Corrigé Bac
Sujet bac – annale géopolitique 2021 – corrigé – composition 2 + étude de documents 2

Dissertation de Géopolitique et sciences politiques
Sujet 2 – Diffuser la connaissance, un enjeu pour les communautés savantes et les États

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Attention

Ici, le sujet n’est pas sous forme de question mais pose un problème tel quel, celui de l’enjeu de la diffusion de la connaissance, rattaché au thème 6 du programme. Il va donc falloir le discuter à partir des mots-clés du sujet (« communautés savantes » et « États »), de vos cours à ce sujet, en prenant soin de sélectionner les leçons pertinentes, et de vos connaissances personnelles.

Introduction

De nos jours, la masse des connaissances accumulées par les sociétés humaines, sont paradoxalement au cœur d’enjeux scientifiques et démocratiques qui demandent de savoir manier celles-ci, face à la désinformation ou aux difficultés d’accès à une information scientifique sérieuse mais accessible à tous.

La « connaissance » est l’activité de représentation et d’explication du réel sous-tendant la production de savoir(s), qui est le résultat de cette démarche. Cela peut-être des informations et des faits de manière générale, mais aussi des savoir-faire ou des savoir-être. Il existe divers types de connaissances plus ou moins efficaces, fiables et réalistes. Les « communautés savantes », ou communauté scientifique, sont un ensemble plus ou moins large de chercheurs d’une même discipline, mis en relation et acceptant des méthodes de travail communes ; comme l’évaluation par leurs pairs, la reproductibilité des expériences menées ou encore l’utilisation de sources vérifiables. La communauté scientifique constitue ainsi un acteur majeur de la production, de la diffusion et de la circulation des connaissances ; en regroupant laboratoires, chercheurs, universités, centres et/ou groupes de recherche.

Aussi, nous allons nous demander comment la diffusion des connaissances s’est-elle structurée historiquement, et quels en sont les enjeux géopolitiques actuels, en particulier à l’heure de la mondialisation et des réseaux numériques ?

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Rappel

La problématique est une question large qui ressort de l’analyse du sujet : elle doit être précise car elle va orienter votre réflexion générale, donc le sens de votre copie.

Tout d’abord, nous allons retracer une historique de la diffusion des connaissances depuis le XVe siècle environ ; puis nous montrerons que ce sujet est devenu au cours de l’histoire récente et jusqu’à nos jours, un enjeu majeur pour les États.

Diffuser la connaissance, de l’éducation de masse au dialogue scientifique international

Un nouveau rapport au savoir menant à sa diffusion plus large à travers les progrès techniques de la Renaissance

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Attention

Comme pour toutes les autres dissertations et compositions, on ne fait pas apparaître les titres sur la copie. Il faut organiser sa rédaction pour que le correcteur puisse s’y retrouver uniquement grâce aux sauts de ligne et aux alinéas.
Si l’expression et les idées sont suffisamment claires, le déroulement de votre pensée suffira à renseigner le correcteur sur le point de réflexion que vous abordez, sans avoir besoin de titres qui casseraient la fluidité de votre propos.

L’humanisme est, à la fin du Moyen-Âge (XIVe-XVe siècles), un mouvement de pensée qui se fonde sur la redécouverte des connaissances gréco-romaines, le retour aux textes originaux et la croyance dans la perfectibilité de l’être humain. Il constitue un rapport au savoir nouveau en Europe, d’abord dans les « sciences » littéraires, en philologie et en langues anciennes comme l’hébreu ou le grec ancien.
Ces connaissances appellent par ailleurs la redécouverte de textes anciens, donc de connaissances qui s’y trouvaient déjà, qui étaient celles des Grecs notamment, amenant par expérience et nouvelles doctrines religieuses plus permissives (Réforme protestante), à des évolutions et des enrichissements de ces connaissances.

Grace aux connaissances déjà acquises par les savants, alliées aux progrès permis par la presse d’imprimerie de Gutenberg, vers 1450 environ, cette époque connaît un formidable essor de la diffusion de connaissances de toutes sortes, imprimées dans des livres que l’on peut acheter, transporter, léguer. Si le livre reste au départ un objet rare et cher, que seuls princes et grands bourgeois peuvent s’offrir, il devient rapidement plus accessible : le savoir se démocratise, et en cinquante ans, environ 15 millions d’ouvrages individuels sont ainsi imprimés.
Cette révolution permet aussi, à travers des relations épistolaires notamment, un dialogue entre savants, à propos de thèses et d’idées parfois nouvelles, dans des domaines variés comme l’économie, la philosophie, la chimie, la médecine, l’astronomie. En discutant et en comparant ses travaux et ceux des autres, une communauté scientifique se structure lentement à travers l’Europe, et la Renaissance italienne du XVe siècle voit ses idées se répandre en quelques décennies à travers tout le continent.

La méthode scientifique se développe également peu à peu, au travers d’une structuration autour de l’observation, de l’analyse et de la vérification des faits, mais aussi de la controverse, c’est-à-dire de la discussion d’idées, argumentée entre plusieurs personnes par rapport à un sujet donné. Si cela n’est pas nouveau pour l’époque et se pratiquait déjà avant, l’imprimerie contribue fortement à amplifier le phénomène.
Le mouvement philosophique des Lumières permet, dès la seconde moitié du XVIIe siècle, à la suite de l’humanisme, de réaffirmer cette foi en l’émancipation humaine par la connaissance du monde qui l’entoure, et à de grands scientifiques comme Antoine de Lavoisier ou Isaac Newton de faire progresser la physique et la chimie, respectivement en France et au Royaume-Uni.

Si nombre de savants et d’aristocrates curieux, pouvant se permettre de se consacrer à ces sujets, furent concernés en premier lieu par ces évolutions, les masses populaires ne furent pas en reste, dans une moindre mesure, en ce qui concerne le domaine de la diffusion de la connaissance, en premier lieu par l’implantation toujours plus grandes de « petites écoles », ou l’on apprend à lire, à écrire et à compter.

L’alphabétisation des masses aux systèmes scolaires, l’enjeu de la transmission des savoirs par l’éducation

Dès 1833, la loi Guizot oblige chaque commune de plus de 500 habitants en France, à créer une école publique de garçons pour assurer leur instruction, alors que la moitié des jeunes garçons est encore analphabète, c’est à dire qu’ils ne savent ni lire, ni écrire. C’est aussi dès cette période que s’organise l’alphabétisation des femmes, notamment d’abord sous la direction d’autorités religieuses, puis plus tard sous celle des États lorsque ceux-ci prennent en main ces politiques à l’échelle nationale.
Si la femme de l’époque moderne se doit surtout de savoir lire la Bible, et de manière générale tous les textes religieux afin d’être une bonne chrétienne avant tout, ceci évoluera au tournant du XIXe siècle, après la Révolution française de 1789.
Les politiques publiques d’éducation mises en place tout au long de cette période s’adressent d’abord aux garçons, comme nous l’avons vu. Ils occupent alors une place supérieure dans une société construite par et pour les hommes. Cependant, au fil des différentes législations, les filles vont pouvoir lentement rattraper ce retard, bien que leur place dans la société ne soit toujours pas l’égale de ces derniers. Entre la fin de la période napoléonienne et celle du Second Empire, les femmes françaises comblent la majorité de leur retard en matière d’illettrisme. Il faut attendre encore les lois Ferry de 1881-1882 pour que l’instruction primaire soit obligatoire pour les enfants des deux sexes, et l’année 1900 pour que le retard en matière de lecture et d’écriture entre eux, soit définitivement comblé au bout d’un siècle de mise en place de politiques publiques pour l’éducation de tous les enfants.

Ces progrès vont aussi de pair avec une nouvelle manière de concevoir l’enseignement des savoirs et leur transmission à un nombre croissant d’enfants, dans le cadre de systèmes scolaires qui se construisent petit à petit.
Déjà au XVIe siècle, des humanistes développaient l’idée d’une progression autonome de l’enfant dans l’apprentissage des savoirs : la pédagogie, qui est la manière de réfléchir à l’art d’enseigner et de transmettre des connaissances, se développe durant toute cette période, à travers les actions de grands fonctionnaires comme Ferdinand Buisson (1841-1932).
Naissance d’une pédagogie moderne, diffusion de la philosophie humaniste et des Lumières, ainsi que réformes religieuses, se conjuguent pendant une longue période pour aboutir à cette alphabétisation des masses tout au long du XIXe siècle. Avec la diffusion de l’instruction, il est plus facile pour un pays de faire émerger parmi ses citoyens, ceux qui deviendront des scientifiques et participeront à son rayonnement national, sujet important dans l’Europe de l’époque qui voit les États se structurer autour de l’idée de nation. Aussi, faut-il leur donner les moyens de s’organiser.

La collaboration scientifique internationale, fruit de plusieurs siècles d’organisation des communautés savantes

Dès le XVIIe siècle, le renouvellement des savoirs sort des murs des universités, où il était largement cantonné depuis des siècles, et se trouve également désormais dans des académies de sciences et des sociétés savantes, qui naissent alors dans toute l’Europe.
La Royal Society of London est ainsi fondée en 1660 par Sir Chritopher Wren pour y enseigner l’astronomie, rejoint par des scientifiques qui souhaitent profiter de ces enseignements. Sir Isaac Newton est l’un d’entre eux. Il deviendra un physicien très célèbre pour ses travaux sur la gravitation.
Ces structures se caractérisent par un soutien financier de la part des cours royales, et donc des États européens de l’époque. Elles partagent une conception universaliste du savoir, et tendent vers une diffusion de ce dernier à travers l’Europe, et ce par les échanges intellectuels et la traduction des travaux scientifiques dans diverses langues et leur vulgarisation. Ainsi, le chimiste français Antoine Lavoisier sera membre à la fois des sociétés royales de Paris et de Londres, tandis que le philosophe d’Alembert sera aussi membre de celle de Berlin.
On constate que l’émulation provoquée par ces sociétés amène donc une progression scientifique de manière générale par la constitution d’une communauté travaillant dans la même direction, du moins une communauté qui se reconnaît comme telle et permet à ses membres de discuter et diffuser des connaissances en son sein par-delà les frontières politiques.

On assiste durant cette période à l’émergence d’une « république des lettres », caractérisée par la collaboration et les échanges entre les scientifiques et la diffusion de leurs savoirs, aussi bien en sciences qu’en lettres, dans la mesure où il n’y a pas de séparation nette entre ces deux domaines, comme c’est le cas de nos jours. L’édition et le succès de l’Encyclopédie (1751−1772) en est l’illustration, trois cents ans après l’émergence de l’imprimerie de Gutenberg et le mouvement de la Renaissance italienne puis européenne.

Au XIXe siècle, les sciences se structurent en disciplines distinctes avec leurs spécialistes, et s’organisent en institutions dédiées. C’est ainsi que naissent la Société chimique de France (1857), la Société de mathématiques de France (1872), la Société française de physique (1873).
Le savant des siècles passés prend peu à peu le rôle de scientifique, qui se spécialise dans des recherches précises et forme une communauté scientifique au sein de ses pairs et en collaboration avec ces derniers. Cette spécialisation permet également de délimiter le champ des sciences humaines, comme la sociologie, l’anthropologie ou la psychologie.
De plus, l’époque voit s’imposer des idées nouvelles, comme le positivisme, théorisé par Auguste Comte. Il explique que la foi dans ces nouvelles sciences et techniques est forte, et elles prétendent pouvoir désormais tout expliquer, voire remplacer les croyances religieuses, dans la lignée de certains philosophes des siècles précédents qui remettaient en cause les enseignements de l’Église, voire l’existence de Dieu lui-même. Ainsi, le positivisme est un mouvement affirmant que les sciences peuvent mener à la compréhension des faits.

Les connaissances et le savoir scientifique accumulés deviennent peu à peu des instruments de puissance pour les États contemporains, au même titre que la puissance industrielle née du XIXe siècle, et c’est pourquoi au tournant du siècle, la course à l’armement va aussi se traduire par une rivalité scientifique accrue sous la bannière des États, comme en témoignent par exemple les prix Nobel décernés dès l’année 1901, dans des domaines variés comme la chimie, la physique ou la médecine.

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Astuce

La première partie est organisée de manière chronologique et thématique, ce qui permet de suivre une évolution logique dans le raisonnement et d’articuler sa réflexion de manière cohérente. La transition est insérée ici de manière à faire la transition entre l’historique de la diffusion de la connaissance au sein des sociétés humaines mondialisées (I.) et le rôle de la connaissance et de sa diffusion dans le monde contemporain et actuel (II.).

Un enjeu central dans l’histoire contemporaine des États, de la puissance militaire aux enjeux du XXIe siècle

L’exemple du projet Manhattan et de la « course à l’atome », un enjeu de puissance contemporain au cœur de la Seconde Guerre mondiale

La maîtrise de la connaissance constituant un enjeu de puissance pour les États, la science va leur permettre de faire aboutir leurs projets, et plus particulièrement dans le domaine de la guerre : les armes chimiques qui naissent véritablement pendant la Première Guerre mondiale, en l’occurrence les gaz de combat, doivent beaucoup aux progrès de la chimie allemande de l’époque, en particulier grâce aux travaux de Fritz Haber (lauréat du prix Nobel de chimie en 1918), tandis que ceux de la radioactivité et de l’atome dès la fin du XIXe siècle, amèneront plus tard la course à l’arme nucléaire des années 1940.

Pour autant, c’est le « Projet Manhattan » qui illustre le mieux cet aspect de circulation, de diffusion large, de coopération et de restitution des connaissances scientifiques de l’époque, en l’occurrence en parvenant à construire pour la première fois une arme atomique d’une puissance surpassant de loin celle des explosifs traditionnels. Ce projet de recherche secret, qui débute en 1939 aux États-Unis, illustre bien les enjeux dans ce domaine, bien qu’il soit le fruit de presque 50 années préalables de circulation des connaissances scientifiques sur la radioactivité et l’atome. On peut citer en particulier les travaux de la famille Curie-Joliot en France, ceux de Rutherford en Angleterre, et par la suite Heisenberg (Allemagne) ou encore Fermi (Italien naturalisé Américain).
En effet, les travaux de scientifiques européens, puis la coopération de ces derniers dans les années 1930-1940 avec leurs homologues américains, s’appuyant sur les progrès des décennies précédentes, vont permettre de mener à bien cet immense projet scientifique mais aussi industriel et militaire, qui emploiera des centaines de milliers de personnes sur presque une douzaine de sites en Amérique du Nord, le tout dans le plus grand secret pour des raisons de sécurité alors que les États-Unis entrent en guerre dès décembre 1941.

Ainsi, des savants européens en exil, comme Albert Einstein, jouent un grand rôle dans ce projet.
Ce dernier, fort d’une certaine notoriété, appuie les demandes de ses pairs auprès du président Roosevelt dès 1939 en l’alertant des possibilités de destruction terribles qui s’offrent potentiellement aux sociétés humaines par ce biais. Plusieurs scientifiques hongrois notamment, comme Leo Szilar, physicien de renom, émigrent aux États-Unis à cette période pour poursuivre leurs recherches tout en permettant de développer cette nouvelle arme avant les puissances de l’Axe, et ainsi gagner la guerre en cours. Avec la fourniture des matières premières nécessaires en grande quantité comme de l’uranium (un minerai) ainsi que de « l’eau lourde », ils y parviennent finalement.
En août 1945, les bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki par les États-Unis contre le Japon, démontrent la puissance terrifiante de cette arme nouvelle, et précipitent à la fois la fin de la guerre en cours mais aussi le début de la lutte américano-soviétique. Durant la guerre froide, les services de renseignements américains et soviétiques en particulier se livreront une lutte acharnée pour pouvoir recueillir de l’information y compris scientifique, ou désinformer les services ennemis dans ce domaine. En URSS, de véritables « villes fermées » scientifiques, menant divers projets de recherche, sont ainsi cachées pendant des décennies, comme le furent dans une moindre mesure les sites du projet Manhattan.

On a pu voir que cette arme atomique constitue un enjeu de puissance qui bouleverse les relations internationales depuis bientôt un siècle, bien qu’elle n’ait été utilisée qu’une seule fois. La diffusion des connaissances a ainsi fini par se retrouver au cœur des enjeux de nos sociétés contemporaines, permettant à la fois de gagner des guerres, mais aussi d’en préparer de nouvelles …

Une « société de la connaissance » face aux défis de la massification des connaissances

Durant le XXe siècle, une réflexion est menée sur le rôle du savoir dans les mutations économiques. Le rôle de l’innovation et du progrès technique y est mis en valeur par l’économiste Schumpeter (1883−1950). Les travaux du chercheur et philosophe Peter Drucker (1909−2005) montrent, eux, l’importance de la connaissance à travers des analyses sur le management (importance de l’innovation et du marketing) et sur l’économie en général, comme facteur déterminant de la croissance économique.
C’est ainsi qu’il théorise le concept de « société de la connaissance », c’est-à-dire une société marquée par le développement des technologies de l’information et de la communication à faible coût, permettant en retour une très forte diffusion du savoir. De plus, la connaissance devient un facteur de production essentiel des économies contemporaines, contrairement aux sociétés préexistantes par le passé, dans lesquelles le travail, la terre ou encore le capital étaient ces seuls facteurs.
Cette société de la connaissance permet à la créativité et au « capital humain », soit l’ensemble des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être, mis en valeur par les expériences de voyage, les activités artistiques, les engagements associatifs, ou encore les MOOC (Massive open online course : « cours en ligne ouverts à tous »), d’avoir plus de poids en matière économique, politique, sociale.

Ces innovations permettent l’émergence d’une société plus savante par un accès plus facile et massif aux savoirs universitaires via les MOOC des grandes universités à travers le monde, les sites de revues spécialisées, et même les encyclopédies en ligne dont Wikipédia, créé en 2001, est l’exemple emblématique par son innovation. En effet, elle permet à n’importe quel internaute muni d’une adresse IP d’enrichir l’encyclopédie, de corriger des erreurs, de fournir des sources, le tout en discutant avec d’autres internautes et groupes d’internautes pour définir des projets prioritaires, des groupes de travail, etc.
Depuis vingt ans, ce projet entièrement libre et gratuit continue de progresser, et l’encyclopédie abrite aujourd’hui plus de deux millions d’articles en français, tandis que l’on peut consulter le projet dans pas moins de 300 langues différentes.

Cependant, la fiabilité des informations est parfois fragile sur le Net, selon les sources que l’on consulte, et la somme des connaissances acquises par l’humanité rend impossible à un individu seul de pouvoir tout connaître ou de vérifier toute donnée de façon autonome.
Cette faiblesse de la fiabilité des connaissances rend les sociétés plus fragiles par l’accès plus facile et rapide aux fausses informations ou aux rumeurs : dans le cadre de sociétés démocratiques, il y a un risque de manipulation voire de déstabilisation politique, comme durant les élections présidentielles américaines en 2016 puis à nouveau en 2020, durant lesquelles la Russie a cherché à influer sur les résultats via des actions de désinformation, d’espionnage, voire de hacking.

Une production de savoir organisée par les États, mais aussi des acteurs privés face aux enjeux économiques mondiaux

Aujourd’hui, la spécialisation du savoir est de plus en plus liée à l’extension des connaissances et aux mutations économiques* qui relient le monde dans le cadre d’une mondialisation sans cesse plus avancée. Le travail scientifique se fait davantage en équipe et à l’échelle internationale, c’est même devenu la norme.
Le concept de « communauté scientifique » apparaît, allant vers la mise en place de valeurs communes unifiant et régulant les connaissances acquises, ainsi que les méthodes de travail.

L’extension du savoir engendre une spécialisation pour mieux le maîtriser, de plus, on a désormais un savoir qui répond également à des besoins économiques, eux-mêmes liés aux révolutions industrielles successives.
Les lieux et les acteurs évoluent sensiblement. Aujourd’hui, les universités concentrent une grande partie de la production intellectuelle en ce qui concerne la recherche fondamentale, les entreprises mettent sur pied ou investissent dans des laboratoires de recherche pour stimuler l’innovation technologique et des institutions publiques, financées par les États sont dédiées à la recherche scientifique uniquement.
Dès le milieu du XXe siècle, de nouvelles institutions comme les grandes écoles ou les centres de recherche, dédiés à la recherche scientifique et financés par les États, sont créées pour mener à bien des projets de grande ampleur dans des domaines de pointe : recherche nucléaire, conquête spatiale.
En France, ce sont des institutions comme le Centre national de la recherche scientifique (1939), le Commissariat à l’énergie atomique (1945) ou encore le Centre national d’études spatiales (1959).

La privatisation de cette économie de la connaissance par des acteurs privés, notamment par les géants multinationaux du numérique comme les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft ; du nom des cinq compagnies américaines qui forment le groupe) pose question et constitue un enjeu géopolitique majeur, au regard de l’inégalité de diffusion de cette connaissance à travers les sociétés malgré des moyens techniques colossaux et des technologies nouvelles constamment améliorées, comme l’intelligence artificielle (IA) par exemple.

Conclusion

Pour conclure, nous pouvons dire que la diffusion de la connaissance est devenue historiquement un enjeu majeur de nos sociétés, aussi bien pour les États eux-mêmes que d’autres acteurs non gouvernementaux, y compris les citoyens, afin de participer efficacement aux systèmes démocratiques.
Pour autant, la diffusion de la connaissance telle qu’elle est organisée aujourd’hui pose certains problèmes. En effet, que ce soit la remise en question de la neutralité du net aux États-Unis dès juin 2018, ou plus généralement la difficulté pour tout citoyen d’accéder à des informations fiables et vérifiables à un coût accessible, tout le monde n’a pas le même accès à la connaissance selon sa situation économique et selon le média qui diffuse cette même connaissance.
Cette dernière étant devenue un enjeu crucial du hard power ainsi qu’une nécessité pour pouvoir évoluer en tant que citoyen au cœur des sociétés humaines mondialisées, la question de l’inégalité de l’accès à la connaissance est un point qu’il est impossible de négliger pour les États.
Il nous faut nous interroger sur la capacité des médias de masse et des gouvernements à réagir à ces défis dans les décennies à venir, alors que la masse d’informations continue de croître dans un monde toujours plus interconnecté.

Étude de documents de Géopolitique et sciences politiques
Sujet 2 – Clausewitz et les conflits contemporains

Consigne : En analysant les documents, en les confrontant et en vous appuyant sur vos connaissances, répondez à la question suivante : la conception clausewitzienne de la guerre permet-elle de comprendre les conflits d’aujourd’hui liés au djihadisme ?

Introduction

La « conception clausewitzienne de la guerre » fait référence aux théories de Carl Von Clausewitz (1780-1831), militaire prussien ayant développé des conceptions stratégiques novatrices dans son ouvrage posthume De la guerre, disant notamment que « la guerre n’est que la continuation de la politique par d’autres moyens », car elle est selon lui un phénomène social répondant à des objectifs politiques précis.
Le « djihadisme » est une doctrine contemporaine prônant l’usage de la violence à des fins politiques, c’est pourquoi on l’associe souvent à la notion de « terrorisme », qui est l’usage de cette violence politique contre des civils.
Enfin, les conflits d’aujourd’hui désignent les conflits asymétriques opposant des États à des groupes armés terroristes et/ou djihadistes, au Moyen-Orient, mais aussi en Asie du Sud-Est ou en Afrique principalement, et ce depuis quelques décennies.
Le premier document est un extrait des mémoires de Raymon Aron, politologue et historien français, publiées en 1983, dans lequel il traite de la pensée de Clausewitz.
Le second est une carte, réalisée en 2015 par Philippe Migaux pour l’atelier de cartographie de Sciences Po Paris, qui présente les principaux territoires concernés par le djihadisme, ainsi que les organisations terroristes qui s’y trouvent et y combattent, réparties en trois groupes principaux.

Pour traiter ce sujet, nous nous demanderons si cette conception clausewitzienne de la guerre peut s’appliquer à l’analyse de conflits actuels spécifiques, en les décrivant précisément et en les comparant à ce qu’en dit Raymond Aron, puis sur ces conflits à travers elles en comparant leurs caractéristiques et leur histoire.

La théorie clausewitzienne et le dépassement de son cadre par les conflits du XXe siècle

Tout d’abord, en sachant ce qu’a écrit Clausewitz, on peut comprendre ce qu’écrit Raymond Aron. Pour le premier, la guerre est en théorie une lutte entre États pour imposer sa volonté par la force et en retirer un bénéfice. Cette guerre se trouve, dans les faits, limitée par des facteurs concrets (population, territoire, ressources), qu’on retrouve dans les guerres aristocratiques européennes du XVIIe-XVIIIe siècles, où l’objectif militaire des États est de remporter des batailles pour pouvoir négocier en position de force les bénéfices à retirer du conflit, et non pas anéantir l’adversaire. Clausewitz appelle cela la « friction ».
Ceci change avec la Révolution française de 1789, puis avec les ambitions napoléoniennes. Pour Clausewitz, la guerre se radicalise, les effectifs augmentent fortement avec l’intégration des citoyens dans les armées nationales, permise par la conscription (enrôlement de la masse des citoyens mâles adultes pour effectuer un service militaire de plusieurs années par exemple), et surtout l’objectif devient l’anéantissement adverse, le renversement de l’État. L’auteur précise dans le texte l’évolution de la conception clausewitzienne. Pour lui, on peut y voir une seconde définition de la « guerre, étrange triade de la passion (le peuple), de la libre activité de l’âme (le chef de guerre) et de l’entendement (la politique, l’intelligence personnifiée de l’État). » (l.12-14).

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Astuce

Il est important de bien expliquer et intégrer les citations du texte dans la réflexion. Soyez vigilants toutefois, la pire erreur que vous puissiez faire, c’est de paraphraser, c’est-à-dire réécrire les phrases du texte sans apporter de réflexion derrière.

Raymon Aron pointe à la fin du texte la limite de la théorie de Clausewitz, et ce dès le XXe siècle et l’émergence des guerres « totales » que sont les deux guerres mondiales : pour lui, « comparée au XXe siècle, la période révolutionnaire et napoléonienne ne semble qu’une pâle répétition d’une pièce d’horreur à grand spectacle. » (l.22-23). Effectivement, les destructions gigantesques et les pertes humaines conséquentes de ces deux conflits (près de 60 millions de morts pour la Seconde Guerre mondiale), sont sans commune mesure avec les bouleversements de l’ordre européen entre 1789 et 1815, qui répondaient encore aux codes et aux moyens techniques du Vieux Continent, assez conformément à la pensée de Clausewitz, qui écrit à la même époque.
Paradoxalement, c’est bien parce que les moyens techniques sont devenus immensément plus puissants au début du XXe siècle, que la Seconde Guerre mondiale menée avec des blindés, des avions et des croiseurs, a pu être aussi meurtrière. Clausewitz n’a pas fondamentalement été pris en défaut, l’art de la guerre a simplement évolué au-delà de ce qu’un contemporain de Napoléon aurait sans doute pu imaginer.
C’est ce que note l’auteur quand il écrit « L’analyse du modèle conduit à la théorie de l’ascension aux extrêmes […] et de la guerre absolue […] » (l. 3-4). Les guerres d’anéantissement du XXe siècle sont des guerres absolues, qui ont dépassé le modèle clausewitzien en poussant la logique de la « montée aux extrêmes » (c’est à dire l’exacerbation des sentiments nationaux et la massification des armées notamment), bien plus loin que n’aurait pu le faire Napoléon Bonaparte à son époque.

L’évolution des conflits dans le contexte actuel et l’abandon progressif de la pensée clausewitzienne

Aujourd’hui, les conflits ont encore évolué, passant de la guerre totale/d’anéantissement à une multiplication de conflits asymétriques (ou « conflits irréguliers »), opposant des groupes armés à des États, les premiers ne cherchant pas l’anéantissement car ils n’en ont pas les moyens militaires, mais une victoire « politique » (par exemple le retrait de l’État qu’ils combattent dans le conflit), qui leur permettrait de perpétuer leur projet politique, que ce soit l’établissement d’une entité sur un territoire ou le recrutement de nouveaux partisans, voire tout cela à la fois.
En somme, on en revient aux « demi-guerres » qu’évoque Raymond Aron (l.21) à la fin de son texte, signifiant par-là que cette forme de guerre n’est pas conforme à celles décrites par Clausewitz. En effet, les conflits actuels sont une évolution des bouleversements stratégiques notamment liés à la course aux armes nucléaires, mais aussi aux « guerres par procuration » que se sont livrées les deux superpuissances de la guerre froide (Union soviétique et États-Unis), ainsi qu’aux conflits de décolonisation comme la guerre d’Indochine/du Vietnam qui dura près de trente ans. Ces conflits de « guérilla », après la fin de la Seconde Guerre mondiale, entraînent un renversement stratégique : des groupes composées de partisans peu équipés, du moins à l’origine, combattent de puissantes armées modernes, c’est-à-dire des soldats agissant pour le compte d’un État, en vue de réaliser par les armes leurs objectifs politiques (fin de la colonisation, création ou recréation d’États indépendants).
C’est ainsi que le Vietnam arrache son indépendance après avoir lutté non seulement contre la France (1946-1954), mais aussi contre les États-Unis qui demeure pourtant une superpuissance militaire.

Aussi, on peut constater les conflits actuels liés au djihadisme, comme par exemple la guerre en Syrie (2011) qui a vu l’émergence de l’Organisation État islamique (OEI), reprenant certaines de ces caractéristiques. Comme pour les conflits de guérilla de la seconde moitié du XXe siècle, on retrouve des États soutenant certains groupes pour défendre leurs intérêts par procuration dans un conflit, le fait que des miliciens combattent un État dans leur propre intérêt politique, mais également le fait que ces groupes arrivent souvent à mettre en difficulté des États qui sont pourtant militairement bien plus puissants qu’eux, qu’ils soient occidentaux ou non.

Conclusion

Nous pouvons conclure en disant que cette conception est en partie dépassée, car les rivalités entre États ne sont plus le facteur principal des conflits. De plus, les guerres intra-étatiques et asymétriques voient l’émergence de combattants irréguliers, membres de groupes armés, qui ont remplacé quasi-exclusivement les guerres inter-étatiques et symétriques où se faisaient face des armées régulières composées de soldats, qui plus est les armées de conscrits européens des XIXe-XXe siècles.
Enfin les repères des conflits anciens sont brouillés ou dépassés : dans ces « nouvelles guerres », les distinctions entre civils et soldats, front et arrière, et même le concept de la bataille, ont perdu tout ou partie de leur pertinence. Aussi, la conception clausewitzienne de la guerre ne peut pas s’appliquer en tant que telle à ces conflits, même si une partie de ces conceptions reste utile pour analyser les paradoxes et les évolutions qui ont eu lieu dans le domaine de la stratégie militaire depuis la fin du XVIIIe siècle.

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Astuce

Ce sujet mobilise des connaissances complexes qu’il est difficile de réduire lors de l’expression écrite sans perdre en qualité. C’est pourquoi la copie est ici plus longue que la moyenne : ne vous formalisez pas lors de l’épreuve si vous devez écrire autant, sachez simplement le faire à bon escient et non pas pour remplir de l’espace à tout prix en espérant impressionner un correcteur par exemple. Ici, chaque partie du devoir compte dans la mesure où tout ce qui est dit à de l’importance dans la démonstration, y compris en introduction et en conclusion.