Bourgeoisies marchandes, négoces internationaux et traites négrières au XVIIIe siècle

Introduction :

L’esclavage, c’est le fait d’exploiter un homme comme si c’était un animal ou encore un objet. Cette pratique existe depuis l’Antiquité : toutes les grandes civilisations méditerranéennes ont utilisé des esclaves pour se développer.

Au Moyen Âge, l’esclavage s’est même intensifié, avec l’apparition de nouveaux réseaux : des milliers d’hommes en provenance d’Afrique Noire ont été vendus sur des marchés du Moyen-Orient ou de l’Afrique du Nord, en passant par le Sahara. On parle alors de réseaux transsahariens.

À partir de l’époque moderne, c’est-à-dire au XVIe siècle, un nouveau marché apparaît : c’est celui qui relie l’Afrique à l’Europe et l’Amérique. On parle alors de traite atlantique. L’océan Atlantique devient, au XVIIIe siècle, le cœur d’un commerce international intense marqué par le développement de la traite et de l’esclavage. C’est précisément ce réseau atlantique qui va être étudié dans ce cours.

Qui sont ses acteurs ? À qui bénéficie cette traite ? Comment sont traités les esclaves vendus ? Afin de répondre à ces questions, ce cours débutera tout d’abord par une description du trajet qu’un esclave réalisait, depuis l’Afrique jusqu’au continent américain. Ensuite, la traite atlantique et le rôle des bourgeoisies marchandes au XVIIIe siècle seront présentés de manière générale.

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Attention

Les termes d’esclavage et de traite sont tous les deux utilisés dans ce cours. Ces deux termes sont liés, mais ils ne signifient pas exactement la même chose. L’esclavage est le fait d’exploiter un être humain comme si c’était un objet ou un animal. La traite, de manière précise, fait référence au commerce d’esclaves. Autrement dit, il peut y avoir des esclaves sans nécessairement qu’il y ait une traite (c’est-à-dire un réseau commercial).

Être esclave

Comment devient-on esclave ?

La majorité des esclaves sont des prisonniers de guerre : lorsque les pays européens ont colonisé les pays africains, à partir du XVIe siècle, ils ont capturé une partie de la population, qui a ensuite été revendue sur les marchés d’esclaves.

D’autres captures, qu’on appelle aussi razzias, parfois organisées entre tribus africaines rivales, alimenteront jusqu’au XIXe siècle les marchés d’esclaves. Il arrive aussi qu’un individu soit directement vendu comme esclave par sa propre famille, mais ce cas de figure reste rare. Enfin, les enfants d’esclaves le deviennent à leur tour, n’ayant jamais connu d’autre condition.

L’embarcation

Portrait d’Olaudah Equiano, Auteur anonyme, seconde moitié du XVIII<sup>e</sup> siècle Portrait d’Olaudah Equiano, Auteur anonyme, seconde moitié du XVIIIe siècle

Olaudah Equiano est un ancien esclave qui est parvenu à racheter sa liberté et qui a écrit un récit unique de son expérience. Dans ses mémoires, il explique qu’il a été capturé avec sa petite sœur alors que ses parents étaient partis aux travaux des champs.

Le récit d’Olaudah Equiano est remarquable à plus d’un titre. Il nous apprend dans les détails quel a été son parcours après son enlèvement. On sait qu’il a été vendu à plusieurs maîtres, tout en restant en Afrique.

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Définition

Maîtres :

On appelle maîtres les propriétaires des esclaves.

Ce n’est qu’après plusieurs mois qu’Olaudah a été embarqué de force sur un navire, à destination du continent américain.

  • De manière générale, des statistiques ont pu être établies : les historiens pensent que 10 % des captifs mouraient au moment même de la capture, la plupart du temps très violente. On sait également qu’un quart des esclaves mouraient entre le lieu de leur capture et la côte, lors de longues marches forcées.

Ces marches forcées étaient placées sous la surveillance de caravaniers.

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Définition

Caravaniers :

Africains chargés du déplacement des esclaves depuis leur lieu de capture jusqu’aux littoraux.

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À retenir

L’existence de caravaniers africains démontre que les peuples locaux ont collaboré avec les autorités européennes pour installer des réseaux de commerce d’esclaves.

D’autres esclaves mouraient avant même de monter sur les bateaux. Ceux qui ont survécu à toutes ces difficultés étaient alors marqués au fer, puis entassés dans l’entrepont du navire, appelé négrier. On compte environ trois à cinq esclaves par mètre carré. Les femmes étaient séparées des hommes, mais aussi des enfants. Le voyage, qui durait entre un et trois mois était un moment de souffrance intense pour les esclaves entassés qui pouvaient parfois à peine respirer.

Alt Coupe d’un bateau négrier dans lequel sont entassés les esclaves, 1789 Coupe d’un bateau négrier, dans lequel sont entassés les esclaves, 1789

Les révoltes étaient nombreuses. En 1532 par exemple, des esclaves parvinrent à se rendre maître du navire portugais le Misericordia. On ne sait pas du tout ce que le navire est devenu ! En 1742, des esclaves transportés dans un navire prénommé le Mary se révoltèrent et tuèrent tout l’équipage à l’exception du capitaine et de son second. Toutefois, la majorité des révoltes d’esclaves échouent, et se voient généralement stoppées par l’équipage du négrier.

L’arrivée sur le continent américain

Les esclaves qui survivent à la traversée de l’Atlantique sont soumis à ce que l’on appelle une quarantaine, autrement dit, personne ne peut sortir du bateau avant d’avoir vérifié qu’aucune épidémie ne s’est déclenchée. Les négriers en profitent pour « soigner » les esclaves. Après ce repos, ces derniers sont alors vendus, devenant des marchandises, une monnaie d’échange dans un vaste réseau commercial appelé le « commerce triangulaire ».

Généralités sur la traite transatlantique

Le commerce triangulaire

Le commerce d’êtres humains, que l’on nomme traite, existe depuis l’Antiquité. La traite des Noirs, qu’on appelle aussi traite négrière, débute quant à elle au Moyen Âge et se développe sous différentes formes :

  • il existe en effet une traite intra-africaine, c’est-à-dire un réseau de ventes d’esclaves à l’intérieur du continent africain. La capture des esclaves survenait essentiellement en Afrique de l’Ouest ;
  • mais il faut savoir qu’il existait également une traite orientale, que l’on appelle parfois traite asiatique. Celle-ci suivait différentes routes, de l’Afrique vers le Maghreb, le Moyen-Orient, et l’Asie du Sud. Elle commença au VIIe siècle et se termina au XIXe siècle ;

Alt Traite orientale et transatlantique

  • la traite transatlantique, quant à elle, débuta au XVe siècle, et perdura jusqu’au XIXe siècle. Les esclaves partaient de toute l’Afrique en direction des États-Unis, du Brésil, de l’Amérique centrale et de la Réunion.

Mais c’est au XVIIIe siècle que la traite transatlantique se développa tout particulièrement, dans le cadre du fameux commerce triangulaire, qui relie l’Afrique à l’Amérique et à l’Europe. Ce commerce triangulaire débutait tout d’abord par des marchés conclus entre les chefs locaux africains et les marchands européens.

Les chefs locaux vendaient des esclaves en échange de tissus et d’objets européens. Les esclaves étaient ensuite envoyés sur le continent américain, où ils étaient condamnés aux travaux dans les plantations. Les marchands européens vendaient les esclaves contre les produits issus de ces plantations, notamment de la canne à sucre et du coton. Les produits étaient ensuite envoyés en Europe.

Alt Le commerce triangulaire

Traite négrière et rivalités européennes

On connaît plusieurs raisons au développement de ce commerce au XVIIIe siècle. Tout d’abord il existe à cette époque en Europe une augmentation de la demande de produits issus des colonies de plantations. C’est tout particulièrement le cas du sucre : l’Europe devient particulièrement demandeuse de sucre de canne, qu’elle a intégré dans sa culture.

Ensuite, l’intensification du commerce triangulaire s’explique par les rivalités qui opposent les grandes puissances européennes. Au XVIIIesiècle, l’Espagne, la Hollande, la France et l’Angleterre se disputent le commerce maritime mondial. Ces quatre pays tentent de dominer les marchés commerciaux avec l’Asie (que l’on nommait alors « les Indes »), le Brésil ou l’Amérique du Nord.

La lutte est d’ailleurs particulièrement violente entre la Grande-Bretagne et la France, à tel point qu’une guerre, appelée guerre de Sept Ans, oppose les deux pays de 1756 à 1763. La Grande-Bretagne y a vaincu la France, qui perd pratiquement toutes ses colonies.

Conclusion :

La traite est un phénomène ancien, qui s’est diffusé dès le Moyen Âge. La traite atlantique quant à elle atteint son apogée au XVIIIe siècle, dans le cadre du commerce triangulaire. Elle s’inscrit dans une économie de plantation qui permet aux états européens tels que la France et l’Angleterre de s’enrichir et de se développer.

Quant aux esclaves, les millions d’entre eux, capturés principalement en Afrique de l’Ouest, sont traités comme du bétail, enfermés dans des bateaux négriers et condamnés pour la plupart aux travaux des champs où ils meurent souvent d’épuisement.