Les animaux en poésie
Prérequis :
Le texte poétique
Introduction :
On trouve en poésie beaucoup de poèmes qui parlent d’animaux. Dans ce cours, nous verrons trois exemples de poèmes sur les animaux, nous en expliquerons le sens général, puis nous verrons quels effets l’auteur a voulu produire sur le lecteur dans chacun des poèmes, et les précédés qui lui permettent d’y arriver.
Plusieurs poèmes sur les animaux
Plusieurs poèmes sur les animaux
LA GRENOUILLE
Une grenouille
Qui fait surface
Ça crie, ça grouille
Et ça agace.
Ça se barbouille
Ça se prélasse
Ça tripatouille
Dans la mélasse1,
Puis ça rêvasse
Et ça coasse
Comme une contrebasse
Qui a la corde lasse2.
Mais pour un héron à échasses3,
Une grenouille grêle4 ou grasse
Qui se brochette ou se picore,
Ce n’est qu’un sandwich à ressorts.
Pierre Coran
1. Mélasse : c’est un sirop de sucre épais. Ici, cela désigne plutôt une sorte de boue.
2. Lasse : fatiguée, usée
3. Échasses : longs bâtons sur lesquels on peut poser ses pieds, qui permettent de se déplacer. Ici, cela désigne plutôt les longues pattes fines du héron.
4. Grêle : très mince
LE PETIT CHAT
C'est un petit chat noir effronté1 comme un page,
Je le laisse jouer sur ma table souvent.
Quelquefois il s'assied sans faire de tapage2,
On dirait un joli presse-papier vivant. […]
Quand il s'amuse, il est extrêmement comique,
Pataud3 et gracieux, tel un ourson drôlet.
Souvent je m'accroupis pour suivre sa mimique4
Quand on met devant lui la soucoupe de lait.
Tout d'abord de son nez délicat il le flaire,
La frôle, puis, à coups de langue très petits,
Il le happe ; et dès lors il est à son affaire
Et l’on entend, pendant qu'il boit, un clapotis.
[…]
Edmond Rostand
1. Effronté : impertinent, insolent
2. Tapage : bruit, vacarme
3. Pataud : maladroit, lourd
4. Mimique : expression du visage, gestes
COMPLAINTE DU PETIT CHEVAL BLANC
Le petit cheval dans le mauvais temps, qu’il avait donc du courage !
C’était un petit cheval blanc, tous derrière et lui devant.
Il n’y avait jamais de beau temps dans ce pauvre paysage.
Il n’y avait jamais de printemps, ni derrière ni devant.
Mais toujours il était content, menant les gars du village,
À travers la pluie noire des champs, tous derrière et lui devant.
[…]
Mais un jour, dans le mauvais temps, un jour qu’il était si sage,
Il est mort par un éclair blanc, tous derrière et lui devant.
Il est mort sans voir le beau temps, qu’il avait donc du courage !
Il est mort sans voir le printemps ni derrière ni devant.
Paul Fort
- Le premier poème, La Grenouille, est un poème humoristique qui décrit, dans la première partie, l’activité d’une grenouille, et se termine sur la manière dont le héron la voit : comme un casse-croûte. 🐸
- Le deuxième poème, Le petit chat, décrit les habitudes du petit animal avec tendresse.🐈⬛
- Le dernier poème, Le petit cheval, nous raconte la vie d’un petit cheval courageux qui travaille aux champs et meurt soudainement. 🎠
Quels sont les effets produits par ces poèmes ?
Quels sont les effets produits par ces poèmes ?
La grenouille est un poème amusant ; dans toute la première partie l’auteur nous présente la grenouille comme un animal paresseux et énervant (« ça se prélasse » / « ça rêvasse » / « ça agace »), plutôt sale (« ça tripatouille dans la mélasse »), qui chante mal (« qui coasse comme une contrebasse qui a la corde lasse »).
Le personnage du héron apparaît dans la deuxième partie : il est grand (« un héron à échasses ») et n’est pas présenté comme étant agaçant ou paresseux. On comprend dans le dernier vers qu’il ne voit pas la grenouille comme nous la voyons, mais comme « un sandwich à ressorts », c’est-à-dire comme un casse-croûte bondissant. Pour lui, que la grenouille soit maigre ou non (« grêle ou grasse »), et quelle que soit la manière dont il va la manger (« se brochette ou se picore »), elle n’est qu’un repas.
- C’est la fin du poème qui le rend drôle : l’auteur nous place du côté du héron en nous donnant sa vision de la grenouille, après nous l’avoir montrée comme un petit animal un peu ridicule.
Le petit chat est un poème descriptif, où le narrateur raconte comment il vit avec lui. Il semble l’aimer beaucoup car il le laisse le déranger et prend le temps de le regarder (« je le laisse jouer sur ma table souvent », « souvent je m’accroupis pour suivre sa mimique »). Il utilise des adjectifs comme « effronté », « comique », pataud » et compare son chat à un « ourson drôlet » : ces mots le rendent le chat sympathique et attachant.
- Le poète prend le temps de raconter comment son chat boit du lait, ce qui signifie qu’il l’a observé à plusieurs reprises. Cela nous montre l’importance qu’il lui accorde.
Le dernier poème, la Complainte du petit cheval blanc, raconte l’histoire d’un cheval de trait qui travaille dur, pendant la mauvaise saison. C’est lui qui semble entraîner les hommes, ce que l’on voit grâce à la tournure « tous derrière et lui devant ». Pour le rendre attachant, le poète utilise les mots « petit », « courage », « content », « sage » : le lecteur s’attache à cet animal. A la fin du poème, il est triste quand il lit qu’il est mort.
- Le poète choisit de le répéter 3 fois, afin de bien insister sur la tristesse de cet événement.
Ainsi, tous ces poèmes qui parlent de la même chose (un animal) sont très différents et produisent des émotions différentes : l’amusement, l’attendrissement, la pitié.
Comment le poète produit-il ces effets ?
Comment le poète produit-il ces effets ?
Pour provoquer une émotion (le rire, la tristesse…) le poète choisit avec soin le vocabulaire qu’il utilise.
Certains poèmes sont écrits comme un texte de roman, sans retour à la ligne et sans recherche de rime : ce sont les poèmes en prose. Les autres poèmes, beaucoup plus fréquents, sont composés de vers dont les derniers mots riment entre eux : cela signifie que le poète a recherché des mots qui avaient au moins une syllabe commune à la fin du mot, et n'a pas fait ces choix au hasard.
« Une grenouille
Qui fait surface
Ça crie, ça grouille
et ça agace. »
Les mots écrits dans un poème sont toujours choisis avec soin, surtout s’ils riment entre eux.
- « Et ça coasse » $\rightarrow$ Le coassement est le cri de la grenouille.
- 1. « Comme une contrebasse » $\rightarrow$ Il est comparé à la musique d’une contrebasse, donc pourrait être mélodieux.
- 2. « Qui a la corde lasse. » $\rightarrow$ L’effet mélodieux est annulé, si le cri de la grenouille ressemble à la musique d’une contrebasse qui aurait des cordes usées, abimées (« lasses »), cela signifie que le son est désagréable.
- « Pataud et gracieux » $\rightarrow$ Ces deux adjectifs ont un sens opposé, ce qui rend cette partie du vers surprenante et poétique : le chat est à la fois pataud et gracieux.
Les répétitions et les oppositions permettent également de produire un effet.
« Il n’y avait jamais de beau temps dans ce pauvre paysage.
Il n’y avait jamais de printemps, ni derrière ni devant.
Mais toujours il était content »
- Le poète insiste, en répétant le mot « jamais », sur le fait que le petit cheval ne voit pas le soleil et travaille donc dans des conditions difficiles.
- Il utilise ensuite un mot de sens contraire (« toujours ») pour montrer que le petit cheval, par opposition, est toujours content.
Le poète utilise aussi des comparaisons.
« Quand il s'amuse, il est extrêmement comique,
Pataud et gracieux, tel un ourson drôlet. »
La comparaison du chat avec l’ourson est renvoyée à la fin du vers, ce qui la met en valeur. C’est l’image que l’on va garder du petit chat, après avoir vu qu’il était drôle, maladroit et élégant en même temps.
Les répétitions produisent un rythme, un effet sur le lecteur.
« C’était un petit cheval blanc, tous derrière et lui devant.
Il n’y avait jamais de beau temps dans ce pauvre paysage.
Il n’y avait jamais de printemps, ni derrière ni devant.
Mais toujours il était content, menant les gars du village,
À travers la pluie noire des champs, tous derrière et lui devant.
[…]
Il est mort par un éclair blanc, tous derrière et lui devant. »
- En répétant plusieurs fois la même tournure, le poète met l’accent sur la solitude du cheval et sa place par rapport aux hommes. Eux sont ensemble, derrière lui, et le suivent, alors que lui est seul devant tous. C’est lui qui ouvre la voie, qui les entraîne, qui prend les risques. Ce groupe de mots est comme un refrain, qui rythme le texte.
« Une grenouille
Qui fait surface
Ça crie, ça grouille
et ça agace.
Ça se barbouille
Ça se prélasse
Ça tripatouille
Dans la mélasse,
Puis ça rêvasse
Et ça coasse ».
- La répétition du pronom « ça », habituellement utilisé pour désigner des objets, donne l’impression que la grenouille n’est pas un être vivant mais plutôt une chose animée. À la lecture du poème, cette répétition donne en plus un rythme.
Il existe beaucoup de manières pour le poète de faire naître des sentiments chez son lecteur. Grâce à des manipulations de la langue, au choix des mots et de leur place, il éveille la réflexion ou nous donne des impressions.