La Princesse de Montpensier : l’ancrage historique du roman

Introduction :

Madame de Lafayette a vécu au XVIIe siècle, de 1634 à 1693, sous le règne de Louis XIV. La Princesse de Montpensier fut publiée anonymement en 1662. Cependant, l’action de cette nouvelle n’est pas contemporaine de la vie de son auteur ; elle lui est antérieure d’un siècle. C’est précisément à l’histoire de la seconde moitié du XVIe siècle que madame de Lafayette emprunte le cadre et la plupart des personnages de sa nouvelle.

Dans un premier temps, nous verrons qu’une grande majorité des personnages principaux de la nouvelle sont inspirés de personnages historiques réels, puis nous présenterons les faits historiques qui servent de toile de fond au récit de l’auteur.

Les personnages

Madame de Lafayette s’est documentée avant d’écrire La Princesse de Montpensier. Ses sources les plus évidentes sont l’Histoire des guerres civiles de France, d’Enrico Davila (1576-1631) et l’Histoire de France depuis Faramond jusqu’au règne de Louis le Juste de François Eudes de Mézeray (1610-1683).

Presque tous les personnages de la nouvelle ont réellement existé.

Charles IX

Charles IX La Princesse de Montpensier littérature terminale

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À retenir

Dès la première phrase du récit, l’histoire est située sous le règne de Charles IX.

Charles IX est le troisième fils d’Henri II et de Catherine de Médicis. Il succède à son frère François II à l’âge de dix ans. Il règne de 1560 à 1574 mais, en réalité, c’est sa mère Catherine qui est régente du royaume jusqu’à ce qu’il ait atteint sa majorité en 1563. En effet, une ordonnance de 1374 fixe la majorité d’un souverain à sa quatorzième année.

Le duc d’Anjou

Le duc d’Anjou La Princesse de Montpensier littérature terminale

Dans la nouvelle, le duc d’Anjou convoite la princesse de Montpensier. C'est un personnage historique célèbre. Le duc d’Anjou (1551-1589) n’est autre que le frère cadet du roi Charles IX. Il lui succède en 1574 sous le nom d’Henri III. Il s’oppose aux velléités de mariage du duc de Guise avec sa sœur Marguerite, aussi appelée Madame.

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À retenir

Ces personnages de sang royal appartiennent à la dynastie des Valois, une grande famille qui régna sur la France de 1328 à 1589.

La dynastie des valois La Princesse de Montpensier littérature terminale

Le duc de Guise

Le duc de Guise La Princesse de Montpensier littérature terminale

Dans la nouvelle, Henri Ier de Lorraine, duc de Guise (1550-1588), aime et est aimé de la princesse. Lui aussi est un personnage historique célèbre : il s’illustra pendant les guerres de Religion contre les protestants et fut le principal instigateur du massacre de la Saint-Barthélemy. Le surnom « le Balafré » que le récit lui attribue n’est pas une invention de l’auteur. Il fut en effet blessé à la joue gauche pendant la bataille de Dormans (1575) menée contre les hérétiques et en conserva la cicatrice.

La princesse de Montpensier

La princesse de montpensier Renée d’Anjou littérature terminale

L’héroïne du texte est présentée dès la deuxième phrase comme : « La fille unique du marquis de Mézières, héritière très considérable, et par ses grands biens, et par l’illustre maison d’Anjou, dont elle était descendue ». Le marquis de Mézières et sa fille ont réellement existé. La princesse se prénommait Renée d’Anjou et vit le jour en octobre 1550 ; on ignore précisément quand elle mourut. Dans la vraie vie comme dans la nouvelle, elle était la seule héritière d’une fortune considérable ; c’est sans doute pour cette raison que le prince de Montpensier, qui était d’une naissance beaucoup plus élevée, accepta de l’épouser. Elle en eut un fils, Henri, auquel la nouvelle n’accorde pas d’existence.

Le prince de Montpensier

Le prince de Montpensier La Princesse de Montpensier littérature terminale

Son époux, le prince de Montpensier (1542-1592), appartient à une des plus grandes familles – appelées « maisons » – du royaume de France : la maison de Bourbon. Il s’appelait en fait François de Bourbon et était dit « prince dauphin » en référence au dauphiné d’Auvergne que le roi avait offert à son père en 1543.

Autres personnages historiques

Certains personnages appartenant à la maison des personnages principaux et qui sont juste cités dans la nouvelle ont eux aussi une réalité historique. C’est le cas par exemple du cardinal de Lorraine, qui est l’oncle du duc de Guise mais qui, comme le précise le texte « lui tenait lieu de père ». Quant aux mariages projetés, annulés ou célébrés dans la nouvelle, ils sont eux aussi attestés par des sources historiques.

Ces personnages historiques traversent des événements qui, eux aussi, se sont réellement produits.

Les faits historiques

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À retenir

Le prince de Montpensier et sa femme se trouvent réunis ou séparés en fonction des événements militaires car le prince participe à la guerre civile qui secoue alors le royaume de France.

Il s’agit en fait d’une succession assez rapide de plusieurs guerres qui opposent les protestants français, appelés aussi « huguenots », aux catholiques. Ces derniers ont à leur tête le prince de Condé et Gaspard de Coligny, amiral de Châtillon. Le roi de France est catholique, ainsi que Montpensier et Guise. Chabannes, quant à lui, est un renégat : il a abandonné le protestantisme par amitié pour le jeune prince de Montpensier et s’est fait catholique.

Les deux premières guerres de Religion

La première guerre de Religion débute en 1562 et s’achève en 1563 par l’édit d’Amboise. Le texte dit qu’après leur mariage, le prince de Montpensier conduisit sa jeune épouse dans son domaine de Champigny pour : « l’ôter de Paris où apparemment tout l’effort de la guerre allait tomber. Cette grande ville était menacée d’un siège par l’armée des huguenots, dont le prince de Condé était le chef et qui venait de déclarer la guerre au roi pour la seconde fois ». Ce moment de l’intrigue est donc situé un peu avant septembre 1567. En effet, c’est à cette date qu’éclate la deuxième guerre, les protestants tentant d’assiéger Paris. Les catholiques sont vainqueurs à Saint-Denis et la paix de Longjumeau met fin au conflit en mars 1568.

La troisième guerre de Religion

Cette paix dure peu de temps : dès le mois de septembre 1568, une troisième guerre éclate : « La paix ne fit que paraître. La guerre recommença aussitôt, par le dessein qu’eut le roi de faire arrêter à Noyers le prince de Condé et l’amiral de Châtillon ; et, ce dessein ayant été découvert, l’on commença de nouveau les préparatifs de la guerre […] Les chefs des huguenots s’étaient retirés à La Rochelle. Le Poitou et la Saintonge étant dans leur parti, la guerre s’y alluma fortement, et le roi y rassembla toutes ses troupes. » Les protestants sont finalement battus à Jarnac et à Moncontour, et la paix de Saint-Germain est signée en 1570.

La Saint-Barthélemy

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À retenir

L’événement le plus barbare lié à ces guerres de religion est le massacre de la Saint-Barthélemy, qui eut lieu à Paris le 24 août 1572.

On assiste alors à un massacre généralisé de tous les protestants, sans distinction d’âge ni de sexe. Le récit l’évoque brièvement en deux temps :

  • dans sa préparation : « Pendant ce temps, l’envie qu’on eut à la cour d’y faire venir les chefs du parti huguenot, pour cet horrible dessein qu’on exécuta le jour de la Saint-Barthélemy, fit que le roi, pour les mieux tromper, éloigna de lui tous les princes de la maison de Bourbon et tous ceux de la maison de Guise » ;
  • puis dans son accomplissement : « l’on fit cet horrible massacre si renommé par toute l’Europe. »

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Conclusion :

Madame de Lafayette, dans La Princesse de Montpensier, utilise donc des faits et personnages réels de la seconde moitié du XVIe siècle pour donner un appui historique à sa nouvelle. L’Histoire semble occuper une large place dans cette œuvre, même si elle est parfois réinterprétée pour appuyer l’intrigue amoureuse.