Autrui

Problématiques

  • Ceux qui ne sont pas comme nous sont-ils humains ?
  • Ai-je besoin de l’autre pour me connaître ?
  • Le regard d’autrui est-il par nature hostile ou au contraire aimable ?

Définitions à connaître : choséification, épiphanie.

Pour Sartre, autrui est pour moi un « objet », c’est-à-dire ce que vise ma perception, et ma perception d’autrui peut s’accompagner d’un jugement.

De plus, la relation à autrui est asymétrique : si j’ai le sentiment d’être vu comme un objet, c’est qu’autrui a sur moi un regard objectif que je ne peux pas avoir sur moi-même. En ce sens, autrui peut-être considéré comme « le médiateur indispensable entre moi et moi-même » comme l’explique Sartre dans L’Être et le Néant.

Par ailleurs, je suis « pris », harponné par le regard d’autrui : je suis sa chose. Pour exprimer cette idée, Sartre crée le concept de « choséification ». Cette situation de « regardé » est une épreuve par laquelle je perds ma liberté. Et si autrui me prends ma liberté, alors, pour Sartre, toute relation à autrui est fondamentalement conflictuelle, tendue, et potentiellement violente : ou bien je suis sujet voyant, ou bien je suis objet vu.

Pour Sartre, il n’y a pas d’égalité ni de réciprocité dans les rapports humains.

Enfin, le regard d’autrui posé sur moi provoque en moi une gêne. La honte, pour Sartre, n’existe pas « pour-soi », c’est-à-dire quand nous sommes seuls avec nous-même. La honte n’existe que « pour-autrui », c’est-à-dire quand nous sommes dans une relation à l’autre.

Tout regard présuppose un visage car le visage précède le regard. Ainsi, autrui m’apparaît par un visage qui n’est pas nécessairement hostile. C’est en ce sens que Levinas développe sa réflexion sur le visage.

Pour Levinas, le visage n’est pas un simple objet de contemplation mais une expérience : celle d’une relation entre deux personnes humaines.

Levinas parle de l’ « épiphanie du visage » : le regard d’autrui sur moi est surtout l’apparition de son visage. Il n’y a donc pas, comme le pense Sartre, une possession de l’autre par mon regard sur lui. À l’inverse, en regardant autrui, c’est également comme visage que je lui apparais. Le visage est ce qui m’échappe.

Couramment, en public, le visage se montre, mais il dévoile un paradoxe. Par les parties nues de sa chair, il est vulnérable et exposé à la violence. Le visage de l’autre, dans son dénuement, est donc l’expression de la fragilité humaine.

Le visage de l’autre s’inscrit dans une dimension éthique. Cette éthique consiste à le respecter infiniment, c’est-à-dire sans condition.

Levinas écrit : « Le visage est signification sans contexte ». Il possède une signification à la fois en soi et transcendante.

Le visage a un sens à lui tout seul. « Toi, c’est toi », écrit Levinas. L’autre m’apparaît dans la singularité de sa personne et l’universalité du respect que je lui dois. En ce sens, Levinas ajoute « on peut dire que le visage n’est pas “vu” ». En effet, il n’est pas « vu » au sens de Sartre, passivement.

L’autre est donc une personne avant d’être un personnage.

À l’inverse, d’un point de vue éthique, la personne reçoit de nous la reconnaissance de sa signification en soi, à savoir notre respect, quelle que soit sa situation. Le visage est la première approche de cette éthique qui extrait autrui de son contexte et le considère tel qu’il est : une personne vivante. Ainsi, le visage de l’autre est un appel à ma responsabilité morale à son égard : bien que vulnérable, seriez-vous capable de tuer votre semblable les yeux dans les yeux ? Moralement, parce qu’il est vulnérable, vous ne devriez ni ne pourriez.

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À retenir

  • Pour synthétiser l’idée d’autrui selon Sartre, on peut penser à sa célèbre réplique dans sa pièce de théâtre Huis-Clos : « L’enfer, c’est les autres ».
  • Pour Levinas, il ne devrait pas exister d’hostilité entre autrui et moi, entre « eux » et « nous ».
  • C’est à nous de faire d’autrui, de celui qui vient d’ailleurs, un autre nous-même, un alter ego, à la fois même et différent, un être aussi respectable que nous souhaitons l’être.