Corrigé Bac
Sujet bac – annale géopolitique – 21 mars 2023 – corrigé – dissertation 1

Sujet bac : annale 21 mars 2023

Dissertation d’histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques

Sujet 1 – La circulation de la connaissance : un enjeu géopolitique

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Astuce

Remarques préliminaires :

Le sujet à traiter est très large. Il implique la mobilisation de nombreuses connaissances sur le thème dans son ensemble. Il faut donc faire des choix. La difficulté est de synthétiser le propos tout en sélectionnant soigneusement des exemples parlants pour illustrer vos idées.
Même si la teneur géopolitique est importante pour ce sujet, il faut toujours mobiliser les grilles de lecture propres à la Spécialité HGGSP : l’histoire (l’espionnage industriel dès le XVIIIe siècle, la guerre froide) ; la géographie (les flux migratoires, les emboîtements d’échelles, le cyberespace comme nouveau territoire) ; la géopolitique (soft power, hard power, rivalités, conflits) ; enfin la science politique (avec le rôle des différents acteurs, notamment de l’État).

Introduction :

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L’introduction doit comprendre 4 parties :

  • L’accroche : il s’agit d’amener le sujet en donnant envie au correcteur de lire la copie, une manière de lancer l’hameçon. Pour cela, il est pertinent par exemple de proposer un concept novateur qui correspond bien au sujet. On choisit ici le concept de Noopolitik, dont vous avez peut-être entendu parler pendant l’année.
  • La définition du sujet : c’est-à-dire la définition des termes du sujet mais aussi des interactions entre les termes du sujet : ici, c’est la mise en relation entre circulation de la connaissance et enjeu géopolitique qu’il faut expliciter.
  • La problématique : reprendre ou reformuler le sujet sous forme de question problématisée.
  • L’annonce du plan (les points autour desquels s’organise l’argumentation) : ici, un plan démonstratif autour des notions de géopolitique « souveraineté », « rayonnement » et « domination ». Sans faire de plan chronologique (le sujet ne s’y prêtant pas), il faut donner une profondeur historique à la réflexion.

Le concept de Noopolitik – du grec Noos qui signifie « savoir » et de l’allemand Politik – a été créé en 1999 par deux experts travaillant pour la Défense aux États-Unis, John Arquilla et David Ronfeldt.
Ce concept signifie que des idées sont diffusées en vue d’élaborer une stratégie de manipulation à l’échelle mondiale. La noopolitique est donc l’art du contrôle de la connaissance – c’est-à-dire des savoirs et de l’innovation – pour gagner en puissance et s’imposer dans le monde. Nous devons donc étudier la circulation de la connaissance comme enjeu de puissance, et analyser l’alliance qui existe entre le pouvoir et la circulation de la connaissance. La circulation de la connaissance, tout comme la logique géopolitique, fondée sur les rivalités entre États, est mondialisée. Certains États tirent leur épingle du jeu et d’autres beaucoup moins, ce qui a des conséquences sur la hiérarchie des puissances et peut conduire à une exacerbation possible des rivalités.
Pourquoi la circulation de la connaissance est-elle un enjeu géopolitique majeur ?
Nous verrons dans un premier temps que l’accès à la connaissance est un enjeu de souveraineté économique. De plus, participer à la diffusion de la connaissance est un enjeu de rayonnement. Enfin, maîtriser la circulation de la connaissance est un enjeu de domination.

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Attention

Pour vous aider à visualiser le corrigé, nous allons mettre des titres aux différentes parties : vous ne devez bien sûr pas les écrire sur votre copie le jour de l’épreuve, mais vous pouvez les noter sur votre brouillon pour vous aider à structurer vos idées (travail sur le plan détaillé de votre rédaction).

Accéder à la connaissance, un enjeu de souveraineté

Corrélation entre l’accès à la connaissance et le développement économique

La corrélation entre l’accès à la connaissance et le développement économique a toujours existé. L’exemple de l’industrialisation se caractérise par une constante de l’espionnage industriel. Au XVIIIe siècle, l’Angleterre suscite, par son avance industrielle, la convoitise de ses voisins. Il existe un processus de transfert et de diffusion technologiques entre la Grande-Bretagne, centre innovateur, et les pays imitateurs. Ainsi, le gouvernement français encourage les transferts techniques et l’initiative de manufacturiers sur son territoire. Par exemple, le manufacturier Michel Alcock crée en France la première « Manufacture royale de quincaillerie façon d’Angleterre » à la Charité-sur-Loire. Il favorise le voyage secret d’un de ses collaborateurs anglais qui fait de l’espionnage industriel en soudoyant en 1765 le doreur de la manufacture de Birmingham pour apprendre le secret de la dorure de boucles et boutons, éléments indispensables aux uniformes des armées dont la fourniture représente un marché important. Quant au gouvernement anglais, il prohibe dans un premier temps l’exportation de machines britanniques sur le continent pour essayer de se réserver les nouvelles technologies, jusqu’à ce que les machines deviennent un objet de commerce en lui-même dont l’exportation devient un véritable enjeu commercial. L’interdiction est alors levée à partir de 1843. Jusqu’à aujourd’hui, la concurrence entre États est rude et les efforts pour rester en tête des puissances les plus innovantes sont énormes, notamment en coûts dédiés au secteur de la recherche et du développement. La protection de la connaissance est donc un défi. C’est pour cela que les secrets de l’innovation sont bien protégés. L’Apple Park est le quartier général d’Apple à Cupertino, dans la Silicon Valley. Siège social et centre de recherche de forme circulaire, il est une véritable forteresse et les secrets y sont bien gardés.

Transferts de technologies : du brain drain au brain gain

L’accès à la connaissance passe aussi par la formation. Les étudiants indiens sont encouragés à participer à la migration des cerveaux, ou brain drain. Ils sont des milliers à étudier dans les universités étrangères, essentiellement anglophones, les plus prestigieuses, en privilégiant le domaine des nouvelles technologies. Dans un second temps, l’État indien contourne le risque de fuite des cerveaux en facilitant le retour de ces forces vives, ce qui constitue une migration alors appelée brain gain. L’exemple de référence est certainement celui de Sam Pitroda, étudiant aux États-Unis dans les années 1960, puis ingénieur dans la Silicon Valley. Le premier ministre Rajiv Gandhi fait appel à lui en 1984 pour moderniser dans un premier temps les télécommunications, puis développer le système des études supérieures en Inde afin de démocratiser et de répartir sur tout le territoire des universités et des grandes écoles. Si les ingénieurs peuvent maintenant être formés dans des université indiennes, beaucoup d’Indiens passent encore par la Silicon Valley en Californie, puis retournent travailler dans la « Silicon Valley indienne », près de Bangalore, capitale de l’informatique en Inde.

Transferts de technologies décisifs pour développer le complexe-militaro-industriel national

De plus, l’Inde et les autres pays dits « émergents » ont offert aux firmes transnationales des avantages, notamment fiscaux, pour implanter des filiales dans leur pays et sont parvenus à négocier des contrats incluant des transferts de technologies. La stratégie de transferts de technologies indienne est particulièrement élaborée. En effet, en 2014, le président Modi lance son projet Make in India, un plan pour attirer des IDE (investissements directs à l’étranger) avec implantation d’entreprises étrangères dans une vingtaine de secteurs. L’objectif est d’acquérir la connaissance pour, à long terme, tout fabriquer en Inde et ne plus être obligé d’importer. La stratégie de remontée des filières, c’est-à-dire, de productions de plus en plus sophistiquées, est un succès. Dans les secteurs les plus sensibles, comme celui de la Défense nationale, l’Inde a signé un contrat en transferts de technologie avec le groupe français Naval Group pour des sous-marins, puis un contrat pour l’acquisition d’avion français de chasse, Rafale en 2016. Ce contrat est assorti d’une clause d’« offset ». Cela signifie qu’une partie du montant de l’achat doit être réinvestie sous forme d’implantation industrielle, permettant à l’Inde de fabriquer, à moyen terme, ses propres moteurs d’avions de chasse. Autant dire que si le contrat est financièrement très intéressant pour la France et l’entreprise Dassault, il permet à l’Inde de développer son propre complexe militaro-industriel et de renforcer sa souveraineté.
La hiérarchie des États reposant sur la capacité à innover, la recherche met donc les territoires en compétition à l’échelle mondiale. Avoir accès à la circulation de cette connaissance permet aux États périphériques de gagner en puissance. De nos jours, les pays les plus innovants restent les principaux diffuseurs de connaissance.

Participer à la diffusion de la connaissance, un enjeu de rayonnement

Les États-Unis, un idéaltype du rayonnement universitaire

Parmi les pays les plus innovants, les États-Unis sont au premier rang. Ils disposent du plus grand nombre de chercheurs et de prix Nobel. De 1901 à 2023, 407 prix Nobel sont de nationalité étatsunienne. Au deuxième rang, le Royaume-Uni comptabilise 138 lauréats. Les États-Unis sont donc largement en tête et ont une puissance attractive inégalée. Cette attractivité des universités américaines repose sur l’existence de campus où se concentrent les enseignements pluridisciplinaires, laboratoires, bibliothèques, lieux de vie pour les enseignants-chercheurs et les étudiants. Le campus est bien le lieu de toutes les synergies. Les universités américaines doivent évidemment leur prestige à l’excellence et à la puissance des activités de recherche, soutenus financièrement par l’État fédéral et pas seulement le secteur privé. Le PhD, ou doctorat de recherche, est un diplôme prestigieux reconnu dans le monde entier. Les États-Unis sont le premier pays à accueillir des étudiants étrangers dans le monde et ce tropisme étatsunien est encouragé par le classement mondial des universités.

Le classement de Shanghai et sa portée géopolitique

Dans le classement de Shanghai des 1 000 meilleures universités mondiales, classement établi par l’université Jiao Tong, qui existe depuis 2003 et qui privilégie le critère de publication d’articles scientifiques dans les revues anglo-saxonnes, douze des quinze premières universités mondiales sont américaines, avec Harvard au premier rang, suivie de Stanford et du MIT en 2023. Cette hégémonie des États-Unis est écrasante mais ce classement a été créé pour montrer, de manière objective, la position des universités chinoises dans le monde en prenant les universités américaines comme une référence à égaler puis à dépasser. En 2023, 214 universités sur 1 000 sont chinoises, mais elles ne sont que 11 dans le top 100. Évaluer et classer les universités montre bien l’enjeu géopolitique, notamment dans la rivalité entre les États-Unis et la Chine, de la diffusion de la connaissance. Il faut souligner que les critères de classement sont imposés par une université chinoise qui définit une vision normative de ce qu’est la meilleure université. Ce classement a donc une portée géopolitique majeure.

Un rayonnement français de la connaissance à l’étranger

Dans le classement de Shanghai, les universités françaises ne sont pas en tête. Seules quatre universités françaises sont parmi les cent premières, avec Paris-Saclay au quinzième rang. Comment la France peut-elle alors être attractive pour les chercheurs internationaux ? Il faut rappeler que la recherche en France est souvent menée en partenariat avec le CNRS (Centre national de la recherche scientifique) ou les Grandes Écoles, qui ne figurent pas dans le classement de Shanghai. HEC, par exemple, est à la première place du classement des cent meilleurs masters en management publié en 2023 par le Financial Times, mais n’apparait pas dans le classement de Shanghai. Quant au CNRS, il exerce une grande attractivité parmi les scientifiques à l’international et possède des laboratoires de recherche à l’étranger. De plus, avec l’IRD (Institut de recherche et de développement), la France possède une institution scientifique en réseau, présente dans une quarantaine d’États et promouvant le développement durable. Les cinq EFE (Écoles françaises à l’étranger), comme l’École française de Rome, animent des missions de formation, de recherche et de diffusion en sciences humaines et sociales. Enfin, la France diffuse son modèle à travers un réseau de plus de 500 lycées français à l’étranger. Elle dispose du plus vaste réseau scolaire au-delà de ses frontières, et participe ainsi à la diffusion d’un modèle de construction du savoir dans le monde. Ce réseau est à la fois un outil de rayonnement culturel, un outil de la francophonie, mais aussi un outil de diplomatie. C’est un bon exemple de soft power à la française.
Participer à la circulation de la connaissance à travers la diffusion d’un modèle est une stratégie d’acquisition d’un rayonnement international. L’objectif est d’attirer à soi le capital humain en développant la migration d’étudiants-chercheurs brillants ou de main d’œuvre qualifiée. Une véritable concurrence pour les talents se développe à l’échelle mondiale et les puissances de la connaissance deviennent de véritables chasseurs de tête. Mais la rivalité entre États n’est pas simplement académique.

Maîtriser la circulation de la connaissance, un enjeu de rivalité

Le renseignement au service de la domination des blocs pendant la guerre froide

Pendant la guerre froide, les services secrets se développent pour mieux connaître et contrer leur adversaire. En 1947, les États-Unis créent la CIA (Central Intelligence Agency), un service de renseignement indépendant, efficace et qui bénéficie d’un budget considérable. Les États-Unis possèdent également la NSA (Agence nationale de sécurité), créée en 1952 et chargée de la surveillance des communications. En 1954, l’URSS crée le KGB (Comité pour la sécurité de l’État). Dans les deux cas, leur terrain d’action s’effectue dans le monde entier et la concurrence fait rage. Espionnage, contre-espionnage, infiltrations, collecte d’informations et opérations de déstabilisation sont des techniques employées par les services secrets. La CIA et le KGB recrutent des espions dans l’autre camp, ce qui crée des tensions extrêmes entre les deux blocs. Les époux Rosenberg, accusés d’espionnage atomique, sont exécutés en 1953. La même année, un coup d’état orchestré par la CIA renverse le Premier ministre iranien Mossadegh, qui avait nationalisé les puits de pétrole, afin de la remplacer par le gouvernement pro-américain du Shah d’Iran. La course aux renseignements des espions ressemble fort à une course aux armements. Elle est une véritable manifestation du hard power, ou puissance de coercition. Mais la rivalité entre les puissances ne prend pas fin avec la guerre froide.

Rivalités au sein du cyberespace

Au XXIe siècle, les services de renseignements utilisent l’informatique et Internet. Le terrain de maîtrise de la circulation de la connaissance est donc vaste. Il s’agit du cyberespace, là où circulent toutes les informations numériques mondiales. Le cyberespace apparaît comme un territoire de conflictualités. La circulation de l’information, qui se fait à 99 % par le biais de 486 câbles sous-marins, est certainement aujourd’hui l’enjeu géopolitique majeur. Les câbles sous-marins en fibre optique qui relient les continents appartiennent de plus en plus aux géants du numérique comme Alphabet (avec sa filiale Google) et Meta (avec Facebook, Instagram, WhatsApp). En possédant leurs propres câbles, ces géants du net étatsuniens peuvent prendre le contrôle de l’Internet mondial. Ils sont néanmoins concurrencés par les BATX (Baïdu, Alibaba, Tencent, Xiaomi) qui sont les principales entreprises du cyberespace chinois. Mais d’autres acteurs sont très nombreux à générer des rivalités et des conflits.

Le cyberespace, une arme redoutable dans les conflits géopolitiques

En effet, certains États utilisent le cyberespace pour organiser l’espionnage informatique et fragiliser leurs rivaux. Même si les États-Unis ont une suprématie technologique, ils ne sont pas les seuls à pratiquer l’espionnage informatique et il existe une concurrence entre États. Ainsi, la Russie est devenue une cyber puissance. Dès 2007, elle est accusée d’avoir mené une cyberattaque contre l’Estonie, qui est pourtant un pays membre de l’OTAN. Il s’agit de la première cyberattaque de grande ampleur. La Russie est également accusée d’avoir utilisé les réseaux sociaux pour manipuler l’opinion publique américaine en faveur de Donald Trump au moment des élections présidentielles de 2016. Depuis 2016, l’OTAN considère que le cyberespace est un domaine d’opération militaire. La France a d’ailleurs mis en place un comité spécial de cyberdéfense en 2017 appelé « Comcyber ». À l’échelle européenne, la lutte contre la cybersécurité a été renforcée par le Cybersecurity Act en 2019. La capacité d’un État à s’affirmer dans le cyberespace et à être performante dans le domaine de la cyberdéfense est devenue un enjeu majeur de puissance.

Conclusion :

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Astuce

La conclusion comprend trois parties :

  • Faire un bilan (et non pas un résumé) : retenir l’essentiel, mais ne pas recopier l’annonce du plan, ce qui n’aurait aucun intérêt.
  • Répondre à la problématique : Montrer que vous avez compris l’enjeu du sujet, la réponse n’est pas toujours tranchée, elle peut être nuancée.
  • Faire une ouverture : toujours à l’affirmative, sur un sujet proche qui mènerait à un approfondissement de la réflexion, ici l’intelligence collective et la coopération.

La maîtrise de la circulation de la connaissance est donc bien un outil de domination. Cet outil de domination va crescendo et, au XXIe siècle, la supériorité technologique et scientifique est la principale manifestation de puissance.
L’enjeu géopolitique autour de la circulation de la connaissance s’analyse encore avec des logiques de rivalités traditionnelles qui conduisent à une forte insécurité et une polarisation de la domination par des cyber puissances, mais les acteurs sont plus difficiles à identifier et de plus en plus nombreux.
Dans un monde complexe et tourmenté, il est nécessaire de réfléchir à une circulation de la connaissance conduisant à la coopération, à la promotion de l’intelligence collective telle qu’elle a été théorisée par le chercheur Pierre Levy, et non pas à la compétition, notamment en matière de sécurité environnementale, médicale et dans la lutte contre le terrorisme.