Émile Zola et le roman naturaliste

Introduction :

Au XIXe siècle, la littérature est dominée par le roman. Durant la première moitié du siècle, Balzac et Stendhal donnent à ce genre une nouvelle dimension, à travers des œuvres devenues célèbres, et traditionnellement classées dans la catégorie des « romans réalistes ». Dans la seconde moitié du siècle, Flaubert développe les possibilités du réalisme, avec la précision stylistique et l’ironie qui lui sont propres, comme dans Madame Bovary par exemple.

Dans le dernier quart du XIXe siècle, le roman naturaliste apparaît. Il entend mener à terme la relation étroite de la littérature avec le réel. En effet, c’est avec la rigueur et l’exactitude de la science que les auteurs naturalistes veulent représenter la réalité dans leurs romans.

Pour saisir les enjeux artistiques du mouvement naturaliste, nous nous intéresserons à la figure d’Émile Zola, qui est à la fois son inventeur, et son représentant le plus emblématique. Nous listerons ensuite les principes que ce romancier a définis et appliqués dans l’élaboration de son œuvre.

Émile Zola, initiateur du naturalisme

Émile Zola est né en 1840. Sa carrière littéraire débute en 1867, avec la parution de son roman Thérèse Raquin, inspiré du réalisme de Balzac et Flaubert. Très tôt, Zola s’intéresse aux théories scientifiques développées à son époque, notamment les théories biologiques et médicales de Claude Bernard.

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À retenir

Les théories de Claude Bernard considèrent que les comportements humains sont intégralement déterminés, et en quelques sortes programmés, par l’hérédité familiale et par l’influence du milieu social dans lequel les individus naissent et grandissent.

À partir de ces thèses déterministes, Zola élabore le projet d’écrire un vaste ensemble de romans, dont les personnages principaux sont issus d’une même famille. Il intitule cette riche fresque romanesque Les Rougon-Macquart, Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire. La rédaction du premier roman débute en 1869, et aboutit à la parution de La Fortune des Rougon en 1871.

Mais c’est avec le roman L’Assommoir, publié en 1877, que Zola remporte son premier succès auprès du grand public. Ce roman raconte le parcours malheureux de Gervaise, une blanchisseuse misérable qui, malgré ses efforts pour entretenir sa famille, finit par sombrer dans l’alcoolisme qui sévissait alors dans le milieu ouvrier.

Par la suite, Zola rencontre régulièrement le succès, notamment avec Nana, en 1880, qui raconte l’histoire de la fille de Gervaise, devenue prostituée, puis avec Germinal, en 1885, qui dépeint la révolte d’un groupe de mineurs dans le nord de la France, menée par Étienne Lantier, le fils de Gervaise. Lorsqu’il meurt, en 1902, Zola est sans doute devenu le romancier le plus célèbre et influent de son époque. De grands auteurs comme Maupassant ou les frères Goncourt n’ont cessé de se réclamer des principes du naturalisme tels que Zola les avaient définis.

Les principes du naturalisme

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À retenir

Le naturalisme est largement influencé par le réalisme qui le précède.

Ce dernier existe toujours au moment où Zola rédige son œuvre. Il est même assez difficile de différencier clairement le réalisme et le naturalisme.

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Définition

Naturalisme et réalisme :

Ces deux mouvements littéraires, le naturalisme et le réalisme, veulent retranscrire le plus exactement possible la réalité telle qu’elle est, à travers l’exploration de tous les milieux sociaux, sans les embellir ni en faire des descriptions critiques ou péjoratives.

Le but du romancier est donc d’être objectif autant que possible, de rester neutre dans la représentation de la société et des individus qui la composent, afin de les montrer tels qu’ils sont. C’est pour cette raison que Zola, avant de commencer la rédaction d’un roman, accumule les observations et les documents relatifs au thème qu’il va traiter. Pour écrire Germinal par exemple, il a d’abord lu des ouvrages de sociologie et des récits sur la condition des mineurs. Il s’est même rendu dans le nord de la France pour observer les travailleurs des mines, et prendre des notes sur le mode de vie de cette catégorie professionnelle particulière.

Parallèlement à ce travail d’observation et à l’écriture de ses romans, Zola s’est efforcé d’exposer dans des textes théoriques les principes du mouvement naturaliste, comme en témoigne son ouvrage Le Roman expérimental publié en 1880. Il y explique l’importance que le romancier naturaliste doit accorder à la science dans l’élaboration de ses œuvres. Ainsi, pour représenter exactement la société, les naturalistes doivent l’étudier selon la méthode scientifique. À l’époque, celle-ci se définit comme une « démarche expérimentale », qui consiste à placer des personnages dans une situation conforme à la réalité observable, et à émettre des hypothèses sur leurs conduites et les évolutions de leurs caractères.

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À retenir

Zola pense ainsi pouvoir aboutir à des conclusions théoriques générales, concernant la façon dont le milieu social influence le tempérament et les comportements des individus.

Les écrivains naturalistes s’inspirent alors directement du biologiste Claude Bernard, qui a exposé ses thèses en 1865 dans l’ouvrage Introduction à l’étude de la médecine expérimentale. Cette médecine expérimentale consiste à émettre une hypothèse scientifique, puis à la vérifier par des expérimentations en laboratoire, qui permettent de la valider et de l’admettre comme vraie.

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À retenir

Dans L’Assommoir, Zola suit une méthode très similaire, sur un plan littéraire. Il part de l’hypothèse selon laquelle l’hérédité et le milieu social jouent un rôle déterminant dans l’évolution et le parcours d’un être humain.

Il vérifie ensuite cette hypothèse via l’histoire de Gervaise, qui tente d’échapper à l’héritage biologique légué par ses parents, tous deux alcooliques et d’origine ouvrière. Malheureusement, Gervaise finit elle aussi par sombrer dans l’alcoolisme.

  • L’hypothèse émise par Zola est confirmée à travers le récit que déploie son roman.

Le naturalisme transforme donc le genre romanesque en une sorte d’outil scientifique, qui permet d’étudier la société, les classes et les individus qui la constituent, au même titre que la biologie étudie la nature et les différents organismes qui y évoluent.

Conclusion :

Le XIXe siècle est celui du triomphe de la science et de la technique. En énonçant les principes du naturalisme, Zola radicalise la volonté d’observation neutre des réalistes, en lui appliquant les découvertes et les avancées de la méthode scientifique.

Même si Zola est critiqué par d’autres romanciers qui refusent de plier leurs œuvres aux nouvelles exigences induites par les progrès de la science, il demeure dans l’esprit de beaucoup, et aujourd’hui encore, l’un des grands auteurs de la fin du XIXe siècle. Zola est celui qui a donné à l’art romanesque une nouvelle direction, suivie par nombre de ses successeurs.