Le 13 mai 1958

Introduction :

Depuis le début du XXe siècle, la France a traversé de nombreuses crises politiques qui ont eu, à chaque fois, des répercussions sur l’opinion publique du pays.

La crise du 13 mai 1958 se déroule en pleine guerre d’Algérie, sous la IVe République. Ce système politique a été parcouru de nombreuses crises similaires et n’était pas armé pour y faire face. Il a fallu le retour du général de Gaulle pour y mettre fin.

Il sera intéressant de voir tout d’abord la chronologie de la crise, avant d’étudier son dénouement puis ses conséquences. Mais donnons d’abord quelques définitions importantes.

Définitions

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Définition

Opinion publique :

​L’opinion publique est l’ensemble des idées et des jugements partagés par la population sur tous les sujets de société.

L’opinion publique a pu se former grâce au progrès de :

  • la liberté de communication,
  • la liberté politique,
  • l’éducation via l’école républicaine.
  • la technologie, qui a favorisé la diffusion des journaux à un coût de plus en plus bas, entraînant une démocratisation de l’accès à l’information.
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Attention

Le terme « médias » est récent et l’on ne parle de médias de masse qu’à partir du XXe siècle avec l’apparition d’abord des journaux, puis des radios, des chaînes de télévisions, d’internet, et enfin des téléphones mobiles. Il faut être vigilant sur le contexte de la crise étudiée et ne pas parler de médias qui n’existaient pas à l’époque.

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Définition

Crise politique :

​Une crise politique est un moment particulier en démocratie où le pays a une « poussée de fièvre », liée à un événement qui choque l’opinion publique. Dans toute crise politique il y a un enjeu politique majeur.

Les médias, selon l’époque, jouent un rôle fondamental pour traiter l’événement, informer et faire basculer l’opinion publique dans un sens ou dans l’autre. L’objectivité absolue n’existant pas, chaque média façonne l’opinion publique à sa façon.

Le 13 mai 1958

Le contexte

Après 1945, les médias se trouvent bouleversés par les évolutions techniques et sociétales.

L’ordonnance de 1945 concernant la presse trace une ligne directrice :

  • la presse doit être libre et indépendante, surtout financièrement ;
  • le pluralisme de la presse est encouragé car les autorités souhaitent rompre avec les méthodes de l’occupation ;
  • la presse écrite va prendre encore plus d’ampleur : multiplication des titres.

En ce qui concerne la radio, la possibilité de recevoir des radios périphériques change la donne : on peut capter, en France, des radios étrangères européennes de langue française, issues par exemple de Belgique, du Luxembourg ou de Suisse.

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À retenir

Il est maintenant possible de tenter de suivre les événements en direct. La recherche du direct devient la grande passion des médias et la course au « scoop » s’intensifie.

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Attention

La télévision existe, mais une toute petite minorité la possède : on ne peut pas parler de média de masse en 1958. Seul 10 % des Français possèdent un téléviseur.

  • Côté politique, la IVe République détient un record d’instabilité avec 21 gouvernements en 12 ans d’existence.

La IVe République débute en 1954 et les gouvernements successifs n’arrivent pas à tenir une ligne politique et militaire pour gérer ce conflit. La guerre d’Algérie précipite la France dans une crise majeure.

La crise du 13 mai 1958

Le 13 mai 1958, à Alger, des militaires prennent le pouvoir et menacent de lancer un coup d’État si de Gaulle ne revient pas au pouvoir. Pour les militaires, les Français d’Algérie, et bon nombre de leurs partisans, il n’y a que de Gaulle qui puisse garder l’Algérie Française et ramener l’ordre.

Les événements d’Alger sont repris par la presse écrite et les radios qui suivent en direct ce qui s’y déroule. Ils sont perçus différemment selon l’orientation politique des médias.

  • ​Pour la gauche, aucun doute : il faut faire barrage à ce coup d’État. C’est le cas en particulier de l’Humanité, qui titre « Alerte au fascisme ! »

Le 28 mai 1958, le président du Conseil, Pierre Pflimlin, démissionne. Problème : aucun candidat ne veut prendre le poste et la France se retrouve sans gouvernement.

René Coty, président de la République, menace de démissionner si de Gaulle ne revient pas au pouvoir.

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À retenir

Les pressions fonctionnent et de Gaulle revient au pouvoir le 1er juin. Il passe par l’Assemblée pour être investi.

Le dénouement de la crise et ses conséquences

Le dénouement

De Gaulle se présente devant l’Assemblée nationale de la IVe République pour y être investi en tant que président du Conseil, c’est-à-dire chef du gouvernement. Il pose une condition : changer la Constitution, et donc changer de République.

  • Nouveauté de l’époque, la télévision rentre peu à peu dans les foyers, et les événements majeurs y sont relatés. ​Les personnages politiques doivent s’adapter à ce nouveau média et s’en servir pour faire passer leur message.

De Gaulle est investi comme dernier président du Conseil de la IVe République, même si la gauche a voté contre. De Gaulle accède au pouvoir « grâce » à la guerre d’Algérie, et parce qu’il a promis de garder l’Algérie française.

Les conséquences de la crise

De Gaulle rédige une nouvelle constitution qu’il soumet au peuple français par référendum. Le « oui » l’emporte largement avec près de 80 %.

Affiche pour le oui à la Constitution prônée par de Gaulle Affiche pour le « oui » à la Constitution prônée par de Gaulle

Sur cette affiche, on perçoit le « V » de la victoire de la Résistance, et l’ombre du général derrière la Marianne. En bleu, blanc, rouge, garante de la République, on voit Marianne qui a brisé les chaînes de la IVe République. Encore une fois, de Gaulle apparaît en sauveur, qui vient libérer la France d’un oppresseur, cette fois identifié comme le « système ».

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À retenir

De Gaulle se fait élire président de la République au suffrage universel indirect en 1958. Il est le premier président d’une Ve République encore en vigueur aujourd’hui, après des aménagements assez nombreux.

Pour la presse de gauche, c’est une « Constitution monarchique » car elle donne trop de pouvoirs au président de la République.

  • ​La gauche crie d’ailleurs au coup d’État. François Mitterand, futur président de la Ve République (1981-1995)​, écrit un livre très critique sur cette Constitution Le Coup d’État permanent.

En réalité, la prise de pouvoir par de Gaulle s’est effectuée à l’Assemblée, lieu démocratique, mais dans des circonstances troubles.

Les menaces de démission et d’anarchie, et surtout les menaces de coup d’État de l’armée, qui avait déjà pris le pouvoir à Alger, ont produit une pression qui a favorisé le vote en faveur de De Gaulle. Les médias de l’époque ont suivi d’heure en heure les événements de cette crise.

  • C’est la nouvelle donne médiatique, il faut réagir au plus vite à l’actualité, si possible en direct.

Conclusion :

Le 13 mai 1958 représente une crise majeure, du fait de la pression de l’armée qui a déjà pris le pouvoir à Alger. Cette pression et la démission de Pflimlin vont précipiter le retour du général de Gaulle dans des circonstances peu sereines pour une démocratie. Le général ne revient qu’à la condition qu’il puisse instaurer une nouvelle république, remplaçant la précédente.

C’est l’instauration d’une nouvelle république stable, avec une seule crise et donc un seul gouvernement renversé en 55 ans. C’est aussi une présidentialisation de la République, un tournant dans l’histoire de France que certains ont perçu comme un retour feutré de la monarchie.

Tout cela s’est déroulé avec une presse écrite de plus en plus prolixe, une radio d’État mais diffusée partout, et les débuts de la télévision.