Le vivant

Introduction :

La notion de vivant est complexe. Au sens strict, est vivant ce qui est animé par la vie. Bien que minimale, cette définition permet d’instaurer une frontière entre l’inerte, la chose, et les êtres vivants. La catégorie des êtres vivants regroupe l’Homme, la faune et la flore.

Nous étudierons ce qui caractérise un être vivant, et s’il possède un privilège au sein de la nature. Nous analyserons ensuite la relation de l’Homme avec les autres êtres vivants, en particulier l’animal, et plus globalement avec l’environnement. L’Homme peut-il se contenter d’utiliser les autres êtres vivants comme des ressources, pour préserver et améliorer ses conditions d’existence ? Ne leur doit-il pas une certaine forme de respect ?

Le vivant est-il un privilégié dans la nature ?

Les règnes vivants

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Définition

Vivant :

Au sens large, le vivant définit tout être animé d’un principe de croissance interne. Par exemple, une plante pousse par ses propres forces, alors qu’un meuble n’a pas cette capacité. La plante est également capable de respiration et de reproduction.

C’est pourquoi d’un point de vue biologique, il est considéré que le vivant regroupe les règnes végétaux, animaux et humains. Les vivants sont capables de respirer, croître et se reproduire. Ils ont ces capacités parce qu’ils ont tous en commun de posséder la vie.

  • La vie est ce qui anime un être et lui donne certaines capacités.

En philosophie, le principe de vie qui anime un être se nomme l’âme, du latin anima qui signifie « ce qui anime, rend vivant ».

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À retenir

Un être vivant possède donc une âme. La matière inerte, comme un caillou ou un meuble, n’en possède pas.

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Réflexion

La notion d’âme selon Aristote

Selon Aristote, l’âme est un principe immatériel qui met en mouvement un corps et le fait vivre, avec des fonctions vitales de nutrition et de reproduction. L’âme donne aussi au vivant sa sensibilité et, exclusivement à l’Homme, une raison. Pour expliquer le vivant, Aristote postule l’existence de l’âme, c’est-à-dire qu’il la pose sans la prouver. L’âme est une substance capable d’animer la matière. Il n’existe aucune preuve scientifique de son existence. C’est une entité métaphysique ou religieuse qui accorde un statut privilégié aux être vivants, par rapport à la matière inerte.

Certains penseurs rationalistes comme Descartes au XVIIe siècle, combattent l’explication aristotélicienne de l’âme qui anime le vivant car ils la jugent trop irrationnelle. Ils cherchent donc à expliquer scientifiquement le vivant. Descartes par exemple croyait que le corps était animé par un mécanisme, et non par une âme.

Descartes et le mécanisme

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Réflexion

Le vivant selon Descartes

Le mécanisme cartésien compare les êtres vivants à des machines. Leurs mouvements sont mécaniques, ils résultent de l’agencement des poulies et des leviers propres à leur espèce.

L’Homme et l’animal sont deux espèces différentes qui ont en commun de posséder un corps. Décrire la mécanique de leur corps suffit à progresser sur le terrain médical, comme en chirurgie par exemple. Mais cela ne veut pas dire que Descartes nie l’existence d’une âme.

Chez Descartes, l’âme est le privilège de l’Homme car elle est identifiée à l’esprit, à la conscience. Seul l’Homme, être pensant, a une âme. L’Homme et l’animal ont donc une différence de nature. En revanche, il n’y a pas de différence de nature entre un animal et une chose. Les deux sont uniquement composés de matière, certes en mouvement pour l’animal. Cette théorie est celle des animaux-machines.

La réduction du vivant à une machine

Descartes considère donc les animaux comme des machines. Ils seraient dénués de sensibilité et de conscience. Pourquoi éprouve-t-il cette certitude ? Descartes explique que l’animal obéit exclusivement à son instinct. Par exemple, un dresseur déclenche toujours la même réponse comportementale chez le lion en le stimulant toujours de la même manière. Pareillement, si l’on donne un ver de terre à un perroquet à chaque fois qu’il dit « bonjour », il suffira d’agiter un ver de terre devant lui pour qu’invariablement, il dise « bonjour ». Pour Descartes, cela prouve que l’animal est un pur mécanisme doué de réflexes. C’est pourquoi il affirme qu’un jour, l’Homme pourra inventer une machine en tout point semblable à un animal.

Implications éthiques

Même si elle est aujourd’hui dépassée sur le plan idéologique, la conception de Descartes sur les animaux a fait d’eux des biens aux yeux de la loi. Et l’exploitation des animaux est autorisée pour l’expérimentation, l’élevage, l’abattage et la vente. Les abus et maltraitances trop souvent constatés montrent à quel point les hommes sont sourds à la souffrance animale.

Cependant, les recherches en éthologie, la science qui étudie le comportement animal, démontrent l’intelligence et la sensibilité des animaux. Les grands singes, les dauphins ou la pieuvre possèdent une certaine forme de pensée, et des émotions qui dépassent la simple expression du besoin de nourriture. La conception cartésienne des animaux machines est donc largement remise en cause par la science depuis plusieurs années. Les animaux et le vivant en général doivent être considérés comme différents de la chose inerte, et donc pouvoir faire l’objet d’un traitement moral de la part de l’Homme.

Le respect du vivant

La notion de respect

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Réflexion

Le respect selon Kant

Au sens philosophique, Kant définit le respect par le sentiment moral qui permet à une personne de reconnaître un autre être humain comme une fin, et pas seulement comme un moyen.

C’est la différence fondamentale entre les objets et les personnes. Je peux user d’un objet comme bon me semble, car il n’est pour moi qu’un moyen d’agir. Au contraire, je ne peux pas user d’autrui comme d’un objet, car ce serait le traiter en esclave. Maintenant que la définition de Kant est admise, on peut s’interroger sur sa portée. La notion de respect est-elle une valeur humaine réservée aux humains, ou peut-on la généraliser à l’ensemble du vivant ? De façon imagée, peut-on respecter la viande que l’on mange ou la carotte que l’on râpe au même titre qu’un autre être humain ?

L’animal est un moyen non une fin

L’animal et la carotte n’étant pas considérés comme des personnes, la définition kantienne du respect conçoit que nous les employions comme moyens et non comme fins. L’animal est un moyen de se nourrir ou une force de travail. Le végétal est un aliment, et parfois un ombrage ou une décoration. Nous les utilisons donc comme des objets, et ne les respectons pas au sens kantien. Que nous élevions le bétail ou cultivions des fruits et légumes pour nous nourrir, que nous dressions un chien pour notre plaisir ou un cheval pour nous aider à travailler, que nous exterminions les insectes jugés nuisibles ou porteurs de maladies, nous traitons toujours les espèces vivantes comme des moyens, et jamais comme des fins. La notion de respect est donc spécifiquement une valeur humaine, réservée aux humains.

La sélection naturelle

Par ailleurs, l’enseignement de Darwin au XVIIe siècle nous apprend qu’une profonde parenté existe entre les animaux et les humains. La théorie de l’évolution raccorde tous les vivants en un seul et gigantesque arbre généalogique. L’Homme n’est qu’une branche de cet arbre. Si nous nous accordons avec Darwin, nous devons admettre que les êtres vivants sont tous des proches cousins les uns des autres. Cette parenté implique alors un traitement équivalent.

Si toutes les espèces vivantes doivent être considérées à l’identique, pourquoi alors n’en protéger que certaines ? Pourquoi protéger les faibles, et risquer de dérégler l’ordre naturel de la sélection des vivants ? Pourquoi ne pas laisser faire la nature ? Parmi les espèces vivantes, le plus fort l’emporte naturellement sur le plus faible. Donc, il semble naturel d’utiliser les plantes et les animaux comme des ressources que nous pouvons « maîtriser et posséder », selon les termes de Descartes. Le respect, et plus généralement la morale, n’ont rien à voir dans ce processus de préservation de l’espèce humaine.

La considération pour le vivant

La protection du vivant

Le respect entre hommes tel que Kant l’a défini est difficilement défendable face au besoin de subsistance des humains. Il doit donc être abandonné lorsque l’on considère l’ensemble du vivant. Cependant, pouvons-nous plutôt parler d’obligation à l’égard du vivant ? Une obligation qui ne serait pas morale, mais pragmatique. Pour la survie de l’espèce humaine, n’est-il pas utile de protéger le vivant ? Aujourd’hui, la réponse à ces questions est claire. Nous devons protéger l’environnement au sens large pour des raisons de morale et d’utilité. C’est pourquoi le ministère de l’écologie du développement durable et de l’énergie ajoute l’écocitoyenneté à nos devoirs.

Le cadre juridique

Depuis quelques années déjà, la loi nous contraint à protéger l’environnement. Il est notamment interdit de chasser ou de pécher des espèces en voie d’extinction, mais aussi de dégrader ou de détruire certains être vivants inanimés, comme les plantes ou les roches propres à un écosystème.

Par ailleurs, nous mangeons de la viande et des végétaux.

Mais tous les animaux, parce qu’ils souffrent, méritent une considération qui dépasse notre seul intérêt nutritif ou gustatif. C’est pourquoi de plus en plus d’associations militent pour nous avertir de la façon dont les animaux sont traités dans les élevages, de la façon dont ils sont abattus. D’autres associations plus radicales militent pour le végétarisme ou le végétalisme, afin de ne plus considérer les animaux comme un simple moyen pour l’Homme de se satisfaire.

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À retenir

Dans tous les cas, il ne s’agit pas de considérer un animal comme un humain, mais de le traiter avec humanité, sans cruauté ni violence.

En nous comportant dignement avec l’animal, c’est à l’humain que nous rendons hommage, car l’exercice de notre conscience morale est ce qui nous différencie clairement de l’animalité.

Les droits de l’animal

Le 28 janvier 2015, l’Assemblée nationale a définitivement voté le projet de loi concernant le droit des animaux. Il relève du respect que nous devons au vivant en tant qu’êtres doués de raison.

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À retenir

Dans le Code civil, l’animal est désormais reconnu comme un « être vivant doué de sensibilité ». Il n’est plus considéré comme un bien meublé.

Le délit pour acte de cruauté envers les animaux domestiques a été établi en 1963. Nous ne risquons rien sur le plan pénal en cassant le pied d’une chaise. En revanche, lancer violemment et intentionnellement un chat en l’air est puni de deux ans de prison et 30 000 euros d’amende. Les animaux d’élevage sont régis par le code rural qui détermine la façon de les entretenir, de les élever et de les soigner. Il reconnaissait déjà l’animal comme un être sensible depuis la loi sur la protection de la nature de 1976. Ce texte ne définit plus l’animal exclusivement comme une valeur marchande. Il lui attribue une valeur intrinsèque, c’est-à-dire en tant qu’être vivant. Cette valeur intrinsèque est indépendante de la façon dont l’Homme peut exploiter ou consommer l’animal en question.

La justice prend donc enfin en considération l’avancée des recherches éthologiques, et valorise une éthique propre à notre relation aux vivants. La nouvelle loi concernant le droit des animaux n’est pas révolutionnaire, mais informera et sensibilisera d’avantage les juges à la condition animale. Ils prendront donc des mesures bien plus dissuasives pour punir les délits.

Conclusion :

Il est difficile de définir le vivant sans toucher à la considération morale qu’on lui accorde. Si l’on suppose que le vivant s’autorégule, l’Homme, qui est le plus intelligent des prédateurs, est en droit de s’autoréguler comme il le veut, sans considération morale.

Si l’on sacralise le vivant en revanche, une dimension éthique nous incite à le protéger pour des raisons de survie, ou par bienveillance en raison de notre nature, qui est aussi morale. Parler de respect du vivant est donc sans doute abusif. Le respect nécessite une relation réciproque entre deux personnes. C’est une notion propre à l’espèce humaine. Il est alors plus judicieux de parler de « protection », et non de « respect » du vivant.