Pourquoi la puissance publique intervient-elle dans la régulation des économies contemporaines ?

Introduction :

L’intervention de la puissance publique dans l’économie est sujette à de nombreuses controverses. En effet, en intervenant dans l’économie, l’État modifie la répartition des ressources et le fonctionnement naturel du marché. Ces modifications peuvent affecter négativement certains agents économiques qui, lorsqu’ils jugent l’intervention illégitime, contestent l’action de l’État. Un exemple de ces mécontentements est la mobilisation des « Bonnets rouges » en Bretagne contre l’écotaxe, mobilisation qui a fait reculer le gouvernement sur cette mesure.

Nous verrons dans ce cours que l’intervention publique vise à allouer différemment les ressources, à répartir les revenu.

La fonction d’allocation des ressources

Selon Adam Smith et les économistes libéraux, les prix qui sont formés sur les marchés permettent d’allouer de manière optimale les ressources et l’organisation de la production. En effet, les prix jouent le rôle de signaux qui guident les comportements des agents.

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À retenir

Cependant, ce principe général comporte des exceptions, c’est-à-dire des situations dans lesquelles les marchés ne parviennent pas à allouer de manière optimale les ressources. Ces exceptions justifient l’intervention des pouvoirs publics en matière économique. Celles-ci vont intervenir pour règlementer certaines activités, subventionner ou taxer d’autres activités ou pour assurer le bon fonctionnement du marché.

L’intervention des pouvoirs publics sur les marchés peut prendre plusieurs formes.

Assurer une concurrence effective sur des marchés où des monopoles naturels se forment

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Définition

Monopole naturel :

Le monopole naturel est une situation dans laquelle la production d’un bien nécessite des coûts fixes très importants, qui ne peuvent pas être supportés si la taille de l’entreprise est modeste.

Dans cette situation, seule une entreprise en situation de monopole pourra produire le bien, car elle répercutera les coûts fixes sur une grande production de biens.

Des exemples de monopoles naturels peuvent être la distribution de gaz ou d’électricité. Dans ces productions, on peut distinguer différents types d’activités :

  • le transport et la distribution du bien, qui nécessitent l’utilisation d’infrastructures chères à construire, comme par exemple les lignes à haute tension, ainsi que les lignes électriques qui relient les particuliers et les entreprises au réseau électrique général ;
  • la production et la commercialisation du produit.

En France, l’État détenait un monopole sur l’ensemble des quatre activités mentionnées et a été obligé, sous l’impulsion de l’Union européenne, de libéraliser ces secteurs afin d’obtenir une concurrence effective sur ces marchés.

La libéralisation des secteurs gaz et électricité en France europe ses première La libéralisation des secteurs gaz et électricité en France

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Définition

Libéraliser :

La libéralisation d’un secteur d’activité est le fait de rendre l’accès libre au secteur pour les agents économiques.

En matière d’électricité l’ouverture à la concurrence a affecté différemment les activités en cause :

  • la production d’électricité et la commercialisation du produit sont entièrement ouvertes à la concurrence entre entreprises privées ;
  • le transport d’électricité est géré par une entreprise (RTE) indépendante des entreprises exerçant des activités concurrentielles. La distribution peut être organisée par des entreprises privées, mais toujours sous le contrôle des autorités publiques. Ces deux activités sont placées sous le contrôle de la Commission de régulation de l’énergie qui veille à assurer un comportement transparent et non discriminatoire des gestionnaires de ces réseaux. Notamment, elle veille à permettre l’accès sans discrimination de concurrents potentiels.

La règlementation de la concurrence

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À retenir

Le droit de la concurrence, tant européen que national, interdit les ententes anticoncurrentielles et les abus de position dominante.

Ces règlementations visent à protéger la concurrence, source de croissance et de progrès, et le consommateur. Par exemple, lorsque des entreprises font une entente sur le prix, le consommateur payera plus cher le produit. En cas de pratiques anticoncurrentielles, les Autorités de la concurrence nationales et européennes peuvent prononcer des sanctions financières pouvant aller jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires mondial du groupe sanctionné. Ces sanctions n’ont pas pour objectif de réparer un préjudice subi, mais de rétablir la concurrence sur le marché.

L’internalisation des externalités

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À retenir

L’intervention des pouvoirs publics vise à réduire les externalités négatives et à encourager la production d’externalités positives.

En matière d’externalités négatives, les pouvoirs publics peuvent utiliser trois moyens différents :

  • règlementation de l’activité : il s’agit de mettre en place des normes qui interdisent certains comportements, comme par exemple l’interdiction de déverser certaines substances chimiques dans les nappes phréatiques, ou l’interdiction de l’utilisation de pesticides très dangereux. Le problème que pose l’adoption de règlementations est qu’il est difficile d’éliminer tous les comportements qui génèrent des externalités négatives et qu’il faut mettre en place un système de contrôle qui peut être compliqué et coûteux ;
  • taxation de certaines activités : en imposant une taxe sur des activités, la volonté est d’inciter à réduire l’activité ou d’inciter à faire des investissements qui permettraient de réduire les externalités. La difficulté est de quantifier quel est le niveau optimum de taxation à appliquer ;
  • marché des droits à polluer : les pouvoirs publics définissent le niveau de pollution maximum, puis répartissent des quotas de pollution aux entreprises. Ces quotas sont ensuite échangeables entre les acteurs. Ainsi, une entreprise qui réalise des investissements qui lui permettent de réduire ses émissions aura un surplus de quota, qu’elle pourra vendre à une entreprise qui pollue plus que la limite de son quota attribué. Ce système pose le problème de la définition des limites de pollution et donc de la quantité des droits alloués. En effet, le système repose sur l’idée que les entreprises réaliseront les investissements nécessaires pour réduire leur pollution afin d’éviter d’avoir à acheter des droits à polluer, voir pour pouvoir vendre leur quota. Malheureusement, le marché des droits à polluer n’a pas été un succès : le prix de la tonne de CO2 est passé de plus de 30 € la tonne en 2006, à moins de 5 € en 2013. Cette baisse du prix du carbone ne rend pas plus attractifs les investissements pour réduire le niveau d’émission. En effet, lorsqu’une entreprise doit décider si elle réalise un investissement pour réduire son niveau d’émission, elle va comparer le coût de l’investissement avec le montant du prix qu’elle paye pour l’émission de CO2 qu’elle réalise.

Prenons un exemple : une entreprise émet 100 000 tonnes de CO2 chaque année, et le quota dont elle dispose est de 50 000 tonnes. Cette entreprise doit donc acheter chaque année un quota supplémentaire de 50 000 tonnes de CO2 sur le marché. Pour réduire son niveau de CO2 de moitié, soit 50 000 tonnes, elle devrait acheter des filtres à air qui coutent 10 000 000 €. Si le prix du carbone est de 30 € la tonne, l’entreprise payera chaque année 1 500 000 €, et dans ce cas, le coût de l’investissement sera récupéré en un peu plus de 6 ans. Mais si le prix du carbone est de 5 € la tonne, alors l’entreprise dépensera 25 000 € chaque année et donc le coût de l’investissement sera récupéré en 40 ans, ce qui rend donc l’investissement peu attractif.

La fonction de répartition des revenus

L’intervention des pouvoirs publics a également pour objectif de réduire les inégalités dans un but de justice sociale et d’équité. Cette intervention prend plusieurs formes :

  • réduction des inégalités entre les femmes et les hommes : le décret du 18 décembre 2012 oblige les entreprises de plus de 50 salariés à mettre en place des procédures internes visant à réduire cet écart de rémunération ;
  • instauration d’un salaire minimum : créé en 1970, le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) a permis de combler une partie de l’écart entre le salaire moyen et les plus faibles salaires. En effet, le SMIC est une limite de salaire en-dessous de laquelle un salarié ne peut pas être payé. Le SMIC est indexé sur l’inflation et sur l’évolution du salaire moyen ;
  • production non marchande : en produisant des services non marchands, les pouvoirs publics permettent l’accès gratuit de tous les citoyens à des biens considérés comme essentiels, tels que l’Éducation nationale.
  • protection sociale : lors de sa création en 1945, la sécurité sociale reposait sur une logique assurantielle, c’est-à-dire que sont assurées les personnes qui cotisent, et ce en proportion de leurs cotisations. Avec la dégradation du marché du travail à partir des années 1980, l’intervention de la sécurité sociale va changer pour répondre également à une logique assistancielle, c’est-à-dire que désormais, certaines prestations sont ouvertes pour des individus qui ne cotisent pas, et le montant de ces prestations dépend de la situation du bénéficiaire. Parmi ces prestations, on peut citer la couverture maladie universelle (CMU) ou le revenu de solidarité active (RSA).

Selon l’INSEE, en 2013, sans l’intervention de l’État, c’est-à-dire avant redistribution, le niveau de vie moyen de 20 % de personnes les plus aisées était de 8,2 fois supérieur à celui des 20 % de personnes les plus modestes. Avec l’intervention de l’État, cet écart est de 4,1. Le niveau de vie se calcule en divisant le revenu des ménages par le nombre d’unités de consommation (UC). Pour calculer le nombre des unités de consommations dans un ménage on compte 1 UC pour le premier adulte, 0,5 UC par personne de 14 ans et plus supplémentaire, et 0,3 UC pour les personnes de moins de 14 ans. Ainsi, un ménage composé de deux adultes, un enfant de 15 ans et un de 13 ans, comptera pour 2,3 unités de consommation (1 UC pour un des adultes + 0,5 UC pour le second adulte + 0,5 UC pour l’enfant de 15 ans + 0,3 UC pour l’enfant de 13 ans).

La répartition des revenus impôts cotisations administrations ses première La répartition des revenus

Conclusion :

L’intervention des pouvoirs publics en matière économique n’a cessé de croître. En effet, depuis la Seconde Guerre mondiale, l’État a pris à sa charge de plus en plus de missions, comme la création de la sécurité sociale ou la multiplication des services publics. Il oriente l’économie française en allouant des ressources et en répartissant les revenus. L’intervention des pouvoirs publics a également pour objectif de réduire les inégalités dans un but de justice sociale et d’équité.