Voter en France de 1815 à 1870 : une difficile conquête

Introduction :

Avec la Révolution de 1789, les Français sont passés du statut de sujets du roi à celui de citoyens. En 1792, ils avaient expérimenté pour la première fois le suffrage universel masculin. Cet acquis fut très vite perdu et oublié par la suite. Alors en 1814, que reste-t-il de la souveraineté populaire ?

Dans ce cours, nous analyserons de quelle façon le peuple exerce son pouvoir tout au long du XIXe siècle, par la pratique héritée de la Révolution : le vote. Qui vote en France de 1814 à 1870 ? De quelle façon vote-t-on ? Mais encore pour qui vote-t-on ?

Ce cours sera divisé en trois parties, correspondant aux trois types de régimes politiques qui se succèdent durant cette période. Alors comment vote-t-on sous les monarques de la Restauration ? Quels changements accompagnent la proclamation de la Deuxième République ? Et qu’advient-il de la voix du peuple sous le Second Empire ?

Monarchies constitutionnelles et vote censitaire (1814-1848)

Louis XVIII et le vote

Les défaites militaires de Napoléon Ier provoquent la fin de l’Empire et la restauration de la monarchie en France. Cette période est d’ailleurs appelée la Restauration. Le roi des Français se nomme Louis XVIII, c’est le frère de Louis XVI.

Alt Louis XVIII en costume de sacre Louis XVIII en costume de sacre

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Attention

La Restauration de la monarchie n’implique pas un retour à l’Ancien Régime.

Au contraire, le nouveau régime se dote d’une Charte constitutionnelle.

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Définition

Charte constitutionnelle :

Ce texte définit et limite les pouvoirs du roi.

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À retenir

La Charte constitutionnelle conserve aussi les acquis de la Révolution et de l’Empire, parmi lesquels l’égalité de tous devant la loi, la liberté de culte et le Code civil.

Il s’agit donc bien d’une monarchie constitutionnelle. Pour preuve, il existe deux assemblées :

  • l’une nommée par le souverain, la Chambre des pairs ;
  • l’autre élue par les Français, la Chambre des députés.
  • Sous la Restauration, le suffrage est censitaire.
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À retenir

Cela veut dire que pour voter, le citoyen doit payer un impôt qu’on appelle le cens. Sous Louis XVIII, le cens est fixé à 300 francs, c’est-à-dire une fortune. De plus, l’électeur doit aussi être un homme de plus de 30 ans.

  • Toutes ces conditions réduisent à 110 000 le nombre de votants, à peine 0,2 % de la population française de l’époque.

À la mort de Louis XVIII, en 1824, c’est son frère Charles X qui lui succède. Charles X est très hostile aux idées de la Révolution. Il mène d’ailleurs une politique autoritaire et cherche à limiter encore davantage le droit de vote.

Le suffrage élargi de la monarchie de Juillet

Le nouveau monarque s’appelle Louis-Philippe. Ce dernier réduit le cens à 200 francs, ce qui permet d’élargir le suffrage censitaire.

Au fur et à mesure de son règne, Louis-Philippe doit faire face aux contestations grandissantes des Républicains. L’une des revendications de ses adversaires est le suffrage universel.

En 1847, l’opposition des Républicains se fait pressante. Lors de grands rassemblements, ils demandent la réforme du droit de vote.

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À retenir

L’interdiction du dernier rassemblement à Paris déclenche la révolution de février 1848. Le roi Louis-Philippe s’enfuit et la République est proclamée.

La IIe République et le suffrage universel masculin (1848-1852)

Proclamation du suffrage universel

La IIe République est une expérience particulièrement brève, à peine quatre ans. Elle se démarque pourtant par le caractère historique des réformes qui l’accompagnent.

  • La première est l’abolition de l’esclavage.
  • Il y a également les lois portant sur liberté de la presse ainsi que la proclamation du suffrage universel. Celui-ci concerne tous les hommes âgés de plus de 21 ans.
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À retenir

Le 2 mars 1848, la France devient le premier pays européen à adopter le suffrage universel masculin. Malgré les revendications de plusieurs militantes, les femmes restent exclues du droit de vote.

Les élections de l’année 1848

Avec le suffrage universel, le nombre de votants grimpe aux alentours de 9 millions. Les Français votent à deux reprises au cours de l’année 1848. La première fois, en avril, pour les élections législatives et la seconde, le 10 décembre 1848, pour les élections présidentielles.

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À retenir

Il s’agit des premières du genre. Jamais auparavant les citoyens n’ont été appelés à élire un président.

Le régime garantit la liberté des débats et de l’information politique. Les candidats peuvent donc imprimer des affiches et des tracts pour expliquer leurs propositions aux électeurs et tenter de les convaincre. On parle désormais de campagne électorale.

C’est dans ce contexte que Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon Ier, est élu. Il est élu démocratiquement et à plus de 74 % des voix. La renommée de sa famille bénéficie évidemment à son élection, mais il faut reconnaitre que Louis-Napoléon Bonaparte mène une campagne efficace.

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À retenir

À l’époque le vote ne se déroule pas exactement comme aujourd’hui. L’électeur dispose d’une carte, mais à l’époque il n’y a pas encore d’isoloir ni d’enveloppe. Il faudra attendre 1913 pour que ces derniers apparaissent, garantissant le secret absolu du vote.

Le Second Empire, un régime plébiscité (1852-1870)

Un coup d’État plébiscité

Voilà trois ans que Louis-Napoléon Bonaparte est président de la République et son mandat touche bientôt à sa fin. La Constitution ne l’autorise pas à se présenter pour un second mandat. Or, il veut rester au pouvoir.

  • Le 2 décembre 1851, Louis-Napoléon Bonaparte déclenche un coup d’État. Quelques jours plus tard, il organise un plébiscite.
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Définition

Plébiscite :

Le plébiscite est une consultation du peuple auquel on demande de répondre par « oui » ou par « non » à une question.

En l’occurrence la question est simple : « Voulez-vous maintenir l’autorité de Louis-Napoléon Bonaparte ? ». Au suffrage universel, les Français répondent « oui ».

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À retenir

Louis-Napoléon Bonaparte devient alors empereur sous le nom de Napoléon III, le 2 décembre 1852, un an après son coup d’État.

Louis-Napoléon Bonaparte, Napoléon III Louis-Napoléon Bonaparte, Napoléon III

Les votes sous le Second Empire

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À retenir

Sous l’Empire, le suffrage universel perdure pour élire les députés. Mais les élections ne se déroulent pas de manière impartiale.

Napoléon III sélectionne et favorise des candidatures officielles. D’autre part, il dissuade les autres candidats en les menaçant d’exil.

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Définition

Candidatures officielles :

Les candidats officiels sont des candidats proposés et soutenus par le pouvoir en place.

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À retenir

De manière générale, le Second empire limite les libertés individuelles.

À partir de 1867, néanmoins, les républicains progressent.

  • Pour contrer ses adversaires, l’empereur organise en 1870 un nouveau plébiscite. Il s’agit de son cinquième.

Napoléon cherche à nouveau à obtenir le soutien des Français à son régime. Ses opposants appellent à voter « non », mais le « oui » l’emporte très largement.

  • Les républicains ne manqueront pas de dénoncer la pression exercée sur des électeurs ignorants mais, trop tard, les urnes ont parlé.

Pourtant, l’Empire s’éteint la même année et laisse place à la IIIe République.

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À retenir

Cette dernière nait avec la conviction que l’apprentissage du vote passe par l’éducation des classes populaires.

Régimes politiques au XIXe siècle - histoire - 4e - schoolmouv

Conclusion :

La France au XIXe siècle est encore à la recherche de son modèle de gouvernance. Faut-il une monarchie constitutionnelle ? Un Empire ? Une République ? Les régimes se succèdent, mais les acquis de la Révolution, eux, perdurent. Car dans aucun de ces régimes la souveraineté du peuple n’est remise en question. Mieux, le droit de vote se transforme et s’ouvre à de plus en plus d’électeurs. Du suffrage censitaire, les Français passent au suffrage universel masculin.

Il s’agit là d’une évolution remarquable. Cependant, avec la proclamation de la IIIe République, le combat pour l’égalité n’est pas terminé. Car les femmes, elles, sont encore exclues du droit de vote.