La poésie africaine

Introduction :

Avec la poésie, on peut s’arrêter sur des vers, des images, des mots, abandonner le poème, prendre le temps d’y revenir. Un lecteur de poésie est celui qui prend son temps pour lire et qui ne cherche pas à tout comprendre immédiatement.
La poésie africaine raconte souvent l’histoire de l’Afrique.
Plusieurs poètes africains dénoncent le racisme et le colonialisme avec leurs textes. On dit qu’ils font partie du mouvement de la négritude.

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Définition

Colonialisme :

Le colonialisme au XIXe siècle est la période où un grand nombre de pays d’Europe, comme la France et l’Angleterre, se sont installés dans des pays pour profiter de leurs richesses (coton, café…) et soumettre la population du pays.

Les poètes de la négritude

Léopold Sédar Senghor (1906 – 2001)

Léopold Sédar Senghor était un écrivain et homme politique sénégalais de la fin du XXe siècle. Il a été le premier président du Sénégal de 1960 à 1980 et le premier homme africain à l’Académie Française (une institution dont la fonction est de s’occuper de la langue française pour la rendre pure et compréhensible par tous). Léopold Sédar Senghor avait un grand sens de l’humour, comme on peut le voir dans le poème ci-dessous :

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Citation

Poème à mon frère blanc

Quand je suis né, j’étais noir ;
Quand j’ai grandi, j’étais noir ;
Quand je suis au soleil, je suis noir ;
Quand je suis malade, je suis noir ;
Quand je mourrai, je serai noir…
Tandis que toi homme blanc,
Quand tu es né, tu étais rose ;
Quand tu as grandi, tu étais blanc ;
Quand tu es au soleil, tu es rouge ;
Quand tu as froid, tu es bleu ;
Quand tu as peur, tu es vert ;
Quand tu es malade, tu es jaune ;
Quand tu mourras tu seras gris…
Alors, de nous deux, Qui est l’homme de couleur ?

Ce poème est très simple et ne contient pas de rimes.
Le thème principal est le racisme : un homme noir est appelé « homme de couleur », juste par rapport à l’homme blanc. C’est une discrimination, une injustice.
Dans le poème, l’auteur va prouver que l’homme blanc change de couleur selon les âges, les émotions, la maladie, alors que l’homme noir ne change pas. Le poète montre donc que le terme « homme de couleur » n’a pas de sens.

Dans les 5 premiers vers du poème, l’homme noir parle à la 1re personne. Les vers commencent tous de la même façon et la répétition de « Quand je » et « noir » pour insister sur le fait que l’homme noir ne change jamais de couleur.

Dans la deuxième partie du poème, l’homme noir s’adresse à l’homme blanc, son semblable, son frère, en le tutoyant.
On retrouve les mêmes répétitions « quand tu » pour insister sur les différentes situations qui font changer de couleur l’homme blanc :

  • le rose du bébé ;
  • le blanc de la peau de l’adulte ;
  • le rouge des coups de soleil ;
  • le bleu pour le froid ;
  • le vert qui vient de l’expression « vert de peur » ;
  • le jaune quand on a mauvaise mine ;
  • et le gris pour la mort. L’auteur s’amuse à énumérer toutes les couleurs par lesquelles peut passer un homme blanc !

Le poème se termine par une interrogation, avec beaucoup d’ironie, de moquerie : l’homme noir a prouvé combien l’homme blanc mériterait le nom « d’homme de couleur » !

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À retenir

Ce texte est un poème engagé de Léopold Sédar Senghor, comme une leçon pour l’homme blanc pour l’amener à se remettre en question.

Mandessi Diop (1927-1960)

Mandessi Diop est né en France d’une mère camerounaise et d’un père sénégalais. Il passe sa vie entre la France, le Cameroun et le Sénégal.
Passionné de littérature, il a eu Léopold Sédar Senghor comme professeur durant ses études. Il meurt en 1960, dans un accident d’avion. David Diop était un poète engagé, qui a lutté contre le colonialisme et le racisme.

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Citation

Défi à la force

Toi qui plies, toi qui pleures
Toi qui meurs un jour sans savoir pourquoi
Toi qui luttes, qui veilles sur le repos de l’autre
Toi qui ne regardes plus avec le rire dans les yeux
Toi mon frère au visage de peur et d’angoisse
Relève toi et crie : Non

Ce poème ne contient pas de rimes.
C’est un message pour encourager la révolte de celui qui souffre et est dominé.
« Toi qui plies, toi qui pleures » : l’auteur fait allusion à l’esclavage subi par les Africains depuis l’Antiquité. L’esclave se plie pour travailler.
« Toi qui meurs sans savoir pourquoi » : les maitres des esclaves avaient le droit de vie ou de mort sur les esclaves sans craindre d’être jugés ou punis.
« Toi qui luttes, qui veilles sur le sommeil de l’Autre » : L’Autre, avec une majuscule, est l’homme blanc, le maître : l’esclave doit non seulement lutter pour sa vie mais veiller à satisfaire les besoins du maître.
« Toi qui ne regardes plus avec le rire dans les yeux/Toi mon frère au visage de peur et d’angoisse » : l’esclave a perdu toute joie de vivre, il vit dans la peur, la misère, sans espoir.
« Relève-toi et crie : Non » : Le dernier vers est court. C’est un encouragement à ne plus subir, à se redresser, à refuser de se laisser faire.

Augustin Sondé Coulibaly (1933-2017)

Augustin Sondé Coulibaly (1933-2017) est un écrivain né au Burkina Faso. Il a été élevé avec des valeurs comme la discipline et la solidarité. Il était écrivain, mais aussi journaliste et dessinateur. Il partageait les valeurs de la négritude et fut l’un des premiers auteurs africains à écrire des poèmes pour enfants.

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Citation

Savoir

Papa, tu me diras
Pourquoi des enfants ici sont sans logis et moi dans un palais.
Tu me diras d’où viennent les fous, les mendiants, les sans-travail.
Tu me diras pourquoi il y a des pauvres et des riches.
Tu me diras la différence entre les garibous1 et moi.
Tu me diras pourquoi tu es né dans la paillote de campagne.
Tu me diras comment est la campagne et comment est l’Afrique.
Oui, savoir ! Je dois tout savoir, car je vais à l’école.

1 garibou : enfant chapardeur, qui vole.

Ce poème parle de la famille, de la différence et de l’importance de l’école. Il est composé de vers sans rimes avec 5 vers qui commencent par « tu me diras » : la répétition insiste sur le besoin de comprendre et de savoir de l’enfant qui s’adresse à son père.
L’enfant veut savoir pourquoi certains, comme lui, sont privilégiés alors que d’autres sont pauvres et vivent en mendiant ou en volant.
« Tu me diras pourquoi tu es né dans la paillote de campagne. / Tu me diras comment est la campagne et comment est l’Afrique » : l’enfant veut connaître son histoire à travers celle de son père et connaitre aussi son pays.
« Oui, savoir ! Je dois savoir car je vais à l’école » : aller à l’école est un privilège pour l’enfant et tous les enfants n’ont pas cette chance.

Les poètes du Maghreb

Tahar Ben Jelloun (1947 - )

Tahar Ben Jelloun est un écrivain, poète et peintre franco-marocain né en 1947 à Fès au Maroc. Il est l’auteur de deux recueils de poésies et de romans dont La nuit sacrée, pour lequel il a obtenu le prix Goncourt en 1987.

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Citation

Dans mon pays

Dans mon pays
on ne prête pas,
on partage.
Un plat rendu
n’est jamais vide ;
du pain
quelques fèves1
ou une pincée de sel.

1 Fève : plante dont les graines se consomment fraîches ou conservées.

Ce poème est très court et très simple. Il n’a pas de rimes.
Il parle du partage, de la fraternité : si l’un offre un plat, l’autre lui rend toujours plein, même si ce sont de choses simples comme du pain, des fèves ou du sel.

Salah Khelifa (1943 - )

Salah Khelifa est d’origine tunisienne. C’est un écrivain qui écrit en français. Il a écrit énormément de poèmes et de livres inspirés à la fois de la culture française et maghrébine. Le Maghreb est une région au nord de l’Afrique, dont la culture est issue du monde Arabe.

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Citation

Hospitalité arabe

Ô passant étranger
Qui tiens une houlette1,
Veux-tu bien partager,
Avec moi, ma galette ?
Ô passant ! ô passant !
Dont j’ignore le nom,
Je t’offre cet encens2 ;
Prends-le, ne dis pas : non !
Accepte ce lit rêche3
Que prépare ma mère
Pour toi et notre eau fraîche
Et notre mie amère.
Notre pain, notre sel,
Notre encens sont à toi ;
Hélas ! sous notre toit
Nous n’avons pas de miel.

1 Houlette : bâton de berger
2 Encens : résine qui brûle en dégageant une odeur.
3 Rêche : qui est peu agréable au toucher.

Ce poème est court et comporte ce qu’on appelle des rimes croisées. Ce sont des rimes construites dans une alternance deux par deux. On peut le voir dans cet exemple :

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Exemple

Accepte ce lit rêche
Que prépare ma mère
Pour toi et notre eau fraîche
Et notre mie amère.

Ce poème parle de solidarité et de fraternité dans des pays comme la Tunisie : l’auteur invite le « passant », un inconnu, à venir manger chez lui et y dormir. Il propose de l’accueillir sous son toit.
Pourtant nous comprenons que celui qui invite n’est pas riche, le lit est « rêche ». Et ce qui est offert pour le repas est très simple : pain, eau et sel : « nous n’avons pas de miel » insiste sur cette simplicité.

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À retenir

On peut distinguer deux éléments dans les poèmes de ce cours :

  • la négritude, qui dénonce l’esclavage, la colonisation et le racisme envers les africains noirs. Cette poésie met en valeur la culture du peuple noir ;
  • la poésie du Maghreb, au nord de l’Afrique (Tunisie, Maroc…), qui transmet des valeurs, à travers les particularités et la culture du pays.

La poésie africaine est souvent une poésie engagée qui défend des droits importants : la liberté, la justice, l’égalité et la fraternité.
Cette poésie condamne la guerre, la différence, l’esclavage et le racisme.
Elle amène le lecteur à réfléchir et parfois à s’indigner.

poésie - Afrique - SchoolMouv - Français - lecture et compréhension - CM1