Fiche de lecture
L'Avare, Molière
Contexte

Molière est un dramaturge, acteur et directeur de troupe sous la protection du roi Louis XIV.
Cependant, depuis la représentation de L'école des Femmes en 1662, Molière s'est attiré les critiques des dévots (ceux qui sont très attachés à une religion et à ses principes). Ces critiques vont s'accentuer en 1664 avec l'écriture de Tartuffe.
Il s'en remet doucement en faisant jouer Amphitryon puis Georges Dandin et L'Avare en 1668.
La pièce, L'Avare, n'est pas perçue tout de suite comme un succès : elle est écrite en prose et Harpagon fait figure de personnage sérieux. La pièce deviendra pourtant l'une des plus jouées après la mort de Molière.

Personnages

Harpagon : Père de Cléante et d'Élise et amoureux de Mariane.
Cléante : Fils d'Harpagon, amant de Mariane.


Élise : Fille d'Harpagon, amante de Valère.
Valère : Fils d'Anselme et amant d'Élise.
Mariane : Amante de Cléante et aimée d'Harpagon.


Anselme : Père de Valère et de Mariane.
Frosine : Entremetteuse.
Maitre Simon : Courtier.
Maitre Jacques : Cuisinier et cocher d'Harpagon.
La Flèche : Valet de Cléante.
Dame Claude : Servante d'Harpagon.
Brindavoine : Laquais d'Harpagon.
La Merluche : Laquais d'Harpagon.
Le commissaire et son clerc : null

Thèmes

Les défauts humains : avarice, égoïsme, colère : La comédie chez Molière sert à critiquer par l'ironie, l'exagération… les défauts des hommes. Dans cette pièce, il s'agit de tourner en ridicule le personnage d'Harpagon, un bourgeois avare, égoïste et qui entre sans cesse dans des colères terribles. Le personnage, presque caricaturé, oscille entre le grotesque et le pathétique.
En cela, il peut être rapproché des personnages des farces du Moyen Âge.


Les registres comiques : Il en existe 5 :

  • le comique de mot :
  • Il est très présent dans cette pièce. Harpagon utilise beaucoup l’hyperbole (exagération) : « Je n’en puis plus ; je me meurs, je suis mort, je suis enterré. »
  • Il personnifie son argent : « Mon cher ami, sans toi il m’est impossible de vivre ; on m’a privé de toi. » (Acte IV, scène 7)
  • Sans compter les injures, innombrables.
  • le comique de situation :
  • Acte II, scène 2, Harpagon et Cléante découvrent simultanément que l’un est l’usurier et l’autre le débiteur :
  • « HARPAGON (à son fils) – Comment ! pendard, c’est toi qui t’abandonnes à ces coupables extrémités !
    CLÉANTE – Comment ! mon père c’est vous qui vous portez à ces honteuses actions ! »

Acte II, Scène 1

  • le comique de geste :
  • Acte I, scène 3 entre Harpagon, très soupçonneux et La Flèche, qui adore agacer Harpagon.
  • « Il lève la main pour lui donner un soufflet. »
  • « Il tâte le bas de ses chausses »
  • « […] lui montrant une des poches de son justaucorps. »
  • Harpagon va jusqu’à fouiller La Flèche.
  • le comique de mœurs / de caractère :
  • L’Avare, dans son ensemble est une comédie de mœurs : il s’agit pour Molière de critiquer et de dénoncer, de façon légère, la caste des bourgeois, attirés par leur fortune. La dimension satirique ne porte pas sur un élément fondamental de la société, mais seulement un défaut humain, un travers. Ici, l’avarice d’Harpagon et son caractère paranoïaque.((liste2))
Résumé

Acte I

À Paris, Harpagon est un bourgeois riche et avare. Veuf, il est le père de Cléante qui veut épouser Mariane, qui n'a pas de fortune et est aimée d'Harpagon. Sa fille, Élise est fiancée secrètement à Valère, intendant de son père alors que celui-ci souhaite qu'elle épouse le vieil Anselme. Mais l'avarice d'Harpagon risque de contrecarrer les projets de ses deux enfants. En effet, tout ce qui l'intéresse, c'est la cassette de dix mille écus qu'il a caché dans le jardin. Harpagon soupçonne tout le monde de vouloir la lui voler.
Cléante et Élise sont tous deux prêts à fuir le foyer paternel si Harpagon s'obstine dans ses projets.

Acte II

Cléante a besoin d'argent pour mettre son projet en place et demande à La Flèche, son valet, de l'aider. Celui-ci a trouvé un prêteur mais qui exige des conditions totalement disproportionnées. Cléante découvre que le prêteur est son père, Harpagon. Ils se disputent.
Frosine, entremetteuse, se vante auprès de La Flèche de pouvoir obtenir de l'argent d'Harpagon pour négocier son mariage avec Mariane. La Flèche la met en garde en évoquant l'avarice de son maître.
Lorsqu'Harpagon arrive, Frosine lui apprend que Mariane veut bien l'épouser et qu'elle est un bon parti car elle est pauvre et donc économe. Au moment où Frosine demande à être payée pour ses informations, Harpagon s'éclipse.

Acte III

Harpagon a invité Mariane à dîner pour conclure le contrat de mariage. Il houspille ses domestiques pour limiter les frais. Maître Jacques, le cuisinier, proteste, alors que Valère, l'intendant, soutient Harpagon dans sa demande.
Arrivent Frosine et Mariane, très perturbée, jusqu'à ce qu'elle reconnaisse Cléante. Dans un dialogue a double sens auquel Harpagon ne comprend rien, Cléante et Mariane s'avouent leur amour et Cléante offre une bague en diamants à celle qu'il veut épouser.
Harpagon est furieux mais est appelé pour recevoir un riche invité.

Acte IV

Cléante et Mariane demandent l'aide de Frosine mais Harpagon revient. Harpagon comprend la situation et se met en colère.
Maître Jacques intervient alors pour les réconcilier et fait croire à Harpagon et à Cléante que chacun a renoncé à l'amour de Mariane. L'accalmie est de courte durée et la dispute reprend, encore plus forte puisqu'Harpagon déshérite et chasse son fils.
Mais La Flèche arrive, portant la cassette remplie d'or qu'il avait volée. Harpagon veut trouver le coupable (car La Flèche ne s'est pas dénoncé et à fait croire que c’était quelqu’un d’autre qui avait volé la cassette).

Acte V

Harpagon demande à faire une enquête. Maître Jacques accuse Valère qui arrive. Sommé de tout avouer, Valère admet en effet… ses sentiments pour Élise. Harpagon est furieux une nouvelle fois. Arrive Anselme, pendant le récit de Valère. Il comprend que Valère et Mariane sont ses enfants qu'ils croyaient morts dans un naufrage.
Harpagon accepte alors le double mariage de Cléante et Élise avec Mariane et Valère puisqu'il a retrouvé sa cassette et qu'Anselme va payer les mariages.

Citation

«  HARPAGON : Au voleur ! Au voleur ! À l’assassin ! Au meurtrier ! Justice, juste Ciel ! Je suis perdu, je suis assassiné, on m’a coupé la gorge, on m’a dérobé mon argent. Qui peut-ce être ? Qu’est-il devenu ? Où est-il ? Où se cache-t-il ? Que ferais-je pour le trouver ? Où courir ? Où ne pas courir ? N’est-il point là ? N’est-il point ici ? »

Acte IV, scène 7


« LA FLÈCHE - La peste soit de l’avarice, et des avaricieux.
HARPAGON - Comment ? que dis-tu ?
LA FLÈCHE - Ce que je dis ?
HARPAGON - Oui. Qu’est-ce que tu dis d’avarice, et d’avaricieux ?
LA FLÈCHE - Je dis que la peste soit de l’avarice, et des avaricieux.
HARPAGON - De qui veux-tu parler ?
LA FLÈCHE - Des avaricieux.
HARPAGON - Et qui sont-ils ces avaricieux ?
LA FLÈCHE - Des vilains, et des ladres.
HARPAGON - Mais qui est-ce que tu entends par là ?
LA FLÈCHE - De quoi vous mettez-vous en peine ?
HARPAGON - Je me mets en peine de ce qu’il faut ?
LA FLÈCHE - Est-ce que vous croyez que je veux parler de vous ?
HARPAGON - Je crois ce que je crois ; mais je veux que tu me dises à qui tu parles quand tu dis cela.
LA FLÈCHE - Je parle… Je parle à mon bonnet.
HARPAGON - Et moi, je pourrais bien parler à ta barrette.
LA FLÈCHE - M’empêcherez-vous de maudire les avaricieux ?
HARPAGON - Non ; mais je t’empêcherai de jaser, et d’être insolent. Tais-toi.
LA FLÈCHE- Je ne nomme personne.
HARPAGON - Je te rosserai, si tu parles.
LA FLÈCHE - Qui se sent morveux, qu’il se mouche.
HARPAGON - Te tairas-tu ?
LA FLÈCHE - Oui, malgré moi. »

La Flèche joue les insolents, Acte I, scène 3


« Le seigneur Harpagon est de tous les humains, l’humain le moins humain ; le mortel de tous les mortels, le plus dur, et le plus serré. Il n’est point de service qui pousse sa reconnaissance jusqu’à lui faire ouvrir les mains. De la louange, de l’estime, de la bienveillance en paroles, et de l’amitié tant qu’il vous plaira ; mais de l’argent, point d’affaires. Il n’est rien de plus sec et de plus aride, que ses bonnes grâces, et ses caresses ; et donner est un mot pour qui il a tant d’aversion, qu’il ne dit jamais je vous donne, mais je vous prête le bon jour. »

La Flèche présente Harpagon à Frosine, Acte II, scène 4


« FROSINE - Ah, mon Dieu ! que vous vous portez bien ! et que vous avez là un vrai visage de santé !
HARPAGON - Qui moi ?
FROSINE - Jamais je ne vous vis un teint si frais, et si gaillard.
HARPAGON - Tout de bon ?
FROSINE - Comment ? vous n’avez de votre vie été si jeune que vous êtes ; et je vois des gens de vingt-cinq ans qui sont plus vieux que vous.
HARPAGON - Cependant, Frosine, j’en ai soixante bien comptés.
FROSINE - Hé bien, qu’est-ce que cela, soixante ans ? Voilà bien de quoi ! C’est la fleur de l’âge cela ; et vous entrez maintenant dans la belle saison de l’homme.
HARPAGON - Il est vrai ; mais vingt années de moins pourtant ne me feraient point de mal, que je crois.
FROSINE - Vous moquez-vous ? Vous n’avez pas besoin de cela ; et vous êtes d’une pâte à vivre jusques à cent ans.
HARPAGON - Tu le crois ?
FROSINE - Assurément. Vous en avez toutes les marques. Tenez-vous un peu. Ô que voilà bien là entre vos deux yeux un signe de longue vie !
HARPAGON - Tu te connais à cela ?
FROSINE - Sans doute. Montrez-moi votre main. Ah mon Dieu ! quelle ligne de vie !
HARPAGON - Comment ?
FROSINE - Ne voyez-vous pas jusqu’où va cette ligne-là ?__
HARPAGON - Hé bien, qu’est-ce que cela veut dire ?
FROSINE - Par ma foi, je disais cent ans, mais vous passerez les six-vingts.
HARPAGON - Est-il possible ?
FROSINE - Il faudra vous assommer, vous dis-je ; et vous mettrez en terre, et vos enfants, et les enfants de vos enfants.
HARPAGON - Tant mieux. »

Frosine flatte Harpagon, Acte II, scène 5