La poésie pour chanter et enchanter le monde

Introduction :

Le mot poésie vient du latin poesis qui signifie « création, composition ». Il est apparu en français au XIVe siècle. Il désigne une œuvre écrite en vers mais aussi plus largement ce qui suscite une émotion : par exemple, dans les expressions « la poésie d’une œuvre d’art » ou « la poésie de la nature ». En recréant le monde avec des mots et des images, le poète recompose la réalité qu’il observe autour de lui en transmettant des émotions au lecteur. Il devient alors une sorte de magicien qui enchante le quotidien. Dans la première partie de ce cours, nous verrons quelles sont les différentes caractéristiques du genre poétique, qui est un art des mots mais aussi un art visuel et musical. Dans un deuxième temps, nous verrons que sous la baguette magique du poète, la poésie permet de voir le monde d’une manière nouvelle.

Qu’est-ce qu’un poème ?

Une disposition particulière sur la page

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Citation

Le Livre de prix

Ma grand-mère m’avait donné
Un livre avec des coquillages,
Un livre de prix tout doré
Dont je tournais sans fin les pages.

On ne voyait sur les images
Rien que du ciel et de la mer
Et, tel un pont fait de lumière,
L’horizon voûté des nuages.

Des méduses se décoiffaient
À fleur d’eau, et des hippocampes
Semblaient écrire sous ma lampe

De beaux devoirs à l’imparfait.
C’était le temps des grands voyages :
J’étais Colomb et Magellan.

Ma grand-mère avait un visage
Doux comme une île Sous-le-Vent.

Maurice Carême, Fondation Maurice Carême, vers 1950

Dans ce poème de Maurice Carême, on voit bien que la disposition du texte sur la page n’est pas ordinaire. La phrase est divisée sur plusieurs lignes, qu’on nomme vers.

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À retenir

En poésie, un vers est un ensemble de mots qui n’occupe pas toute la ligne et qui commence généralement par une majuscule. Un vers ne correspond pas nécessairement à une phrase.

Le vers 2 du poème de Maurice Carême comporte 8 syllabes :

« Un/ li/vr(e) a/vec/ des/ co/qui/llag(e)s, »

  • On appelle ce type de vers un octosyllabe (du latin octo, huit).
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À retenir

Les vers ont chacun un nom selon le nombre de syllabes qu’il contient :

  • un alexandrin est un vers de 12 syllabes ;
  • un décasyllabe est un vers de 10 syllabes ;
  • un heptasyllabe est un vers de 7 syllabes ;
  • un hexasyllabe est un vers de 6 syllabes ;
  • un pentasyllabe est un vers de 5 syllabes.

Une syllabe est un ensemble de lettres qui se prononcent d’une seule émission de voix : par exemple « tournais » comporte deux syllabes : « tour » + « nais ».

Dans le décompte des syllabes d’un vers, le e muet compte pour une syllabe seulement s’il est placé entre deux consonnes. En fin de vers, il ne compte jamais :

Un/ li/vre/ de/ prix/ tout/ do/ré (8 syllabes)
Un/ li/vre a/vec/ des/ co/qui/llag(es) (8 syllabes)

Le poème se décompose en plusieurs regroupements de vers, séparés par un espace, appelés strophes. Ces strophes déterminent une disposition particulière du texte sur la page.

Les strophes ont chacune un nom :

  • une strophe de deux vers est un distique ;
  • une strophe de trois vers est un tercet ;
  • une strophe de quatre vers est un quatrain.

livre de prix - Maurice Carême - poésie - SchoolMouv - 6e - français Le poète se souvient des images du livre que sa grand-mère lui a donné enfant.

On voit bien ici comment Maurice Carême réenchante le quotidien (un livre offert par sa grand-mère) pour lui donner un caractère exceptionnel : le poète peint avec les mots des images magiques qui apparaissent sur les pages du livre (« rien que du ciel et de la mer »). Ces images transforment le réel. Elles renvoient aussi à des émotions : par le souvenir d’enfance, c’est la tendresse que le poète ressentait pour sa grand-mère qui est mise en avant.

Le genre poétique répond, on l’a vu, à des règles strictes. Cette disposition particulière sur la page peut prendre des formes fixes, c’est-à-dire des poèmes qui obéissent toujours à la même règle de composition (même nombre de vers et même types de vers par exemple) dont nous allons maintenant voir deux exemples.

Deux formes fixes : Haïku et calligramme

Le haïku est un poème japonais traditionnel comportant 17 syllabes et composé de trois vers courts, pas nécessairement composé de rimes. C’est une image instantanée, une photographie qui doit produire une émotion forte :

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Citation

Le pinceau
ajoute des couleurs
au chant des grillons

Thierry Cazals, Des haïkus plein les poches, Cotcotcot Éditions, 2019

Dans ce haïku de Thierry Cazals, le poète donne au pinceau une fonction magique : mélanger la sensation visuelle (« ajoute des couleurs ») à la sensation auditive (« au chant des grillons »). Le lecteur peut alors s’imaginer la « couleur » du grillon par cette simple évocation. Il est invité à associer la couleur au son.

haïku - Thierry Cazals - poésie - français - 6e - SchoolMouv Le chant du grillon peut prendre les couleurs que l’imagination lui prête

Le poème peut également prendre, plus radicalement encore, la forme du sujet dont il parle : le calligramme, du grec kalos, « beau » et gramme, « écrire, dessiner », est un véritable poème-dessin.

Prenons comme exemple le calligramme de Guillaume Apollinaire, « La Cravate ». Composé en 1918, le poète célèbre un objet du quotidien de manière amusante en disposant les mots de manière à rendre visible la forme de l’objet. La disposition des derniers mots exprime visuellement, en aménageant des « blancs » (des espaces entre les mots), ce que dit le texte : « ôte-la si tu veux bien respirer ».

Guillaume Apollinaire - La cravate - poésie - SchoolMouv - Français - 6e Guillaume Apollinaire, « La cravate », Calligrammes, 1918

Le genre poétique se caractérise donc d’abord par une disposition particulière sur la page répondant à des règles strictes qu’on appelle versification. Cette disposition sur la page attire l’œil du lecteur. On peut alors dire que la poésie est un art visuel, qui peut être rapproché de la peinture. Le poète latin Horace a d’ailleurs dit à son propos qu’elle était une « peinture parlante ». Cette disposition sur la page entraîne aussi des silences et donc un travail sur la respiration : la poésie peut en ce sens être également rapprochée d’un autre art : la musique.

Le caractère musical de la poésie : les sonorités

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Citation

Mes vers fuiraient, doux et frêles,
Vers votre jardin si beau,
Si mon vers avait des ailes,
Des ailes comme l’oiseau.
[…]

Victor Hugo, Les Contemplations, 1856

Dans cette strophe de Victor Hugo, « frêles » rime avec « ailes » et « beau » avec « oiseau ». Les rimes sont disposées de manière alternée, selon un schéma précis : ABAB.

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À retenir

Une rime est une répétition de sons à la fin d’un vers, deux à deux : par exemple, frêles (A) /ailes (A) et beau (B) / oiseau (B).
Les mots A et B riment ensemble. Le poète peut disposer ces rimes comme il le souhaite. Les rimes peuvent être disposées selon trois schémas différents :

  • AABB : rimes suivies (ou plates) ;
  • ABAB : rimes croisées ;
  • ABBA : rimes embrassées.

À l’intérieur des vers, le poète peut aussi créer des répétitions de sons. Si la répétition de sons est produite par une consonne, on parle d’allitération. Si elle est produite par des voyelles, on parle d’assonance.

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Citation

Tout luit, tout bleuit, tout bruit
Le jour est brûlant comme un fruit
Que le soleil fendille et cuit.

Anna de Noailles, L’ombre des jours, 1902

On relève dans les deux vers ci-dessus une répétition du son « i » : il s’agit d’une assonance.

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Citation

Mes mots sont des cailloux.
Je les ramasse au fond de moi.

Dans ces deux vers de Carl Norac, dans un poème extrait du recueil Les Beautés minuscules (2019), on relève une allitération en « m ».

Ainsi, le poète oriente le lecteur afin qu’il porte une attention particulière à la musicalité des mots qu’il fait résonner ensemble, créant de cette façon une harmonie sonore, un accord des sons entre eux.

Nous avons vu que l’écriture poétique présente des particularités de forme qui la rapprochent de la peinture et de la musique (vers, strophes, sonorités, formes fixes du haïku et du calligramme). Nous allons découvrir maintenant comment le poète utilise ces contraintes formelles pour créer et donner à voir des univers nouveaux.

La poésie pour changer de regard

D’abord, le poète joue avec le langage. Il peut ainsi inventer de nouveaux mots, qu’on appelle néologismes :

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Citation

Je m’enivre de miel sauvage
je roule sur un tapis de mots
griffe leurs écorces
mordille leurs racines
froisse des feuilles

Puis je m’oursonne doucement
dans la tanière d’un poème.

Bruno Doucet, La vie est belle, Éditions Bruno Doucet, 2019

Dans l’avant-dernier vers de ce poème, le verbe « m’oursonne » est un mot inventé par le poète : il est construit à partir du radical « ourson » auquel est ajouté le suffixe « onne ». Le verbe est synonyme de « se pelotonner », se mettre en boule, se replier vers soi.

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À retenir

Le suffixe est la partie du mot qui se soude après le radical. Par exemple, le mot « maisonnette » est construit sur le radical « maison », auquel on ajoute le suffixe « ette ».

Bruno Doucet - poésie - SchoolMouv - français - 6e Le poète-ours se pelotonne sur un « tapis de mots ».

Le poète peut également faire naître des images par des associations inhabituelles de mots. Le poète (qui se compare à un ours) roule sur un « tapis de mots ». Les mots dont il se sert sont donc comparés à un tapis sans aucun mot comparatif. Les deux mots « tapis » et « mots », associés de manière inattendue, permettent de créer une image appelée métaphore.

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Définition

Métaphore :
Une métaphore est un procédé d’écriture qui consiste à associer deux éléments sans outil comparatif (comme, pareil à, semblable à).

Par la magie des mots, le poète a aussi le pouvoir de donner vie aux objets :

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Citation

Horloge d’où s’élançait l’heure
Vibrante en passant dans l’or pur,
Comme l’oiseau qui chante ou pleure
Dans un arbre où son nid est sûr,
Ton haleine égale et sonore
Dans le froid cadran ne bat plus :
Tout s’éteint-il comme l’aurore,
Des beaux jours qu’à ton front j’ai lus ?

Marceline Desbordes-Valmore, « L’Horloge arrêtée », Élégies, 1830

Dans ce poème de Marceline Desbordes-Valmore, la poétesse personnifie l’horloge en s'adressant à l’objet à la deuxième personne du singulier et en lui donnant des caractéristiques humaines : « ton haleine », « ton front ».

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Définition

Personnification :
La personnification est un procédé d’écriture qui consiste à donner des caractéristiques humaines à des animaux, à des objets ou à des éléments du paysage. Par exemple, dans la phrase, « le soleil, à midi, rit dans le ciel clair », on relève une personnification du soleil car il est sujet du verbe « rit », qui est une action humaine.

La poésie ne se contente donc pas de décrire la réalité : elle la transforme. En jouant avec le langage et en créant des images inattendues, le poète travaille son texte en profondeur pour faire surgir la magie des mots.

Conclusion :

Nous avons vu que la poésie, en célébrant le quotidien et en faisant surgir des émotions, enchante le monde, d’une part par la musique qu’elle compose en faisant résonner les sons et les mots ensemble, d’autre part par des formes et des images particulières. De plus, en prêtant vie aux objets et en donnant à voir des mondes imaginaires au lecteur, le poète devient alors un véritable créateur et un magicien des mots.

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