjà en situation d’endettement vis-à-vis de l’extérieur, car les prêteurs, devant un pays endetté et donc moins solvable, vont proposer des taux d’intérêt trop élevés pour ce dernier. Ainsi, la dernière solution du pays pourra être soit de réduire le pouvoir d’achat des salariés, soit celui des retraités.

Nous allons maintenant présenter les relations de correspondance entre le vieillissement démographique et la croissance économique future de manière plus générale.

Vieillissement démographique et croissance économique future

Les pays qui sont concernés par le vieillissement démographique vont donc devoir prendre des mesures qui vont impacter négativement la croissance économique. C’est le cas de la plupart des pays européens. L’Allemagne, l’Italie et l’Espagne vont, par exemple, devoir faire face à ce problème assez rapidement.

Pour l’ensemble des pays touchés par le phénomène, on peut noter 2 cas bien distincts :

  • les pays en excédents commerciaux qui disposent d’avoirs sur l’extérieur et qui vont pouvoir compenser la baisse des revenus domestiques au travers de ces revenus externes ;
  • et les pays en déficits commerciaux qui vont devoir prendre un certain nombre de mesures pour faire face à la baisse des revenus domestiques. Ces mesures peuvent être l’allongement de la durée de cotisations, la diminution des pensions, etc. Ainsi, les personnes concernées vont connaître une baisse de leur pouvoir d’achat, la consommation sera donc moindre et la croissance fragilisée.
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Astuce

Une population vieillissante est également une population moins innovante et donc moins profitable à la croissance économique.

Conclusion :

De nombreux pays sont touchés par le vieillissement démographique même si leurs spécificités respectives engendrent des enjeux divers et des problématiques différentes. Il faut garder à l’esprit que l’épargne est l’une des principales sources de financement des investissements. Or ces derniers font partie des composantes de la croissance économique. Si, dans la vision des auteurs classiques, l’offre et la demande s’équilibrent, il peut y avoir une insuffisance de la demande chez les auteurs keynésiens dissuadant les entreprises de produire et pouvant entraîner une crise de surproduction. Dans une économie ouverte (économie qui s’adonne au commerce extérieur), un manque d’épargne peut contraindre à des emprunts extérieurs qui, si le pays est déjà endetté, accroissent la dette du pays ou obligent celui-ci à recourir à des mesures restrictives (baisse des salaires).