Fables

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Fables, La Fontaine : la fable au service de la pensée

Introduction :

Depuis la célèbre formule de Descartes « je pense donc je suis » (cogito ergo sum, Discours de la méthode, 1637), le sens du mot « pensée » s’est réduit. Désignant au départ l’« ensemble des facultés psychologiques tant affectives qu'intellectuelles » il se résume dès lors à la seule activité intellectuelle (raisonnement, jugement, connaissance).
Dans cette seconde acception, la pensée s’oppose à l’imagination comme s’oppose, dans la pensée grecque, le logos au mythos.
L’imaginaire, qui construit et raconte des histoires, a longtemps été disqualifié au profit du raisonnement logique. Pourtant, et c’est ce que tend à prouver le genre de la fable, l’imaginaire peut avoir autant de force persuasive que la logique.

Il s’agirait de voir comment justifier le recours à l’imaginaire pour exprimer sa pensée.
Dans un premier temps, nous étudierons les relations entre mythos et logos et montrerons que ces deux modes de discours ont un double rapport d’opposition et de complémentarité. Puis, nous étudierons le contexte littéraire et politique qui a favorisé, au XVIIe siècle, l’intérêt pour les fables. Enfin, en nous appuyant sur une fable, « Le Pouvoir des fables » de La Fontaine, nous montrerons ce qui peut justifier, chez un écrivain, le choix de la fable pour exprimer ses idées.

Mythos et logos

Opposition du mythos et du logos

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Attention

Originellement mythos et logos partagent le même sens : la « parole », le « discours », qu’ils soient ancrés dans la réalité ou dans la fiction.

Le mot grec mythos s’applique à différentes formes de récit et signifie entre autres « légende » ; il est l’origine étymologique des mots français : « mythe » et « mythologie ».
Logos a donné, entre autres, le substantif « logique » et le suffixe « -logie ».

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Astuce

On retrouve ce suffixe dans de nombreux termes, comme « technologie », « archéologie » ou « cardiologie ».

  • Le logos se réfère à un ensemble de connaissances et au discours organisé qui sert à les transmettre.

L’étymologie de ces deux mots met en évidence leur opposition :

  • mythos s’inscrit dans l’imaginaire ;
  • alors que logos appartient à l’intellect.

Platon La République mythos logos Platon, copie du portrait exécuté par Silanion pour l'Académie d'Athènes vers 370 av. J.-C., 34 cm, Musée du Capitole, Rome

C’est à Platon (philosophe grec des Ve-IVe siècles av. J.-C.) qu’on doit l’acception selon laquelle le logos est idéologiquement supérieur au mythos.
Dans le livre III de La République, dans lequel Platon débat sur le principe de Justice dans la cité, il condamne les fictions des poètes car elles reposent sur l'illusion et le mensonge. Selon lui, elles doivent de ce fait être exclues de la formation intellectuelle des enfants.

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À retenir

Pour Platon, le mythos est associé à un état primitif de la pensée : certains mythes d'origines expliquent des phénomènes naturels en se référant aux dieux, au surnaturel alors que le discours scientifique, le logos, propose, pour ces mêmes phénomènes, des explications fondées sur la raison et s’appuyant sur des preuves.

Complémentarité du mythos et du logos

Cependant, Platon reconnaît au mythos une valeur pédagogique lorsque, prenant place dans un discours philosophique, il sert la vérité.
Le récit peut alors se faire mythe et mettre en scène des personnages légendaires, ou allégoriques.
C’est pourquoi l’auteur y aura recours plusieurs fois.

Sur une thématique similaire, le discours de Phèdre (dialogue écrit par Platon) propose une allégorie.

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Rappel

Une alégorie est la représentation d’une idée abstraite par une image concrète, souvent un être vivant.

L’âme humaine est représentée sous la forme d’un attelage ailé, formé d’un cocher et de deux chevaux :

  • l’un blanc (l’amour de la vérité), tire le char vers le haut ;
  • l’autre noir (désir, cupidité), le tire vers le bas.
  • Lorsque le cheval blanc domine l’autre, l’âme devient divine et ses ailes prennent de la force.
  • Lorsque c’est le noir qui l’emporte, l’âme s’enlise dans les réalités matérielles et ses ailes sont anémiées.

Si le cocher (la raison, l’esprit) sait dompter le mauvais cheval, le char peut s’élever dans le monde des Idées où résident le Juste, le Beau, le Bien, etc. Mais parce qu’aucun attelage n’est dépourvu de cheval noir, l’âme s’élève et rechute sans cesse.

  • Cette allégorie traduit la difficulté de l’étude philosophique qui doit offrir sagesse et connaissance de la vérité face à l’aspiration de tout un chacun pour les réalités matérielles (corps, argent…).

allégorie attelage ailé Détail du buste de jeune homme au camé représentant le char ailé, Donatello, vers 1460, bronze

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À retenir

Platon en appelle au récit pour suppléer la pensée rationnelle lorsque celle-ci se révèle incapable ou insuffisante à formuler certains concepts.

Selon Platon, le mythos est une approche concrète de la transcendance (ce qui est au-delà de nos perceptions innées). Pour toucher à l’irrationnel et au surnaturel en évitant la barrière de l’abstraction, on choisit de raconter des histoires.

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Astuce

Remarque :

Dans La Structure des mythes, Lévi-Strauss définit le mythe comme une réponse globale d’un peuple à plusieurs problèmes. Le mythe permet de tout expliquer d’un seul coup par une accumulation de signes.

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Rappel

  • Dans l’argumentation directe, l’auteur exprime son opinion (la thèse du texte) de manière explicite et en son nom propre.
  • Par opposition, l’argumentation indirecte consiste à exprimer ses idées de manière détournée, par le biais d’un récit, d’une allégorie, parfois à travers les propos d’un personnage de fiction.

Pour éviter les situations clivantes et les affirmations explicites que suppose une argumentation directe, non-dissimulée, le recours à l’argumentation indirecte permet de reléguer au second plan la dimension argumentative d’une histoire.

La fable au XVIIe siècle

La Fontaine fables fabuliste XVIIe Portrait de Jean de La Fontaine, Hyacinthe Rigaud, entre 1675 et 1685, huile sur toile 81,5 × 65,5 cm, Musée Carnavalet, Paris

Jean de La Fontaine (1621-1695) est le fabuliste français le plus renommé. Ses fables représentent un travail de plus de $25$ ans (1668 à 1694).
Dans le premier recueil dédié au dauphin, les intentions pédagogiques et morales de l’auteur sont explicitement formulées : « je me sers d’animaux pour instruire les hommes. »

Les fables ne sont donc pas considérées par La Fontaine comme un genre purement distractif : il leur accorde une dimension argumentative propre à persuader.

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Attention

On distinguera « convaincre » (par la raison), de « persuader » (par le cœur).

Les motivations de ce choix formel sont à rechercher, en partie, dans le contexte de l’époque.

la renard et la cigogne fable de La Fontaine Illustration de la fable « Le Renard et la Cigogne », François Chauveau, 1705

La querelle des Anciens et des Modernes

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Rappel

Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, la querelle des Anciens et des Modernes sévit. Elle divise les hommes de lettres en deux camps.

  • Les Anciens, menés par Boileau, défendent l’idée que la création littéraire doit reposer sur l'imitation des auteurs de l’Antiquité grecque et romaine, prétendue perfection artistique.
  • Quant aux Modernes, ils s’opposent à l’imitation et considèrent que la création doit innover aussi bien dans les formes que dans les thèmes traités.
  • La Fontaine appartient aux Anciens ; il inscrit donc sa production littéraire dans une longue tradition à laquelle les fables appartiennent.

C’est pourquoi ses fables sont, pour la plupart, le résultat d’une relecture et d’une réécriture de fables datant de l’Antiquité. Elles sont essentiellement inspirées des auteurs grec et latin Ésope (Ve-IVe siècle av. J.-C.) et Phèdre (Ier siècle av. J.-C.-Ier siècle ap. J.-C.).

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Attention

S’il s’est inspiré de ses célèbres prédécesseurs, on ne peut le considérer comme un plagiaire tant il développe, enrichit et scénarise ses fables.

Ces textes antiques, redécouverts dans leur langue d’origine par les humanistes du siècle précédent, font désormais partie de la culture classique de tout homme éduqué.

Le triomphe de l’absolutisme

Le XVIIe siècle est le siècle de l’absolutisme. Le roi jouit d’un pouvoir absolu : il détient les pleins pouvoirs dans les domaines législatif, judiciaire et exécutif.

  • Lui porter atteinte peut être très dangereux.
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Rappel

Une simple lettre de cachet (lettre cachetée transmettant les ordres du roi) entraîne l'incarcération ou l’exil d’une personne jugée dissidente, sans autre forme de jugement.

lettre de cachet Louis XIV Lettre de cachet exposée au fort-Royal de l'île Sainte-Marguerite, Alpes-Maritimes. En voici le texte : De par le Roy/Il est ordonné au sieur Parnau/de se transporter au couvent des Religieux/de la Charité à Charenton pour en tirer le nommé/de Montilion et le conduire aux îles Sainte-/Marguerite. Fait à Versailles le 28 février/1703/Signé : Louis

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Exemple

Le surintendant des finances, Nicolas Fouquet, fut par ce moyen condamné à l’emprisonnement à vie. Sa fortune et le faste des fêtes organisées dans son château de Vaux-le-Vicomte portaient ombrage au roi Louis XIV.

Or, La Fontaine était un ami de Fouquet et il le soutint au point de rédiger deux œuvres propres à infléchir la position du roi à son égard : Élégie aux nymphes de Vaux (1661) et Ode au roi pour M. Fouquet (1663).

  • Ces textes lui valurent un exil provisoire de la cour.

Quelques années plus tard, il publie ses premières fables qui travestissent les hommes en animaux et qui, nous allons le voir, peuvent porter atteinte à l’image royale.

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À retenir

La Fontaine peut ainsi offrir une peinture intemporelle de leurs travers et de leurs vices aux lecteurs, doublant ses récits d’une critique enjouée de la société au temps de Louis XIV et du roi lui-même.

Lutter contre la censure ?

La censure, acte par lequel le roi sanctionne un manuscrit ou autorise sa publication, est une institution puissante au XVIIe siècle. Richelieu et Colbert protègent les lettres – création de l'Académie française, mécénats d’écrivains –, mais ils les contrôlent également :

  • création d'une presse officielle ;
  • tentatives de réserver l'imprimerie à un petit nombre d’auteurs triés sur le volet ;
  • nomination de censeurs officiels, etc.

Richelieu est très attentif aux pamphlets et libelles. Le but est d’empêcher la divulgation d’idées nouvelles entraînant une remise en question du système en place et des pouvoirs politique et religieux.

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Attention

Il est très probable que La Fontaine, afin de contourner la censure, ait préféré peindre et critiquer la société de son temps par la voie détournée de la fable.
Ces fables ont cependant été publiées sous son nom et, si leur message politique nous paraît clair aujourd’hui, il devait être limpide pour les contemporains du fabuliste.

  • Le choix de la fable permet donc, avant tout, d’éviter des interdits brutaux.

Déjà, les fables antiques, dont celles d’Ésope, étaient tournées vers une condamnation des vices et des lâchetés humaines.

  • C’est un genre dont la naissance correspond à une critique globale de la société.
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À retenir

La Fontaine, en réécrivant des fables antiques, reprend cette forme satirique et l’applique à sa propre société. Cette force subversive est mise en avant par une des fables du livre VIII : « Le Pouvoir des fables ».

Le plaisir des fables

Le Pouvoir des fables

La qualité d'Ambassadeur
Peut-elle s'abaisser à des contes vulgaires ?
Vous puis-je offrir mes vers et leurs grâces légères ?
S'ils osent quelquefois prendre un air de grandeur,
Seront-ils point traités par vous de téméraires ?
              Vous avez bien d'autres affaires
              À démêler que les débats
              Du Lapin et de la Belette :
              Lisez-les, ne les lisez pas ;
              Mais empêchez qu'on ne nous mette
              Toute l'Europe sur les bras.
              Que de mille endroits de la terre
              Il nous vienne des ennemis,
              J'y consens ; mais que l'Angleterre
Veuille que nos deux Rois se lassent d'être amis,
              J'ai peine à digérer la chose.
N'est-il point encor temps que Louis se repose ?
Quel autre Hercule enfin ne se trouverait las
De combattre cette Hydre1 ? et faut-il qu'elle oppose
Une nouvelle tête aux efforts de son bras ?
              Si votre esprit plein de souplesse,
              Par éloquence, et par adresse,
Peut adoucir les cœurs, et détourner ce coup,
Je vous sacrifierai cent moutons ; c'est beaucoup
              Pour un habitant du Parnasse.
              Cependant faites-moi la grâce
              De prendre en don ce peu d'encens.
              Prenez en gré2 mes vœux ardents,
Et le récit en vers qu'ici je vous dédie.
Son sujet vous convient ; je n'en dirai pas plus :
              Sur les éloges que l'envie
              Doit avouer qui3 vous sont dus,
              Vous ne voulez pas qu'on appuie.

Dans Athène4 autrefois peuple vain et léger,
Un orateur voyant sa patrie en danger,
Courut à la Tribune ; et d'un art tyrannique,
Voulant forcer les cœurs dans une république,
Il parla fortement sur le commun salut.
On ne l'écoutait pas : l'orateur recourut
              À ces figures violentes
Qui savent exciter les âmes les plus lentes.
Il fit parler les morts5, tonna, dit ce qu'il put.
Le vent emporta tout ; personne ne s'émut.
              L'animal aux têtes frivoles
Étant fait à ces traits, ne daignait l'écouter.
Tous regardaient ailleurs : il en vit s'arrêter
À des combats d'enfants, et point à ses paroles.
Que fit le harangueur ? Il prit un autre tour.
Cérès, commença-t-il, faisait voyage un jour
              Avec l'Anguille et l'Hirondelle :
Un fleuve les arrête ; et l'Anguille en nageant,
              Comme l'Hirondelle en volant,
Le traversa bientôt. L'assemblée à l'instant
Cria tout d'une voix : Et Cérès, que fit-elle ?
              — Ce qu'elle fit ? un prompt courroux
              L'anima d'abord contre vous.
Quoi, de contes d'enfants son peuple s'embarrasse !
              Et du péril qui le menace__
Lui seul entre les Grecs il néglige l'effet !
Que ne demandez-vous ce que Philippe fait ?
              À ce reproche l'assemblée,
              Par l'apologue réveillée,
              Se donne entière à l'orateur :
              Un trait de fable en eut l'honneur.
Nous sommes tous d'Athène en ce point ; et moi-même,
Au moment que je fais cette moralité,
              Si Peau d'âne6 m'était conté,
              J'y prendrais un plaisir extrême,
Le monde est vieux, dit-on : je le crois, cependant
Il le faut amuser encor comme un enfant.

Fables de La Fontaine, livre VIII, fable 4

1 allusion à l'Hydre de Lerne dont les têtes repoussaient après avoir été coupées
2 soyez content de, prenez plaisir à.
3 dont l'envie doit avouer qu'ils…
4 selon la commodité de la versification
5 en employant une prosopopée, c'est à dire qu'il utilise une figure par laquelle il donne la parole à un défunt ou à un personnage allégorique
6 non le conte de Perrault paru en 1694, mais celui qui est évoqué dans Le Malade imaginaire : D'une jeune fille surnommée Peau d'Âne et comment elle fut mariée par le moyen que luy donnèrent les petites formiz

Alt texte La déesse Cérès, détail de Cérès, Bacchus et Vénus, Jean Miel, 1645, huile sur toile, 142,5 × 162,7 cm

Cette fable présente la particularité d’être un manifeste en faveur des fables. Elle cherche à illustrer leurs forces rhétorique et persuasive. Son destinataire et les circonstances dans lesquelles elle est composée servent ce propos.

Un contexte et un destinataire précis

« Le Pouvoir des fables » est un texte adressé à Paul Barrillon, ambassadeur de la France en Angleterre de 1677 à 1688. Sa mission était de renforcer l’amitié entre les deux pays afin que Louis XIV, dont le règne fut marqué par un grand nombre de guerres avec l’étranger, fasse de l’Angleterre son alliée :

« […] que l'Angleterre
Veuille que nos deux Rois se lassent d'être amis,
J'ai peine à digérer la chose.
N'est-il point encor temps que Louis se repose ?
Quel autre Hercule enfin ne se trouverait la
De combattre cette Hydre ? et faut-il qu'elle oppose
Une nouvelle tête aux efforts de son bras ? »

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À retenir

Le destinataire de ce texte est un personnage sérieux, au rôle politique important.

C’est pourquoi, dans la première partie du texte constituant l’adresse au destinataire, La Fontaine feint de déprécier son cadeau : avec ironie, il minimise l’impact possible d’une fable sur un tel personnage et l’inadéquation du genre avec des sujets sérieux : « contes vulgaires », « mes vers et leurs grâces légères », « Vous avez bien d'autres affaires/À démêler que les débats/Du Lapin et de la Belette ».

Cette première partie se clôt sur un retournement amorcé par l’adverbe « cependant » :

Cependant faites-moi la grâce
De prendre en don ce peu d'encens.
Prenez en gré mes vœux ardents,
Et le récit en vers qu'ici je vous dédie.
Son sujet vous convient. »

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Astuce

Une transition entre ces deux étapes avait en fait été ménagée grâce aux images assimilant le roi à Hercule, ainsi que ses multiples ennemis à l’Hydre de Lerne.
La Fontaine annonce ainsi le rapprochement à venir entre l’ambassadeur de Louis XIV et l’orateur athénien.

La seconde partie du texte est constituée de cette fable dédicacée à l’ambassadeur. Il s’agit, en réalité, de deux fables puisque La Fontaine utilise ici, de manière originale, le procédé de la mise en abyme.

La mise en abyme au service d’un manifeste pour la fable

La fable principale utilisée comme écrin (la fable qui contient une fable) se situe dans l’Athènes classique et démocratique (« dans une république ») des Ve-IVe siècles av. J.-C., époque du philosophe Platon.
Son personnage principal s’adresse à la foule de ses contemporains : Athènes est en danger et l’orateur cherche à éveiller la conscience de ses compatriotes.

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Astuce

Remarque :

L’orateur de la fable fait songer à Démosthène, personnage historique qui, par ses discours, cherchait à sensibiliser les Athéniens au risque représenté par Philippe de Macédoine et ses ambitions guerrières.

Ses propos sont d’abord violents (« d’un art tyrannique », « voulant forcer les cœurs ») mais inefficaces (« on ne l’écoutait pas »).

L’orateur de la fable décide alors de raconter une histoire. Ce conte est en réalité une fable : il met en scène Cérès (déesse de l’agriculture), et des animaux. Son scénario est marqué par une apparente simplicité et le manque de relation entre son sujet et le message que veut faire passer l’orateur.

Pourtant, cette intervention va marquer les auditeurs et mobiliser leur attention. Cet intérêt est renforcé par les pauses ménagées dans le récit de l’orateur : elles provoquent ainsi un effet de suspens qui éveille la curiosité de son auditoire.

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À retenir

Ces courts récits narratifs à visée démonstrative sont appelés, depuis Ésope, des apologues.
Ils s’octroient un double objectif : à la fois plaire et instruire, en latin placere et docere.

Ici, la mise en abyme est originale justement parce que la fable enchâssée est inachevée. Tout comme les auditeurs athéniens, le lecteur de La Fontaine aimerait, lui aussi, en entendre la suite.

  • Habile procédé car il prouve, par l’exemple, l’intérêt que, tous, nous portons aux histoires.

L’apologue enchâssé est donc dépourvu de morale parce qu’inachevé. Cependant, il sert le message de la fable principale : raconter des histoires permet d’intéresser le public et donc, tout en lui plaisant, de lui délivrer un message.

La morale de la fable est explicite :

« Nous sommes tous d'Athène en ce point ; et moi-même,
Au moment que je fais cette moralité,
Si Peau d'âne m'était conté,
J'y prendrais un plaisir extrême,
Le monde est vieux, dit-on : je le crois, cependant
Il le faut amuser encor comme un enfant. »

La Fontaine affirme ici que, pour diffuser un enseignement ou une morale, il est parfois préférable de recourir au mythos plutôt que s’adonner uniquement au logos.

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À retenir

C’est le plaisir que provoquent les fables qui en garantit le pouvoir.

Conclusion :

Imaginaire et pensée ne sont donc pas antagonistes : le premier peut se mettre au service de l’expression d’une idée, d’une morale ou d’un message.
Dans « Le Pouvoir des fables », La Fontaine, sans contester la dimension politique et critique de ce genre de récit, en affirme la supériorité sur toute autre forme de texte argumentatif grâce au plaisir qu’elles provoquent.