La crise du 6 février 1934

Introduction :

Depuis le début du XXe siècle, la France a traversé de nombreuses crises politiques qui ont eu des répercussions sur l’opinion publique du pays.

Nous verrons d’abord le déroulement de la crise du 6 février 1934 avant d’étudier l’interprétation qui en a été faite par les différents bords politiques et le rôle de la presse et des photoreporters dans le traitement de la crise. Mais tout d’abord donnons quelques définitions importantes.​

Définitions

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Définition

Opinion publique :

​L’opinion publique est l’ensemble des idées et des jugements partagés par la population sur tous les sujets de société.

L’opinion publique a pu se former grâce au progrès de :

  • la liberté de communication,
  • la liberté politique,
  • l’éducation via l’école républicaine.
  • la technologie, qui a favorisé la diffusion des journaux à un coût de plus en plus bas, entraînant une démocratisation de l’accès à l’information.
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Attention

Le terme « médias » est récent et l’on ne parle de médias de masse qu’à partir du XXe siècle avec l’apparition d’abord des journaux, puis des radios, des chaînes de télévisions, d’internet, et enfin des téléphones mobiles. Il faut être vigilant sur le contexte de la crise étudiée et ne pas parler de médias qui n’existaient pas à l’époque.

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Définition

Crise politique :

​Une crise politique est un moment particulier en démocratie où le pays a une « poussée de fièvre », liée à un événement qui choque l’opinion publique. Dans toute crise politique il y a un enjeu politique majeur.

Les médias, selon l’époque, jouent un rôle fondamental pour traiter l’événement, informer et faire basculer l’opinion publique dans un sens ou dans l’autre. L’objectivité absolue n’existant pas, chaque média façonne l’opinion publique à sa façon.

La crise du 6 février 1934

Le contexte

Dans les années 1930, la situation politique en Europe est tendue :

  • le communisme s’est imposé en URSS ;
  • l’Italie est fasciste depuis 1922 ;
  • l’Allemagne est nazie depuis 1933 ;
  • l’antiparlementarisme se développe en France.

D’un point de vue économique, l’Europe a été touchée par la crise de 1929, surtout l’Allemagne. En France, la crise est moindre grâce à un tissu industriel plus diffus et à une économie moins impliquée dans le commerce mondial.

  • ​À partir de 1933, la France est tout de même touchée avec un chômage en augmentation et une misère de plus en plus courante.

La France n’a pas une croissance démographique très forte, et la jeunesse n’est pas le centre de la société, alors tournée vers la guerre de 1914-1918 et ses anciens combattants.

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À retenir

Sur le plan des médias, la presse écrite est bien présente et la radio a fait son apparition. La photographie, liée au journalisme, représente une grande nouveauté. La photo de presse change la vision des Français de la presse écrite.

  • L​a photo possède un impact énorme car elle interpelle bien plus qu’un dessin ou une caricature. C’est le début d’une nouvelle profession : reporter photographe.

L’affaire

Tout débute par l’affaire Stavisky. Stavisky est un homme d’affaire malhonnête qui a réalisé des transactions financières obscures avec un ministre et plusieurs députés, il aurait bénéficié de l’indulgence des juges lors de plusieurs procès.

En janvier 1934, Stavisky est retrouvé mort.

  • S’agit-il d’un suicide ou d’un assassinat ?

La version officielle est qu’il s’agit d’un suicide. Mais une bonne partie de la presse penche pour un assassinat, car Stavisky savait des choses compromettantes sur beaucoup d’hommes politiques.

L’extrême droite organise des manifestations contre la classe politique corrompue et sème le trouble dans la société française. En conséquence :

  • des rédacteurs en chef de journaux d’extrême droite sont arrêtés et le gouvernement Chautemps démissionne ;
  • Daladier, le nouveau chef du gouvernement, remplace le préfet de police de Paris, Chiappe, trop favorable à l’extrême droite ;
  • les nationalistes, la droite conservatrice et les anciens combattants lancent un appel à manifester pour le 6 février 1934.

Une partie de la manifestation se dirige vers la Chambre des députés, symbole du pouvoir et de la démocratie. Pour protéger ce symbole de la République, la police utilise la force pour empêcher les manifestants de s’engager avec force et violence vers l’Assemblée nationale.

Bilan

  • ​17 morts et plus de 2 000 blessés.
  • Le 7 février, Daladier démissionne.
  • Formation dans l’urgence d’un gouvernement d’union nationale.
  • De nombreux journalistes et reporters photographes étaient présents et ont couvert cet événement.

La presse et l’interprétation politique

La couverture de l’affaire Stavisky et des émeutes

Dès le départ, la presse s’empare du problème Stavisky.

La une du Canard Enchaîné, journal satirique, ironise sur le supposé « suicide » de Stavisky, avec pour titre : « Stavisky se suicide d’un coup de revolver qui lui a été tiré à bout portant ».

Le photojournalisme commence à jouer un rôle de plus en plus important dans la couverture médiatique des événements. Lors de cette crise, il a montré la repression violente de la manifestation.

Le lendemain, la presse annonce la démission du gouvernement Daladier.

Deux interprétations différentes

La crise du 6 février 1934 fut interprétée de deux manières différentes.

Pour la gauche, les manifestants d’extrême droite voulaient mener un coup d’État en s’emparant de l’Assemblée nationale et la police a fait son travail pour maintenir la démocratie en France.

Pour le journal de gauche Le Populaire, cela ne fait aucun doute : c’est bien un coup d’État fasciste qui a été empêché le 6 février 1934.

De cette crise est née la volonté à gauche de s’unir devant le péril d’extrême droite. La gauche en France, comme partout en Europe, est divisée entre socialistes, radicaux et communistes. De ce point de vue, cette crise est une aubaine puisqu’elle fait naître le Front populaire.

  • Communistes, socialistes et radicaux de gauche s’allient pour faire barrage au fascisme en France. Cette alliance gagne d’ailleurs les élections de 1936.

En résumé, la réaction à gauche après le 6 février 1934, est l’union pour faire barrage au fascisme.

À droite et à l’extrême droite, la crise divise :

  • ​la droite conservatrice reste fidèle à la République tout en sapant son image et son autorité. La peur du communisme fait dire à beaucoup d’hommes politiques « plutôt Hitler que Staline » ;
  • ​à l’extrême droite, il n’y a pas un seul parti politique majeur capable d’unir les autres courants : sans leader pas de fédération.

L’extrême droite est divisée et les petits groupuscules qui la composent sont très nombreux. Les plus représentatifs sont :

  • l’Action Française de Maurras, monarchiste, nationaliste et antisémite,
  • et les Croix-de-Feu du général de La Rocque, issus des anciens combattants.

Conclusion :

La crise du 6 février 1934 marque le début de l’utilisation extensive de la photographie dans la presse française. Née d’une simple affaire d’escroquerie autour du personnage énigmatique et de l’homme d’affaire Stavisky, elle s’est transformée en véritable assaut de l’extrême droite contre le système parlementaire.

Les manifestations violemment réprimées et la montée des groupuscules fascistes ont eu des conséquences politiques majeures et ont remodelé l’espace politique français avec la création du Front populaire.