Fiche de lecture
La Chute de la maison Usher, Edgar Allan Poe
Contexte

La Chute de la maison Usher est une nouvelle fantastique publiée pour la première en 1839 dans Burton’s Gentleman’s Magazine, une revue littéraire américaine à laquelle Edgar Poe contribua pendant plusieurs années, notamment en tant que rédacteur en chef. Elle paraîtra ensuite au sein d’un recueil de nouvelles intitulé Nouvelles Histoires extraordinaires.
Cette nouvelle, qui figure parmi les textes les plus célèbres d’Edgar Poe, occupe une place centrale dans l’œuvre en prose de son auteur, mais aussi dans l’histoire de la littérature américaine. En effet, La Chute de la maison Usher est considérée comme un des textes qui sont à l’origine d’un genre propre à la littérature romantique des États-Unis, appelé le « southern gothic ». Ce genre s’inspire du gothique européen en se l’appropriant et aborde des thèmes tels que la mort par le prisme du fantastique.
Edgar Poe exerça également une influence considérable sur plusieurs auteurs français du XIXe siècle, dont Charles Baudelaire ou Stéphane Mallarmé, qui ont traduit une grande partie des contes et poèmes de l’auteur américain en langue française. La Chute de la maison Usher a été traduite par l’auteur des Fleurs du mal en 1857.

Personnages

Roderick Usher : Avec sa sœur lady Madeline, il est le dernier descendant vivant d’une lignée prestigieuse : la famille Usher. Malade, victime d’une hyper-acuité des sens, il est sujet à la mélancolie et à des agitations nerveuses. Parfaitement conscient de son état, il se sent sombrer progressivement dans la folie, et craint terriblement la mort prochaine de sa sœur jumelle gravement malade. Il demande au narrateur, un ami d’enfance, de lui rendre visite dans sa demeure pour lui tenir compagnie.
Sa physionomie traduit sa maladie mentale : son air maladif et sa « pâleur cadavéreuse » frappent le narrateur qui peine à reconnaître son ami.
Lady Madeline : Sœur jumelle de Roderick Usher. Elle est atteinte d’une maladie mystérieuse d’un caractère cataleptique (état physique temporaire dans lequel tous le corps se raidit et se fige), que les médecins ne parviennent pas à comprendre, et qui la promet à une mort prochaine.
Le narrateur : L’auteur ne livre pas d’information sur le passé de ce narrateur dont le nom n’est jamais révélé. C’est un ami d’enfance de Roderick Usher auquel il rend visite. Durant son séjour à la maison Usher, le narrateur tente d’aider son ami en redoublant d’efforts pour apaiser ses agitations nerveuses et son chagrin après la mort de lady Madeline. Toutefois, il est peu à peu influencé par la mélancolie de son ami et envahi par un sentiment de terreur que lui inspire la sinistre maison Usher.
La Maison Usher : La demeure de Roderick Usher est un personnage à part entière de la nouvelle d’Edgar Poe. Le bâtiment est plusieurs fois personnifié dans les descriptions qui en sont faites (par exemple, ses fenêtres sont « semblables à des yeux distraits »). Mais surtout la maison Usher a le même air mélancolique et maladif que son maître.
Le domestique de la maison Usher : Il accueille le narrateur et l’amène auprès de son maître, Roderick Usher.
Le médecin de famille : Le narrateur le croise à son arrivée dans un escalier de la maison Usher.
Un valet de chambre : Il accueille le narrateur à son arrivée et prend en charge de son cheval.

Thèmes

La mélancolie : Ce sentiment est particulièrement présent dans cette nouvelle, où tout semble empreint de mélancolie et où tout inspire la mélancolie.
En effet, dès le début de la nouvelle, la demeure de Roderick est désignée comme « la mélancolique Maison Usher » et elle est décrite comme un « habitacle de mélancolie » qui provoque instantanément un profond sentiment de tristesse au narrateur. L’intérieur du château, vieux et délabré, provoque chez le narrateur la même impression que la vision de l’extérieur du bâtiment, qu’il qualifiait de sinistre et lugubre. Une atmosphère indéniablement mélancolique règne sur cette maison : « Un air de mélancolie âpre, profonde, incurable, planait sur tout et pénétrait tout. »
En adéquation avec sa demeure, Roderick est un être opprimé par la mélancolie, ce mal qui frappe tous les membres de sa famille ayant habité dans cette maison, qui lui provoque des agitations nerveuses en le plongeant dans une tristesse terrifiante qu’il décrit avec difficultée au narrateur. Ce dernier, qui dès l’abord du château était déjà frappé par un sentiment de tristesse inexpliqué, cède peu à peu, pendant son séjour aux côtés de Roderick, à l’influence que cette maison exerce sur la psychologie et la santé mentale de ses habitants : « […] j’éprouvais cet entier affaissement d’âme, qui, parmi les sensations terrestres, ne peut se mieux comparer qu’à l’arrière-rêverie du mangeur d’opium. »
La maladie et la mort : Ces thèmes sont centraux dans le texte d’Edgar Poe, et participent à l’atmosphère pesante, inquiétante et morbide qui règne dans cette nouvelle. Roderick est lui-même malade et victime d’un mal qualifié d’héréditaire, qui lui provoque des agitations nerveuses, le rend victime d’une hyper-acuité des sens et accentue son hypocondrie. Il avoue au narrateur sentir que ce mal l’emportera bientôt parce qu’il doit mourir de cette affection mentale qui l’oppresse.
De même, lady Madeline est victime d’une maladie mystérieuse d’un caractère cataleptique qui la promet à une mort prochaine. Elle erre dans le château comme un spectre qui porte déjà sur son visage les traits de la mort.
La maladie mentale de Roderick transparaît également sur son physique, car à plusieurs reprises le narrateur est effrayé par sa « pâleur spectrale » et « cadavérique » qui annonce aussi la mort.
La maison Usher semble aussi malade que ses habitants. En effet, la description qui est faite de son extérieur, du paysage qui l’entoure, mais aussi de son intérieur et son ameublement, la présente comme un « habitacle de mélancolie » où tout semble lugubre, malsain, délabré et malade. C’est un endroit où l’on souffre de la maladie et où l’on attend la mort.
Enfin, Roderick et le narrateur sont par deux fois confrontés au visage de la mort ,lorsqu’il descendent le cadavre de lady Madeline au caveau et qu’ils regardent un moment le visage de la défunte, et une seconde fois lorsque celle-ci, ressuscitée, se présente dans la chambre du narrateur avant de mourir d’une agonie violente qui provoque la mort de Roderick et la fuite du narrateur.


La terreur et l’horreur : Lorsque Roderick tente d’expliquer la nature de sa maladie et son affection mentale, il avoue être en proie à un sentiment de terreur qui le paralyse et ne le quitte jamais. Le narrateur va également être dominé par une sensation intense d’horreur et d’angoisse incontrôlable qui survient à divers moments du récit. Notamment lorsqu’il découvre la maison Usher, lorsqu’il voit passer lady Madeline dans la chambre de son frère, mais encore pendant la nuit d’orage où un sentiment de peur l’agite tant qu’il ne parvient pas à trouver le sommeil, comme s’il sentait venir le terrible dénouement de l’intrigue : « Une insurmontable terreur pénétra graduellement tout mon être ; et à la longue une angoisse sans motif, un vrai cauchemar, vint s’asseoir sur mon cœur. » Cette sensation de terreur atteint son point culminant au moment où il comprend que lady Madeline a été enterrée vivante et que celle-ci, ressuscitée, se présente dans sa chambre, couverte de sang avant de tomber dans les bras de son frère jumeau pour mourir d’une agonie violente et définitive. L’horreur est à ce point insupportable qu’elle provoque la fuite immédiate du narrateur, qui va assister avec effroi à l’écroulement de la maison Usher.
Le double : La ressemblance frappante entre Roderick Usher et lady Madeline, qui sont jumeaux, évoque la thématique du double, récurrente dans les récits fantastiques.
Le narrateur pourrait également être perçu comme un double de Roderick Usher, car nous ne connaissons rien de ce personnage (son nom, son identité, son passé, sa famille). Durant son séjour, lui et Roderick font tout ensemble, ils semblent avoir les mêmes goûts artistiques et se comprennent très bien malgré la psychologie tourmentée de Roderick. Le narrateur fait tout pour apaiser les agitations nerveuses de son ami, mais il semble progressivement affecté par le même mal. En somme, ces deux personnages se ressemblent et le narrateur pourrait représenter une partie de l’esprit de Roderick Usher, autrement dit son double.
Edgar Poe développera cette thématique du double avec plus de détails dans William Wilson, qui figure aussi dans le recueil des Nouvelles Histoires extraordinaires.
La décadence : La maison Usher est un symbole de la décadence. Elle est décrite comme un édifice antique, délabré et sinistre. La légère et insignifiante fissure que le narrateur remarque au début du récit est un indice de cette décadence, qui finira par provoquer la chute du bâtiment.
De même, Roderick Usher, à l’image de la maison qu’il habite, incarne la décadence. La narrateur peine à reconnaître son ami tant son physique s’est radicalement dégradé : « Le caractère de sa physionomie avait toujours été remarquable. Un teint cadavéreux, — un œil large, liquide et lumineux au delà de toute comparaison, — des lèvres un peu minces et très pâles, mais d’une courbe merveilleusement belle, — un nez d’un moule hébraïque, très délicat, […] — un menton d’un modèle charmant, […] — des cheveux d’une douceur et d’une ténuité plus qu’arachnéennes, — tous ces traits, auxquels il faut ajouter un développement frontal excessif, lui faisaient une physionomie qu’il n’était pas facile d’oublier. Mais actuellement, dans la simple exagération du caractère de cette figure et de l’expression qu’elle présentait habituellement, il y avait un tel changement, que je doutais de l’homme à qui je parlais. La pâleur maintenant spectrale de la peau et l’éclat maintenant miraculeux de l’œil me saisissaient particulièrement et même m’épouvantaient. Puis il avait laissé croître indéfiniment ses cheveux sans s’en apercevoir […]. » Roderick Usher semble incarner une beauté enfermée dans un carcan destructeur et sa décadence physique traduit également sa décadence mentale.
La décadence est un thème important dans la littérature romantique du XIXe siècle. En France, les dernières années de ce siècle sont marqués par le développement d’un mouvement littéraire et artistique qui se nourrit de cette thématique de la décadence. On parle notamment de « décadentisme » ou de littérature « fin de siècle ».

Résumé

L’arrivée du narrateur à la Maison Usher

Après avoir chevauché toute une journée, le narrateur arrive épuisé près de la maison d’Usher. Il s’arrête un moment pour contempler l’édifice et le paysage dans lequel il s’inscrit. La Maison lui inspire de manière instantanée une sensation très étrange et lugubre : « au premier coup d’œil que je jetai sur le bâtiment, un sentiment d’insupportable tristesse pénétra mon âme ». Avant de poursuivre son chemin, il prolonge son observation pour essayer de comprendre ce qui peut provoquer un tel malaise en lui : « qu’était donc ce je ne sais quoi qui m’énervait ainsi en contemplant la Maison Usher ? » Laissant là « ce mystère tout à fait insoluble », il finit par s’approcher en longeant un noir et lugubre étang où le reflet de la Maison lui procure des frissons.
Dans les premières lignes de sa nouvelle, Edgar Poe dresse un tableau des plus sinistres en décrivant la Maison Usher. L’auteur multiplie les adjectifs qualificatifs appartenant au registre du lugubre, de la noirceur, de l’étrangeté et de l’épouvante pour décrire à la fois la maison, l’atmosphère pesante qui l’entoure, et l’effet que ce spectacle produit sur la psychologie du narrateur.
Ce dernier vient passer quelques semaines dans cette demeure pour visiter un ami d’enfance, Roderick Usher, qui n’est autre que le propriétaire de la maison. Bien que les deux hommes ne se soient pas fréquentés depuis plusieurs années, le narrateur a reçu une lettre de Roderick dans laquelle il explique être victime d’une maladie et demande à son ami de longue date de venir lui tenir compagnie pour soulager son mal. Le narrateur, ayant décelé toute l’agitation nerveuse que cette lettre traduisait, n’a pas hésité à se rendre aussitôt à la maison Usher.

Des retrouvailles troublantes

À son arrivée, un valet de chambre prend en charge son cheval et un domestique le mène aussitôt jusqu’au cabinet de son maître pour l’introduire auprès de Roderick. En pénétrant cette chambre où tout semble vieux, délabré, incommode et sombre, le narrateur est frappé par une certaine « atmosphère de chagrin » qui semble régner dans ce lieu : « Un air de mélancolie âpre, profonde, incurable, planait sur tout et pénétrait tout. » Roderick Usher se lève péniblement pour accueillir son ami avec une sincère vivacité, mais lorsque les deux amis s’assoient pour prendre le temps de discuter, le narrateur réalise que la physionomie de Roderick a radicalement changé et peine à le reconnaître : « il y avait un tel changement, que je doutais de l’homme à qui je parlais ». Roderick lui exprime sa reconnaissance d’être venu jusqu’à lui car il ressentait un désir ardent de revoir son ami. Le narrateur, toujours étonné de la figure particulièrement pâle de Roderick, remarque dans sa prononciation, dans son ton, et dans son attitude des indices d’une agitation nerveuse qu’il avait déjà deviné dans la lettre qu’il avait reçu.
Roderick se met alors à expliquer le caractère particulier de sa maladie : « C’était, disait-il, un mal de famille, un mal constitutionnel, un mal pour lequel il désespérait de trouver un remède, — une simple affection nerveuse, — ajouta-t-il immédiatement, — dont, sans doute, il serait bientôt délivré. » Ce mal lui imposait une multitude de « sensations extranaturelles » qui lui rendaient le quotidien très pénible car, entre autre chose, il ne pouvait manger que des aliments très simples, ne pouvait supporter la plupart des tissus sur sa peau, ses yeux ne pouvaient souffrir qu’une lumière très faible et ses oreilles ne pouvaient supporter que des sons très particuliers d’instruments à corde. Roderick ajoute qu’il sent la mort venir, qu’il faut qu’il meure de cette folie, mais surtout qu’il est victime d’un sentiment constant de peur et prisonnier d’une terreur insoutenable. Il avoue ensuite à son ami être sujet à une impression superstitieuse, lui faisant sentir que le manoir familial qu’il habite a une influence destructrice sur son moral et sur son état physique. Enfin, il avoue au narrateur que sa mélancolie singulière est fortement accentuée par la cruelle maladie de sa sœur aimée, condamnée à une mort prochaine. Ce qui laisserait Roderick Usher désespéré, seul et sans parent, « dernier de l’antique race des Usher ».
À cet instant, Lady Madeline, sa sœur, passe dans une partie reculée de la chambre sans prêter attention à la présence du narrateur auprès de son frère. Le narrateur éprouve alors un sentiment de stupeur et de terreur en posant ses yeux sur elle et, lorsqu’elle finit par disparaître derrière une porte, il remarque que Roderick est en train de pleurer, la tête entre ses mains pâles.

La mort de lady Madeline et sa mise au caveau

Le soir même, le narrateur apprend que l’état de lady Madeline s’est particulièrement aggravé et qu’elle est contrainte de rester alitée. Pendant les jours qui suivent, le narrateur redouble d’efforts pour apaiser la mélancolie de son ami par des lectures, de la peinture, et autres occupations artistiques. Autant de moments privilégiés qui rétablissent l’intimité perdue entre les deux amis, et qui révèlent au narrateur combien Roderick Usher est conscient de son état et du fait que sa raison chancelle.
Un soir, Roderick annonce la mort de sa sœur au narrateur. Il déclare aussitôt son souhait de conserver le corps de sa sœur pendant une quinzaine de jours dans un des caveaux situés sous les murs du château. C’était, selon ses dires, une façon de préserver sa sœur tendrement aimée des hommes de science, dont la curiosité était attisée par le caractère insolite de sa maladie. Le narrateur ne voulant pas le contredire, décide d’aider Roderick dans la préparation de cette sépulture temporaire.
Ensemble, ils mettent le corps dans une bière qu’ils déposent dans un caveau situé dans une partie du bâtiment qui se trouve juste au-dessous de la chambre à coucher du narrateur. Avant de visser le couvercle de la bière, les deux hommes contemplent un instant le visage de la défunte. Le narrateur remarque alors une grande ressemblance entre le frère et la sœur. Roderick, constatant l’étonnement de son ami, lui dit qu’ils étaient jumeaux.

Le chagrin de Roderick, un deuil impossible

Les jours suivants, Roderick tombe dans un chagrin terriblement amer. Errant de chambre en chambre, son comportement est de plus en plus étrange et son visage d’une pâleur encore plus spectrale. Il passe des heures à contempler le vide avec attention « comme s’il écoutait un bruit imaginaire ».
Le narrateur, effrayé par l’état de son ami, constate que cette mélancolie malsaine commence à avoir de l’influence sur lui : « Je sentais se glisser en moi, par une gradation lente mais sûre, l’étrange influence de ses superstitions fantastiques et contagieuses. »

La résurrection de lady Madeline et la chute de la maison Usher

Une nuit, le narrateur ne parvient pas à trouver le sommeil. Bientôt paralysé par un sentiment de terreur inexpliquée, il s’habille et fait quelques pas dans sa chambre pour calmer son agitation nerveuse. Roderick frappe alors à la porte de son ami, entre dans la chambre et lui demande avec une expression hystérique qui épouvante le narrateur : « Et vous n’avez pas vu cela ? » Il se précipite alors vers la fenêtre, l’ouvre et contemple la tempête qui fait rage dehors par cette nuit d’orage. Le narrateur parvient difficilement à tirer Roderick de la fascination que lui procure ce spectacle terrifiant, pour fermer la fenêtre et l’installer dans un fauteuil. Il décide de lui faire la lecture pour tâcher de le calmer en apaisant aussi sa propre agitation.
Pendant sa lecture, le narrateur est surpris par des bruits qu’il semble entendre dans le manoir et qui font étrangement écho aux péripéties du récit qu’il est en train de lire. Faisant preuve de raison, il interprète d’abord cela comme une coïncidence parmi les bruits confus que produit la tempête. Mais cela se reproduit peu après, et le narrateur ne peut plus croire à une coïncidence. Il ressent cette seconde fois un sentiment d’effroi. Il se retient toutefois de faire une remarque pour ne pas aggraver l’agitation de Roderick qui s’était tourné face à la porte, les lèvres tremblantes, et se balançait légèrement sur son fauteuil. La troisième fois que les bruits interviennent en écho au texte lu par le narrateur, celui-ci ne peut se retenir de bondir sur ses pieds. Il se dirige vers Roderick et remarque qu’il est en train de parler très bas entre ses lèvres sans interrompre son balancement régulier et sans paraître conscient de la présence de son ami. Le narrateur comprend alors avec stupeur les paroles de Roderick qui déplore avoir enterré sa sœur vivante. Il répète que depuis quelques jours déjà, il l’entend lutter dans le caveau mais qu’il n’ose pas parler. Soudain, il se dresse sur ses pieds et hurle que sa sœur se trouve derrière la porte de la chambre. Cette dernière s’ouvre doucement et apparaît alors lady Madeline couverte de sang, vacillante, qui après avoir laissé échapper un cri plaintif et long tombe sur son frère et meurt d’une agonie violente.
Devant se spectacle horrifiant, le narrateur fuit immédiatement la chambre et le manoir alors que la tempête fait encore rage. Dans sa fuite, le narrateur est surpris par une lumière qui se projette soudainement sur son chemin. En se retournant, il constate qu’il s’agit du rayonnement de la pleine lune qui brille à travers une fissure qui parcourait le bâtiment de sa base jusqu’aux toits. Cette fissure, que le narrateur avait remarqué à son arrivée et qui était alors insignifiante, s’élargit de plus en plus, jusqu’à ce que les murs s’écroulent. Le narrateur contemple alors avec stupéfaction les ruines de la maison Usher disparaître dans les eaux de l’étang noir et sinistre.

Citation

Description de la Maison Usher à l’arrivée du narrateur :

« Son caractère dominant semblait être celui d’une excessive antiquité. La décoloration produite par les siècles était grande. De menues fongosités recouvraient toute la face extérieure et la tapissaient, à partir du toit, comme une fine étoffe curieusement brodée. Mais tout cela n’impliquait aucune détérioration extraordinaire. Aucune partie de la maçonnerie n’était tombée, et il semblait qu’il y eût une contradiction étrange entre la consistance générale intacte de toutes ses parties et l’état particulier des pierres émiettées, qui me rappelaient complètement la spécieuse intégrité de ces vieilles boiseries qu’on a laissées longtemps pourrir dans quelque cave oubliée, loin du souffle de l’air extérieur. À part cet indice d’un vaste délabrement, l’édifice ne donnait aucun symptôme de fragilité. »
Les sentiments tourmentés du narrateur en train de contempler la maison Usher :

« Mon imagination avait si bien travaillé, que je croyais réellement qu’autour de l’habitation et du domaine planait une atmosphère qui lui était particulière, ainsi qu’aux environs les plus proches, — une atmosphère qui n’avait pas d’affinité avec l’air du ciel, mais qui s’exhalait des arbres dépéris, des murailles grisâtres et de l’étang silencieux, — une vapeur mystérieuse et pestilentielle, à peine visible, lourde, paresseuse et d’une couleur plombée. »
Roderick Usher et le narrateur ayant porté le corps de Lady Madeline jusqu’à un caveau regardent le visage de la défunte avec de visser le couvercle de la bière :

« Nos regards, néanmoins, ne restèrent pas longtemps fixés sur la morte, — car nous ne pouvions pas la contempler sans effroi. Le mal qui avait mis au tombeau lady Madeline dans la plénitude de sa jeunesse avait laissé, comme cela arrive ordinairement dans toutes les maladies d’un caractère strictement cataleptique, l’ironie d’une faible coloration sur le sein et sur la face, et sur la lèvre ce sourire équivoque et languissant qui est si terrible dans la mort. »
La résurrection de lady Madeline Usher :

« […] derrière cette porte se tenait alors la haute figure de lady Madeline Usher, enveloppée de son suaire. Il y avait du sang sur ses vêtements blancs, et toute sa personne amaigrie portait les traces évidentes de quelque horrible lutte. Pendant un moment, elle resta tremblante et vacillante sur le seuil ; — puis, avec un cri plaintif et profond, elle tomba lourdement en avant sur son frère, et, dans sa violente et définitive agonie, elle l’entraîna à terre, — cadavre maintenant et victime de ses terreurs anticipées. »