Fiche de lecture
La Vénus d'Ille, Prosper Mérimée
Contexte

La Vénus d’Ille est la nouvelle fantastique la plus célèbre de Prosper Mérimée. Dans sa correspondance, l’auteur a avoué à son sujet : « C'est suivant moi, mon chef-d'œuvre ».
Ce récit parut pour la première fois en 1837, dans La Revue des deux mondes, une revue littéraire mensuelle fondée en 1829 et qui est encore publiée aujourd’hui.
Prosper Mérimée trouva l’inspiration dans un voyage qu’il effectua en 1834 dans le Roussillon pour satisfaire son intérêt d’archéologue et en tant qu’inspecteur général des Monuments Historiques récemment nommé. Il s’était alors notamment rendu dans la ville catalane d’Ille-sur-la-Têt, près de Perpignan, où il avait pu visiter un site antique où des fouilles archéologiques avaient permis de découvrir un Temple dédié à Vénus.
De là naquit cette nouvelle, publiée en 1835. Prosper Mérimée s'y essaie au registre du fantastique, très en vogue au XIXe siècle, dans lequel le narrateur, qui s’exprime généralement à la première personne du singulier, est témoin ou victime de phénomènes étranges et surnaturels inexpliqués.

Personnages

Le narrateur : Archéologue parisien qui se rend dans la région des Pyrénées-Orientales pour visiter les ruines locales. Un peu condescendant à l’égard des provinciaux qui l’accueillent, il est très observateur et aime saisir les caractères des gens qu’il côtoie. Véritable amoureux de l’art, il est subjugué et intrigué par la beauté terrible de la Vénus de bronze que M. de Peyrehorade lui montre. Venu pour satisfaire sa curiosité d’archéologue, il va assister à une dramatique et étrange histoire.
Monsieur de Peyrehorade : « […] un petit vieillard vert encore et dispos, poudré, le nez rouge, l’air jovial et goguenard. » De caractère vif, M. de Peyrehorade est un antiquaire passionné qui se sent investi de la mission de tirer tout le Languedoc de l’oubli. Il est obsédé par la Vénus de bronze qu’il a déterrée dans son domaine. Il est très fier de montrer cette statue car, tombé sous son charme, il est certain qu’il s'agit d’un chef-d’œuvre.
Madame de Peyrehorade : « […] un peu trop grasse, comme la plupart des Catalanes lorsqu’elles ont passé quarante ans », « uniquement occupée des soins de son ménage », elle est l'épouse de Monsieur de Peyrehorade. Elle est très agacée par l’obsession de son mari pour la Vénus. Superstitieuse, elle est persuadée que cette statue porte malheur et décide de la fondre après la mort de son fils et de son mari.
Monsieur Alphonse de Peyrehorade : Il est le fils de M. de Peyrehorade. Jeune homme de 26 ans, beau, élégant et athlétique, selon le narrateur il manque toutefois d’expression. Il se félicite de son mariage avec Mlle de Puygarrig car en plus d’être charmante, elle est riche. Il meurt pendant sa nuit de noces, victime de la Vénus de bronze.
Mademoiselle de Puygarrig : Belle et riche jeune femme catalane de 18 ans. Elle épouse M. Alphonse de Peyrehorade. Son mari, son beau-père et le narrateur s’accordent tous pour la trouver tout à fait charmante et séduisante bien que discrète. Tous trois en admiration devant sa beauté naturelle, ils la comparent à la Vénus de bronze de M. de Peyrehorade.
La Vénus : La statue déterrée sur le domaine de M. de Peyrehorade peut être considérée comme un personnage de la nouvelle de Prosper Mérimée, car elle est à plusieurs reprises personnifiée. De plus, au-delà de son regard humain, plusieurs épisodes de la nouvelle suggèrent qu’elle peut s’animer : lorsque sa main se replie sur la bague d’Alphonse, puis lorsqu’elle va tuer le jeune époux dans sa chambre nuptiale, selon les dires de Mlle de Puygarrig.
C’est une grande et très belle statue de bronze, dénudée jusqu’au bassin, dont les yeux blancs ont une expression ironiquement méchante.
Tante de Mlle de Puygarrig : Elle a élevé Mlle de Puygarrig comme une mère.
Jean Coll : Il a aidé M. de Peyrehorade à déterrer la Vénus. Après lui avoir donner un coup de pelle, la statue lui est tombé sur la jambe, ce qui l’a sérieusement blessé.
Le guide : Il accompagne le narrateur à son arrivée à Ille, avant de le mener jusqu’à la demeure de M. de Peyrehorade. C’est lui qui lui parle de l’idole en lui racontant comment il a aussi aidé à déterrer la statue.

Thèmes

Le mythe de Pygmalion : La nouvelle de Prosper Mérimée fait écho au mythe de Pygmalion (où le sculpteur Pygmalion tombe amoureux de la statue qu’il a faite et qui est rendue vivante par Aphrodite) puisqu’il met en scène une statue personnifiée et capable de s’animer, c’est-à-dire en quelque sorte de prendre vie comme la sublime statue de Pygmalion.
La Vénus de M. de Peyrehorade semble répondre aux personnes qui osent l’outrager. C’est ce que l’auteur nous laisse interpréter lorsque la statue blesse Jean Coll en lui tombant dessus, après que celui-ci a osé lui mettre un coup de pelle, ou encore lorsque la statue renvoie au polisson la pierre qu’il lui a lancée dessus. Un peu plus tard, Alphonse affirme que la Vénus a replié sa main sur sa bague, et Mlle de Puygarrig affirme que la statue a pris vie pour tuer son mari.
De plus, à plusieurs reprises dans cette nouvelle, les personnages sont étonnés par le regard humain et l’expression féroce et ironique de la figure de la statue, qui la font paraître vivante.
La statue, une beauté féminine idéalisée : C’est un thème récurrent dans la littérature, et en particulier au XIXe siècle, que d’assimiler la beauté féminine idéale à une statue antique. Prosper Mérimée renouvelle ainsi ce thème romantique en décrivant une Vénus parfaite qui envoûte les deux amoureux de l’art que sont M. de Peyrehorade et le narrateur.
Le fantastique : Dans ce récit, le registre fantastique est introduit par l’étrangeté de la Vénus de M. de Peyrehorade, à la fois sublime et effrayante. Elle est surtout à l’origine de plusieurs événements inexpliqués qui conduisent le lecteur à interpréter que la statue peut prendre vie.
L’archéologie : Le narrateur et M. de Peyrehorade sont tous les deux passionnés par l’archéologie et les ruines antiques. Le narrateur est un archéologue parisien qui n’hésite pas à traverser la France pour découvrir quelques ruines antiques. Tandis que M. de Peyrehorade est un antiquaire passionné par le patrimoine de son Languedoc et obsédé par la statue de Vénus qu’il a découverte.
L’opposition entre Paris et la Province : Dans sa nouvelle, Prosper Mérimée met plusieurs fois en évidence l’opposition entre Paris et la province, c’est-à-dire entre le narrateur qui incarne le parfait Parisien d'une part, et les provinciaux que sont les membres de la famille de Peyrehorade d'autre part.
Si le narrateur n’exprime qu’une légère condescendance, ce sont surtout les Peyrehorade qui semblent complexés comme le traduisent certaines de leurs remarques qui mettent en évidence la différence entre deux modes de vie : celui d’un dandy de la capitale et celui de provinciaux du Languedoc.
Par exemple, pendant le premier dîner du narrateur chez M. de Peyrehorade, son épouse craint que son invité ne soit pas satisfait : « Cependant, à chaque plat que je refusais, c’étaient de nouvelles excuses. On craignait que je ne me trouvasse bien mal à Ille. Dans la province on a si peu de ressources, et les Parisiens sont si difficiles ! » De même, lorsque M. de Peyrehorade accompagne le narrateur jusqu’à sa chambre : « Alors commencèrent de nouvelles excuses sur le mauvais gîte que j’allais avoir. Je ne serais pas comme à Paris. En province on est si mal ! Il fallait de l’indulgence pour les Roussillonnais. » Le lendemain matin, M. de Peyrehorade réveille le narrateur avec une pointe de sarcasme : « Allons, debout, Parisien ! Voilà bien mes paresseux de la capitale ! » Enfin, Alphonse note lui aussi ce qui peut le distinguer du Parisien lorsqu’il parle de sa fiancée au narrateur : « Je ne sais si vous la trouverez jolie. Vous êtes difficiles, à Paris ; mais tout le monde, ici et à Perpignan, la trouve charmante. »

Résumé

MERCREDI

L’arrivée à Ille avec le guide
Le narrateur, antiquaire parisien, s'est vu conseillé par un de ses amis, M. de P., d’aller rencontrer un antiquaire d’une ville de province basée dans les Pyrénées-Orientales, car celui-ci pourrait lui faire visiter les ruines des environs d’Ille, qui regorgent de monuments antiques et du Moyen Âge.
En arrivant à Ille, le narrateur se renseigne déjà auprès de son guide catalan sur cet antiquaire, M. de Peyrehorade.
Le guide lui apprend que M. de Peyrehorade s’apprête à marier son fils, Alphonse, dans les jours prochains. Il soupçonne le narrateur d’être venu à Ille pour voir l’idole que M. de Peyrehorade a trouvé à Perpignan. Le guide, qui avait déjà réussi à attiser la curiosité du narrateur, poursuit en racontant comment lui et Jean Coll ont aidé M. de Peyrehorade à extraire la statue de la terre au pied d’un olivier. Cependant, le guide lui avoue qu’il garde une certaine rancune envers la statue qui a cassé la jambe de Jean Coll en lui tombant dessus.

La rencontre avec M. de Peyrehorade
Le narrateur finit par rencontrer M. de Peyrehorade, qui l’accueille très chaleureusement en l’invitant chez lui à partager à un dîner très copieux et très gourmand en compagnie de sa femme et de son fils Alphonse. Il invite le narrateur à assister au mariage de son fils qui aura lieu le surlendemain, et lui promet de lui faire découvrir les merveilles du Languedoc dès le lendemain matin. Le narrateur lui fait alors part de son enthousiasme à l’idée de contempler la statue que son guide lui a décrite. M. de Peyrehorade comprend aussitôt qu’il fait référence à son idole et s’amuse à alimenter la curiosité de son hôte en lui parlant d’une inscription qui apparaît sur le socle de la statue, et à propos de laquelle il aimerait avoir l’avis du parisien. Madame de Peyrehorade demande à son mari de laisser leur hôte manger tranquillement plutôt que de le déranger en parlant encore de cette idole qui l’obsède. Comme le guide, Madame de Peyrehorade gardait une certaine rancune à l’égard de cette statue qui avait blessé Jean Coll, et aurait souhaité que son mari la fasse fondre pour fabriquer une cloche pour leur église. Après le dîner, M. de Peyrehorade accompagne le narrateur à sa chambre. Avant de se coucher, le narrateur ouvre la fenêtre pour contempler la vue sur le pic du Canigou, avant de remarquer la fameuse statue qui était près du terrain consacré au jeu de paume de la ville. Deux jeunes hommes qui tournent autour de la statue proclament qu’ils aimeraient bien la punir de la blessure qu’elle a infligée à Jean Coll. Avant de s’en éloigner, l’un d’eux lance une pierre à la Vénus qui, après avoir rebondi sur le métal de la statue, atteint la tête du garçon. Les deux polissons s’enfuient alors avec précipitation, effrayés à l'idée que la statue leur ait rejeté la pierre qui l’avait outragé. Cet épisode fait rire la narrateur qui ne tarde pas à se coucher ensuite.

JEUDI

La découverte de la Vénus et l'interprétation de l’inscription
Le lendemain matin, M. de Peyrehorade vient sortir son hôte du lit à 8h. Le narrateur, après s’être préparé dans la précipitation, aussitôt descendu, se retrouve devant la fameuse idole. Il la contemple et l’examine un moment : « C’était bien une Vénus, et d’une merveilleuse beauté. Elle avait le haut du corps nu, comme les Anciens représentaient d’ordinaire les grandes divinités ; la main droite, levée à la hauteur du sein, était tournée, la paume en dedans, le pouce et les deux premiers doigts étendus, les deux autres légèrement ployés. L’autre main, rapprochée de la hanche, soutenait la draperie qui couvrait la partie inférieure du corps. » Le narrateur fut subjugué par la beauté parfaite de la statue, par ces formes remarquables, mais surtout par l’attitude de cette Vénus et l’expression que l’artiste avait voulu inscrire sur sa figure de déesse : « Ce n’était point cette beauté calme et sévère des sculpteurs grecs, qui, par système, donnaient à tous les traits une majestueuse immobilité. Ici, au contraire, j’observais avec surprise l’intention marquée de l’artiste de rendre la malice arrivant jusqu’à la méchanceté. Tous les traits étaient contractés légèrement : les yeux un peu obliques, la bouche relevée des coins, les narines quelque peu gonflées. Dédain, ironie, cruauté, se lisaient sur ce visage d’une incroyable beauté cependant. » Le narrateur partage alors ce sentiment avec M.de Peyrehorade : « Il y a dans son expression quelque chose de féroce, et pourtant je n’ai jamais vu rien de si beau. »
M. de Peyrehorade, tout à fait ravi de constater l’enthousiasme de son hôte, sollicite son avis sur l’inscription du socle de la statue : CAVE AMANTEM. Le narrateur traduit cela de deux façons : « Prends garde à celui qui t’aime, défie-toi des amants. » ou bien « Prends garde à toi si elle t’aime. » M. de Peyrehorade lui montre ensuite une seconde inscription sur le bras droit de la statue que le parisien a plus de mal à interpréter :
VENERI TVRBVL…
EVTYCHES MYRO
IMPERIO FECIT.
Les deux hommes débattent un moment sur la signification de cette inscription qu’ils ne comprennent pas. Si M. de Peyrehorade semble convaincu de son interprétation, le narrateur trouve son raisonnement quelque peu fantaisiste, mais il ne cherche pas à contredire son hôte pour éviter de le vexer.

Le tête-à-tête entre Alphonse de Peyrehorade et le narrateur
Après un déjeuner tout aussi copieux que le dîner de la veille, Alphonse de Peyrehorade montre au narrateur une calèche qu’il a acheté à Toulouse pour sa fiancée. Il l’emmène ensuite dans l’écurie pour lui vanter ses chevaux et en vient à parler de sa fiancée, que le narrateur pourra rencontrer le jour-même. Il la décrit comme étant charmante, mais surtout très riche après avoir hérité de sa tante de Prades décédée récemment. Alphonse lui montre ensuite la bague de famille qu’il destine à sa future. Le narrateur, qui la trouve un peu trop imposante, remarque un anneau qu’Alphonse porte à un autre doigt. Celui-ci lui explique, en laissant échapper un soupir, qu’il s’agit d’un cadeau d’une modiste parisienne.

Le dîner chez les Puygarrig
Le soir-même, les Peyrehorade dînent chez les parents de Mlle de Puygarrig. Le narrateur est accueilli comme un ami de la famille. Pendant le repas, celui-ci observe la fiancée d’Alphonse et la trouve si belle et séduisante qu’il la compare à la Vénus.
Pendant le voyage de retour, le narrateur interroge Madame de Peyrehorade sur le fait d’organiser le mariage un vendredi, car à Paris, par superstition, cela ne se ferait jamais. Il comprend alors que M. de Peyrehorade est le seul à souhaiter que ce mariage ait lieu un vendredi car c’est le jour de Vénus. Il ajoute même qu’il souhaite faire un sacrifice à la Vénus avant la noce. Cela scandalise son épouse.

VENDREDI

Le jour du mariage
Le lendemain matin, les préparatifs du mariage commencent très tôt, de manière à ce que tout le monde soit prêt pour 10h. Il est prévu que le mariage civil ait lieu à la mairie de Puygarrig, et la cérémonie religieuse à la chapelle du château. Le déjeuner doit se dérouler à Puygarrig, puis les deux familles se retrouveront à Ille, chez M. de Peyrehorade, pour le souper. Comme Mlle de Puygarrig portait encore le deuil de sa tante de Prades, il ne serait pas permis de danser.
Avant le départ à Puygarrig, dans la matinée, alors que le narrateur tente de dessiner la Vénus et qu’Alphonse le rejoint pour lui demander s’il accepterait de faire un portrait de sa femme, une partie de jeu de paume commence. Alphonse, excellent joueur, ne résiste pas à l’envie d’aller défier les Espagnols qui avaient commencé la partie. Le narrateur quitte finalement la Vénus pour aller observer les joueurs. Alphonse, qui avait ôté ses habits de jeune marié, ôte la bague destinée à sa future de son doigt pour ne pas être gêné, et l'enfile en attendant à l’annulaire de la Vénus pour le temps de la partie. Après avoir triomphé au jeu, Alphonse se dépêche de se rhabiller avant de prendre la route. Mais, arrivés à Puygarrig, au moment où le cortège se met en marche, Alphonse avoue au narrateur avoir oublié la bague au doigt de la statue. Il décide d’utiliser l’autre bague offerte par une parisienne.
Après le déjeuner, qui a duré 4h, tout le monde se met en route pour le souper chez M. de Peyrehorade. À leur arrivée, Alphonse s'éclipse un moment avant le début du repas. À son retour, il semble très pâle, si bien que le narrateur se demande s’il est ivre ou indisposé.
Dans la soirée, pour respecter un usage antique, un jeune garçon retire à la mariée sa jarretière, qui est ensuite découpée pour en distribuer les morceaux aux jeunes gens qui en disposent un bout sur leur boutonnière. Plus tard, M. de Peyrehorade chante quelques vers catalans à la mariée pour vanter sa beauté et la comparer à sa Vénus de bronze.

Le trouble d’Alphonse
Peu avant minuit, alors que la mariée doit rejoindre sa chambre, Alphonse livre au narrateur l’objet de son malaise : il n’a pu récupérer l’anneau mis au doigt de la statue, car la Vénus a resserré le doigt de manière à ce qu’on ne puisse plus le lui ôter. Alphonse affirme alors que la Vénus est sa femme puisqu’elle ne veut pas lui rendre l’anneau. Le narrateur, qui hésite un moment à aller voir la statue pour vérifier cela, se laisse dissuader par la pluie et conclut qu’Alphonse est ivre ou qu’il a voulu lui faire une plaisanterie.

SAMEDI

La découverte du corps d’Alphonse
Le narrateur a tout de même du mal à trouver le sommeil, entre les allers et venues qu’il entend dans la maison et ses réflexions sur le mariage de convenance, qu’il trouve déplorable. Après quelques heures d’un sommeil difficile, le narrateur se réveille vers cinq heures et remarque que les mêmes pas lourds qui l’avaient empêché de s’endormir résonnent toujours dans la maison. Mais bientôt, il entend des portes se fermer avec fracas et distingue des cris qui le décident à se lever pour savoir ce qu’il se passe. À peine sorti de sa chambre, le narrateur entend les cris déchirants de Madame de Peyrehorade qui appelle son fils. Le narrateur comprend aussitôt qu’un malheur est arrivé à Alphonse, et il se précipite dans la chambre nuptiale. La terrible scène qu’il découvre est ainsi décrite : « Le premier spectacle qui frappa ma vue fut le jeune homme à demi-vêtu, étendu en travers sur le lit dont le bois était brisé. Il était livide, sans mouvement. Sa mère pleurait et criait à côté de lui. M. de Peyrehorade s’agitait, lui frottait les tempes avec de l’eau de Cologne, ou lui mettait des sels sous le nez. Hélas ! depuis longtemps son fils était mort. Sur un canapé, à l’autre bout de la chambre, était la mariée, en proie à d’horribles convulsions. Elle poussait des cris inarticulés, et deux robustes servantes avaient toutes les peines du monde à la contenir. »
Voulant comprendre ce qu’il s’est passé le narrateur s’approche du lit. Ne trouvant aucune trace de sang sur le corps d’Alphonse, le narrateur remarque « une empreinte livide qui se prolongeait sur les côtes et le dos » comme s’il avait été « étreint dans un cercle de fer ». À cet instant, il sent quelque chose sous son pied et, en se baissant, trouve la bague de diamants qu’Alphonse avait mis à la statue. Après avoir raccompagné M. de Peyrehorade et sa femme dans leur chambre, il se rappelle qu’un Espagnol avait lancé une menace à Alphonse après avoir perdu la partie de jeu de paume. Il cherche alors en vain des traces d’effractions dans toute la maison. Il identifie toutefois des traces de pas entre la haie près de la statue et la porte de la maison. Essayant de se convaincre qu’elles avaient certainement été laissées par Alphonse lorsqu’il avait voulu récupérer sa bague, le narrateur passe plusieurs fois devant la statue et ne peut retenir une sensation d'effroi en contemplant son « expression de méchanceté ironique ».
Un peu plus tard dans la journée, le narrateur va faire sa déposition au procureur du roi de Perpignan, qui lui confirme que la jeune veuve d’Alphonse est devenue tout à fait folle. Elle lui a raconté que, le soir du mariage, elle a entendu quelqu’un entrer dans la chambre, et a cru que c’était son mari qui se couchait dans le lit. Elle fut surprise de sentir le contact de « quelque chose de froid comme la glace ». Peu après, une seconde personne entra dans la chambre et dit : « Bonsoir, ma petite femme ». Elle se retourna alors et vit la statue de M. de Peyrehorade se lever du lit et étreindre son mari avec force. Lorsqu’elle reprit ses esprits, son mari était mort, étendu sur le lit, tandis que la statue était partie au chant du coq qui annonçait le lever du jour.
Le capitaine de l’équipe espagnole a également été reçu par le procureur, mais il a été très facilement innocenté, notamment parce que les traces de pas ne pouvaient pas être les siennes. De plus, un domestique a témoigné en assurant au narrateur avoir vu Alphonse juste avant qu’il ne monte dans sa chambre : il n’avait à cet instant pas la bague de diamants.

QUELQUES MOIS PLUS TARD

Épilogue
Après les funérailles de M. Alphonse, le narrateur quitte Ille pour Perpignan. Quelques mois plus tard, il apprend la mort M. de Peyrehorade, alors que le mystère de cette catastrophe n’est toujours pas élucidé.
Quelques temps après, le narrateur apprend par son ami M. de P. que la statue n’existe plus car Madame de Peyrehorade l’a finalement fait fondre en cloche pour l’église d’Ille. Mais il ajoute que « depuis que cette cloche sonne à Ille, les vignes ont gelé deux fois. »

Citation

Le sentiment du narrateur qui contemple la Vénus de Bronze pour la première fois :
« Quoi qu’il en soit, il est impossible de voir quelque chose de plus parfait que le corps de cette Vénus ; rien de plus suave, de plus voluptueux que ses contours ; rien de plus élégant et de plus noble que sa draperie. Je m’attendais à quelque ouvrage du Bas-Empire ; je voyais un chef-d’œuvre du meilleur temps de la statuaire. Ce qui me frappait surtout, c’était l’exquise vérité des formes, en sorte qu’on aurait pu les croire moulées sur nature, si la nature produisait d’aussi parfaits modèles. »
Le sentiment du narrateur qui contemple la Vénus de Bronze pour la première fois :

« Si le modèle a jamais existé, dis-je à M. de Peyrehorade, et je doute que le Ciel ait jamais produit une telle femme, que je plains ses amants ! Elle a dû se complaire à les faire mourir de désespoir. Il y a dans son expression quelque chose de féroce, et pourtant je n’ai jamais vu rien de si beau. »
Portrait de Mlle de Puygarrig :
« Mademoiselle de Puygarrig avait dix-huit ans ; sa taille souple et délicate contrastait avec les formes osseuses de son robuste fiancé. Elle était non-seulement belle, mais séduisante. J’admirais le naturel parfait de toutes ses réponses ; et son air de bonté, qui pourtant n’était pas exempt d’une légère teinte de malice, me rappela, malgré moi, la Vénus de mon hôte. Dans cette comparaison que je fis en moi-même, je me demandais si la supériorité de beauté qu’il fallait bien accorder à la statue ne tenait pas, en grande partie, à son expression de tigresse ; car l’énergie, même dans les mauvaises passions, excite toujours en nous un étonnement et une espèce d’admiration involontaire. »
Déposition de Mlle de Puygarrig, devenu Madame Alphonse de Peyrehorade, adressée au procureur du roi de Perpignan, dans laquelle elle raconte sa nuit nuptiale, lors de laquelle la statue aurait tué son mari :
« Elle était couchée, dit-elle, depuis quelques minutes, les rideaux tirés, lorsque la porte de sa chambre s’ouvrit, et quelqu’un entra. Alors madame Alphonse était dans la ruelle du lit, la figure tournée vers la muraille. Elle ne fit pas un mouvement, persuadée que c’était son mari. Au bout d’un instant, le lit cria comme s’il était chargé d’un poids énorme. Elle eut grand’peur, mais n’osa pas tourner la tête. Cinq minutes, dix minutes peut-être… elle ne peut se rendre compte du temps, se passèrent de la sorte. Puis elle fit un mouvement involontaire, ou bien la personne qui était dans le lit en fit un, et elle sentit le contact de quelque chose de froid comme la glace, ce sont ses expressions. Elle s’enfonça dans la ruelle, tremblant de tous ses membres. Peu après, la porte s’ouvrit une seconde fois, et quelqu’un entra, qui dit : Bonsoir, ma petite femme. Bientôt après on tira les rideaux. Elle entendit un cri étouffé. La personne qui était dans le lit, à côté d’elle, se leva sur son séant et parut étendre les bras en avant. Elle tourna la tête alors… et vit, dit-elle, son mari à genoux auprès du lit, la tête à la hauteur de l’oreiller, entre les bras d’une espèce de géant verdâtre qui l’étreignait avec force. Elle dit, et m’a répété vingt fois, pauvre femme !… elle dit qu’elle a reconnu… devinez-vous ? la Vénus de bronze, la statue de M. de Peyrehorade… »