Le continent africain face au développement et à la mondialisation

Introduction :

Le continent africain fait très souvent la une des médias pour des raisons de conflits, de famine ou de troubles socio-économiques. C’est le continent où les populations sont les plus pauvres de la planète.

Mais l’Afrique ne se réduit pas à ce constat alarmiste, loin de là. Le continent est extrêmement contrasté sur le plan économique et politique. Certes, il est touché par de nombreux fléaux, mais c’est un continent qui regorge de richesses naturelles et humaines. Il existe une Afrique qui est en marche et qui s’insère peu à peu dans l’économie mondiale. Le continent africain est aussi convoité pour toutes ses richesses. Il faut rappeler que l’ensemble de l’Afrique fut soumis à la colonisation européenne, qui a laissé des traces très importantes. Nous ferons tout d’abord un état des lieux du continent, avant d’analyser les dynamiques de développement suivant les régions. Pour finir, nous relèverons et analyserons les grands défis que le continent doit affronter.

Un état des lieux du continent africain

Situation économique

Plus d’un milliard d’Africains ne disposent en moyenne que de 3 200 dollars par an et par habitant pour vivre. Le commerce extérieur de tout le continent ne dépasse pas 3 % des échanges mondiaux. L’Afrique n’attire que 2 % des investissements mondiaux.

  • L’Afrique ne pèse donc pas lourd dans les échanges. Certes l’Afrique fournit des sources énergétiques et des matières premières, mais très peu de produits manufacturés.
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À retenir

Si le continent africain ne maîtrise pas son développement, c’est parce qu’il ne contrôle pas le prix des matières premières et des sources énergétiques. Il ne contrôle pas non plus l’aide internationale, qui fluctue d’une année à l’autre, ni les politiques imposées par le FMI, le Fond monétaire international, qui sont extrêmement contraignantes.

L’Afrique est une terre de contrastes et d’inégalités.

Plusieurs Afrique se distinguent. En effet, le Nord et le Sud de l’Afrique sont plus riches que le reste du continent. L’Afrique du Sud, l’Égypte et l’Algérie ont un PIB particulièrement élevés, contrairement à la Somalie, au Soudan du Sud ou à l’Érythrée (situés à l’est du continent) .

Plus de 400 millions d’Africains sont dans la pauvreté monétaire.

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Définition

Pauvreté monétaire :

Selon la Banque mondiale, la pauvreté monétaire désigne le fait de vivre avec moins de 1,25 $ par jour.

Situation humaine et géopolitique

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Définition

Indice de développement humain :

L’IDH est basé principalement sur l’espérance de vie, le niveau d’éducation, et le niveau de vie.

L’espérance de vie sur tout le continent est de 58 ans mais avec des écarts très importants.

  • En Tunisie c’est 74 ans en moyenne et au Sierra Leone, seulement 48 ans.

Le taux de scolarisation du continent est de 48 %.

  • Là aussi les écarts sont très importants : 95 % en Algérie contre 8 % en Somalie.

Sur le plan sanitaire, les chiffres globaux sont mauvais : malnutrition, analphabétisme, travail des enfants, mortalité infantile très élevée, statut de la femme très inégal à celui de l’homme, autant de fléaux qui sont à combattre sur le sol africain. L’Afrique compte 230 millions de sous-alimentés selon l’ONU.

Le continent Africain est aussi frappé par de nombreuses maladies qui font des dégâts sur les populations les plus fragiles :

  • le paludisme, parasite transmis par le moustique, continue encore et toujours de faire des ravages ;
  • l’épidémie du sida est la plus répandue sur ce continent: 70 % des séropositifs mondiaux se trouvent sur le continent africain ; l’Afrique du Sud étant le pays le plus touché, avec 12 % de sa population séropositive.

35 % des réfugiés mondiaux se trouvent sur le sol africain. Le continent africain est régulièrement secoué par des conflits religieux, ethniques, tribaux, économiques et politiques, ce qui explique ce chiffre très important.
Le nombre de conflits et d’interventions étrangères ou onusiennes est considérable.

Derrière tous ces conflits se trouvent des problèmes économiques et sociaux, et c’est le partage des richesses qui est en jeu. L’indice de perception de la corruption est un indice qui se concentre sur le secteur public. Son échelle va de 0 (corruption systématique) à 10 (absence de corruption).

  • La très grande majorité des pays africains sont corrompus et ont un indice inférieur à 5 sur cette échelle, signe de corruption très répandue.

L’instabilité politique est constante dans de très nombreux pays, ce qui ne s’accorde pas avec un développement sur le long terme et n’incite pas les investisseurs étrangers à miser sur le continent.

Les infrastructures scolaires, médicales, de transports mais aussi industrielles et agricoles sont insuffisantes. L’on pourrait s’arrêter à ce portrait sombre et fataliste de l’Afrique. Pourtant ce continent regorge de richesses naturelles et humaines.

Les dynamiques du développement

L’Afrique est un géant pour les minerais traditionnels et rares. C’est le plus gros fournisseur de la plupart des minerais et pierres utilisés par l’industrie du Nord. De nombreux gisements colossaux de fer, phosphate et sel sont également présents sur le sol africain.

Pour les énergies fossiles, que ce soit le pétrole, le gaz naturel ou le charbon, l’Afrique est le continent de l’avenir.

Une grande majorité de la population africaine est très jeune et aimerait prendre part à la création de richesses.

Le continent africain est en croissance positive, c’est-à-dire que le PIB par habitant progresse. Des investisseurs s’intéressent à certains pays du continent.

Une partie de l’Afrique « décolle » économiquement : l’Afrique du Sud, l’Algérie, le Nigéria, le Maroc, l’Angola et l’Égypte font partie des pays que l’on nomme « les lions africains » en référence aux « tigres d’Asie ». Ces pays tirent la croissance du continent avec 60 % du PIB à eux seuls.

Une classe moyenne y apparaît et soutient la consommation. Le bond de géant de la téléphonie mobile sur le continent en est un symbole. La couverture des villes atteint 90 % sur le continent, et 40 % dans les campagnes.

Johannesburg, vitrine de la réussite de l’Afrique du Sud Johannesburg, vitrine de la réussite de l’Afrique du Sud - © Dylan Harbour - CC BY-SA 3.0

Les ressources énergétiques et minières attirent de très nombreux pays. Outre les anciens colonisateurs comme la France ou le Royaume-Uni, les États-Unis, la Chine, l’Inde, le Brésil, la Turquie visent le potentiel africain. Les transnationales de ces pays sont présentes et on assiste à une concurrence acharnée pour décrocher des contrats juteux. La Chine est présente dans 40 pays africains, l’Inde fait aussi une percée remarquée dans de nombreux pays.

  • Le continent africain s’internationalise.

Même les terres agricoles africaines sont un enjeu. De nombreux pays du Nord ou émergents y louent ou y achètent des terres agricoles. On appelle cela le land grabbing.

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Définition

Land grabbing :

Le land grabbing, ou « accaparement des terres », est une prise de contrôle du secteur agricole pour compenser une production déficitaire ou pour peser sur les marchés mondiaux des denrées alimentaires.

De grands chantiers sont en cours sur tout le continent pour désenclaver de très nombreux pays du continent.

  • Routes, autoroutes et voies de chemin de fer sont prévues, et pour certaines déjà en chantier.
  • L’aménagement de ports africains en eau profonde comme à Djibouti est prévue.
  • Des autoroutes numériques doivent être installées pour connecter l’ensemble du continent.
  • Des lignes TGV entre Tanger et Marrakech et de Tanger vers l’Algérie sont à l’étude.

Gazoducs et oléoducs sont en cours de construction aussi pour acheminer ces énergies vers les principaux ports. D’immenses chantiers de barrages hydroélectriques sont en projet ou en chantier pour électrifier l’immense population africaine. Le potentiel hydroélectrique africain est énorme. Le continent africain possède de nombreux chantiers potentiels.

Cette croissance repose néanmoins beaucoup sur des économies de rente.

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À retenir

Les économies de rente reposent sur les exportations des produits énergétiques ou des matières premières peu ou pas transformées, et qui n’ont pas entraîné de l’industrialisation ou du développement.

Cette économie de rente a enrichi une certaine élite africaine et les inégalités sociales ont considérablement augmenté dans de nombreux pays : les tensions sont alors très vives. Les inégalités sont aussi spatiales. Les territoires urbains, miniers et industriels, les zones transfrontalières et leurs trafics sont privilégiés.

  • On perçoit des « corridors » de développement dans toute l’Afrique.

L’intérieur des terres, lui, est plutôt délaissé.

Les défis à relever du continent africain

Défis démographiques

Avec une population proche d’un milliard d’habitants, l’Afrique doit faire face à un véritable enjeu démographique. Les prévisions donnent un continent africain de 2 milliards d’habitants vers 2050.

  • Le Nigéria, l’Éthiopie et l’Égypte en seront les poids lourds démographiques.

Le défi est de contrôler cette démographie par rapport aux ressources agricoles que le continent peut offrir pour nourrir ses populations. La sous-alimentation et la sous-nutrition touchent 30 % de la population africaine. Pour en mesurer l’impact, on utilise l’indice global de la faim.

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Définition

Indice global de la faim :

Indice qui prend en compte le pourcentage des sous-nourris, des enfants en-dessous du poids normal et la mortalité des enfants de moins de 5 ans.

Certains pays comme le Niger ou l’Éthiopie dépassent même les 30 % de la population tombant sous l’indice global de la faim.

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À retenir

L’agriculture africaine n’est pas assez productive et doit faire face à plusieurs fléaux : les aléas climatiques, les fluctuations des prix des denrées agricoles, la déforestation, la désertification et enfin, et surtout, la concurrence déloyale des pays du Nord.

  • L’Afrique ne cesse d’importer des denrées alimentaires et si la démographie galopante se vérifie, le continent devra faire face à de nouveaux défis liés à l’alimentation de sa population.

L’urbanisation liée à la poussée démographique est aussi un défi. D’immensesbidonvilles existent déjà dans les principales agglomérations africaines comme au Caire ou à Casablanca, ou comme les tristement célèbres townships d’Afrique du Sud. De plus, les mouvements migratoires forcés vont être multipliés par les masses démographiques en jeux et les ressources agricoles très mal réparties.

Photo de bidonville au Caire, en Égypte Photo de bidonville au Caire, en Égypte - ©Ventus - CC-BY-SA-3.0

Défis environnementaux

En plus de la démographie et de l’urbanisation, les défis environnementaux à relever sont énormes. Si la pression démographique joue sur les terres agricoles, la déforestation accentue aussi l’érosion et la désertification des terres.
Cependant des progrès ont été réalisés dans certains secteurs agronomiques, en particulier sur des variétés de riz et d’igname plus résistants.

Les changements climatiques touchent le continent dans son ensemble. Les pluies sont de moins en moins importantes sur les pays subsahariens et la végétation en souffre.

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À retenir

Pour combattre la désertification, un mur vert, composé de plantations et d’arbres, a été érigé au Sénégal pour stabiliser les sols. Le but est à terme d’étendre cette « muraille verte » de 15 km de large sur plus de 7 000 km jusqu’à Djibouti !

Carte de la Grande muraille verte Carte de la Grande muraille verte

Allié à un projet global de développement, ce projet ambitieux doit permettre l’amélioration des conditions de vie au sud du Sahara.

La démographie galopante des villes entraine également une pollution par les gaz d’échappement, et la gestion des déchets ménagers va poser de manière encore plus aigüe des problèmes environnementaux. Sans oublier les déchets industriels, exportés par les pays du Nord afin d’être « recyclés ». En réalité, beaucoup de ces déchets terminent dans des décharges à ciel ouvert.

Défis politiques

D’un point de vue politique, l’Afrique doit faire face aux défis du développement et de la démocratie. Le principal enjeu est de sortir des économies de rente pour amorcer une véritable industrialisation et un développement agricole et tertiaire.

Des blocages restent bien présents, en particulier le manque d’infrastructures de transport, l’énergie électrique largement inaccessible et une main d’œuvre peu qualifiée.

  • Le manque de démocratie et la corruption entravent un développement au long terme.

Les impôts ne rentrent pas ou peu. La mondialisation n’est pas favorable au continent africain qui se retrouve en concurrence avec des produits largement subventionnés par les pays du Nord.

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À retenir

Les transnationales qui exploitent énergies et matières premières ne reversent que peu d’impôts à des gouvernements corrompus qui accaparent les richesses des pays. Les populations africaines ne voient que très peu, voire pas du tout, les retombées des mannes pétrolières ou minières.

Malgré de nombreuses organisations politiques ou économiques, la plupart des pays africains n’ont pas encore d’organisations politiques suffisamment autonomes.

La coopération entre pays existe pourtant, et les organisations africaines sont nombreuses mais ont du mal à être efficaces, notamment sur le plan politique et militaire.

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À retenir

La CEDEAO par exemple, Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest, regroupe depuis 1977 15 états de l’Afrique de l’Ouest, afin d’améliorer la coopération économique et assurer le maintien de la paix dans la région.

La démocratie semble néanmoins gagner petit à petit du terrain. Les « printemps arabes » de 2011 sont peut-être le signe d’un début de véritable démocratie en Afrique du Nord, du moins en ce qui concerne la Tunisie.

Conclusion :

Il faut balayer les lieux communs sur l’Afrique. Il n’existe pas de déterminisme lié à des conditions climatiques ou à des habitants vus comme éternellement pauvres. L’Afrique fut colonisée et en partie pillée par des pays du Nord qui n’ont pas industrialisé le continent.

L’état des lieux est certes négatif sur de nombreux plans mais si les richesses exploitées sont réinvesties dans les sociétés africaines de manière assez équitable, le milliard d’Africains sera prêt à relever les défis de la croissance. L’Afrique possède de nombreux atouts : richesses naturelles, population jeune et des perspectives de croissance énorme.

Une mondialisation plus respectueuse des pays fragiles, la lutte contre la corruption et de véritables démocraties permettraient de relever ces défis. Une Afrique en développement serait un immense marché pour les pays du Nord, et la Chine l’a bien compris. Pour finir, un équilibre écologique planétaire passe par une maîtrise de l’environnement africain.