Les mondes arctiques : une nouvelle frontière sur la planète
Introduction :
Lorsque les Européens ont débarqué sur le continent américain, on pensait que le temps des grandes découvertes était terminé : l’Homme avait finalement exploré la totalité du globe. Pourtant, il restait encore un monde à apprivoiser : celui de l’Arctique. Alors que l’on a longtemps perçu l’Arctique comme étant uniforme et quasiment vide, habité d’à peine quelques peuples isolés, il apparaît désormais comme un nouvel eldorado.
Les richesses et les ressources de l’Arctique suscitent de nombreuses convoitises, à tel point qu’il est désormais une source de tensions entre de nombreux pays. Dans une première partie seront présentées les caractéristiques de l’Arctique à partir de l’exemple russe. Les différents enjeux que soulèvent ses nombreuses ressources seront ensuite analysés. Enfin, nous terminerons par une présentation des tensions géopolitiques qui entourent les richesses de cet eldorado polaire.
Un milieu contraignant, un nouvel espace en voie d’intégration
Un milieu contraignant, un nouvel espace en voie d’intégration
Caractéristiques principales
Caractéristiques principales
Il ne faudrait pas parler de l’Arctique mais des « mondes arctiques ». La raison est simple : il est difficile de donner une seule définition de ce qu’est l’Arctique.
- Les scientifiques, qu’ils soient géologues, anthropologues ou océanographes, ne perçoivent pas l’Arctique de la même façon.
Le terme « arctique » vient du grec ancien, arktos, qui signifie « ours ». L’ours polaire était, semble-t-il, déjà connu des savants grecs. L’Arctique est une région située dans l’hémisphère nord, à l’intérieur du cercle polaire arctique. La surface de cette vaste superficie est de 21 millions de km2 (en comparaison, la France couvre une superficie de 650 000 km2). Les $\frac23$ de cette superficie sont couverts par un océan que l’on appelle « l’océan Arctique », et qui est d’ailleurs le plus petit océan du monde.
La localisation de l’océan Arctique
Une partie de cet océan est gelé en permanence, c’est ce que l’on appelle la banquise. Sur cet océan, on trouve de grands archipels qui appartiennent aux pays frontaliers. Il s’agit de la Russie, du Danemark, de la Norvège, du Canada et des États-Unis (avec l’Alaska).
Les pays frontaliers à l’océan Arctique
L’Artique est défini par une ligne dîte « de Koppen ».
La ligne de Koppen :
La ligne de Koppen est la zone à partir de laquelle les arbres ne poussent pas. Il s’agit de la zone de la toundra arctique. La ligne de Koppen contient également une dimension liée à la température : elle circonscrit (c’est-à-dire qu’elle entoure, qu’elle contient) l’isotherme à 10 degrés pour le mois le moins froid (c’est-à-dire juillet).
- On définit l’Arctique à partir d’une donnée climatique, c’est la zone dans laquelle il fait maximum au 10 degrés en juillet.
Dans un contexte de réchauffement climatique, il faut comprendre que cette définition est fluctuante et pourrait réduire la superficie de l’Arctique.
Le cas de l’Arctique russe
Le cas de l’Arctique russe
L’« Arctique russe », la partie russe de l’Arctique, n’est pas aisé à déterminer. On ne sait pas trop s’il s’agit de l’espace au-delà du cercle polaire, ou si l’on doit prendre en compte également les lignes de Koppen. Ces débats sont plus importants qu’il n’y paraît, car l’Arctique regorge de ressources naturelles.
- Les pays cherchent donc à délimiter avec précision quelles sont ses limites afin de pouvoir légitimement exercer leur souveraineté sur ces terres, et donc exploiter les ressources.
Dans le cas de la Russie, l’exploitation des ressources a débuté avec le communisme dès la première moitié du XXe siècle.
- Dans un premier temps, ce sont tout particulièrement les ressources minières qui ont été exploitées. C’est une région très hostile et peu de peuples y vivaient, à l’exception des peuples nomades, qui pratiquaient – et qui pratiquent encore – l’élevage de rennes.
- Le pouvoir soviétique y a installé les premiers goulags (des camps de travaux forcés). Ces derniers se sont ensuite petit à petit aménagés en villes, comme dans le cas de la ville de Norilsk, reconvertie en cité minière lors de la fermeture des camps. Des conflits entre les populations russes et les populations autochtones ont d’ailleurs régulièrement lieu.
- La ville de Norilsk, avec à peine plus de 175 000 habitants, est pourtant l’un des lieux les plus pollués de la planète. L’extraction des ressources souterraines se réalise au mépris de l’environnement. Ce sont quatre millions de tonnes de métaux lourds qui sont rejetés dans l’atmosphère chaque année sans que la communauté internationale ne réagisse.
La définition des frontières russes de l’Arctique est un enjeu essentiel : depuis la conférence de Montego Bay en 1982, un droit de la mer a été instauré. Les ZEE, zones économiques exclusives, ont alors été créées, et stipulent que l’État exerce sa souveraineté sur 200 miles nautiques à partir de ses côtes. Mais il est possible d’étendre sa souveraineté à la condition de prouver l’extension du plateau continental.
Dans le cas de la Russie, il s’agit de définir si la dorsale de Lomonosov appartient bien au plateau continental russe. La Russie a d’ailleurs clairement fait connaître ses intentions en plantant un drapeau russe au fond de l’océan, revendiquant ainsi son droit à l’exploitation.
Différentes zones territoriales
La Russie s’intéresse énormément à cette région car, en raison du réchauffement climatique, les ressources de l’océan Arctique, que l’on estime très riches, pourraient finalement être exploitées.
Les contraintes naturelles
Les contraintes naturelles
- La première contrainte est celle des températures. La moyenne annuelle est de -37 °C ; en hiver, elle se rapproche des -60 °C, tandis qu’en été, elle atteint dix degrés maximum. Ce sont ces températures estivales qui sont à l’origine de la fonte de la banquise.
- La deuxième contrainte est celle de l’éloignement et de l’isolement. Dans le cas de la Russie, il faut deux heures de vol depuis Moscou pour atteindre la région arctique. Les liaisons routières ou ferroviaires entre les villes russes et la zone arctique sont pratiquement inexistantes. La région, très isolée, est donc difficilement accessible aux autres zones du globe.
L’exemple russe a permis de démontrer que les populations autochtones sont aujourd’hui minoritaires en Arctique. La question de la souveraineté des peuples autochtones sur l’arctique, c’est-à-dire de leurs droits d’exploitation et de propriété, n’est jamais abordée au niveau international, à l’exception peut-être du peuple Inuit, le plus connu du grand public.
- On estime que 80 % des habitants du Groenland sont des Inuits.
Des Inuits au Groenland
L’Arctique est donc un espace qui possède de multiples contraintes mais qui est également en voie d’intégration dans les flux de la mondialisation.
Un espace convoité
Un espace convoité
Un espace important depuis la guerre froide
Un espace important depuis la guerre froide
L’Arctique est un espace qui suscite des convoitises internationales depuis la guerre froide, qui a opposé les États-Unis à l’URSS entre 1947 et 1989. Bien qu’aucun combat direct n’ait eu lieu entre les deux superpuissances, les conflits en périphérie se sont multipliés.
- Les États-Unis et l’URSS partageant une frontière de l’Arctique, cette dernière devient un objet de surveillance accru lors des moments de tension.
Des ressources énergétiques importantes
Des ressources énergétiques importantes
Aujourd’hui, les regains de tensions proviennent de l’absence de définition claire des ZEE et du plateau continental. L’Arctique est une région qui possède des ressources halieutiques très abondantes.
Ressources halieutiques :
On parle de ressources halieutiques pour désigner les ressources issues de la pêche.
Les ressources minières sont également importantes, tout comme les ressources en pétrole.
À partir d’estimations géologiques, on estime que 22 % des ressources énergétiques non découvertes mais exploitables se trouveraient en Arctique.
Le pétrole est une ressource qui se raréfie de plus en plus, ce qui explique l’engouement des pays pour l’exploitation de la zone.
Il est important de souligner toutefois que les hydrocarbures présents en Arctique sont des gisements offshore. Ils sont donc extrêmement difficiles à exploiter.
Gisement offshore :
Un gisement offshore est un gisement qui se trouve au large des côtes.
Si l’exploitation du pétrole est désormais envisagée, c’est parce que les pays émergents ont un besoin accru d’hydrocarbures, ce qui a fait augmenter les prix, et par conséquent, rentabilise l’exploitation offshore.
- L’Arctique est résolument entré dans l’ère de la mondialisation.
Les nouvelles routes maritimes
Les nouvelles routes maritimes
Route maritime du Nord et route traditionnelle
Mis à part l’exploitation des ressources naturelles, le réchauffement climatique laisse également entrevoir la possibilité d’emprunter de nouvelles routes commerciales.
- La Route maritime du Nord (RMN) relie l’Europe à l’Asie en longeant les côtes sibériennes.
Ce serait finalement une alternative au canal de Suez qui permettrait de réduire le temps de transport de 40 % entre l’Asie et l’Europe. Mais c’est aussi un investissement de plusieurs milliards, car pour rendre praticable cette route tout au long de l’année, il faudrait utiliser des brise-glaces extrêmement coûteux.
Un brise-glace
La Russie est particulièrement attentive à ce projet, surtout lorsqu’elle affirme que le trafic maritime dans la zone est passé de 300 tonnes à 4 millions de tonnes par an en à peine 20 ans.
- La seconde route désormais exploitable est celle qui passe par le Groenland et relie l’Alaska à l’Asie : il s’agit du passage du Nord-Ouest.
Face à ces tensions, les États frontaliers ont finalement décidé de se concerter. En 1996, un Conseil de l’Arctique a ainsi été créé pour tenter de régler de manière diplomatique les différents conflits que soulève la convoitise de l’Arctique. C’est ainsi qu’a été décidé de respecter les limites des plateaux continentaux de chaque pays frontalier lorsque les sources géologiques les déterminent avec précision.
L’Arctique, un enjeu pour les équilibres mondiaux ?
L’Arctique, un enjeu pour les équilibres mondiaux ?
Géopolitique
Géopolitique
Lors de la guerre froide, l’Arctique a occupé une place importante en raison de la frontière commune avec les États-Unis. Il y a alors eu un processus de militarisation de l’Arctique par l’installation de bases militaires russes et de l’OTAN (Organisation du traité de l’Atlantique Nord).
- La plupart des bases militaires ont été abandonnées, mais l’importance géostratégique de l’Arctique demeure capitale en raison des richesses potentielles que possède le pays.
Environnement
Environnement
Selon les scientifiques, le réchauffement climatique est deux fois plus important en Arctique que partout ailleurs.
De nombreux polluants recouvrent l’Arctique d’une brume en hiver et au printemps. Ces polluants sont déposés massivement en Arctique par le vent et proviennent notamment des incendies issus des déforestations.
- Le réchauffement climatique provoque une fonte de la banquise, ce qui va permettre l’augmentation du nombre de bateaux qui transportent des marchandises.
Les industries d’extraction de matières premières devraient également s’installer davantage en Arctique. La pollution, déjà particulièrement élevée dans cette zone, devrait donc en toute logique augmenter. Les risques pour l’environnement sont nombreux. En 1989 déjà, une marée noire en Alaska avait eu des conséquences tragiques sur l’environnement.
L’augmentation des tempêtes en raison du changement climatique provoque également une érosion des sols et par conséquent, des risques pour les populations littorales.
Étant donné que tous les courants marins sont reliés sur le globe, la pollution de l’Arctique entraînera à son tour une pollution accrue au niveau mondial.
Développement durable
Développement durable
La situation de l’Arctique, et par là même du globe, semble donc tout à fait critique. La mise en place d’une politique de durabilité ne peut bien évidemment pas s’inscrire à la seule échelle de l’Arctique mais doit nécessairement s’inscrire à l’échelle du globe.
L’exploitation des ressources naturelles de l’Arctique n’ayant même pas commencé, il est facile d’anticiper les conséquences catastrophiques de l’installation des industries. Par ailleurs, il est urgent de prendre en compte davantage l’opinion des peuples autochtones.
- Au Groenland, les Inuits sont les seuls à avoir obtenu une autonomie renforcée depuis 2009, ce qui leur permet de prendre part au destin de leurs terres.
Conclusion :
Les mondes arctiques apparaissent aujourd’hui comme un nouvel eldorado, une nouvelle terre à conquérir. Cette volonté de conquête permet désormais à l’Arctique d’être davantage intégrée aux flux de la mondialisation, tout en soulevant une série de problèmes sociaux et environnementaux : alors que l’exploitation industrielle n’a même pas encore débuté, l’Arctique est la région la plus polluée du globe.
D’un autre côté, les risques potentiels qu’encourent la région en raison de ses richesses naturelles ne semblent pas s’intégrer dans une perspective de durabilité. Les populations autochtones sont, quant à elles, isolées et sans pouvoir de décision réel. La prise de conscience globale du sort de l’Arctique est résolument indispensable car elle met en jeu le futur de toute notre planète.