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Cannibale, Didier Daeninckx
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Fiche de lecture

Contexte

Didier Daeninckx est né en 1949 dans une famille modeste. Journaliste très jeune, ses écrits dénoncent souvent les injustices sociales, le racisme… C’est un auteur engagé de romans, d’essais et de nouvelles qui a obtenu de nombreux prix dont le prix Goncourt en 2012.
Cannibale, publié en 1998 revient sur l’exposition coloniale de 1931, à Paris et dénonce le comportement des hommes politiques français qui ont organisé et promu cet événement qui semble scandaleux aujourd’hui. Longtemps passés sous silence, Daeninckx remet ces événements en lumière pour montrer au monde l’enfer vécu par les populations colonisées.

Didier Daeninckx

1998

Cannibale

Genre

Roman

Personnages

Gocéné : Vieil homme kanak, qui raconte son histoire de jeune homme, fiancé de Minoé, garçon courageux et ami fidèle.

Caroz : Homme blanc, ami de Gocéné, avec qui il a fait de la prison.

Badimoin : Ami de Gocéné, cousin de Minoé.

Fofana : Balayeur du métro, noir africain, qui aide Gocéné et Badimoin.

Grimaut et Pontevigne : Gérants du zoo de Vincennes.

Thèmes

Un récit bref, incisif, dynamique : Ce livre est très court, ce qui pousse à en faire la lecture d’une traite et à se perdre dans le tourbillon des péripéties (actions).
C’est un roman bref, mais très vivant et dynamique : le lecteur est pris dans la course-poursuite incessante entre Gocéné et Badimoin d’une part et les policiers de l’autre. On se perd avec eux dans le Paris des années 30, dans les rues, les cafés, le métro… On retient son souffle avec eux ; on craint pour leur vie.
L’histoire est inspirée de faits réels : l’exposition coloniale de 1931 à Paris et Vincennes a réellement montré des peuples indigènes dans des enclos, comme des animaux. L’œuvre en devient d’autant plus forte et poignante.

L’histoire de la Nouvelle-Calédonie : La Nouvelle-Calédonie est une colonie française depuis 1853. Napoléon III cherchait une île sans présence européenne, pour implanter une colonie pénitentiaire (un bagne, une prison avec travaux forcés).
Le début du récit situe l’action entre 1984 et 1988, au moment où les kanaks luttent pour leur indépendance. Gocéné et Caroz sont arrêtés à un barrage rebelle. Les violences commises pour l’indépendance sont telles que la France accepte de donner à la Nouvelle-Calédonie un statut particulier d’indépendance. Ce statut pourrait prendre fin en novembre 2018, suite à un référendum (vote par oui ou non) où les kanaks pourront choisir d’être indépendants ou non.
En 1931, date du récit de Gocéné, une exposition coloniale a lieu à Paris. Les indigènes de l’île n’ont alors pas un vrai statut de citoyen (pas de droit de vote par exemple) et sont obligés de vivre dans des réserves. Ils n’ont donc pas le choix lorsque des colons français viennent les chercher pour les emmener en exposition à Paris.

Le colonialisme : La colonisation n’est pas une page glorieuse de l’histoire de France. Daeninckx prend ici le parti de dénoncer les atrocités commises par les colons français, au détriment des populations indigènes.
L’exposition coloniale de 1931, organisée par le maréchal Lyautey, sous la présidence de Doumergue, avait pour but de « faire le tour du monde en un jour » et de promouvoir les produits et les avantages des territoires d’Outre-Mer.
Daeninckx montre comment les Droits de l’Homme ont été méprisés lors de cette exposition en décrivant la réalité vécue par les indigènes présentés au zoo de Vincennes, au milieu des animaux, leur enclos jouxtant le marigot (la mare) des crocodiles. La population française qui vient les voir est ignorante de la réalité de la vie de ces hommes dans leur île.
Seuls quelques communistes tentent d’exprimer leur opinion anti-colonialiste : c’est l’épisode raconté par Daeninckx où trois jeunes gens tentent de dissuader les gens de visiter l’exposition. Mais ils sont repoussés par les policiers.
Gocéné, Badimoin, Minoé… mais aussi Fofana, le balayeur du métro, sont des personnages emblématiques de ce que des milliers de déportés indigènes ont subi par la faute des colonisateurs européens. Le racisme, le mépris, l’ignorance…
Grimaut, Pontevigne, les policiers (dont celui qui tire et tue Badimoin)… sont les personnages symboliques des colons oppresseurs qui traitent les indigènes comme des animaux ou des vulgaires marchandises : Minoé est échangée contre des crocodiles en provenance d’un cirque allemand.

Résumé

Gocéné, habitant kanak d’une île de Nouvelle-Calédonie, tente de rejoindre sa famille à Tendo, une ville du Japon, accompagné d’un blanc, Caroz. Arrêtés par des rebelles japonais, Gocéné va leur raconter son histoire et sa rencontre avec Caroz.

C’était en 1931. Avec certains de ses amis et habitants de son village, ils avaient été désignés pour partir en France, à Paris, pour l’« exposition coloniale ».
Après un voyage épouvantable pendant lequel certains sont morts de la malaria, il est arrivé au zoo de Vincennes avec Minoé, sa promise et Badimoin, son ami. Là, ils sont parqués comme des animaux et doivent montrer aux Français comment ils sont censés vivre chez eux, dans son village : presque nus, ils sont montrés comme des anthropophages (cannibales), et doivent avoir l’air de sauvages.
Le lendemain, les crocodiles du zoo sont morts et Grimaut et Pontevigne doivent trouver une solution. Certains indigènes, dont Minoé, sont alors emmenés sous le prétexte de visiter Paris, pour être échangés contre des crocodiles avec un zoo d’Allemagne.
Pendant la nuit, Gocéné et Badimoin s’échappent du zoo et partent dans Paris à la recherche de Minoé que Gocéné avait promis de protéger. Mais rapidement, ils se retrouvent perdus et recherchés par la police. Ils sont poursuivis et obligés de fuir dans la « jungle de pierre » : dans un café, puis dans le métro. Ils rencontrent alors Fofana qui va leur apprendre qu’un train partira le lendemain pour Frankfurt avec des indigènes à bord. Ils travailleront dans un cirque.
Arrivés trop tard à la gare de l’Est, ils ont trois jours à patienter avant le prochain train. Ils sont toujours pourchassés par la police et vont être cachés un temps par Fofana. Puis finalement, ils décident de retourner au zoo de Vincennes pour obtenir plus d’informations. Profitant d’une émeute anticolonialiste, ils pénètrent dans le bureau du directeur et apprennent la vérité : leurs amis ont été échangés contre des crocodiles. Ils sont partis pour le cirque Höffner à Frankfurt, en Allemagne.
Exigeant le retour de leurs amis, l’alerte est donnée au zoo et alors que Gocéné et Badimoin tentent de fuir, un policier français tire sur eux : Badimoin est tué. Un second policier tente de tuer aussi Gocéné, mais un visiteur français s’interpose : c’est Caroz.
Gocéné est condamné à 15 ans de prison et Caroz à 3 mois.

L’histoire de Gocéné s’arrête ici, et il explique alors que Caroz, c’est l’homme blanc qui l’accompagne. Après la mort de sa femme, en France, il a souhaité retrouver Gocéné : il est resté vivre en Nouvelle-Calédonie ensuite.
Quant à Minoé, c’est elle qu’il doit aller rejoindre à Tendo.

Citation

Pendant la traversée vers la France, des Kanaks sont morts de la malaria :

« L’équipage a jeté leurs corps à la mer sans nous laisser le temps de leur expliquer que l’on naît pour vivre avec les vivants et que l’on meurt pour vivre avec les morts. Les morts ne peuvent vivre dans l’océan, ils ne peuvent pas retrouver leur tribu… »

Gocéné témoigne du zoo de Vincennes :

« Tous les enfants de la tribu m’entourent et me demandent comment c’était la France, Paris. Je leur invente un conte, je leur dis que c’est le pays des merveilles. Mais très tard, je raconte pour les Anciens. Je leur explique qu’on nous obligeait à danser nus, hommes et femmes ; que nous n’avions pas le droit de parler entre nous, seulement de grogner comme des bêtes, pour provoquer les rires des gens, derrière la grille ; qu’on insultait le nom légué par nos ancêtres. »

Arrivée de Gocéné au zoo de Vincennes :

« Nous avons longé la Seine, en camion, et on nous a parqués derrière des grilles, dans un village kanak reconstitué au milieu du zoo de Vincennes, entre la fosse aux lions et le marigot des crocodiles. […]
Au cours des jours qui ont suivi, des hommes sont venus nous dresser, comme si nous étions des animaux sauvages. Il fallait faire du feu dans des huttes mal conçues dont le toit laissait passer l’eau qui ne cessait de tomber. Nous devions creuser d’énormes troncs d’arbres, plus durs que la pierre, pour construire des pirogues tandis que les femmes étaient obligées de danser le pilou-pilou à heures fixes. Le reste du temps, malgré le froid, il fallait aller se baigner et nager dans une retenue d’eau en poussant des cris de bêtes. […]
J’étais l’un des seuls à savoir déchiffrer quelques mots que le pasteur m’avait appris, mais je ne comprenais pas la signification du deuxième mot écrit sur la pancarte fichée au milieu de la pelouse, devant notre enclos : "Hommes anthropophages de Nouvelle-Calédonie". »

Récit de Fofana, le balayeur africain rencontré dans le métro :

« Moi, je suis sénégalais. Je suis né en Casamance. Presque tous les jeunes de mon village sont morts à Verdun. À cause des gaz… Les soldats blancs ne voulaient plus monter à l’assaut, et c’est à nous, les tirailleurs des troupes coloniales, que le général a demandé de sauver la France. On s’est dégagés de la boue des tranchées, au petit matin, sans masques, poussés par la police militaire et les gendarmes qui étaient protégés, eux, et qui abattaient les frères qui essayaient de fuir le nuage de mort… Je me suis jeté dans un trou d’obus. Il y avait un cadavre. Je me suis barbouillé avec son sang, et j’ai fait comme si j’avais été touché… Le nuage planait au-dessus de moi… Je n’en ai respiré qu’un peu… Cela fait quatorze ans que je suis sorti de ce trou, mais le souvenir est toujours-là, devant mes yeux. Il est devenu mille fois plus précis quand je vous ai vus courir devant les policiers… »

Devant le zoo, trois jeunes gens tentent de dissuader les gens de visiter l’Exposition. Une jeune femme hurle :

«  Travailleurs parisiens ! Solidarité avec le genre humain ! Ne visitez pas l’Exposition colonialiste ! Refusez d’être les complices des fusilleurs… »

Gocéné :

« Le respect, chez nous en pays kanak, il ne vient pas à la naissance comme la couleur des yeux. Il se mérite tout au long de la vie. »