Énergie et réaction nucléaire

Introduction :

Ce cours porte sur l’énergie et les réactions nucléaires et abordera la désintégration de la matière, et plus précisément à celle du noyau, au cours des réactions nucléaires.

Dans un premier temps, nous verrons ce qu’est une désintégration nucléaire. Puis nous identifierons les différents types de radioactivité. Enfin, nous verrons les formules nécessaires à la mesure de la radioactivité.

Désintégration nucléaire

Principe de la radioactivité

La majorité des noyaux naturels sont stables mais, pour la plupart des éléments, il existe plusieurs isotopes dont certains sont instables.

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Exemple

Le $^{12}\text{C}$ (prononcer carbone $12$) est stable alors que le $^{14}\text{C}$ (prononcer carbone $14$) est instable. C’est justement lorsqu’un noyau est instable, qu’il est radioactif.

Dans le noyau de l’atome, la cohésion ente les protons, chargés positivement, et les neutrons, électriquement neutres, repose sur deux interactions :

  • l’interaction forte compense la tendance qu’ont les protons, de charges identiques, à se repousser les uns les autres ;
  • l’interaction faible permet aux neutrons et protons de rester proches.

Lorsque le nombre de protons ou de neutrons engendre trop de forces répulsives pour que les interactions forte ou faible suffisent à maintenir l’intégrité du noyau, ce dernier se désintègre en deux noyaux plus stables. Ce phénomène spontané, totalement naturel, émet un rayonnement mesurable : la radioactivité.

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Astuce

Pour qualifier la radioactivité, on parle indifféremment de désintégration du noyau, de réaction nucléaire, de désintégration nucléaire ou même d’éclatement atomique.

Équation générale d’une désintégration nucléaire

Lors d’une désintégration radioactive, un noyau radioactif père se dégrade en un ou plusieurs noyaux fils plus ou moins stable. Les noyaux fils se désexcitent en émettant une radiation radioactive.

Schéma d’une désintégration radioactive Schéma d’une désintégration radioactive

Le bilan d’une désintégration radioactive s’écrit :

Formules Composantes
$^{A}_{Z}X\rightarrow ^{A^{\prime}}_{Z^{\prime}}Y+^{A^{\prime\prime}}_{Z^{\prime\prime}}P+\gamma$ Dans cette relation, $\text{X}$ est le noyau père, $\text{Y}$ le noyau fils, $\text{P}$ une particule dont la nature dépendra du type de désintégration et $\gamma$ un rayonnement électromagnétique émis par le noyau fils pour qu’il se désexcite

On peut également écrire ce bilan en écrivant le noyau fils dans son état excité :

Formules Composantes
$^{A}_{Z}X\rightarrow ^{A^{\prime}}_{Z^{\prime}}Y+^{A^{\prime\prime}}_{Z^{\prime\prime}}P$ $\text{Y}$ est le noyau fils dans son état excité.

Vallée de stabilité et éléments instables

On peut prévoir la stabilité des noyaux en les plaçant sur un diagramme qui représente le nombre de protons ($\text{Z}$) en fonction du nombre de neutrons ($\text{N}$).

Vallée de stabilité Vallée de stabilité

Sur le graphique, les noyaux stables sont situés dans une zone appelée vallée de stabilité, matérialisée par la courbe noire.

  • pour un nombre de protons inférieur à $20$ ($\text{Z} < 20$), la vallée de stabilité est quasiment confondue avec la bissectrice d’équation $\text{Z} = \text{N}$ ;
  • au delà ($\text{Z} > 20$), le noyau est considéré comme « assez lourd » voire « lourd », et la vallée de stabilité est située au dessus de cette même bissectrice.
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À retenir

Tous les noyaux de numéros atomiques supérieurs à $83$ sont instables.

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Attention

Certains diagrammes représentent le nombre de neutrons ($\text{N}$) en fonction du nombre de protons ($\text{Z}$). La répartition des noyaux aurait alors été inversée par rapport à celle du diagramme précédent.

Les noyaux instables ou radioactifs se repartissent autour de la vallée de stabilité :

  • au-dessus de la vallée de stabilité (la zone orange sur le schéma), les noyaux contiennent un excès de protons ;
  • au-dessous de la vallée de stabilité (la zone bleue sur le schéma), les noyaux contiennent un excès de neutrons. Les noyaux « lourds » au-dessus de la partie supérieure de la vallée de stabilité (zone jaune sur le schéma), contiennent un excès de nucléons (protons et neutrons).

Il est important de maîtriser la nuance entre excès de nucléons, de protons et de neutrons car selon le composant en excès, la radioactivité émet des rayonnements différents.

Les différentes radioactivités

Les trois types de radioactivité spontanée

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À retenir

Dans la nature, une réaction nucléaire est spontanée, aléatoire, inéluctable et ne dépend pas de la pression ou de la température.

Selon la particule émise, on distingue trois types de radioactivité spontanée :

  • La radioactivité $\alpha$ concerne des noyaux lourds qui ont trop de nucléons, les noyaux se désintègrent en émettant une particule α, qui est en fait un noyau d’hélium $^{4}_{2}\text{He}$, selon l’équation bilan :

$$^{A}_{Z}{X}\rightarrow^{A-4}_{Z-2}{Y}+^{4}_{2}\text{He}$$

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Exemple

L’américium 241 est utilisé dans les détecteurs de fumée et se dégrade en neptunium en émettant une particule α :

$$^{241}_{95}{\text{Am}}\rightarrow^{237}_{93}{\text{Np}}+^{4}_{2}{\alpha}$$

  • La radioactivité $\beta -$ concerne les noyaux qui ont trop de neutrons ; ils se désintègrent en émettant un électron (particule $\beta -$) qu’on note $_{-1}^{0} e$.

L’électron est éjecté du noyau après transformation d’un neutron en proton. Cette réaction est possible grâce à l’interaction faible et libère aussi une particule appelée antineutrino.

L’équation bilan de cette réaction est : $$^{A}_{Z}X\rightarrow^{A}_{Z+1}Y+ _{-1}^{0} e$$

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Exemple

Le carbone 14 utilisé pour la datation se désintègre en azote 14 stable :

$$^{14}_{6}\text{C}\rightarrow^{14}_{7}\text{N}+ _{-1}^{0} e$$

  • La radioactivité $\beta^{+}$, concerne les noyaux qui ont trop de protons, et se désintègrent en émettant un positon (particule $\beta^{+}$) qu’on note $^{0}_{1}{e}$.
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Astuce

Le positon est l’antiparticule de l’électron.

L’électron est éjecté du noyau après transformation d’un proton en neutron. Cette réaction est possible grâce à l’interaction faible. Elle libère aussi une particule appelée neutrino que l’on n’écrit pas dans l’équation.

L’équation bilan de cette réaction est : $$^{A}_{Z}X\rightarrow^{A}_{Z-1}X+^{0}_{1}e$$

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Exemple

Le carbone 11 se désintègre en bore 11 :

$$^{11}_{6}\text{C}\rightarrow^{11}_{5}\text{B}+^{0}_{1}e$$

Radioactivité artificielle : fission et fusion nucléaire

Au milieu du XXe siècle, les scientifiques ont pu provoquer des réactions nucléaires artificielles en bombardant des noyaux instables à l’aide de particules. Ils sont parvenus à provoquer artificiellement la fission nucléaire. Cette innovation nous permet aujourd’hui de produire de l’électricité mais a servi à l’époque à fabriquer la bombe nucléaire.

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Définition

Fission nucléaire :

La réaction de fission nucléaire est une réaction au cours de laquelle un noyau lourd se casse en deux noyaux plus légers sous l’impact d’un neutron.

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Exemple

Dans les centrales nucléaires, l’uranium 235 est percuté par un neutron et se casse en deux noyaux plus petits, le strontium 94 et le xénon 139 plus trois neutrons :

$$^{235}_{92}{\text{U}}+^{1}_{0}{n}\rightarrow^{94}_{38}{\text{Sr}}+^{139}_{54}{\text{Xe}}+3^{1}_{0}{n}$$

Les trois neutrons iront eux-mêmes percuter d’autres noyaux, provoquant une réaction en chaîne dégageant beaucoup d’énergie.

  • Au cours de la réaction de fusion nucléaire, deux noyaux légers s’unissent pour former un noyau plus lourd.
    Cette réaction n’est pas maîtrisée pour le moment, mais est très prometteuse car elle est « propre » et plus énergétique que la fission.
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À retenir

Le processus de fusion nucléaire alimente en énergie le Soleil et les autres étoiles.

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Exemple

Les deux isotopes de l’hydrogène, le deutérium $^{2}_{1}\text{H}$ et le tritium $^{3}_{1}\text{H}$, fusionnent pour donner de l’hélium et un neutron : $$^{2}_{1}\text{H}+^{3}_{1}\text{H}\rightarrow^{4}_{2}{\text{He}}+^{1}_{0}n$$

Ces différents exemples de désintégration nucléaire montrent que la réaction nucléaire conserve les masses.

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Définition

Principe de conservation des masses :

Lors d’une réaction nucléaire, le nombre de masse ($\text{A}$) et le numéro atomique ($\text{Z}$) sont conservés, autrement dit la somme des nucléons des produits ($\text{A}^{\prime}+\text{A}^{\prime\prime}$) est égal au nombre de nucléons de l’élément de départ ($\text{A}$), il en va de même pour le nombre de protons ($\text{Z}$):

$^{\text{A}}_{\text{Z}}X \rightarrow^{\text{A}^{\prime}}_{\text{Z}^{\prime}}{Y^*}+^{\text{A}^{\prime\prime}}_{\text{Z}^{\prime\prime}}P$

$\text{A}=\text{A}^{\prime}+\text{A}^{\prime\prime}$

$\text{Z}=\text{Z}^{\prime}+\text{Z}^{\prime\prime}$

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À retenir

Que la radioactivité soit artificielle ou spontanée, elle respecte toujours les lois de conservation.

Mesurer la radioactivité

Activité radioactive et demi-vie

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À retenir

L’activité A d’un échantillon de matière radioactive est le nombre de désintégrations qu’il subit par seconde. Son unité est le becquerel $(\text{Bq})$ : $1\, \text{Bq} = 1$ désintégration par seconde.

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Exemple

Par exemple, un homme de $70\, \text{kg}$ a une activité de $7\, 000\, \text{Bq}$.

L’activité radioactive d’une matière est de plus en plus faible au court du temps. Elle diminue de moitié au bout d’une durée nommée période radioactive ou demi-vie. On la note $t_{\frac 12}$.

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Exemple

Le période radioactive du $^{14}\text{C}$ est $t_\frac{1}{2} = 5730$ ans (± 40 ans)

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À retenir

Connaître les périodes de dégradation de certains atomes permet de dater un objet qui en contient. C’est sur ce principe que fonctionne la datation au carbone 14.

Étude énergétique des réactions nucléaires

Nous avons vu, jusque là que la masse d’un noyau est égale à la somme des masses de ses constituants. Cette vision des choses est très simplifiée en réalité, il se passe une chose étrange au sein du noyau.

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À retenir

La masse du noyau est inférieure à la somme des masses de ses nucléons pris séparément, c’est ce que l’on appelle le défaut de masse.

Le défaut de masse est la différence entre la masse du noyau et la somme de la masse des nucléons ($\text{Z}$ protons et $\text{A}-\text{Z}$ neutrons) pris séparément :

Formule Constantes
$\Delta m=(Z \times m_{\text{protons}}+(A-Z) \times m_{\text{neutrons}})-m_{\text{noyau}}$ Masse du proton $m_p=1,67262171\times10^{-27}\, \text{kg}$

Masse du neutron $m_n=1,67492728\times10^{-27}\, \text{kg}$

Déterminons par exemple le défaut de masse de l’atome de $^{14}\text{C}$ :

$$\begin{aligned} \Delta m&=(6\times 1,672621\times 10^{-27}+8\times 1,674927\times 10^{-27})-2,32584\times 10^{-26}\\ &=1,768\times 10^{-28}\, \text{kg} \end{aligned}$$

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Attention

Le défaut de masse est très petit, il faut donc des données très précises pour pouvoir le calculer.

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À retenir

Le défaut de masse n’est pas réellement une partie de la masse qui a disparu. C’est en fait la masse qui s’est transformée en énergie et qui permet aux nucléons de rester ensemble. En fournissant exactement cette énergie au noyau, il est possible de séparer ses composants.

On note $\text{E}_l$ l’énergie de liaison qu’il faut fournir pour dissocier et isoler les nucléons.

Paraphrase Formule Unités
L’énergie de liaison des nucléons est égale à la valeur absolue du défaut de masse, multiplié par le carré de la vitesse de la lumière dans le vide. $E_l=\Delta m\times c^2$ L’énergie de liaison $\text{E}_l$ est en joules (J).

Le défaut de masse $\Delta _m$ est en kilogramme (kg)

La célérité de la lumière c est une constante $c=3,00\times 10^8\, \text{m}\cdot\text{s}^{-1}$

L’énergie de liaison du $^{14}\text{C}$ est égale à :

$E_l =(1,768\times10^{-28})\times (3\times 10^{8^2})=1,59\times 10^{-11}\, \text{J}$

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À retenir

Compte tenu de l’ordre de grandeur très faible de cette énergie, on l’exprime souvent en électronvolt (eV).

$$1eV = 1,6\times 10^{-19}\, \text{J}$$

L’énergie de liaison du $^{14}\text{C}$ en électronvolt (eV) est donc :

$$E_l=\frac{1,59\times 10^{-11}}{1,6\times10^{-19}}=99,3\times10^6\, \text{eV}=99,3\, \text{MeV}$$

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Définition

Énergie de liaison :

L’énergie de liaison par nucléon est le rapport de l’énergie de liaison d’un noyau par son nombre de masse soit $\dfrac{E_l}{A}$.

Plus ce rapport est grand, plus le noyau est stable.

L’énergie de liaison par nucléon du $^{14}\text{C}$ est :

$$\frac{E_l}{A}=\frac{1,59\times 10^{-11}}{14}=1,135\times 10^{-12}\, \text{J}\cdot \text{nucléon}^{-1}$$

À titre de comparaison, celui du carbone 12 est de $1,230\times 10^{-12}\, \text{J}\cdot\text{nucléon}^{-1}$.

Le $^{12}\text{C}$ est stable alors que le $^{14}\text{C}$ est instable.

Quantité d’énergie d’une réaction nucléaire

  • Énergie pouvant être libérée lors de la fission de l’uranium :

On sait que lors d’une réaction nucléaire, l’énergie libérée correspond à une déperdition de masse entre les réactifs mis en jeu et les produits obtenus.

$\Delta m=m_{\text{réactifs}}-m_{\text{produits}}$

L’équation de la fission de l’uranium 235 s’écrit :

$^{235}_{92}U+^{1}_{0}n\rightarrow^{94}_{38}Dr+ ^{139}_{54}Xe+3 ^{1}_{0}n$

Calculons le défaut de masse pour cette désintégration :

$$\begin{aligned} \Delta m&=(m^{1}_{0}n+m ^{235}_{92}U)-(m^{94}_{38}Dr+m^{139}_{54}Xe+3\times m^{1}_{0}n)\\ &=(1,67493\times 10^{-27}+3,9021711\times 10^{-25})-(1,5591564\times 10^{-25}+2,3063121\times 10^{-25}+3\times 1,67493\times 10^{-27})\\ &=3,2040\times 10^{-28}\, \text{Kg} \end{aligned}$$

L’énergie libérée lors d’une réaction nucléaire est liée à sa perte de masse : $E_l=|\Delta m|\times c^2$

Dans ce cas précis, l’énergie libérée est de :

$E_l=|\Delta m|\times c^2=(3,2040\times 10^{-28})\times (3\times 10^8{^2})=2,8836\times 10^{-11}\, \text{J}$

En fournissant une petite quantité d’énergie $\Delta m$ on libère une quantité beaucoup plus grande d’énergie. C’est pour cette raison que l’industrie énergétique utilise le nucléaire. Les réacteurs libèrent de la chaleur servant à élever la température de l’eau, laquelle alimente des turbines produisant ainsi de l’électricité.

Conclusion :

La radioactivité est un phénomène physique spontané et parfaitement naturel, que l’homme a su exploiter pour en faire une énorme source d’énergie.

Il est étonnant de voir que c’est en réalité une quantité d’énergie infinitésimale, celle de la liaison entre les nucléons, qui permet de déclencher les réactions en chaîne des centrales thermonucléaires.

Cette énergie est intéressante de ce point de vue, mais n’est pas sans poser de graves problèmes si elle est mal maîtrisée.