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La construction européenne et la démocratie
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Introduction :
Depuis la signature du traité de Rome en 1957, l’Union européenne ne cesse de s’organiser, économiquement et institutionnellement d’abord, puis politiquement ensuite. Cette institution internationale s’agrandit au fil des traités et des évolutions historiques qui font bouger les frontières.
Dans ce contexte, on peut alors se demander si l’Europe et ses évolutions contribuent au renforcement de la démocratie.
Pour répondre à cette problématique, nous questionnerons dans un premier temps les principes qui façonnent la construction européenne, puis nous étudierons les institutions et la citoyenneté européenne. Enfin, nous conclurons sur les remises en cause de la construction européenne sur le plan démocratique.
Principes fondateurs de la construction de l’Union européenne
L’idée de l’Union européenne émerge dans un contexte de nécessaire reconstruction. En moins de trente ans, l’Europe a essuyé deux conflits mondiaux marqués par des politiques autoritaires et totalitaires.
Se relever de la Seconde Guerre mondiale
La conférence de Yalta (4-11 février 1945) voit les dirigeants Franklin D. Roosevelt (États-Unis), Winston Churchill (Royaume-Uni) et Joseph Staline (URSS) s’accorder sur le monde à reconstruire après la capitulation allemande.
Les pays européens, lourdement touchés par la guerre, doivent se relever économiquement, politiquement et socialement.
Dans ce contexte difficile, le monde plonge peu à peu dans la guerre froide qui voit s’opposer, lors d’affrontements indirects, le bloc de l’Ouest mené par les États-Unis, et le bloc de l’Est mené par l’URSS.
Afin de lancer la reconstruction des pays européens, la CECA est actée en 1951 par la signature du traité de Paris, avant d’entrer en vigueur en 1952.
La coopération dans le domaine de l’énergie et de l’acier entre les six pays signataires permet également de mettre au premier plan la volonté d’une paix durable garantie par la coopération et l’interdépendance.
La Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) rassemble les trois pays du Bénélux ainsi que la RFA, la France et l’Italie.
Elle a pour but de rendre la guerre matériellement impossible en créant un marché commun du charbon et de l’acier, matières premières indispensables aux industries.
Priorité au commerce et au droit
Afin de garantir une atmosphère propice à la paix, la CEE (Communauté économique européenne, à partir de 1957), puis l’UE (Union européenne, signature en 1992) établissent des traités et des institutions qui garantissent la paix entre les États membres.
Sur le plan économique, l’Acte unique européen signé en 1986 à Luxembourg et à La Haye instaure quatre libertés qui s’appliquent dans et entre les États membres :
En 2009, le traité de Lisbonne renforce les prérogatives de l’Union européenne : ainsi elle s’octroie une personnalité juridique (c’est-à-dire qu’elle est apte à mettre en place des droits et des devoirs).
En 2000, la Charte des droits fondamentaux est adoptée par l’Union européenne : elle rejette la peine de mort, affirme un ensemble de droits civiques et sociaux accordés aux citoyens européens et met en avant des valeurs d’égalité, de solidarité et de justice.
Sur le continent européen, le seul pays n’ayant pas aboli la peine de mort est la Biélorussie (État non membre de l’Union européenne).
Les tensions entre ce pays et les États membres sont importantes sur le sujet : l’Union européenne a notamment pris des mesures de sanctions à l’encontre de la Biélorussie (ex : embargo sur les armes) pour pénaliser son non-respect des droits de l’homme.
En construisant un espace économique sur les principes du libéralisme et en se dotant d’un arsenal juridique fondé sur une série de traités et sur l’affirmation de certaines valeurs partagées, l’Union européenne cherche à se bâtir une légitimité démocratique auprès des citoyens des pays qui la composent, mais aussi vis-à-vis de ses partenaires à l’international.
À présent que nous avons vu les principes de l’Union européenne, voyons leur mise en pratique à travers les institutions et la citoyenneté européennes.
Les institutions et la citoyenneté européennes
Des institutions qui se veulent démocratiques
Les institutions européennes peuvent aujourd’hui être séparées en trois catégories : les institutions politiques, les institutions économiques et les institutions judiciaires.
Les institutions européennes
Lors des élections de 2019, la France pouvait désigner 79 députés européens. Le parti LREM (La République en marche) a remporté 22,42 % des voix à l’échelle nationale, il a donc pu envoyer un nombre de députés en rapport avec le score obtenu (après un calcul qui tient compte de différents éléments que nous ne détaillerons pas ici, LREM a donc envoyé les 23 premiers noms de sa liste à Strasbourg).
Ce système de désignation des députés européens a été choisi à l’échelle de l’Union européenne pour faire valoir la démocratie représentative, système en place dans beaucoup de pays démocratiques.
Il y a en tout 705 parlementaires européens, qui ne disposent pas de l’initiative législative (ils ne peuvent pas proposer de lois). En revanche, ils peuvent voter les lois (ils se prononcent pour ou contre les lois qui leurs sont soumises au vote).
Toutes ces institutions tendent à démontrer que l’Union européenne se vit comme une entité solidement ancrée dans le droit et la démocratie.
Observons à présent de plus près les caractéristiques de la citoyenneté européenne.
La citoyenneté européenne
La citoyenneté européenne est un principe civique qui s’ajoute à la citoyenneté nationale. Ce changement d’échelle de la citoyenneté implique de nouveaux droits et devoirs.
Il existe certains avantages à détenir la citoyenneté européenne, dans des domaines variés comme l’éducation, la santé ou la vie civique.
La citoyenneté européenne garantit de nombreux avantages, mais aussi une certaine harmonisation du droit, mise en place par la Cour de justice européenne notamment.
Toutefois, si la citoyenneté européenne présente des avantages et participe à étendre les valeurs démocratiques, elle se heurte parfois à des problèmes dans son exercice.
L’Union européenne en crise ?
L’Union européenne se superposant aux États, sans toutefois les supplanter, la cohabitation entre l’une et les autres est parfois compliquée.
Un certain manque d’unité
Les lois de l’Union européenne doivent s’appliquer à l’ensemble de ses membres : le droit européen est donc contraignant dans une certaine mesure pour le droit national.
Sans lister tous les exemples, nous pouvons en évoquer certains qui sont représentatifs.
Commençons par la monnaie : l’euro est la monnaie réglementaire dans dix-neuf pays de l’Union européenne. Elle a physiquement cohabité avec les monnaies nationales pendant le premier semestre 2002 avant de les remplacer complètement à compter du 1er juillet 2002.
Dans le même ordre d’esprit, les budgets européens sont désormais soumis à l’approbation de l’Union européenne. Ainsi, depuis la ratification du traité de Maastricht, un pays ne doit, en théorie, plus présenter un déficit annuel public supérieur à 3 % du PIB. De même, la dette ne doit pas excéder non plus 60 % du PIB.
Par ailleurs, il existe une opposition entre les tenants d’un fédéralisme accru, avec davantage de pouvoirs transférés à l’Union européenne (certains souhaitent ainsi créer des États-Unis d’Europe), et les souverainistes qui souhaitent un retour à davantage d’autonomies des États membres (certains souhaitent par exemple le retour aux monnaies nationales).
Entre droit national et droit européen, entre fédéralisme et souverainisme, il est donc difficile d’établir une véritable cohésion sur le plan transnational.
Ainsi, le manque de cohésion de l’Union fut significatif en 2008, suite à la grave crise économique internationale : des pays comme la Grèce, l’Italie, l’Espagne ou le Portugal ont vu leur dette gonfler et leur taux de chômage s’envoler, plongeant l’économie de l’Union européenne dans la difficulté et soulevant alors la question d’une réelle cohésion économique et juridique.
Le manque de solidarité entre les différents pays européens s’est avéré criant et de nombreuses voix politiques et médiatiques se sont élevées pour réclamer une aide des pays les plus riches envers les pays les plus en difficulté.
Depuis cette crise, la croissance peine à repartir à la hausse au sein de l’Union européenne et la défiance entre les différents pays s’est renforcée.
Dernier exemple en date, le référendum en faveur du Brexit au printemps 2016 montre une autre fois à quel point la défiance des citoyens et des États envers l’Union européenne s’accroît.
Un accord ayant été trouvé entre le Royaume-Uni et l’Union, ce n’est plus qu’une question de temps avant qu’un pays quitte l’Union européenne pour la première fois de l’histoire.
La question du déficit démocratique
Le manque d’unité et la difficulté à former un territoire transnational traduit un déficit démocratique (manque de démocratie) dans l’organisation de l’Union européenne qui se manifeste également par la défiance des citoyens.
Les citoyens européens ne peuvent élire que les parlementaires en tant que représentants.
Cette élection n’existe que depuis 1979 : avant cela, chaque pays membre envoyait à la députation européenne un panel de députés issus de sa propre représentation nationale. Ces derniers, élus au suffrage universel direct dans leur pays respectif, devaient donc partager leur temps entre la représentation nationale et la représentation européenne.
En créant le statut de député européen, l’Europe a accru sa volonté de plus de démocratie, puisque les députés sont aujourd’hui élus au suffrage universel direct à un tour au scrutin proportionnel.
Toutefois, il n’y a pas de partis politiques européens : l’organisation des élections européennes se fait à l’échelle nationale avec des candidats nationaux et des enjeux présentés d’un point de vue national.
De plus, le Parlement européen n’a pas l’initiative des lois : les députés choisis par les citoyens européens manquent de poids alors qu’ils sont les seuls représentants à être directement élus par le peuple.
Le déficit démocratique de l’Union européenne provient en partie d’un manque d’organisation politique à l’échelle transnationale, ce qui ne permet pas aux citoyens de s’impliquer dans les enjeux à l’échelle européenne.
Le déficit démocratique de l’Union européenne provient également du fait que le rôle de contrôle démocratique joué par le Parlement (représentant les citoyens) est faible (pouvoirs limités).
Cette timidité des politiques sur l’Europe et la faible implication des citoyens européens tendent à creuser une défiance entre le peuple européen, d’une part, et les institutions européennes, d’autre part.
Cela se traduit dans les faits par une faible participation aux élections européennes. Ainsi, de 1999 à 2014, le taux d’abstention aux élections européennes a été systématiquement supérieur à 50 %, et il était encore de 49,9 % en 2019.
Les citoyens européens ont le sentiment d’être éloignés des prises de décision européennes, ce qui souligne un certain échec de la démocratie représentative.
Le traité de Lisbonne tente d’affirmer la démocratie participative (consultations publiques, plus de transparence) pour déclencher plus de lien entre les votes des citoyens et les orientations politiques engagées, mais cette participation reste très timide.
Conclusion :
L’Union européenne répond à un ensemble d’objectifs, principalement celui d’éviter le retour de la guerre sur le « Vieux Continent » par l’instauration d’un marché commun et la coopération des pays.
Ce faisant, l’Union européenne établit et porte par ses institutions un ensemble de valeurs démocratiques qui s’applique à tous les pays membres et qui est promu sur la scène internationale (respect et protection des droits de l’homme, établissement d’une citoyenneté élargie, volonté d’égalité et de solidarité, etc.).
Malgré ces bases qui se veulent démocratiques, l’Union européenne fait face à un défi qu’elle doit aujourd’hui tenter de relever : celui de faire réellement vivre la démocratie à l’échelle européenne. L’absence de réels partis politiques européens qui s’investissent au jour le jour dans la vie citoyenne auprès des habitants de l’Union est un problème pour la visibilité de la démocratie européenne. Une plus forte implication des politiques, un recours plus fréquent aux consultations citoyennes ou encore la prise en main de sujets majeurs (comme la lutte contre le réchauffement climatique) pourraient redynamiser la démocratie de l’Union européenne, qui entend lutter à armes égales avec les autres géants géopolitiques (États-Unis et Chine en premier lieu).