Fiche de lecture
Continuation des Amours, Pierre de Ronsard
Contexte

Lorsque Ronsard compose ce recueil, les Odes ont déjà paru et lui ont apporté la gloire. Ronsard est qualifié de « prince des poètes » et se trouve de fait le chef de fil de jeunes poètes. Il est d’ailleurs récompensé en 1554 par l’Académie des Jeux floraux de Toulouse, institution poétique renommée.

En 1552 ont paru Les Amours, ou plus précisément Les Amours de Cassandre, qui chantent son amour pour la jeune Cassandre, que Ronsard ne pouvait épouser car il était clerc.

En 1555 paraît un autre recueil de poésie amoureuse, que Ronsard appelle Continuation des Amours, et qui par son titre se place donc la continuité du recueil précédent. C’est à une autre jeune fille qu’il est dédié, Marie, que Ronsard aima pendant quelques années.

Thèmes

L’amour : L’amour est le thème dominant de ce recueil, un amour réciproque et généralement heureux, mais qui permet tout de même de déployer toute la rhétorique amoureuse chère à Ronsard, qui a tant écrit pour convaincre d’aimer. Il ne s’agit pas uniquement de séduire la femme aimée mais de faire en même temps un véritable plaidoyer en faveur de l’amour.
L’épicurisme : La philosophie de l’amour de Ronsard, et qui est propre à son époque, est en effet très fortement teintée d’épicurisme : aimer est un plaisir, le temps fuit et nous en privera bientôt, il faut donc profiter des joies et des beautés tant qu’il en est encore temps. Ronsard insiste sur le plaisir et la grâce de l’amour, et non pas sur les tourments du sentiment amoureux. L’amour est d’ailleurs présenté comme un sentiment universel, que toutes et tous éprouvent dans la nature.

L’amour est synonyme de vie et non de captivité : c’est une nouveauté dans l’histoire de la poésie amoureuse. Même lorsque Ronsard endosse la posture de l’amant malheureux, c’est avec beaucoup de jeu et de plaisir à adopter cette fausse humilité : dans le même temps, il revendique et demande avec orgueil et insistance.
Le « style bas » : À cette nouveauté du sentiment amoureux joyeux correspond la nouveauté du style poétique, que Ronsard qualifie de « style bas ». Il a en effet délaissé la mythologie et la préciosité et en partie adopté l’alexandrin. Il se détourne du pétrarquisme et invente une nouvelle manière d’écrire non seulement dans le genre de la poésie amoureuse mais aussi dans le genre du sonnet. Plutôt que l’artifice et la stylisation, il se tourne vers la simplicité et la fraicheur qui rendent ses vers encore très vivants aujourd’hui.

Résumé

Les sonnets de ce recueil mettent en scène Marie, une jeune paysanne décrite comme enjouée, vive, malicieuse. Ce n’est pas une beauté distante et lointaine, elle semble au contraire accorder son amour au poète.

Ronsard expose toutes les nuances de l’amour dans ce qui correspond à un art d’aimer sans doute inspiré d’Ovide. Il décrit le plaisir de l’amour partagé, l’admiration pour la beauté de sa maitresse, évoque les moments que le couple passe à discuter ou se promener.

Mais si l’amour est une expérience et un thème si riche pour Ronsard, c’est qu’il n’est pas régulier ni même constant. Ronsard se présente également en amoureux malheureux : il ne s’agit pas ici d’une reprise d’un motif courtois mais plutôt d’un jeu dans lequel il endosse le rôle du faux martyr pour mieux goûter la diversité du jeu amoureux.

C’est d’autant plus le cas que la plainte amoureuse constitue un genre privilégié de la poésie lyrique. Ronsard écrit ainsi :

« Que me servent mes vers, et les sons de ma lyre,
Quand nuit et jour je change et de meurs et de peau,
Pour en aimer trop une ? hé, que l’homme est bien veau
Qui aux dames se fie, et pour elles souspire ! »

Sonnet 14

Mais l’inconstance amoureuse est également le fait du poète, qui avoue à plusieurs reprises aimer d’autres femmes et ne semble pas vouloir se consacrer à la seule Marie :

« Marie, à tous les coups vous me venez reprendre
Que je suis trop léger, et me dites tousjours.
Quand je vous veus baiser que j’aille à ma Cassandre,
Et tousjours m’apellez inconstant en amours. »

Sonnet 9

« Je ne suis seulement amoureus de Marie,
Janne me tient aussy dans les liens d’Amour, »

Sonnet 11

Ronsard détaille également les stratégies de la conquête amoureuse, l’amour nécessitant en effet de séduire et convaincre la femme aimée :

« L’amant est bien guidé d’une heure malheureuse,
Quand il trouve son mieus, si son mieus il ne prent,
Sans languir tant es bras d’une vieille amoureuse »

Sonnet 25

L’intérêt de la poésie amoureuse est également pour Ronsard de se livrer à une description physique de la femme aimée. Il ne recourt pas ici au style abstrait et idéalisé, il délaisse la mythologie et la préciosité. Au contraire, il fait un portrait précis d’un individu réel, en prêtant une attention toute particulière aux détails. Il ne s’agit bien sûr pas uniquement de décrire mais également de séduire, de flatter et de charmer par la vivacité du trait :

« Marie, vous avez la joue aussi vermeille
Qu’une rose de mai, vous avez les cheveux
De couleur châtaigne, entrefrisés de mille nœuds,
Gentement tortillés tout autour de l’oreille »

Sonnet 10

Mais Ronsard procède également à une glorification du poète et de la poésie : il se chante lui-même en chantant Marie.

« Bien que vous surpassiés en grace et en richesse
Celles de ce païs, et de toute autre part,
Vous ne devés pourtant, et fussiés vous princesse,
Jamais vous repentir d’avoir aimé Ronsard. »

Sonnet 18

Citation

« Marie, qui voudrait votre beau nom tourner,
Il trouverait Aimer : aimez-moi donc, Marie,
Faites cela vers moi dont votre nom vous prie,
Votre amour ne se peut en meilleur lieu donner. »

Sonnet 7


« J’ay cent fois desiré et cent encores d’estre
Un invisible esprit, afin de me cacher
Au fond de vôtre cœur, pour l’humeur rechercher
Qui vous fait contre moi si cruelle aparoistre. »

Sonnet 45


« Je veus lire en trois jours l’Iliade d’Homère,
Et pour-ce ; Corydon, ferme bien l’huis sur moi :
Si rien me vient troubler, je t’asseure ma foi,
Tu sentiras combien pesante est ma colère.
Je ne veus seulement que nôtre chambriere
Vienne faire mon lit, ou m’apreste de quoi
Je menge, car je veus demeurer à requoi
Trois jours, pour faire après un an de bonne chère.
Mais si quelcun venoit de la part de Cassandre,
Ouvre lui tost la porte, et ne le fais attendre :
Soudain entre en ma chambre, et me vien acoustrer,
Je veus tanseulement à lui seul me monstrer :
Au reste, si un Dieu vouloit pour moi descendre
Du ciel, ferme la porte, et ne le laisse entrer. »

Sonnet 65


« J’aurai toujours au coeur attachés les rameaus
Du lierre, où ma Dame oza premier écrire
(Douce ruze d’amour) l’amour qu’el’n’osoit dire,
L’amour d’elle et de moy, la cause de noz maus »

Sonnet 59