Socialisme, communisme et syndicalisme en Allemagne de 1945 à nos jours

Introduction :

Le mouvement ouvrier allemand a connu des débuts difficiles et s’est vite divisé. Fondé au XIXe siècle sous l’influence directe de la pensée de Karl Marx, il s’est scindé en deux tendances :

  • le socialisme (réformiste),
  • et le communisme (révolutionnaire).

Cette division perdurera bien après la Première Guerre mondiale, avec l’affrontement entre le parti communiste allemand révolutionnaire (KPD) et le parti social-démocrate (SPD). Le parti nazi profitera de cette division du mouvement ouvrier, qui sera ensuite sévèrement réprimé par Hitler.

Sur les ruines de l’Allemagne post-Seconde Guerre mondiale va se développer un nouveau conflit dans lequel socialistes et communistes vont jouer un rôle majeur : la guerre froide.

De 1949 à 1990, la division des deux Allemagne s’est traduite par une division de deux socialismes. L’Allemagne est divisée en deux nations, séparées par le mur de Berlin. Dans ce cadre, deux visions du socialisme se font face.

1945-1990, deux Allemagne, deux socialismes

La guerre froide a divisé l’Allemagne et sa capitale, Berlin, en deux.

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’URSS, qui a participé à la victoire contre les nazis, occupe le terrain à l’est de l’Allemagne. Son idéologie se base sur le marxisme-léninisme.

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À retenir

Après les divisions de la guerre, l’URSS demande aux socialistes du SPD et aux communistes du KPD de fusionner dans un parti commun, le Parti socialiste unifié d’Allemagne (SED).

Après l’occupation de la partie est de Berlin (Berlin-Est) par l’Armée rouge de Staline, on assiste à la création des deux Allemagne.

La RDA

En 1949, la RDA, République démocratique allemande, est créée à l’Est, sur le territoire contrôlé par l’URSS.
La société est-allemande fonctionne sur le même modèle que l’URSS avec :

  • un parti unique : le SED, Parti communiste unifié d’Allemagne ;
  • un syndicat unique, le FDGB ;
  • la collectivisation de l’économie et de la société, planification et étatisation ;
  • le contrôle et la répression des opposants par la police politique, la STASI.

Les ouvriers, victimes de cadences infernales, se révoltent à Berlin en juin 1953 et s’en prennent aux symboles du pouvoir communiste. Walter Ulbricht, président du conseil d’État, fait appel aux Russes.

  • La répression est sanglante et fait des dizaines de morts.

La RDA, comme d'autres régimes communistes dictatoriaux, est séparée de l'Occident. Winston Churchill qualifie d'ailleurs cette frontière, qui sépare les pays capitalistes occidentaux et le bloc soviétique de l’Est, de « rideau de fer ».

  • Le rideau de fer a finalement été matérialisé avec la construction du mur de Berlin, séparant RDA et RFA.
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À retenir

Symbole de cette séparation, le mur de Berlin est érigé en 1961. Il partage Berlin en deux et pour le franchir, des laissez-passer sont nécessaires.​

Sur le plan social, malgré une volonté d’uniformisation de la société, certaines inégalités perdurent, car les membres ou les proches du parti unique au pouvoir ont des avantages inaccessibles au reste de la population.

En 1985, Gorbatchev arrive au pouvoir en URSS et lance les deux réformes qui accélèrent la chute de l’Union soviétique :

  • la glasnost : la transparence politique ;
  • et la perestroïka : les réformes économiques.
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À retenir

  • Le 9 novembre 1989, la chute du mur de Berlin marque la fin de la RDA et de son régime communiste.
  • Le 3 octobre 1990, les deux Allemagne se réunifient.

La RFA 1949-1990

Sous influence occidentale et américaine, la RFA, République fédérale d’Allemagne est née en 1949 en réponse à la création de la RDA. La société ouest-allemande se caractérise par :

  • un régime démocratique ;
  • le pluripartisme ;
  • et une économie capitaliste de marché.

Les principaux partis politiques de l’Allemagne de l’Ouest sont:

  • ​​le SPD, socialiste ;
  • le KPD, communiste ;
  • et la CDU, parti démocrate chrétien de centre droit.

La variété de partis ne dure pas car le KPD est interdit en 1956.

Le grand tournant dans la ligne politique du SPD se passe en 1959 au congrès de Bad Godesberg : fin des symboles marxistes, réformisme et prémices d’un libéralisme économique.

Figure marquante de ce tournant idéologique du SPD, Willy Brandt arrive au pouvoir en RFA en 1969 (il devient chancelier). Il est une référence pour le mouvement social-démocrate des années 1960-1970 en Europe.

Ce tournant réformiste est adopté par le mouvement syndical et la très puissante DGB, confédération allemande des syndicats, qui règle les conflits avec le patronat allemand par des négociations et très peu de grèves.

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À retenir

Depuis les années 1950, la loi sur la cogestion des entreprises de plus de 2 000 salariés permet d’enraciner cette culture de négociations dans les conflits sociaux.

En RFA, l’extrême gauche est très minoritaire, elle reste sur des bases révolutionnaires et dénonce la trahison de la social-démocratie du SPD face au capitalisme. Une petite frange de cette extrême gauche s’engage dans l’action terroriste violente.

  • La « Fraction Armée rouge », ou « bande à Baader », pratique l’assassinat et le rapt de grands dirigeants d’entreprises, symboles du capitalisme dans les années 1970.

La chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989 met fin au régime de la RDA et, pour les Allemands, une nouvelle page de l’histoire s’ouvre : la réunification.

Le mouvement ouvrier depuis la réunification

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À retenir

Dans l’Allemagne réunifiée, le SED, ancien parti communiste de RDA devient le Parti du socialisme démocratique, ou PDS, et garde une influence certaine dans les anciens Länder de l’Est qui ont du mal à s’intégrer à cette nouvelle Allemagne.

Mais le PDS perd de son influence au profit d’un parti de la gauche plus rajeuni et qui ne revendique par la vision communiste de l’ancienne RDA.

  • Die Linke essaie de reconstruire une véritable gauche sur les ruines des anciens communistes et des déçus du SPD, parti qui était pour eux trop réformiste et trop libéral sur le plan économique.

À l’opposé, le SPD assume définitivement son tournant libéral avec l’arrivée de Gerhard Schröder au pouvoir en 2000.

L’Agenda 2010 est un programme de réformes des acquis sociaux, de la protection sociale, avec un allégement du temps de travail, plus de flexibilité et un recul de l’âge des départs à la retraite. La gauche allemande crie à la trahison de la classe ouvrière.

Dans cette période, le syndicalisme allemand, jusque-là très puissant, connaît une crise de représentation.

On assiste à un éclatement du syndicalisme et une chute des effectifs. De 12 millions de syndiqués en 1991, on passe à 7 millions en 2000, et la baisse continue. En parallèle, le nombre de grèves fut en constante augmentation dans les années 2000.

Conclusion:

L’histoire du mouvement ouvrier allemand est caractéristique des divisions que connurent tous les mouvements ouvriers en Europe. Cependant, quelques éléments le singularisent. Dès le départ, il fut traversé par de nombreux courants mais les réformistes furent toujours majoritaires.

La division du mouvement ouvrier est un des facteurs de la montée et de la prise de pouvoir des nazis en Allemagne. La guerre froide a figé les deux camps pendant 45 ans, mais la réunification a fait ressurgir de nouvelles divisions, renforcée dans le contexte économique et social de la fin du XXe siècle.

Il reste désormais une gauche marxiste qui essaie de se recomposer à la lueur des échecs du socialisme soviétique. Quant au SPD, il est clairement social-démocrate et libéral, c’est-à-dire qu’il a tourné définitivement le dos à ses racines marxistes du XIXe siècle.