Juger un crime de masse à l’échelle locale et internationale : les exemples du Rwanda et des Balkans

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Les crimes de masse des années 1990 en ex-Yougoslavie et au Rwanda, des guerres contre des peuples

La fabrication d’un « problème ethnique »

  • Le Rwanda est un petit pays de l’Afrique des Grands Lacs colonisé par les allemands puis les belges qui figent la distinction Tutsis/Hutus en favorisant explicitement les Tutsis.
  • En 1962, à l’indépendance du pays, environ 200 000 personnes (en majorité tutsies) fuient dans l’Ouganda voisin et fondent le Front patriotique rwandais (FPR).
  • En 1918, le royaume de Yougoslavie se forme, composé notamment de Serbes, de Croates mais aussi de Slovènes, Bosniaques, Monténégrins et Albanais.
  • La royauté est serbe, mais les fascistes croates prennent le pouvoir pendant la Seconde Guerre mondiale et massacrent des centaines de milliers de Serbes et Bosniaques. Après la guerre, la Yougoslavie devient un pays communiste composé de huit républiques fédérées.

Des guerres civiles ethnicisées

  • Le Front patriotique rwandais lance une invasion du Rwanda en 1990. Le FPR est bien équipé et entraîné, et menace de prendre Kigali et de renverser la République hutue.
  • La France intervient et impose un cessez-le-feu en 1993 (trêve d’Arusha), devant mener à l’intégration du FPR au Rwanda sous l’égide du président hutu modéré Juvénal Habyarimana.
  • Le conflit a renforcé les extrémistes hutus, déclenchant des persécutions envers les Tutsis, tous suspectés d’être liés au FPR. Elles sont relayées par la Radio télévision libre des Mille Collines (RTLM).
  • Le 6 avril 1994, le président Habyarimana est assassiné. Les extrémistes hutus prennent le pouvoir et le FPR reprend l’offensive.
  • À la mort de Tito en 1980, les relations entre les républiques yougoslaves commencent à se détériorer à mesure que les nationalismes se réveillent.
  • Slobodan Milošević, président de la Serbie au sein de la Yougoslavie, parvient à placer ses fidèles, lui permettant de contrôler la fédération et de favoriser les Serbes.
  • Mécontents d’une Yougoslavie dirigée par les Serbes, la Slovénie et la Croatie proclament leur indépendance en 1991. Milošević incite les Serbes de Croatie à refuser la sécession en combattant le gouvernement croate.
  • C’est le début d’une série de guerres pour l’indépendance des républiques yougoslaves.
  • En 1992, la Bosnie-Herzégovine bascule à son tour dans la guerre entre la présidence indépendantiste et les milices des Serbes et Croates de Bosnie.
  • Dès lors, les groupes ethniques se dotent de forces armées qui cherchent à prendre le contrôle des territoires et à en chasser les minorités.

Des pratiques criminelles délibérées

  • Dès leur prise de pouvoir, les extrémistes hutus appellent au massacre des Tutsis du Rwanda, suspectés collectivement d’être à la solde du FPR.
  • Des milices populaires, les Interahamwe, parcourent le pays et vérifient les cartes d’identités, assassinant les Tutsis. Dans les villages, des familles tutsies sont massacrées par leurs voisins.
  • Près d’un million de personnes sont ainsi massacrées entre avril et juillet 1994. Ce massacre sera plus tard reconnu comme un génocide.
  • À l’annonce de l’indépendance de la Croatie, les Serbes de Croatie chassent les Croates des zones sous leur contrôle et assiègent les enclaves. À partir de 1992, les combats font rage en Bosnie-Herzégovine.
  • Les milices croates et les milices serbes attaquent les villes à majorité bosniaques, assiégeant Sarajevo pendant des mois entre 1992 et 1996. Des millions de Bosniaques sont déplacés par les milices serbes.
  • En juillet 1995, 8 000 civils bosniaques sont exécutés par les forces serbes à Srebrenica.
  • Les crimes de masse des années 1990 s’enracinent dans l’histoire contemporaine des États, avec une ethnicisation des conflits.

L’action d’une communauté internationale restructurée

  • Des crimes que l’on pensait appartenir au passé sombre de la Seconde Guerre mondiale se produisent sous les yeux incrédules d’une opinion internationale informée en direct.
  • Des interventions militaires internationales sont menées pour tenter de montrer qu’une communauté internationale peut maintenir la paix et la justice dans le monde.

Intervenir pour faire cesser les massacres

  • Au Rwanda, l’armée française s’interpose en 1994 entre les forces armées rwandaises et le FPR et fait cesser le conflit : mais la plupart des Tutsis du Rwanda ont été massacrés.
  • Dans l’ancienne Yougoslavie, la réponse de la communauté internationale est plus graduelle, l’intervention militaire est effectuée par l’OTAN, sous la direction des États-Unis.
  • En 1995, les accords de Dayton mettent fin au conflit et créent la Bosnie-Herzégovine comme entité fédérale.

Rétablir la paix et la justice

  • Les interventions internationales au Rwanda et en Yougoslavie se fondent sur le motif de l’urgence humanitaire appelant une action immédiate, cependant, beaucoup leur reprochent justement de n’avoir pas été assez rapides et puissantes.
  • Le Conseil de Sécurité de l’ONU décide de la création du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie en 1993 et du Tribunal pénal international pour le Rwanda en 1994.
  • Ces tribunaux sont composés de juges internationaux et enquêtent sur les violations du droit international humanitaire par toutes les parties sur un territoire et une période donnés. Pour les actes les plus graves, parmi lesquels le crime contre l’humanité, ils reprennent les instruments juridiques crées par le juriste Hersch Lauterpacht pour le procès de Nuremberg.
  • Ils doivent juger tous les crimes portés à leur connaissance de façon équitable et indépendante de façon à permettre la réconciliation et la paix.
  • Cependant, ils n’échappent pas à l’accusation d’être une « justice de vainqueurs ».

Critiques et difficultés de la communauté internationale

  • Une critique a été la légitimité de pays étrangers à intervenir dans un État souverain sous motif humanitaire, les critères précis justifiant une intervention restant parfois flous.
  • L’idée d’une souveraineté indépassable des États (même non-démocratiques) a été limitée par le droit international, mais la question qui se pose alors est celle d’un éventuel devoir d’ingérence de la communauté internationale.
  • Les critiques touchent également la conduite des interventions, accusées d’être trop lentes ou partiales.

Le difficile exercice de la justice

La justice rétributive

  • Les tribunaux ont pour première mission de poursuivre et juger les auteurs de violations du droit humanitaire. Commandants des milices armées, mais aussi fonctionnaires, complices par incitation à la haine, plusieurs dizaines de responsables sont traduits devant le TPIY.
  • La traque et la capture de certains prévenus a pu prendre des années. Certains prévenus, comme Slobodan Milošević en 2006, sont décédés au cours de leur procès. Le TPIR et le TPIY ont déclaré leurs travaux terminés respectivement en 2015 et 2017.

La justice restauratrice

  • La justice restauratrice correspond au besoin de montrer que la société a changé et est désormais apaisée. Cela passe par la reconnaissance des crimes de l’État et le soin donné aux victimes.
  • Un gacaca est au Rwanda une assemblée de village traditionnelle. Les tribunaux gacaca ont été institués sur ce modèle en 2002 pour mettre en œuvre une justice locale du génocide. Le principe est que la communauté villageoise doit reconnaître les torts commis en permettant aux victimes de témoigner publiquement et de les confronter aux tueurs, qui sont ensuite punis symboliquement par le village tout entier.