Le web 2.0, ou web participatif

Introduction :

Aux débuts de l’Internet, et plus particulièrement du web, l’internaute effectuait des consultations passives de contenus produits par un petit nombre de personnes et d’organisations. Mais l’évolution des usages et des outils a ensuite transformé l’internaute en acteur et en producteur de contenus. Le web est devenu pour partie un espace collaboratif permettant à des individus de publier facilement des contenus et à des communautés d’intérêts de se réunir pour échanger et produire collectivement des contenus. Cette mutation vers un web participatif est survenue au cours des années 2000.

Après avoir décrit les principales caractéristiques du web 2.0, nous étudierons les principaux types de plateformes qui ont contribué à son essor. Nous aborderons ensuite les enjeux juridiques et sociétaux liés à ces pratiques.

Le web participatif

Le web participatif, également appelé web 2.0, désigne une évolution du web qui a permis à tout internaute de devenir facilement producteur de contenus, et d’échanger autour de contenus produits par d’autres internautes.

Cette mutation a été rendue possible par des évolutions technologiques qui ont facilité les échanges, donnant naissance à de nouveaux usages.

Évolutions technologiques

Jusqu’au début des années 2000, il était nécessaire d’avoir une connaissance et une maîtrise des langages et des technologies pour pouvoir publier sur le web. Cette barrière s’est progressivement estompée avec le développement d’outils toujours plus simples d’emploi permettant la publication, les partages et les échanges d’informations entre internautes.

  • À ce niveau le langage Javascript a joué un rôle déterminant en apportant au web côté client une dimension interactive et une souplesse d’usage inédites.

Les pages web ont commencé à intégrer des fonctionnalités analogues à celles existantes dans les logiciels traditionnels, donnant progressivement naissance à de véritables applications web. Publier un article sur le web ou participer à une discussion est rapidement devenu aussi simple qu’envoyer un courriel ou utiliser un traitement de texte.

Cette évolution s’est accompagnée d’un développement de socles logiciels open source qui ont permis et facilité le déploiement et la personnalisation de plateformes de blogs, de forums ou de bases de connaissances.

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Définition

Open source :

Un logiciel open source, ou logiciel libre, est un logiciel dont le code est distribué dans le cadre d’une licence qui en autorise la consultation, la modification, et la redistribution, sans contrepartie financière.

Internautes producteurs de contenus

En abaissant fortement le niveau de connaissances technologiques requises du fait de leur simplicité d’emploi, les outils de production de contenus ont permis à tout un chacun de faire entendre sa voix : d’abord de manière écrite, puis sous forme audio et vidéo. Certaines plateformes comme les blogs privilégient les publications individuelles, d’autres comme les forums de discussion ou les bases de connaissances sont le fruit d’un travail collectif. Sur ces différentes plateformes, la majorité voire la totalité des contenus est produite ou partagée par les utilisateurs eux-mêmes.

Dans le même temps, de nouvelles pratiques émergentes de droit d’auteur ont favorisé le partage et la réutilisation de contenus. Les licences Creative Commons sont un cadre destiné à encourager la diffusion des œuvres de l’esprit.

Alt texte Les sigles des licences Creative Commons de la moins restrictive à la plus restrictive, Simon Villeneuve CC BY-SA 4.0

Elles permettent à chaque auteur de définir et de communiquer simplement quels droits de partage, de diffusion et de modification il accorde aux autres sur son œuvre.

Communautés d’intérêts

Si certains des nouveaux outils du web participatif comme les blogs sont principalement à usage individuel, d’autres sont conçus pour être développés de manière collective et collaborative. C’est notamment le cas des forums et des bases de connaissances. L’Internet permettant de s’affranchir des distances, de nombreux internautes partageant les mêmes passions ou les mêmes centres d’intérêt se regroupent en communautés virtuelles sur ces plateformes pour échanger des informations et partager leurs expériences.

Étudions maintenant plus spécifiquement ces différentes plateformes conçues pour le web participatif.

Plateformes du web participatif

Le web participatif revêt différentes formes, en fonction des outils utilisés par les internautes pour produire des contenus et échanger autour de leurs centres d’intérêt.

Blogs

L’apparition de plateformes de blog a fortement contribué au développement du web participatif en permettant aux internautes d’auto-publier très facilement des contenus sur le web, sans avoir à maîtriser le HTML ou le CSS, ni à administrer un serveur web.

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Définition

Blog :

Un blog (parfois orthographié blogue) est un journal personnel en ligne tenu par un internaute.

L’internaute publie sur son blog des contenus sous forme d’articles, ou billets (« posts » en anglais). Son auteur, appelé blogueur ou blogueuse, y exprime son point de vue sur les sujets qui l’intéressent, sans nécessairement s’imposer une régularité dans la fréquence de publication, le format, ni même les thématiques des articles.

L’autre innovation des blogs a consisté à permettre aux internautes de commenter les articles. Cette possibilité aujourd’hui assez généralisée n’existait pas sur les sites traditionnels ni sur les sites de presse.

  • Le blog a ouvert un espace de dialogue entre le blogueur et ses lecteurs, mais aussi entre lecteurs.

Cette ouverture aux commentaires a également entraîné l’apparition de trolls et de spams venant polluer les espaces de commentaires en s’immisçant dans les échanges.

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Définition

Troll :

Internaute qui publie volontairement des commentaires inutiles, hors sujet ou polémiques, souvent de manière répétitive.

Le troll cherche généralement à provoquer une réaction de l’auteur du blog ou des autres lecteurs. Il crée et alimente toutes sortes de polémiques pour obtenir des réactions émotionnelles aux propos qu’il tient.

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Définition

Spam :

Un spam est un message électronique non sollicité, en général à vocation publicitaire.

Ce terme vient d’un sketch des Monty Python dans lequel le mot « spam » est répété un nombre incalculable de fois, à l’image des personnes qui inondent les plateformes participatives de leurs informations commerciales.

Les espaces de commentaires des blogs font partie des cibles des spammeurs. Le spam peut être manuel, quand un propriétaire de site cherche à promouvoir sans discernement son activité, mais il est la plupart du temps automatisé et très largement diffusé. Les spammeurs cherchent à obtenir un maximum de trafic sur leur site internet dans une optique commerciale ou de référencement, qui est parfois doublée d’une arnaque.

La récurrence des trolls et des spams a conduit au développement d’outils permettant la modération des commentaires par les blogueurs. Les messages suspects ou provenant d’auteurs identifiés comme indésirables peuvent être bloqués ou mis en attente pour validation manuelle.

Le blog était historiquement textuel mais d’autres formes d’expressions individuelles sont apparues, notamment le podcast, parfois appelé diffusion pour baladeur, qui consiste en la publication de contenus audio ou vidéo que l’internaute peut consulter directement ou télécharger en vue d’une écoute ou d’un visionnage ultérieur.

Forums

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Définition

Forum :

Les forums sont des espaces de discussion sur une thématique donnée qui peuvent être partiellement ou totalement publics ou privés.

L’internaute peut lire anonymement les forums accessibles au public, mais doit s’inscrire s’il veut pouvoir lire des forums privés ou participer aux discussions. L’inscription est généralement gratuite et le plus souvent possible sous pseudonyme.

Des modérateurs veillent à la cordialité des échanges et au respect des chartes ou codes de bonne conduite qui régissent les forums. Ils peuvent supprimer les contenus inappropriés et bannir, temporairement ou définitivement, d’éventuels trolls, et plus généralement toute personne ne respectant pas la charte.

Les discussions sont classées par sujets autour de la thématique traitée par le forum. Les membres des forums peuvent créer des sujets ou répondre à des sujets existants, appelés fils de discussion, pour poser des questions, partager des connaissances ou échanger des astuces. Il est également possible d’effectuer des recherches à l’aide de mots-clés pour identifier tous les fils de discussion correspondants à la recherche.

Les forums peuvent contenir des informations parfois pointues sur des sujets précis, mais elles sont souvent éparpillées parmi une myriade de fils de discussion distincts. D’autres outils participatifs existent pour structurer davantage la connaissance.

Bases de connaissances participatives

La base de connaissance participative la plus connue est l’encyclopédie en ligne Wikipedia. Cette encyclopédie collaborative est construite sur une plateforme appelée wiki.

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Définition

Wiki :

Un wiki est une base de connaissances collaborative sur laquelle les participants peuvent créer et modifier des contenus accessibles via un simple navigateur web.

Les wikis permettent de structurer les connaissances sur une thématique donnée pour en faciliter la consultation et l’accès. Les contributeurs peuvent baliser le texte de différentes manières pour le lier à l’existant. L’outil est conçu pour permettre à tout un chacun de contribuer à l’enrichissement du wiki. Les wikis intègrent différents mécanismes de contrôle des contributions et de protection contre le vandalisme.

Certains forums de discussion ont intégré des wikis pour mieux structurer les connaissances créées ou partagées par les membres.

La dimension sociale des échanges autour de centres d’intérêts est commune à ces différentes plateformes de publication de contenus. D’autres plateformes se sont développées très spécifiquement autour de cette dimension sociale.

Réseaux sociaux

Les réseaux sociaux sont des plateformes sur lesquelles les utilisateurs peuvent partager des centres d’intérêts, échanger des informations et dialoguer avec d’autres internautes membres du réseau.

Il existe différentes plateformes de réseaux sociaux dont les caractéristiques techniques peuvent varier, ainsi que l’orientation : certaines sont surtout axées sur le texte, d’autres sur les images ou les vidéos, quand d’autres ne privilégient aucun type de contenu en particulier.

Tous ces réseaux ont en commun la grande facilité avec laquelle les internautes peuvent :

  • publier leurs propres contenus,
  • suivre et partager les publications d’autres membres du réseau,
  • réagir aux publications d’autres membres du réseau.

Les réseaux sociaux les plus connus et les plus utilisés sont des plateformes à vocation commerciale. Elles mobilisent de puissants algorithmes d’analyse des données relatives aux utilisateurs pour les inciter à interagir : les membres de ces réseaux sont sans cesse exposés à de nouveaux contenus ciblés pour les faire réagir et ainsi les garder plus longtemps connectés.

Avis consommateurs

Il existe aussi des plateformes spécialisées dans le recueil et la diffusion d’avis et de conseils des consommateurs. Ces plateformes proposent aux internautes clients ou utilisateurs de produits et de services d’évaluer leur satisfaction et d’exprimer leur avis, parfois en attribuant une note au prestataire évalué.

Ces plateformes d’avis consommateurs produisent un contenu descriptif pour présenter le lieu ou le prestataire concerné, mais la majorité du contenu est produit par les internautes. Ceux-ci sont incités à exprimer leur avis et à formuler des conseils issus de leur expérience personnelle pour informer les autres internautes.

Le succès de toutes ces plateformes du web participatif ne s’est pas démenti depuis ses débuts dans les années 2000, entraînant un certain nombre d’enjeux à la fois juridiques et sociétaux, que nous allons maintenant étudier.

Enjeux juridiques et sociétaux des plateformes participatives

Intéressons-nous dans un premier temps aux aspects juridiques.

Aspects juridiques

Le relatif anonymat offert par certaines plateformes et le caractère virtuel des espaces dans lesquels ont lieu les échanges entraînent parfois un sentiment d’impunité. Cela peut conduire certains internautes à adopter des comportements condamnables : publications de propos injurieux, haineux ou diffamatoires, harcèlement, usurpation d’identité ou encore arnaques en tous genres.

  • L’Internet n’étant pas un espace de non-droit, l’identité des auteurs peut être recherchée s’ils tiennent des propos ou se livrent à des activités répréhensibles sur le web.

En effet, la loi sur la liberté de la presse, s’applique également sur Internet, au même titre que le code civil et le code sur la propriété intellectuelle.

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Exemple

Considéré comme un éditeur, l’auteur d’un blog est soumis à certaines obligations : il doit être identifiable et respecter le cas échéant les lois relatives aux données personnelles. Il est responsable juridiquement de ses publications, des contenus qu’il intègre dans son blog et même du contenu déposé par les tiers si ceux-ci sont répréhensibles et qu’il ne les supprime pas rapidement.

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À retenir

La plateforme spécialisée PHAROS (Plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements) a été mise en place il y a une dizaine d’années par les autorités françaises pour faciliter le signalement de contenus illicites. Elle est accessible à l’adresse suivante : https://www.internet-signalement.gouv.fr.

Rattachée au pôle cybercriminalité de la police judiciaire, PHAROS reçoit les signalements de contenus illicites ou suspects effectués par les internautes. Ces signalements sont traités par des policiers et gendarmes spécialisés. En cas d’infraction à la loi française, l’auteur du contenu concerné peut faire l’objet d’une enquête judiciaire.

Certaines plateformes ont également développé des fonctionnalités permettant de signaler des comportements inappropriés, et dans certains cas de bloquer les messages et sollicitations émanant de personnes malveillantes.

Outre ces aspects légaux, le web participatif comporte également un certain nombre d’enjeux sociétaux.

Aspects sociétaux

Les rapports à l’information ont été bouleversés par le web participatif qui a offert à tout internaute la possibilité de s’exprimer sur l’actualité, la vie politique, l’économie et les loisirs, sans passer par le filtre de médias conçus par des journalistes professionnels. Il existe parmi ces contenus informationnels des publications de qualité, mais aussi des fausses nouvelles, également appelées infox. Certaines d’entre elles peuvent être largement visibles et faire l’objet de nombreux partages sur les plateformes participatives.

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Définition

Infox :

Information mensongère ou délibérément biaisée.
Le terme infox est issu de la contraction des mots information et intoxication. C’est la traduction française de fake news.

Les différentes plateformes du web participatif constituent pour les internautes des vitrines virtuelles. De nombreux internautes s’y mettent en scène, parfois de manière très éloignée de leur réalité quotidienne, cherchant à projeter une image idéalisée de leur mode de vie. Certains acquièrent une importante notoriété en ligne : ils sont appelés influenceurs.

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Définition

Influenceur :

Internaute suivi par un grand nombre d’internautes sur lesquels il peut exercer un pouvoir d’influence ou de prescription.

En parallèle de la publicité traditionnelle, les entreprises courtisent les influenceurs pour promouvoir leurs produits ou leurs services.

Les vitrines virtuelles du web participatif véhiculent des mises en scène et des présentations idéalisées.

  • Ces instantanés souvent artificiels contribuent à véhiculer une représentation biaisée des rapports aux corps, à l’argent ou à la vie sociale.

Les personnes en recherche de repère (surtout les adolescents) peuvent, s’ils ne réalisent pas le caractère artificiel des mises en scène, subir une forme de pression sociale et développer un sentiment de dévalorisation pouvant conduire à une forme de dépression.

Le web participatif est également une source potentielle d’addictions. C’est le cas quand l’internaute ressent un besoin irrépressible d’être connecté en permanence. Ce besoin est souvent mu par la peur de rater quelque chose.

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Définition

Peur de rater quelque chose (FOMO) :

Traduction de l’acronyme anglais FOMO (Fear Of Missing Out), la peur de rater quelque chose constitue une forme de dépendance psychologique à la présence en ligne, alimentée par un sentiment diffus qu’il est nécessaire d’être connecté pour ne rien rater.

Cette peur est une forme d’anxiété sociale visant les mondes numériques. Certaines plateformes entretiennent ou renforcent cette peur en envoyant des messages aux internautes qui se connectent peu souvent pour leur indiquer qu’il se passe des choses en leur absence.

  • C’est le système des notifications « push ».

Parmi les enjeux sociétaux figurent également les coûts écologique et économique du web participatif : stocker les données et diffuser les contenus produits par les internautes représente un coût économique et écologique non négligeable. Les textes, photos et vidéos produits par des millions d’internautes tous les jours sont dans la plupart des cas stockés de manière permanente. Leur accumulation et leur diffusion nécessitent toujours plus d’espaces de stockage, de serveurs informatiques, de connexions réseaux et d’électricité pour les faire fonctionner.

Conclusion :

Nous avons décrit successivement le web participatif, articulé autour de la création de contenus par les utilisateurs, puis les principaux types de plateformes qui le composent. Nous nous sommes ensuite intéressés aux différents enjeux juridiques et sociétaux liés au caractère participatif du web. Nous avons également pris conscience de l’impact que peuvent avoir les plateformes participatives sur nos vies quotidiennes.