L'altérité et la lutte contre les discriminations

Introduction :

Considérant que la France est un pays composite, riche de citoyennes et citoyens aux origines culturelles et sociales différentes, il est fondamental, pour que la société fonctionne, d’apprendre à respecter l’altérité et à lutter contre les discriminations.
C’est non seulement une obligation politique et morale envers nos textes fondateurs que sont la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et la Constitution de 1958, mais également un idéal vers lequel les différents membres de l’Union européenne souhaitent se diriger.

Aussi est-il indispensable de se demander comment nous pouvons vivre ensemble avec nos différences, afin de forger et garantir une citoyenneté respectueuse de toutes et tous.

Pour cela, nous allons d’abord étudier les manifestations de l’altérité, puis nous analyserons les différentes formes de discrimination. Enfin, nous reviendrons sur le nécessaire combat pour l’égalité.

L’altérité

L’altérité peut se manifester de différentes façons qu’il convient d’analyser et de comprendre afin de mieux en cerner les problématiques.

Définition et enjeux

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Définition

Altérité :

L’altérité désigne le caractère de ce qui est autre, ce qui est extérieur à soi. Cette notion sous-tend donc l’idée de reconnaissance de l’autre dans sa différence.

L’altérité s’inscrit donc dans un rapport de soi à l’autre, c’est-à-dire la façon dont chacun d’entre nous perçoit, comprend autrui, et interagit avec lui.

Bien évidemment, pour cela, il faut d’abord accepter qu’il existe un(e) autre, c’est-à-dire une personne qui n’a pas les mêmes origines, la même histoire que soi-même.
L’altérité nécessite de faire un pas en dehors de soi pour aller vers autrui.

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À retenir

L’altérité demande donc un effort intellectuel nécessaire pour comprendre et accepter l’existence d’un autre qui est différent de ce que l’on connait et de ce que l’on sait.

L’altérité par l’exemple : le rapport entre hommes et femmes

Ici, il s’agit de mettre en avant un enjeu de société majeur dans lequel l’altérité joue un rôle central : celui de la redéfinition des rapports entre hommes et femmes.

Initié en 2017, le mouvement #BalanceTonPorc faisait écho au mouvement #MeToo né aux États-Unis pour dénoncer le comportement de prédateur sexuel du producteur de cinéma Harvey Weinstein.
Ce hashtag, devenu rapidement populaire sur les réseaux sociaux, permit une libération de la parole des femmes face à des comportements masculins à leur encontre souvent condamnables, voire criminels.
Qu’il s’agisse d’abus de position hiérarchique dans le cadre professionnel, d’inégalité salariale entre hommes et femmes, ou encore de comportements agressifs de certains hommes dans les transports en commun, ce mouvement a permis de lancer un débat dans toute la société sur les relations inégalitaires entre les hommes et les femmes.

Ce récent mouvement de lutte contre le sexisme, devenu viral par le biais des réseaux sociaux et de la presse, s’inscrit dans un besoin de faire prendre conscience à la société d’un problème profond lié au respect de l’autre et de son altérité.

La place de l’altérité dans la société française

Consacrée par des textes législatifs, l’égalité entre des personnes est reconnue et acceptée en France, quelles que soient leurs différences. Cependant, entre la théorie et les faits, il existe certains écarts.

C’est le cas des personnes handicapées.
Prendre les transports en commun, et notamment le métro, lorsque l’on est en fauteuil roulant peut se révéler un défi impossible à relever. De même pour accéder à certains commerces, ou simplement circuler sur certains trottoirs non adaptés.

D’autre part, dans le cas des inégalités hommes-femmes, il existe un écart salarial toujours conséquent.
Ainsi, dans un article daté de mars 2019, le journal Le Figaro cite trois chiffres clés pour illustrer cette inégalité dans le secteur privé : l’écart de salaires hommes/femmes à travail égal et compétences égales est de 9 % ; l’écart de salaire hommes/femmes sur l’ensemble des contrats à temps plein est de 18,4 % ; enfin l’écart de tous les salaires nets reçus au cours de l’année 2018 entre les hommes et les femmes, quel que soit le temps de travail, est de 23,7 %.

  • On constate à travers ces deux exemples que la France, en dépit d’une volonté affirmée de respecter l’altérité, a encore bien du mal à la mettre en pratique.

Différentes formes de discrimination au quotidien

La discrimination est présente dans notre société sous différentes formes et de façon plus ou moins visible. Il est donc nécessaire de l’analyser à travers quelques exemples pour mieux la comprendre et, ainsi, mieux la combattre.

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Définition

Discrimination :

Fait d’opérer une distinction négative envers une personne (ou un groupe de personnes) en raison de sa (ou ses) différence(s).

L’exemple de la discrimination à l’embauche et au logement

Il existe de multiples situations de discrimination à l’embauche ou au logement, s’appuyant par exemple sur des critères d’âge, de sexe ou de situation maritale.
Mais le cas du critère des origines est particulièrement parlant puisque des études montrent que les personnes issues de l’immigration sont majoritairement concernées par ces discriminations.

Ainsi, en 2016, le ministère du Travail a réalisé un cas pratique pour mesurer la discrimination à l’embauche des personnes dont le nom évoquait une origine étrangère.
L’enquête s’est portée sur 40 grosses sociétés comptant au moins 1 000 salariés et il s’est avéré qu’un tiers d’entre elles discriminait les candidatures à consonance nord-africaine.

Rappelons que la loi prévoit une peine de 3 ans d’emprisonnement assortie d’une amende de 45 000 euros en cas de discrimination à l’embauche.
De même, l’article 225-1 du Code pénal interdit la discrimination pour des critères liés à l’âge, au sexe, à la religion ou à la couleur de peau lorsqu’il s’agit de louer un logement.

Pourtant, en 2016, une agence immobilière a été prise en flagrant délit de discrimination dans une annonce de location d’un bien dans les Hauts-de-Seine. Et la LICRA (Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme), qui a suivi l’affaire de près, affirme que ce n’est pas un cas isolé, loin s’en faut.

racisme discrimination Campagne de lutte contre les discriminations réalisée par le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié des peuples (MRAP), illustrée par le dessinateur Charb, ©MRAP-Dessin de CHARB

La discrimination, notamment liées aux origines ou à la couleur de peau, est donc un fait tangible dans notre pays. Bien qu’il s’agisse de cas isolés, qui ne permettent surtout pas une généralisation, il convient de rester vigilant.

L’exemple de la discrimination liée au handicap

Le handicap existe sous diverses formes (handicaps physiques ou psychiques) et nécessite donc autant de réponses adaptées : un réel défi.

Cependant, il existe des cas réels de discrimination.
Ainsi, la scolarisation des enfants autistes ou « poly-dys » (dysphasiques, dyslexiques, dysorthographiques) et autres hyperactifs s’avère problématique entre le manque de structures adaptées et – surtout – le manque criant d’auxiliaires de vie scolaire (AVS).
Les parents et associations de parents d’élèves luttent depuis plusieurs années pour que les AVS bénéficient d’une plus grande stabilité professionnelle, d’un meilleur salaire et d’un recrutement élargi. Sans succès à l’heure actuelle.

Ce cas précis illustre une discrimination flagrante envers les élèves handicapés, alors que l’école est censée être accessible pour toutes et tous et donc donner les mêmes chances à tout le monde.
Ainsi, même si la discrimination n’est pas volontaire, puisqu’elle provient d’un manque de moyen et d’une méconnaissance de la situation de ces enfants, elle est pourtant bien réelle.

Les moyens investis par l’État pour lutter contre les discriminations

Le tableau n’est pas sombre pour autant dans la lutte contre les discriminations en France. Beaucoup de mesures ont été mises en place pour les prévenir ou en limiter les effets.

Dans le cadre d’un meilleur confort pour les handicapés, la mise en place de la télévision numérique terrestre (TNT) fut un bienfait. Elle permet désormais l’accès à une importante quantité de programmes en audiodescription pour les personnes aveugles ou malvoyantes.

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Définition

Audiodescription :

Commentaire pré-enregistré et décrivant les scènes et les détails d’un programme, d’un spectacle ou d’un film en cours de diffusion pour faciliter l’immersion des personnes visuellement déficientes.

D’autres mesures ont cependant suscité plus de débats, comme par exemple la notion de « discrimination positive ».
La « discrimination positive » instaure des inégalités via l’introduction de quotas pour parvenir à une situation d’égalité.
Par exemple, concernant l’embauche, des quotas ont été mis en place afin de favoriser une égalité hommes/femmes en termes d’effectifs salariés. Légitimée par une volonté d’aboutir à l’égalité, la mesure des quotas peut toutefois occasionner des sentiments d’injustice, un poste pouvant alors être prioritairement pourvu sur le critère du sexe et non de la compétence par exemple. De plus, certaines femmes peuvent mal vivre le fait de se sentir « privilégiées » du simple fait de leur sexe.

Dans une optique plus large, le Défenseur des droits est une autorité administrative qui peut être saisie en cas de discrimination avérée. Le Défenseur des droits peut alors faire intervenir la justice.
Mais il a également un rôle de prévention puisqu’il peut faire régulièrement réaliser des sondages et enquêtes d’opinion pour avoir un état des lieux des discriminations en France qui soit le plus précis possible.
Son rôle est défini par la Constitution au titre de l’article  71-1 : « Le défenseur des droits veille au respect des droits et des libertés ».

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À retenir

L’État met progressivement en place des outils pratiques, légaux ou humains pour lutter contre les discriminations et mettre en avant le bénéfice de l’altérité dans notre société.
Malheureusement, il n’est pas toujours évident pour les individus discriminés de porter plainte notamment, les preuves de discrimination étant parfois difficile à établir, les coupables utilisant souvent d’autres prétextes.

Les combats pour l’égalité

Accepter l’autre nécessite parfois des combats politiques, symboliques, parfois violents.
En voici quelques exemples.

Simone Veil et la loi sur l’IVG

En 1967, la contraception est entrée dans le quotidien des Françaises et Français par le biais de la loi Neuwirth qui autorise le recours à la pilule contraceptive.

Toutefois, c’est encore bien insuffisant pour les Françaises qui réclament le droit de disposer librement de leur corps.
Alors que mai 68 et la libération sexuelle sont passés par là, il devient impératif pour une part croissante de citoyennes de légaliser l’avortement, que beaucoup pratiquent alors clandestinement avec tous les risques que cela comporte, aussi bien pour leur santé que d’un point de vue juridique.

Le 5 avril 1971, en une du magazine Le Nouvel Observateur est publié le « Manifeste des 343 » : il s’agit d’une pétition signée par des femmes connues et reconnues (artistes, comédiennes, auteures…) réclamant la légalisation de l’avortement, reconnaissant elles-mêmes l’avoir déjà pratiqué au cours de leur existence.

Il faut toutefois attendre l’élection de Valéry Giscard d’Estaing à la présidence de la République en 1974 pour voir sa ministre de la Santé, Simone Veil, s’emparer du sujet pour le légaliser.
Finalement, le 17 janvier 1975, elle fait adopter la loi légalisant l’interruption volontaire de grossesse (IVG).

Ce combat montre que l’altérité, même en politique, n’est pas toujours prise en compte : dans un univers à l’époque très masculin, les droits des femmes n’étaient que très peu débattus.

Les droits des homosexuels

Les personnes homosexuelles ont longtemps été mises à l’écart de la société, car ils n’avaient pas accès aux mêmes droits que les personnes hétérosexuelles. Par exemple, le couple homosexuel n’était pas reconnu : il n’existait pas de lien juridique officiel possible entre deux personnes du même sexe.
L’homosexualité était d’ailleurs considérée en France comme une maladie mentale jusqu’en 1981 !

Cela a beaucoup évolué avec la mise en place du PACS (pacte civil de solidarité) en 1999 et du mariage civil homosexuel en 2013.
Ces deux actes permettent une reconnaissance des couples homosexuels qui obtiennent les mêmes droits que les couples hétérosexuels, notamment concernant l’acquisition de biens en commun.

Également, en août 2021, la loi bioéthique a permis l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA), telle que la fécondation in vitro (FIV), aux couples de femmes.

Mais aujourd’hui encore, les couples homosexuels et hétérosexuels ne sont pas tout à fait égaux devant la loi : les couples homosexuels ont plus de difficulté pour adopter un enfant, ce qui est discriminatoire à leur égard.

Les combats pour l’égalité dans la vie civile

Si les combats pour l’égalité se jouent beaucoup sur le terrain politique, cela n’empêche pas la vie civile française de s’en emparer. Les citoyennes et citoyens de la vie civile qui luttent pour l’égalité sont souvent issus du monde associatif.

  • La fondation Abbé Pierre et l’association DAL (pour Droit Au Logement) luttent ainsi contre l’exclusion et la précarité des sans-abris et des mal-logés.

Mais le combat se mène aussi sur le plan artistique.

  • Citons notamment le jeune auteur Édouard Louis, qui, dans ses écrits, met en avant la difficulté d’être homosexuel lorsque l’on est issu d’un milieu à la fois populaire et rural.
  • Sur un registre plus léger, la comédie Intouchables, sortie en 2011 et réalisée par Olivier Nakache et Éric Toledano, met en avant un duo improbable entre un jeune homme sans emploi issu d’une banlieue populaire (incarné par Omar Sy) et un notable parisien vivant aisément mais atteint d’une tétraplégie particulièrement handicapante.
    La problématique du film, située dans le registre de la comédie, est de montrer la rencontre de deux mondes que tout oppose et la façon dont va se créer pourtant une belle amitié. Inspirée d’une histoire vraie, ce long-métrage connut un important succès critique et commercial.
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À retenir

Le combat pour l’égalité en France et la reconnaissance de l’autre prend donc différentes formes et se joue sur différent terrains.

Conclusion :

Le respect de l’autre, dans ses différences, est l’affaire de tous : citoyennes et citoyens, politiques, artistes…
C’est un travail de longue haleine qui nécessite la bonne volonté et la patience de toutes les composantes de notre société.

La prise de conscience des injustices liées à l’altérité a permis de grandes avancées législatives, notamment concernant les droits des femmes.

Si la situation actuelle des discriminations et de la prise en compte de l’altérité n’est pas encore pleinement satisfaisante, il convient toutefois de reconnaître que l’État travaille à la mise en place d’outils qui, progressivement, permettent de répondre à cette problématique.