Exercer et faire respecter ses libertés à différentes échelles, de la commune à l'Europe

Introduction :

La France faisant partie des membres fondateurs de l’Union européenne, les libertés garanties au sein de notre pays le sont aussi par rapport à ce qui se fait au regard du droit européen.
La liberté, encadrée par des droits et devoirs, doit s’exprimer dans des cadres géographiques précis, à diverses échelles.
Ainsi peut-on s’interroger sur les libertés et leurs garanties dans les différents territoires, de la commune à l’Europe.

Nous étudierons tout d’abord l’évolution du cadre géographique et légal de la France. Puis nous expliquerons en quoi la décentralisation a redistribué les cartes en termes d’exercice de la démocratie. Enfin, nous évoquerons la question des libertés dans l’Union européenne.

La France, d’une monarchie centralisée à une République indivisible

La France s’est construite progressivement au fil des siècles sur le plan des lois mais aussi sur le plan institutionnel et géographique.

La « grande ordonnance » de Saint-Louis (1254)

Louis IX, canonisé par le pape Boniface VIII en 1297, est aujourd’hui connu sous le nom de Saint-Louis. Il a grandement modernisé le Royaume de France lors de son règne (1226-1270).

En 1254, constatant certains dysfonctionnements au sein de son royaume, Saint-Louis publie une grande ordonnance, c’est-à-dire un texte de loi royal.
Il permet notamment d’instaurer la monnaie royale sur tout le territoire et délègue à des juristes la rédaction et le débat de lois royales (à l’origine du Parlement). Enfin, il confie l’administration du royaume aux baillis et prévôts, représentants du roi dans des circonscriptions géographiques prédéfinies.

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À retenir

En modernisant la France de cette façon, Saint-Louis affirme autant son autorité royale qu’il permet au peuple d’être protégé de l’arbitraire des nobles locaux.

En effet, ces derniers avaient tendance à affirmer leur propre autorité localement et donc à être plus sévères dans certaines régions du royaume de France.
L’espace des libertés, qui était jusqu’alors morcelé et très inégal, tend à s’uniformiser sur les territoires qui constituent le royaume de France.

Saint-Louis se veut le garant de lois applicables et connues de tous, un héritage qui constitua par la suite un idéal pour ses successeurs.
Par son action, Saint-Louis modernise la France en déléguant son pouvoir tout en uniformisant les lois sur l’ensemble du territoire.

Les réformes centralisatrices de Napoléon Ier

Couronné empereur le 2 décembre 1804, Napoléon Ier doit opérer un délicat exercice visant à la fois à préserver l’héritage légal et administratif des siècles de la monarchie, à redynamiser l’héritage de la Révolution, tout en défendant la France contre les monarchies étrangères qui voient d’un mauvais œil la fin de la royauté dans l’un des plus puissants pays d’Europe.

Napoléon Ier accumule les victoires, repoussant les frontières géographiques de la France : la Belgique, le Nord de l’Espagne, l’Ouest de l’actuelle Allemagne ou l’essentiel de l’actuelle Italie sont intégrés à l’Empire.
Pour gérer cet immense territoire, Napoléon Ier développe le principe des départements, mis en place sous la Révolution et encore existants aujourd’hui.

  • Les départements ont une fonction double : rapprocher l’administration des citoyennes et citoyens tout en neutralisant les pouvoirs de l’aristocratie locale, faisant de l’État le seul interlocuteur de référence.

départements français Napoléon

Le 12 février 1810, il promulgue également le Code civil, toujours en vigueur aujourd’hui, qui établit de manière formelle les rapports entre individus (famille, mariage, héritage, etc.).

La liberté contractuelle est notamment établie par le Code civil.
Celle-ci affirme que chacun est en droit de passer (ou de ne pas passer) un contrat avec la personne de son choix et selon des clauses convenues, ce qui constitue alors une nouveauté. Cette liberté se trouve limitée cependant dans des cas précis par des règlementations liées à l’ordre public (moralité, sécurité, etc.).

En dépit d’une œuvre contestée (les guerres napoléoniennes sont à l’origine de plusieurs milliers de morts), Napoléon Ier a grandement modernisé l’administration du pays.

La « République une et indivisible »

Souhaitant redonner des fondations solides à un pays mis à mal par la guerre d’Algérie, Charles de Gaulle et Michel Debré réactivent les principes d’une « République une et indivisible ».

La Constitution mentionne clairement dans l’article 2 du titre premier intitulé « De la souveraineté » que :

« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. »

Cet article lie l’indivisibilité de la République à l’égalité de tous les citoyens et citoyennes devant la loi.
Dans le texte originel de la Constitution de 1958, la centralisation du pouvoir est garante de l’égalité et renforce les institutions.

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À retenir

Ainsi, l’indivisibilité de la République garantit un droit uniforme dans tous les territoires du pays, l’égalité stricte de toutes et tous devant la loi (sans distinction de couleur de peau, de religion, de sexe ou d’origine sociale) et le monopole du Parlement, élu par le peuple, pour élaborer et voter des lois.

Une république indivisible est donc une république qui protège, juge et légifère pareillement et équitablement pour toutes et tous.

La révolution décentralisatrice

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Définition

Décentralisation :

En France, dans un pays extrêmement centralisé où Paris occupe une place centrale, la décentralisation vise à déléguer des pouvoirs et compétences dans les différents échelons locaux (régions, départements, communes).

La loi Defferre de 1982

Ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation entre 1981 et 1984, Gaston Defferre est chargé par le président François Mitterrand de revoir l’organisation des pouvoirs au sein de l’État.
Conscient que la France est trop dépendante des décisions prises à Paris, et dont l’application est localement surveillée par l’intermédiaire des préfets, Mitterrand décide d’accorder plus de pouvoirs et de compétences aux échelons locaux.

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Définition

Préfet :

Il s’agit d’un haut fonctionnaire nommé par décret du président de la République. Il est chargé de veiller à ce que la volonté du gouvernement soit respectée au sein de la juridiction placée sous sa responsabilité.

La loi Defferre transfère au département l’essentiel des pouvoirs du préfet.
La région est également reconnue comme une collectivité territoriale de plein exercice.

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Définition

Collectivité territoriale :

Les collectivités territoriales comprennent les communes, les départements, les régions et collectivités à statut particulier. Elles prennent des décisions à leur échelle par le biais de conseils élus.

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À retenir

Le conseil régional et le conseil départemental sont dorénavant des juridictions officielles pour lesquelles les citoyennes et citoyens peuvent désigner des élus lors de scrutins dédiés.

La décentralisation au quotidien

Depuis la loi Defferre, la décentralisation s’est concrétisée de différentes façons aux yeux des citoyennes et citoyens.

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Exemple

Un cas particulièrement parlant est celui de la scolarité.
En ce qui concerne les écoles maternelles et primaires, ce sont les communes qui sont en charge des bâtiments et qui en financent les dépenses matérielles.
Concernant le collège, les bâtiments et les agents techniques dépendent du département.
Enfin, les bâtiments et les agents techniques du lycée sont du ressort de la région.

Ce faisant, garantir la place d’un établissement scolaire dans un maximum de communes permet à tous les élèves de France d’avoir accès au droit à l’instruction et à la scolarité.

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Attention

Les personnels enseignants et administratifs des écoles maternelles et primaires, des collèges et des lycées sont recrutés et rémunérés par l’Etat et ne dépendent en aucune façon des collectivités territoriales.

L’organisation de la scolarité en France est donc un exemple de liberté laissée aux administrations locales, départementales ou régionales pour la gestion des établissements scolaires.

L’exercice de la démocratie locale

L’objectif de la démocratie locale est de rapprocher les citoyennes et les citoyens des enjeux les concernant directement, au niveau de leur commune, de leur département ou de leur région, permettant ainsi idéalement une plus forte implication.

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Définition

Démocratie locale :

La démocratie locale passe par la libre administration des collectivités territoriales, dont le rôle s’est accru à travers les différents actes de décentralisation.
La Constitution de 1958 dispose que ces collectivités peuvent s’administrer librement par des assemblées élues.

Si la Constitution garantit que les collectivités territoriales puissent s’administrer librement, des initiatives sont régulièrement prises afin de rapprocher encore les élus de leurs administrés.

  • Par exemple, chaque année, le Conseil de la ville de Paris propose aux habitantes et habitants de la capitale de prendre part à un débat pour décider de l’allocation d’un certain pourcentage du budget de la ville. Toute personne étant en âge de voter peut prendre directement part aux enjeux de la ville dans laquelle elle habite.
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À retenir

La démocratie locale est donc un principe visant à rapprocher l’exercice du pouvoir des citoyennes et citoyens.

L’exercice de la liberté dans le cadre européen

Avec l’agrandissement de l’Union européenne et la signature fréquente de nouveaux traités, cette entité pose également la question de l’exercice de la liberté.

Le principe de la libre circulation

Consacrée par la signature des accords de Schengen en 1985, la libre circulation fait désormais partie des principes fondateurs de l’Union européenne.

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À retenir

Signés à Schengen au Luxembourg, ces accords permettent la libre circulation des personnes, des flux financiers et des marchandises entre les pays européens signataires.

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Attention

Seuls les pays membres de l’espace Schengen sont concernés par cette libre circulation. Or, certains pays membres de l’Union européenne n’en font pas partie. A contrario, quatre pays non membres de l’Union européenne ont intégré cet espace.
La liste des pays membres inclut ainsi : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, l’Estonie, la Finlande, la France, la Grèce, la Hongrie, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la Slovaquie, la Slovénie, la Suède et la République tchèque (UE), ainsi que l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse (hors UE).

L’espace Schengen est donc un espace de libre circulation des personnes et des biens s’étendant sur une superficie de 4,3 millions de km2 et incluant une population totale de 419,4 millions de personnes.

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH)

Juridiction internationale, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) est instituée par le Conseil de l’Europe (l’une des institutions européennes) en 1959 et siège désormais à Strasbourg.

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À retenir

La CEDH peut être saisie par tout État, personne physique, groupe de particuliers ou organisation non gouvernementale (ONG) qui s’estime lésé dans l’exercice de ses droits.

Elle garantit notamment :

  • le droit à la vie ;
  • le droit à un procès équitable ;
  • le droit au respect de la vie privée et familiale ;
  • la liberté d’expression ;
  • la liberté de pensée, de conscience et de religion ;
  • le droit au respect de ses biens.

Par ailleurs, elle interdit notamment :

  • la détention arbitraire et illégale ;
  • les discriminations au regard des droits et libertés ;
  • la torture ;
  • l’esclavage et le travail forcé.

La CEDH est donc une cour dont la juridiction s’étend à l’ensemble des membres de l’Union européenne et qui protège les citoyennes et citoyens en fonction d’une base de droits et libertés reconnus par ses pays membres.

Exercer sa citoyenneté dans l’Union européenne

Afin de favoriser la liberté de circulation et d’installation des personnes au sein de l’Union européenne, ses pays membres ont convenu d’un certain nombre de mesures visant à faciliter l’exercice de la citoyenneté en leur sein.

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À retenir

Ainsi, chaque personne vivant dans l’Union européenne exerce aussi une forme de citoyenneté européenne en plus de sa citoyenneté nationale.

L’une des mesures qui bénéficie au quotidien aux Françaises et Français concerne le fait de n’avoir besoin que d’une carte nationale d’identité pour voyager vers un autre pays de l’Union européenne. Le passeport n’est plus indispensable.

Par ailleurs, il est permis à n’importe quelle personne jouissant de ses droits civiques et membre d’un pays de l’Union européenne de participer aux élections locales – municipales essentiellement – dans un autre pays membre.

  • Il est ainsi permis à un citoyen français vivant en Allemagne de voter lors des élections municipales allemandes, dans sa ville de résidence.

L’Union européenne vise à simplifier progressivement l’exercice de la vie civique à ses citoyennes et citoyens.

Conclusion :

L’histoire française institue un pays profondément centralisé où le pouvoir central (royal, impérial puis républicain) vise à garantir un exercice équitable du pouvoir sur l’ensemble du territoire.

La décentralisation a profondément modernisé l’administration française, permettant de déléguer et de rapprocher certaines compétences au plus près des citoyennes et citoyens.

L’Union européenne, en dépit de sa superficie et de sa forte population, a pris différents engagements forts permettant de renforcer la citoyenneté dans ses pays membres, y compris à une échelle locale.