Le droit à la protection : le cas des personnes étrangères

Introduction :

En France, seuls les citoyens français ont le droit de voter à toutes les élections, les résidents étrangers en sont généralement exclus. Toutefois, certains droits leurs sont reconnus, notamment dans le domaine de la protection sociale.
Quelle est l’étendue de ces droits ? Quels étrangers concernent-ils ?

Nous décrirons dans un premier temps la population étrangère en France, puis nous étudierons ses droits à la protection sociale. Enfin, nous analyserons les possibilités et difficultés d’accès des étrangers à ces droits en pratique.

Les étrangers en France

D’après le recensement de 2015, la France compte 66 millions d’habitants.
Les étrangers représentent environ 7 % de la population, soit un peu plus de 4 millions de personnes.

Migrants, étrangers et immigrés en France

Il existe plusieurs termes se rapportant à des notions différentes et qu’il ne faut donc pas confondre.

  • Étranger
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Définition

Étranger :

Un étranger est une personne qui n’a pas la nationalité du pays dans lequel elle réside.

Le terme « étranger » est utilisé par les statistiques publiques de chaque État.

  • Migrant
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Définition

Migrant :

Un migrant est une personne qui vit dans un pays autre que son pays d’origine ou de naissance.

Le terme « migrant » est général.
On précise « migrants internationaux de long terme » pour ceux résidant dans le pays pour plus d’un an. Ce terme est utilisé par les institutions internationales, telle que les Nations unies, mais il n’a pas de définition officielle en France.

On parle d’émigré du point de vue du pays de départ et d’immigré du point de vue du pays d’arrivée.
Ainsi, par exemple, un Chinois vivant en France est un émigré pour la Chine et un immigré pour la France.

  • Immigré
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Définition

Immigré :

Un immigré est un migrant considéré depuis le pays d’accueil.

Un immigré est donc une personne résidant en France qui est née à l’étranger.
Ce terme implique une migration vers la France. Il est utilisé pour différencier les résidents en France selon leur origine géographique et non selon leur nationalité.
Un immigré peut ensuite devenir français ou rester étranger.

population française immigrés étrangers

Comme le montre le schéma ci-dessus, la plupart des étrangers (3,8 millions) sont aussi immigrés : ils sont nés dans un autre pays que la France.
Mais certains étrangers sont nés en France, comme par exemple des mineurs nés sur le sol français de parents étrangers. Ils pourront devenir français à leur majorité s’ils ont résidé assez longtemps en France.

Enfin, près d’un tiers des immigrés (2,4 millions) a acquis la nationalité française.
Ils appartiennent toujours à la catégorie des immigrés car c’est le pays de naissance et non la nationalité qui définit cette catégorie.

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À retenir

Il est important de distinguer les termes « étranger » et « immigré », car ils ont des implications différentes en termes de droits.
Un immigré qui a la nationalité française a bien évidemment les mêmes droits que tous les autres français.

Les étrangers, immigrés ou non, ont parfois des droits différents comme nous le verrons en seconde partie.

Les différents statuts des étrangers en France

La loi distingue plusieurs catégories d’étrangers en France.

  • Étrangers ressortissants de pays de l’Union européenne

Tout d’abord, les étrangers ressortissants de pays de l’Union européenne représentent un tiers des étrangers en France.
Ils bénéficient de la liberté de circulation et peuvent voter aux élections municipales et aux élections européennes.

  • Étrangers ressortissants de pays tiers

On distingue ensuite les étrangers ressortissants de pays tiers (c’est-à-dire des pays en dehors de l’Union européenne) selon le motif de leur entrée sur le territoire.

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À retenir

Les motifs d’entrée en France sont les liens familiaux, le travail, des raisons humanitaires ou des études.

Le diagramme ci-après donne la répartition par motif d’entrée de l’ensemble des titres de séjour accordés en France entre 2009 et 2017.

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Attention

Ce diagramme concerne principalement les étrangers qui ne sont pas de l’Union européenne, car les citoyens européens ne sont pas obligés de demander un titre de séjour dès lors qu’ils ont un travail en France.

titres séjour France

On constate que le principal motif d’entrée en France est le lien familial.
En 2017, sur un total d’environ 250 000 titres de séjour délivrés, près de 90 000 l’ont été à des personnes qui avaient des liens familiaux en France, par exemple des parents d’enfants français, des enfants d’étrangers résidant en France ou des époux ou épouses de Français.

Viennent ensuite les personnes entrant pour un travail.
Ce motif était le plus important jusqu’à la crise économique de la fin des années 1970, à partir de laquelle il a été dépassé par les liens familiaux.

Des étrangers obtiennent également un titre de séjour pour des raisons humanitaires. Ils étaient environ 35 000 en 2017.
Il s’agit principalement de réfugiés.

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Définition

Réfugié :

Un réfugié est une personne qui fuit son pays car il y est (ou risque d’y être) victime de persécutions ou de conflits armés.

Enfin, il faut noter que certains étrangers résidant en France n’ont pas ou plus de titre de séjour en règle.
Ces étrangers « sans-papiers » sont environ 300 000 en France, d’après les estimations.

Quels droits à la protection sociale pour les étrangers en France ?

En France, l’État a notamment pour mission d’assurer des conditions de vie décentes à ses citoyens, comme le démontre le concept d’État-providence.
La protection sociale qu’il offre recouvre de larges domaines : santé, travail, vieillesse, logement.

Ces droits sociaux sont-ils aussi reconnus aux personnes étrangères ?

Principes généraux

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À retenir

Les droits de l’homme sont universels et doivent s’appliquer à tous les résidents d’un pays, nationaux comme étrangers.

Mis à part les droits civiques (vote et éligibilité) réservés aux citoyens, les droits fondamentaux, tels que la liberté, l’égalité et la sûreté, sont garantis à tous.

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À retenir

En France, le droit va plus loin et reconnaît le droit des étrangers à la protection sociale, au nom du principe d’égalité qui découle du premier article de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

En effet, le Conseil constitutionnel a rejeté le critère de nationalité comme condition d’accès aux allocations minimales pour les personnes âgées.

  • Par exemple, tout étranger peut bénéficier de la protection maladie universelle en France, qui est la couverture de base de la Sécurité sociale.

Toutefois, la loi française a introduit une autre condition pour bénéficier de droits sociaux : la régularité du séjour de l’étranger.

  • En conséquence, les étrangers dits « sans-papiers » n’ont pas accès aux droits sociaux généraux.

L’État leur garantit tout de même une protection sociale minimale (hébergement d’urgence, aides pour mineurs) par principe humanitaire mais aussi pour des considérations de santé publique.

  • Par exemple, l’aide médicale d’État (AME) offre aux sans-papiers une couverture santé minimale, à condition d’être en France depuis plus de trois mois. Cela permet notamment d’éviter la propagation de maladies qui pourraient mettre en danger d’autres personnes, comme la tuberculose.

Cas particuliers

Il existe des catégories particulières d’étrangers qui ont des droits sociaux spécifiques, tel que les étrangers de l’Union européenne, les étrangers dont le pays a un accord avec la France et les réfugiés.

  • Étrangers ressortissants de pays de l’Union européenne

Les étrangers ressortissants de pays de l’Union européenne accèdent plus facilement aux droits sociaux, car ils bénéficient de conditions de séjour plus souples que ceux des pays tiers. Ils peuvent aussi rester rattachés à leur régime de sécurité sociale.

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Attention

Il faut toutefois noter que, s’il existe dans l’Union européenne une liberté de circulation, cela n’implique pas une liberté d’installation.
Un citoyen européen qui ne remplit pas les conditions de séjour peut donc être renvoyé dans son pays, comme l’ont été en 2010 des citoyens roumains Roms vivant en France.

  • Étrangers ressortissants de pays tiers

Les étrangers ressortissants de pays tiers qui ont passé des accords particuliers avec la France peuvent parfois bénéficier de droits sociaux plus larges.

  • C’est le cas par exemple des étrangers algériens avec un titre de séjour autorisant le travail qui, grâce un accord entre la France et l’Algérie, peuvent demander le revenu de solidarité active (RSA) sans devoir attendre cinq ans de séjour régulier comme les autres étrangers.
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Définition

RSA :

Le RSA est une prestation sociale qui assure un minimum de revenu aux personnes de plus de 25 ans sans droits au chômage.

  • Réfugiés

Les réfugiés bénéficient d’une protection particulière, la protection internationale.
Puisqu’ils ont fui leur pays par crainte de persécution, ils bénéficient du droit d’asile dans l’État qui les accueille.

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Définition

Droit d’asile :

Le droit d’asile est le droit pour une personne persécutée ou risquant des persécutions de fuir son pays et d’être accueilli par un autre pays qui doit la protéger.

En particulier, l’État d’accueil ne peut renvoyer un réfugié dans son pays d’origine ou dans tout autre pays où il pourrait être persécuté.

  • Ainsi, dans les années 1980, des Vietnamiens ont fui leur pays en guerre pour sauver leur vie. Ils ont notamment fui vers les pays proches par voie de mer, sur des embarcations de fortune, souvent sans eau et sans vivres. Certains d’entre ont été accueillis en France où ils ont obtenu l’asile (120 000 en 1979).

Vietnamiens boat people guerre 1980 Vietnamiens fuyant leur pays en guerre dans les années 1980, surnommés les « boat people »

Le droit d’asile est proclamé par la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.
Il a été formalisé au niveau international par la convention de Genève de 1951.
Celle-ci proclame qu’un réfugié doit être traité comme un citoyen national, y compris pour les droits sociaux, dès qu’il travaille.

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À retenir

Les conditions de durée de résidence pour bénéficier de droits sociaux ne s’appliquent donc pas aux réfugiés.

Ainsi, en France, un réfugié peut bénéficier du RSA dès la reconnaissance de son statut, alors que les autres étrangers de pays tiers doivent attendre cinq ans de séjour régulier.
De même pour l’allocation de solidarité aux personnes âgées, dont les autres étrangers ne peuvent bénéficier qu’après dix ans de séjour régulier.

Cependant, durant le traitement de leur dossier, les demandeurs d’asile ont des droits sociaux restreints.

  • Par exemple, les demandeurs d’asile n’ont pas le droit de travailler, sauf cas particulier. Ils bénéficient donc d’une allocation pendant leur attente.

De plus, les étrangers ne connaissent pas toujours leurs droits et ont souvent du mal à les faire respecter.

La réalité de l’accès des étrangers aux droits de protection sociale

Le droit français garantit des droits sociaux aux étrangers.
Toutefois, ces droits font régulièrement l’objet de débats politiques. De plus, les étrangers éprouvent souvent des difficultés à accéder à leurs droits.

Les débats sur les droits sociaux des étrangers

Régulièrement, des partis, hommes politiques ou citoyens proposent de réduire l’accès des étrangers aux droits sociaux.
Leurs raisons sont diverses :

  • par xénophobie ;
  • par souci d’économie, car les droits sociaux impliquent une action concrète de l’État (prestations ou services publics) et nécessitent donc une dépense publique ;
  • pour contenir l’immigration, car ils pensent qu’un accès trop large aux droits sociaux pour les étrangers pourrait créer une incitation pour des ressortissants de pays tiers à venir en France.
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À retenir

Les débats sur l’accès aux droits sociaux pour les étrangers sont souvent biaisés par la méconnaissance des situations des étrangers en France.

  • Par exemple, les propositions de réduire l’aide médicale d’État pour des raisons d’économie ou pour éviter un « appel d’air » (c’est-à-dire que cela incite d’autres étrangers à venir en France) négligent le fait que les sans-papiers malades et qui font valoir leurs droits sont peu nombreux, qu’ils travaillent souvent et donc cotisent, et qu’il est par ailleurs moins coûteux de soigner rapidement. De plus, des études scientifiques contredisent cette idée d’« appel d’air ».

Manifestation soutien sans-papiers régularisation séjour logement Paris 2018 Manifestation de soutien à des personnes sans-papiers demandant la régularisation de leur séjour et des aides au logement, Paris, 2018

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À retenir

À l’inverse des libertés fondamentales, les droits sociaux peuvent varier d’ampleur selon les majorités politiques, car ce sont des droits-créances, c’est-à-dire des droits qui nécessitent une action de l’État.

Ils sont d’autant plus susceptibles d’être restreints pour les étrangers que ceux-ci n’ont pas de droit de vote et ne peuvent donc pas influencer directement les décideurs politiques.

Les difficultés d’accès aux droits sociaux pour les étrangers

Malgré la reconnaissance légale de droits sociaux, les étrangers ont parfois du mal en pratique à bénéficier de leurs droits.

Tout d’abord, beaucoup d’étrangers ne font pas valoir leurs droits car ils ne les connaissent pas, maîtrisent mal les démarches administratives ou n’ont pas un niveau de français suffisant.

En outre, les étrangers renoncent parfois à les demander face à des difficultés administratives.

  • Les délais de traitement de leur demande de titre de séjour sont longs, six mois en moyenne pour une demande de regroupement familial, c’est-à-dire une demande de venue d’enfants ou de parents d’un étranger résidant régulièrement en France.

Enfin, les étrangers se voient parfois refuser l’accès à leurs droits.

  • Par exemple, le Défenseur des droits, autorité administrative indépendante, déplore que les titres de séjour pour raisons médicales soient parfois refusés pour des raisons de coût, alors qu’ils sont destinés aux étrangers porteurs de maladies graves qui ne peuvent pas être soignées dans leurs pays d’origine.

Conclusion :

Les étrangers représentent environ 7 % de la population française.
Leurs statuts sont variés : travailleurs, étudiants, réfugiés, etc.

Bien qu’ils n’aient pas la nationalité française, le droit français leur reconnaît la possibilité d’avoir des droits sociaux, au nom du principe fondamental d’égalité.
Ce même principe fait qu’un étranger bénéficie cependant de droits sociaux restreints par rapport à un citoyen français.

Certaines catégories d’étrangers ont des droits sociaux plus larges que les autres, notamment les ressortissants de l’Union européenne ou les réfugiés.

Néanmoins, en pratique, l’accès aux droits sociaux pour les étrangers est souvent remis en question et peut s’avérer difficile. Dès lors, il convient de rappeler les principes de l’État de droit et le but de cohésion sociale de l’État-providence.