La décolonisation : la guerre d'Algérie

Introduction :

L’objet de ce cours est la guerre d’Algérie. Nous nous intéresserons tout d’abord aux premiers temps de la conquête et de la colonisation du pays jusqu’au début des troubles et au retour de De Gaulle. Puis, nous étudierons la deuxième phase de la guerre, de l’instauration de la Ve République jusqu’aux accords d’Évian et à l’indépendance.

La guerre d’Algérie : des débuts au retour de De Gaulle

La colonisation et les premiers troubles

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À retenir

La France a débuté la colonisation de l’Algérie en 1830. Cette conquête se conclut par l’annexion de l’Algérie à la République française, et par la création des départements français d’Algérie en 1848.

C’est une colonie de peuplement, c’est-à-dire que des colons venus de métropole succèdent aux militaires et s’installent massivement en Algérie. Ils sont suivis par des Alsaciens et des Mosellans, fuyant leurs territoires annexés par l’Allemagne en 1871, des Espagnols, des Italiens et des Maltais. Beaucoup de colons s’installent en Algérie alors que la conquête et la pacification du pays ne sont pas terminées. Celles-ci furent très violentes : il fallut une vingtaine d’années pour conquérir le pays, et encore une vingtaine d’autres pour pacifier temporairement les derniers territoires en révolte.

  • L’installation de colons a perduré à la fin du XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle. Si bien qu’en 1945 on comptait 1 million de Français d’origine européenne pour 9 millions d’Algériens.

Même si le territoire algérien était un territoire de droit français, l’écrasante majorité des Algériens était soumis au code de l’indigénat. Le code de l’indigénat a été mis en place en 1881 par la France pour contrôler les populations colonisées et prévenir toute rébellion. Il était constitué d’un ensemble de textes discriminatoires qui privaient de fait les Algériens de l’égalité civique et politique, en leur interdisant par exemple de se rassembler ou de voyager sans autorisation, et en limitant leur droit de vote. Le code a également mis en place de lourdes sanctions pour toute forme de contestation à l’encontre de l’occupant français. À tout cela s’ajoutaient des inégalités sociales et économiques criantes entre les deux communautés. Seule une infime partie de la bourgeoisie algérienne était sur un pied d’égalité avec les citoyens français.

Du fait de l’occupation de leur territoire et de ces inégalités de traitement, le désir de rébellion se fait de plus en plus fort chez les Algériens. Le 8 mai 1945, à Sétif, des Algériens se réunissent pour célébrer la capitulation des Allemands et la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe. La manifestation est aussi l’occasion pour les nationalistes algériens de faire entendre leur voix, en particulier en brandissant un drapeau algérien et en appelant à la fin de la colonisation.

  • La manifestation dérape, et la répression de l’armée est sanglante, le fossé est irrémédiablement creusé entre les deux communautés.

La première phase de la guerre 1954-1958

Neuf ans plus tard, rien n’a changé et la situation s’aggrave. Les nationalistes algériens s’unissent en octobre 1954 et créent le FLN, pour Front de libération nationale, afin de lutter efficacement contre les colonisateurs. Le FLN est doté d’une branche armée, l’ALN, pour Armée de libération nationale. Les premiers attentats et meurtres de Français commis au nom de la lutte pour l’indépendance ont lieu en novembre 1954. Malgré la violence, le gouvernement français est loin de penser qu’une guerre vient d’éclater.

Tous les gouvernements successifs de la IVe République martèlent que « l’Algérie, c’est la France », et restent inflexibles devant cette rébellion. Peu à peu les forces armées françaises engagent de plus en plus d’hommes et de matériel sur le terrain. C’est une véritable guerre qui ne dit pas son nom. Le gouvernement censure d’ailleurs le terme de guerre ; en Algérie, il s’agit d’une « opération de pacification ».

Devant l’intensification des combats et une organisation de plus en plus efficace du FLN, le gouvernement socialiste de Guy Mollet fait voter les pouvoirs spéciaux en Algérie et envoie le contingent, c’est-à-dire les appelés, des civils qui doivent faire 28 mois de service militaire obligatoire.

  • C’est un tournant majeur de la guerre.

La guerre se déplace à Alger sous forme de terrorisme contre la communauté d’origine européenne. Cafés, restaurants et bus sont la cible des bombes. Face aux attentats, l’armée est dotée de pouvoirs de police, et c’est elle qui est chargée de débusquer les terroristes. Pour déjouer ces attentats, elle a recours à la torture. Pour de rares membres de l’armée française, cela provoque un grand malaise.

  • Chose exceptionnelle, le général de Bollardière prend publiquement position contre l’usage de la torture. Cet engagement d’un haut gradé ne change pourtant pas la donne et l’usage généralisé de la torture devient un problème majeur dans l’armée.

En 1957, la bataille d’Alger est gagnée par l’armée française, le terrorisme y est momentanément vaincu.

Le retour de de Gaulle

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À retenir

Les différents gouvernements qui se succèdent à Paris sont dépassés par la guerre et n’arrivent pas à trouver de solution efficace. Les Français d’Algérie et les militaires perdent confiance en leurs dirigeants et pensent que la République va se séparer de la colonie, et lui accorder l’indépendance.

Le 13 mai 1958, une insurrection à Alger met le gouvernement français en grave difficulté. Des militaires, menés par le général Massu, prennent le contrôle de l’hôtel de ville et instaurent un comité de salut public, rejetant l’arrivée de Pierre Pflimlin comme président du conseil en métropole. Les militaires et les Français d’Algérie souhaitent que le général de Gaulle revienne au pouvoir car, pour eux, il est le seul capable de garder l’Algérie française. Le putsch d’Alger a un fort retentissement sur la scène politique. Le chef du gouvernement est contesté et perd sa légitimité, et le président de la République, René Coty, menace de démissionner si de Gaulle ne revient pas.

  • C’est donc sous la pression que le parlement français investit de Gaulle chef du gouvernement le 1er juin 1958. De Gaulle accepte, mais prévient qu’il va changer la Constitution de la IVe République, responsable selon lui des troubles que connait la France depuis des décennies.

En conséquence, non seulement la guerre permet à de Gaulle de revenir au pouvoir pour garder l’Algérie française, mais elle lui permet aussi de changer de République.

La guerre d’Algérie : de la Ve République à l’indépendance

La seconde phase du conflit

De 1958 à 1962 s’étend la deuxième phase du conflit. Après son élection en 1958, de Gaulle tient à Alger un de ses plus célèbres discours, mais aussi l’un des plus ambigu. Face aux Français d’Algérie, aux militaires et aux harkis, il prononce le fameux « Je vous ai compris… », que chacun prendra pour lui, estimant que le général les soutiendra le moment venu, ce qui renforcera le sentiment de trahison à la fin du conflit.

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À retenir

La Ve République, chère au général de Gaulle, est massivement approuvée par le peuple français via un référendum en septembre 1958, avec 80 % de « oui ». Pendant ce temps, la guerre continue en Algérie. Pour de Gaulle, il faut avant tout gagner la guerre pour pouvoir négocier la paix en position de force.

La France lance le plan Challe, véritable rouleau compresseur de l’armée française pour anéantir le FLN. En contrepartie, afin de préparer l’après-guerre et de réduire les inégalités entre la colonie et la métropole, le gouvernement élabore le plan de Constantine.

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Définition

Plan de Constantine :

Destiné à accélérer le développement économique en Algérie, le plan de Constantine prévoit la création de logements, l’implantation d’industries, la redistribution de terre agricoles confisquées aux Algériens ou encore un programme de scolarisation.

Mais il est trop tard. La France est condamnée à plusieurs reprises par l’ONU et en Europe pour ses exactions pendant la guerre, alors que le FLN est reconnu par de très nombreux pays. La France est en passe de gagner la guerre sur le plan militaire, mais elle la perd sur le plan diplomatique, politique et moral.

De Gaulle commence en secret des négociations avec le FLN. Pour lui, l’indépendance devient inévitable mais il faut préserver les intérêts français en Algérie, notamment le pétrole, le gaz et la base militaire de Reggane, dans le Sahara, où sont menés les essais nucléaires.

En janvier 1961, il lance le référendum sur l’autodétermination du peuple algérien, qui remporte un vif succès. À la question : « Approuvez-vous le projet de loi soumis au peuple français par le président de la République et concernant l’autodétermination des populations algériennes et l’organisation des pouvoirs publics en Algérie avant l’autodétermination ? », une large majorité de Français répond « oui ».

  • Pour les Français d’Algérie et les militaires du pustch de 1958, c’en est trop : de Gaulle est considéré comme un traître qui revient sur son soutien apparent à l’Algérie française.

Le putsch

En avril 1961, les militaires français mènent un nouveau putsch à Alger, et veulent poursuivre le coup d’État en métropole. Le mouvement est lancé par les généraux Challe, Jouhaud, Salan et Zeller. C’est un échec car l’essentiel de l’armée, et notamment le contingent, n’a pas suivi les insurgés. De plus, l’opinion publique et internationale soutient les efforts de De Gaulle pour mettre un terme au conflit. De ce coup d’État raté naît l’OAS, l’Organisation de l’armée secrète, constituée de militaires et de Français d’Algérie, déçus et trahis, qui se lancent dans la clandestinité et le terrorisme contre de Gaulle et le FLN.

  • En cette fin de guerre, on se dirige vers le chaos, et la violence s’étend à la métropole.

En octobre 1961, une manifestation d’Algériens parisiens finit dans un bain de sang. C’est le massacre du 17 octobre 1961. Des centaines d’Algériens sont jetés dans la Seine par la police sous les ordres de Maurice Papon, alors préfet de police de Paris. Auparavant, Maurice Papon avait participé activement à la collaboration sous Vichy.

En février 1962, certains partis politiques de gauche et des syndicats appellent à manifester à Paris contre la colonisation. La dispersion violente des manifestants par la police dans la station de métro Charonne tourne au drame. Le bilan des violences est lourd : 12 morts et des centaines de blessés.

En marge de ces flambées de violence, l’OAS commet des attentats à Paris contre de Gaulle et les membres du gouvernement.

L’indépendance

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À retenir

En dépit de la menace de l’OAS, de Gaulle signe les accords d’֤Évian le 18 mars, qui consacrent l’indépendance de l’Algérie.

En conséquence, l’OAS se déchaîne en métropole et en Algérie, où elle pratique la politique de la terre brûlée. Le groupe fait exploser des réserves de pétrole et de gaz, brûlant tout ce qui ne peut pas être emporté. On assiste à des massacres de musulmans par l’OAS et de Français par le FLN : c’est le chaos complet.

Les Français d’Algérie quittent le pays dans l’urgence, avec parfois juste une valise et quelques effets personnels. Ils laissent tout derrière eux. Un million de rapatriés, appelés « pieds noirs », rentrent en France, poussés par ces circonstances dramatiques.

Quelques milliers de Harkis, des Algériens de souche qui ont combattus aux côtés des Français, arrivent à échapper aux massacres du FLN. Mais des milliers d’autres sont restés en Algérie, abandonnés sur place par la France, et nombre d’entre eux sont exécutés par le FLN.

On ne pouvait imaginer pire décolonisation. La mémoire de cette guerre est encore très vive tant les violences ont séparé les deux communautés. Les cicatrices sont encore ouvertes des deux côtés de la Méditerranée.

Conclusion :

Depuis 1830, l’histoire entre la France et l’Algérie est très longue. Il faut comprendre que la colonisation de l’Algérie a été très compliquée et très rude. Le pays est immense, et les différents peuples y vivant sont attachés à leur liberté. La spécificité de la colonisation de l’Algérie réside dans le fait qu’elle a consisté en une colonisation de peuplement. Mais les Français d’Algérie n’ont jamais voulu instaurer l’égalité politique et civique avec les Algériens. Pour des raisons idéologiques, mais aussi car la démographie était largement en leur défaveur, les Algériens étant beaucoup plus nombreux. Les événements dramatiques du 8 mai 1945 et les conflits suivants ont empêché les deux communautés de continuer à vivre côte à côte. Il faudra plusieurs générations pour panser les plaies encore ouvertes de cette décolonisation extrêmement douloureuse.