Corrigé Bac
Sujet zéro B - Spécialité SES - Corrigé

Première partie : Mobilisation de connaissances et traitement de l’information

Distinguez les notions de taux d’intérêt nominal et taux d’intérêt réel. (4 points)

Le taux d’intérêt nominal est le taux d’intérêt défini par les banques ou autres organismes dans les contrats de dépôt ou de prêt, par exemple lors de prêts à des particuliers pour l’achat d’un logement.
Le taux d’intérêt réel correspond, pour chaque année, au taux d’intérêt nominal corrigé de façon à tenir compte des effets de l’inflation. Par exemple, si un individu dépose $100\,\text{euros}$ sur un compte bancaire à $3\,\%$ d’intérêts, le taux nominal sur un an est de $3\,\%$. L’individu aura donc $103\,\text{euros}$ à l’issue de cette période. Mais si, pendant cette même année, l’inflation est de $1\,\%$, alors le taux d’intérêt réel est de $3 - 1 = 2\,\%$. Le pouvoir d’achat de l’individu n’aura en réalité augmenté que de $2\,\text{euros}$.
Si le taux d’inflation est supérieur au taux d’intérêt nominal, le taux d’intérêt réel peut donc être négatif, comme c’est le cas en 2011 (cf. graphique).

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Astuce

Ne vous contentez pas d’une explication théorique : un exemple permet toujours d’éclairer celle-ci.

Un agent économique emprunte $1\,000\,\text{euros}$ sur une durée d’un an à un taux d’intérêt de $4\,\%$, calculez le coût du crédit pour l’emprunteur. (2 points)

Le coût du crédit correspond à ce que l’emprunteur paye pour pouvoir emprunter une somme d’argent, soit les intérêts et les éventuels frais d’assurance. Ici, les intérêts sont de $4\,\%$ sur un an. Le coût de ce crédit d’un an est donc de $4\,\%$ de $1\,000\,\text{euros}$, soit $4\times \dfrac{1000}{100} = 40\,\text{euros}$.

À l’aide des données du document, comparez et interprétez le niveau du taux d’intérêt réel en 1981 avec celui de 2016. (4 points)

Les taux d’intérêt réels de 1981 et 2016 sont relativement proches, mais résultent de ressorts différents. En 1981, le taux d’intérêt réel est de $-1\,\%$, ce qui signifie que la valeur réelle d’un dépôt bancaire décroît d’une année sur l’autre. Le taux d’intérêt nominal, alors à $9\,\%$, est pourtant élevé, mais son effet est annulé par une inflation très forte (le taux réel correspondant au taux nominal déduit de l’inflation, l’inflation se manifeste dans l’écart entre les deux courbes). Après avoir connu des variations de plusieurs points sur 25 ans, le taux d’intérêt réel est de nouveau très faible en 2016, à $0,3\,\%$ environ, en raison cette fois d’un taux nominal tout aussi faible et d’une absence d’inflation.

Seconde partie : Raisonnement appuyé sur un dossier documentaire (10 points)

Sujet : À l’aide de vos connaissances et du dossier documentaire, vous montrerez que le processus de socialisation se déroule tout au long de la vie.

L’apprentissage de la vie sociale, des normes, pratiques et façons de se comporter au quotidien, résulte de ce que les sociologues ont appelé « le processus de socialisation ». Certain·e·s de ces sociologues, comme Peter Berger et Thomas Luckmann ont opéré une distinction entre la socialisation primaire, apprentissage et incorporation des normes réalisés au sein du cercle familial pendant l’enfance, et les diverses socialisations secondaires réalisées dans les établissements d’enseignement, au travail, dans les institutions religieuses, associatives ou autres. La tradition de pensée dérivée de la sociologie d’Emile Durkheim a longtemps conduit à souligner l’aspect fondamental et primordial de la socialisation primaire : celle-ci laisserait des marques si fortes qu’il serait extrêmement difficile de s’en détacher. C’est cette vision des choses que l’on retrouve chez le sociologue Pierre Bourdieu lorsqu’il évoque l’inertie des « habitus », c’est-à-dire la très forte difficulté à se défaire, lorsque l’on change de milieu social, du système de dispositions, des manières d’interpréter, penser et se tenir apprises dans notre milieu social d’origine. Les travaux de sociologie contemporaine montrent cependant que le poids de la socialisation réalisée dans le milieu d’origine doit être relativisé.

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Astuce

Lorsqu’un document présente la thèse ou la position d’un·e auteur·e, si vos connaissances vous le permettent, demandez-vous à quel·le autre auteur·e ou thèse il·elle répond et contextualisez.

Nous nous appuierons, pour montrer cela, sur deux documents. Le document 1 est un extrait de l’ouvrage Dans les plis singuliers du social, paru en 2013 et écrit par Bernard Lahire, sociologue ayant apporté différentes nuances à la vision stable de l’habitus et de la socialisation décrite par Pierre Bourdieu. Le document 2 est un tableau publié par le ministère de la culture en 2010 et comparant les pratiques culturelles (télévision, musique, lecture, etc.) des enfants français de 11 ans en fonction de leur catégorie sociale d’origine et de leur sexe.
Nous aborderons d’abord le poids des formes de socialisation primaires, mais aussi secondaires rencontrées pendant l’enfance, avant de montrer que celles-ci laissent cependant le champ libre à diverses possibilités d’évolutions ultérieures.

Le poids des premières années de socialisation

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Astuce

Vous pouvez titrer vos parties pour rendre votre raisonnement et votre plan plus lisibles.

La principale observation qui ressort du tableau 2 est que les conditions de socialisation durant l’enfance donnent lieu à des variations significatives dans les pratiques culturelles. Si plus de $80\,\%$ des enfants d’ouvriers regardent quotidiennement la télévision, ils ne sont que $70\,\%$ environ à faire de même chez les enfants de cadres. On observe une différence inverse si l’on s’intéresse à la lecture : le pourcentage d’enfants de cadres qui lisent quotidiennement des livres est d’environ $15$ points plus élevé que pour les enfants d’ouvriers. On aurait tort, cependant, de réduire la différence de socialisation à une question de milieu social, les différences de genre au sein d’un même milieu pouvant être tout aussi marquées. Pour ce qui est de la lecture quotidienne de livre, toutes catégories sociales confondues, le taux est plus élevé de $10$ points chez les filles que chez les garçons, alors que l’on trouve le rapport inverse pour les pratiques sportives, et un privilège plus nettement masculin encore pour les jeux vidéo.

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Astuce

Lorsque vous présentez les données d’un tableau, reprenez quelques chiffres mais pas tout. Sachez être synthétique et comparer des taux, des colonnes, des tendances.

Le poids des premières années de socialisation est d’autant plus important que, comme le souligne le texte de Bernard Lahire (document 1), plusieurs chercheurs ont montré qu’elles déterminaient non seulement les comportements et préférences ultérieures, mais aussi les cadres dans lesquels ont lieu les formes de socialisation secondaires rencontrées dans la vie d’adulte. Par exemple, un enfant de cadre ayant davantage de chance d’exercer une profession comparable à celle de ses parents, connaîtra une socialisation secondaire en milieu professionnel qui entre en résonnance avec sa socialisation primaire.

Une socialisation qui se rejoue au long de la vie

Les effets des premières années de socialisation ont cependant des limites qui ressortent à plusieurs reprises des documents analysés. Tout d’abord, les exemples que nous avons pris plus haut pour montrer les écarts de pratiques culturelles entre enfants d’ouvriers et de cadres sont des classiques, les plus significatifs des différences de goûts entre catégories populaires et supérieures. Ces différences sont pourtant d’une importance limitée : le nombre d’enfants de cadres qui regardent la télévision est certes plus bas que pour les enfants d’ouvriers, mais il reste élevé (environ $70\,\%$). Et le nombre d’enfants d’ouvriers lisant quotidiennement des livres est tout sauf négligeable ($33,5\,\%$ pour les filles, $24\,\%$ pour les garçons). Si l’on observe les autres pratiques (bandes dessinées, pratiques artistiques, radio, ordinateur…), les différences entre classes apparaissent plus faibles encore. En somme, ces différences sont uniquement de l’ordre de la probabilité : un·e enfant d’ouvrier a moins de chances d’apprécier telle pratique, mais cela ne signifie pas qu’il·elle en soit forcément exclu·e. Les années d’enfance laissent donc une porte ouverte à une socialisation qui peut se rejouer tout au long de la vie et, éventuellement, conduire l’individu à une distance vis-à-vis de la socialisation apportée par son milieu social d’origine. Bernard Lahire souligne ainsi que des « ruptures biographiques », c’est-à-dire des transformations importantes dans les parcours de vie d’individus, ou des « changements significatifs de rôles sociaux » font apparaître une capacité des acteurs à faire évoluer leurs goûts et dispositions, que ce soit en fréquentant de nouveaux individus, « univers professionnels » et « institutions sportives, religieuses ou politiques ».
Le processus de socialisation ne se limite donc pas à une période de fondation pendant l’enfance, mais se déroule tout au long de la vie.