Le personnage de roman : définition et caractérisation

Introduction :

Être de papier ou personne réelle, le personnage est un élément essentiel du genre romanesque. En effet, l’histoire d’un roman tourne généralement autour de la destinée du personnage principal. Certaines œuvres portent même le nom du héros en titre (c’est ce que l’on appelle des romans éponymes), comme Madame Bovary de Flaubert ou Anna Karénine de Tolstoï.

C’est grâce au personnage que le lecteur peut s’investir dans le récit, en s’identifiant à lui ou, au contraire, en le rejetant et en l’utilisant comme contre-exemple.

Ce cours définira ce qu’est réellement un personnage, avant de parler de ce qui le caractérise dans un roman.

Le personnage de roman, une définition en mouvement

Dans un roman, le terme de « personnage » peut désigner le héros, mais également des personnages secondaires.

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À retenir

Ces derniers peuvent être adjuvants, opposants ou destinateurs.

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Définition

Adjuvant :

Il accompagne le personnage principal dans son aventure.

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Définition

Opposant :

Il forme un obstacle à la destinée du héros.

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Définition

Destinateur :

Il est celui pour qui le héros remplit sa mission.

Le terme « personnage » a subi une grande évolution au fil des siècles et de l’émergence de nouveaux genres romanesques.

Le personnage de roman avant le XVIIe siècle

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À retenir

Dans L’Antiquité, le personnage est conçu comme un héros, un être hors du commun, un demi-dieu dont le destin est scellé dès la naissance. Il incarne des valeurs collectives comme la foi, la force et le courage.

Dans l’Odyssée d’Homère par exemple, Ulysse représente la vaillance et la fidélité. Il est aussi garant de valeurs familiales fortes dans sa détermination à retourner près des siens, sur l’île d’Ithaque.

Ce genre de héros répond au besoin de modèles dans une société fondée sur des valeurs spirituelles fortes.

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À retenir

De même, les héros des romans de chevalerie du Moyen Âge sont des personnages porteurs d’idéaux et de valeurs collectives.

Dans La Chanson de Roland, poème et chanson de geste, Roland incarne l’esprit guerrier et la fidélité au roi. En effet, il l’avertit de sa défaite face aux Sarrasins grâce au son du cor.

  • Ces personnages font figure de perfection. Or, ce n’est pas l’idée du héros de roman que nous avons aujourd’hui.

L’émergence du héros moderne

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À retenir

Le personnage au sens moderne du terme n’apparaît réellement qu’à la Renaissance, avec l’émergence de la psychologie et de l’idée d’individu. Puis, ce concept s’élargit au XVIIe siècle avec des romans comme L’Astrée d’Honoré d’Urfé, ou La Princesse de Clèves de madame de La Fayette.

  • Le personnage moderne est imparfait.

Il n’est plus un héros au sens mythologique du terme, mais une figure plus normale, qui reflète davantage son lecteur. Le personnage ne peut plus être un modèle car la nature de l’Homme est imparfaite. Cela a été prouvé lors des longues guerres de religion qui ont secoué l’Europe à la fin du Moyen Âge.

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À retenir

Considéré comme le premier roman psychologique et sentimental, La Princesse de Clèves met en scène un personnage tourmenté par la tentation d’adultère et conscient de sa faiblesse.

Le personnage pose alors un regard plus critique et ironique sur lui-même.

C’est le cas dès Le roman comique de Scarron en 1657, et Jacques le fataliste de Diderot à la fin du XVIIIe siècle. Dans ce dernier, l’auteur déconstruit, déçoit et interroge toutes les attentes du lecteur face au destin du personnage. Dès le début du roman, alors que l’on s’interroge sur les personnages et leur relation, le narrateur reprend ces interrogations sans y répondre et se moque du lecteur en posant la question : « que vous importe ? »

La notion d’« anti-héros » se précise alors à cette époque. Un anti-héros ne présente aucune des qualités que l’on attendrait d’un héros traditionnel, tel qu’il est présenté dans les œuvres antiques et médiévales.

De l’« anti-héros » à la disparition du personnage

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À retenir

Le XIXe siècle est le siècle du réalisme.

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Définition

Réalisme :

C’est un courant qui vise à représenter avec exactitude les individus et leur société, dans un souci d’authenticité.

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À retenir

L’écrivain porte alors un regard plus réaliste et distancié sur des héros en apprentissage de la vie, dans une société régie par l’argent.

Georges Duroy, dans Bel-Ami de Maupassant, ou Eugène de Rastignac, dans Le Père Goriot de Balzac, incarnent des personnages ambitieux et assoiffés d’ascension sociale, qui se heurtent aux illusions et aux pièges du monde moderne.

Loin de représenter l’idéal de perfection du héros, ces personnages sont de simples représentants d’une catégorie sociale.

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À retenir

La crise du personnage se renforce au XXe siècle, notamment via le mouvement du nouveau roman.

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Définition

Nouveau Roman :

Il s’agit d’un courant qui fait éclater les codes traditionnels du roman ainsi que la notion de personnage en le déconstruisant peu à peu et en niant son existence.

Dans son manifeste Pour un nouveau roman en 1963, Alain Robbe-Grillet écrit : « Le roman de personnages appartient bel et bien au passé, il caractérise une époque : celle qui marqua l’apogée de l’individu ».

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À retenir

Le roman de personnages appartient effectivement au passé car la foi en l’individu n’est plus la même après les massacres perpétrés par l’Homme sur l’Homme au XXe siècle.

Dans les romans de Marguerite Duras par exemple, les héros sont souvent anonymes et sans précisions physiques ou morales. L’Amant raconte la liaison amoureuse d’une adolescente et d’un riche chinois plus âgé qu’elle. Tout au long du récit, les personnages sont comme dépossédés de toute identité et désignés simplement par « le Chinois » et « la jeune fille ».

C’est aussi au XXe siècle qu’Albert Camus écrit L’Étranger. Meursault, le personnage-narrateur de ce roman, est un homme étranger au monde et à lui-même. Ses premières phrases, vides d’émotion, brisent d’emblée les attentes du lecteur :

« Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un télégramme de l’asile : "Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués." Cela ne veut rien dire. C’était peut-être hier. »

Le roman d’aujourd’hui est moins catégorique quant à la disparition du personnage, mais il met l’accent sur le caractère banal de celui-ci. Aujourd’hui, même « monsieur Tout-le-monde » peut captiver le lecteur. Des Inconnues, de Patrick Modiano, est une œuvre qui donne la parole à trois femmes ordinaires qui veulent briser leur présent ennuyeux. Dans la même idée, Le Royaume, d’Emmanuel Carrère, est un récit qui s’articule autour de la simple quête de spiritualité d’un homme.

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À retenir

Il faut donc retenir que la conception du personnage a varié au fil des siècles, en fonction des différentes visions du monde et de l’Homme.

La caractérisation du personnage

Le roman est avant tout un genre de la mimétique, dans lequel les personnages ressemblent plus ou moins à des êtres réels. Aussi, pour lui donner une illusion d’authenticité, le personnage doit être caractérisé directement ou indirectement.

La caractérisation directe

La caractérisation directe est d’abord fournie par le nom et le prénom du personnage. Le plus souvent, ils sont le fruit d’une recherche particulière. Cette désignation permet d’identifier la catégorie sociale du personnage. Elle peut aussi donner des indices quant à sa personnalité.

Dans son essai L’effet-personnage dans le roman, Vincent Jouve met en lumière ce jeu sur les noms dans Madame Bovary, de Flaubert :

« Le seul nom d’Emma Bovary signale le drame intérieur du personnage partagé entre ses aspirations à des amours romanesques (“aima”) et l’horizon borné de la vie de province (“Bovary” évoque “bovin”) ».

Le portrait physique et moral donne lui aussi une certaine crédibilité au personnage.

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À retenir

Le détail physique permet souvent au narrateur de suggérer implicitement un pan psychologique du personnage décrit.

On peut utiliser l’exemple du portrait en situation de Julien Sorel dans Le Rouge et le Noir, de Stendhal :

« Il avait les joues pourpres et les yeux baissés. C’était un petit jeune homme de dix-huit à dix-neuf ans, faible en apparence, avec des traits irréguliers, mais délicats, et un nez aquilin. De grands yeux noirs, qui, dans les moments tranquilles, annonçaient de la réflexion et du feu, étaient animés en cet instant de l’expression de la haine la plus féroce. »

On note ici toute la dimension psychologique du personnage en apparence chétif, mais brûlant d’un feu étrange qui se révélera être celui de l’ambition et de l’envie de vivre de grandes passions.

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À retenir

Le romancier donne également vie à son personnage par l’époque, le milieu social et le cadre familial dans lequel il l’inscrit.

Parfois, le personnage reflète exactement le milieu dans lequel il évolue. La mère Vauquer, par exemple, se fond presque dans les murs miteux et insalubres de sa pension dans l’ouvrage Le Père Goriot, de Balzac :

« Bientôt la veuve se montre, attifée de son bonnet de tulle sous lequel pend un tour de faux cheveux mal mis ; elle marche en traînassant ses pantoufles grimacées. Sa face vieillotte, grassouillette, du milieu de laquelle sort un nez à bec de perroquet ; ses petites mains potelées, sa personne dodue comme un rat d’église, son corsage trop plein et qui flotte, sont en harmonie avec cette salle où suinte le malheur, où s’est blottie la spéculation et dont madame Vauquer respire l’air chaudement fétide sans en être écœurée. »

La caractérisation indirecte

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À retenir

Un personnage peut aussi livrer des aspects de sa personnalité de manière indirecte ou implicite. Le langage fait partie de ces indices. En effet, le vocabulaire, le niveau de langue et la tonalité employés en révèlent parfois beaucoup sur le personnage.

Émile Zola utilisait beaucoup ce procédé pour souligner indirectement les habitudes de ses protagonistes. Certains éléments symboliques peuvent être porteurs d’informations sur le personnage.

Dans l'incipit de Madame Bovary de Flaubert par exemple, le narrateur décrit longuement la casquette affreuse de porte Charles Bovary lors de son arrivée dans une nouvelle école. Par ce biais, il discrédite d'emblée un personnage déprécié tout au long du récit à cause de sa passivité.

Conclusion :

La notion de personnage romanesque ne peut se concevoir que dans l’étude de son évolution, car le roman exprime avant tout une vision du monde qui varie selon les auteurs, les époques et les mentalités.
Jusqu’au XVIIe siècle, le personnage de roman est un héros et un exemple pour les lecteurs. Ce modèle s’écroule au fil du temps, jusqu’à la disparition du personnage traditionnel au XXe siècle. En effet, depuis le XVIIesiècle, le romancier s’est attaché à faire de son personnage le reflet du réel, par une caractérisation qui peut être explicite ou plus implicite, et laissée à la compréhension du lecteur.