La traite Atlantique du XVI au XIXe siècle : le cœur d'un nouveau circuit économique mondial

Introduction :

L’extension des horizons, permise par les grandes découvertes, ouvre de nouvelles perspectives commerciales pour les puissances atlantiques. Ne se limitant pas à l’activité commerciale pure, ces dernières vont se tourner vers l’exploitation des innombrables terres fertiles du nouveau continent. C’est pourquoi, dès le XVe siècle, un nouveau type de société organisé autour de l’exploration de ces terres lointaines se met progressivement en place. Les Portugais expérimentent alors la première société coloniale en Afrique, avant que ce modèle ne soit exporté en Amérique. Puis, à partir du XVIe siècle, les échanges intercontinentaux par l’espace atlantique s’accentuent, plaçant ainsi l’océan au cœur de l’économie mondiale, rôle tenu jusqu’alors par la Méditerranée.

Nous nous interrogerons d’abord sur la façon dont les Européens fondent leurs sociétés coloniales en appui sur l’économie sucrière et l’esclavage. Puis, dans un second temps, nous étudierons les différents ressorts du commerce atlantique, son caractère dit « triangulaire » et ses conséquences sur l’organisation mondiale.

Les sociétés coloniales

La découverte de nouvelles terres sous les tropiques ouvre des opportunités économiques aux Européens. Ils vont y implanter des sociétés coloniales afin de développer notamment la culture de la canne à sucre.

L’économie sucrière, pilier de l’économie coloniale

Essayant de rejoindre l’Inde en contournant l’Afrique, les Portugais traversent des climats tropicaux, tout à fait propices à la culture de certains produits, comme la canne à sucre. Cette plante, originaire d’Asie du Sud-Est, est alors connue des Européens depuis le IXe siècle, notamment grâce à son introduction en Sicile et en Espagne par les Arabes. Elle permet d’extraire le sucre, qui améliore le goût de nombreux aliments et est à ce titre très recherché. Or, sa culture en Europe est rendue difficile à cause d’un climat non adapté.

Durant la seconde moitié du XVe siècle, les Portugais arrivent à São Tomé, une île inhabitée au large de l’Afrique. Celle-ci est pourvue d’un climat tropical, propice à la culture de la canne à sucre : les Portugais décident donc d’y installer une colonie. Très vite, devant l’insuffisance de la main d’œuvre dont ils disposent, ils se tournent vers les peuples africains du continent afin qu’ils leur fournissent de la main d’œuvre esclave.

Frans Post, Plantation de canne à sucre à Pernambuco - Histoiire - 2de - SchoolMouv Frans Post, Plantation de canne à sucre à Pernambuco, (Brésil) 1676, huile sur toile, 50 x 74,5 cm, Palais d’Itamaraty, Brésil

L’Amérique, dont les climats variés permettent également la culture de la canne à sucre, dispose en outre de territoires plus vastes que la petite île de São Tomé. C’est pourquoi les Portugais projettent rapidement d’établir des sociétés coloniales au Brésil sur le modèle de leur colonie africaine. De leur côté, les Espagnols feront de même dans les Caraïbes et dans les terres qu’ils conquièrent par la suite. Les sociétés coloniales sont hiérarchisées selon la couleur de peau : les Européens, considérés comme Blancs, ont des rôles de direction de la plantation, tandis que les travailleurs esclaves, Noirs africains ou Amérindiens doivent leur obéir.

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À retenir

Ces sociétés sont donc profondément inégalitaires et justifient leur fonctionnement par une vision raciale de la société.

La plantation, le centre de l’économie sucrière, est le lieu où tous ces individus résident et travaillent. Elle comprend les champs de canne à sucre, le moulin pour extraire le sucre, appelé engenho, les logements des esclaves (la senzala), et la maison du propriétaire (Casa grande).

Le recours à l’esclavage

 Traite orientale et transatlantique - Histoire - SchoolMouv - 2de

Le travail dans les plantations de canne à sucre américaines est très difficile. Pour l’effectuer, les Européens s’appuient dans un premier temps sur les Amérindiens, jusqu’à ce que ceux-ci, décimés par les épidémies et les mauvais traitements, viennent à manquer. Les Européens recourent alors à l’achat d’esclaves en Afrique.

Pour autant, l’esclavage ne naît pas avec les sociétés coloniales, il existe depuis des millénaires, et ce sur tous les continents. En Afrique, la traite arabe existe depuis le VIIe siècle : il s’agit du commerce d’esclaves africains capturés et asservis en Afrique subsaharienne. Ils sont ensuite castrés dans les bazars du Caire, de Bagdad, d’Oman ou de Mascate, où ils sont vendus pour servir de domestiques ou de forçats. Devant le manque de main-d’œuvre dans les plantations, les marchands européens vont donc prendre contact avec les esclavagistes installés sur les comptoirs situés le long de la côte africaine. Dès 1444, les Portugais font des razzias et installent ensuite les esclaves dans les îles qu’ils se sont appropriés pour cultiver la canne à sucre.

La traversée en bateau est un calvaire pour les esclaves : enchaînés, peu nourris, à fond de cale, nombreux sont ceux qui meurent en route.

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Définition

Esclavagiste :

Un esclavagiste est une personne pratiquant le commerce d’esclaves.

Des esclaves dans la cale d’un navire négrier - SchoolMouv - Histoire - 2de Des esclaves dans la cale d’un navire négrier. Johan Moritz Rugendas, Le navire négrier, 1830

Une fois en Amérique, les esclaves sont inspectés, comme des animaux, puis vendus aux propriétaires européens. Dans les plantations, ils sont traités sans aucun égard et n’ont aucun espace de liberté au quotidien. Venant de différentes régions d’Afrique et ne parlant pas les mêmes langues, les esclaves essayent de reproduire une culture africaine commune en Amérique, en recréant une religion, le candomblé, des pratiques culturelles comme la musique ou la danse, et un art martial caché : la capoeira. Pour faire respecter la hiérarchie sociale, les contremaîtres européens n’hésitent pas à recourir à des traitements inhumains comme la torture ou l’amputation. Les esclaves qui parviennent à s’enfuir créent des communautés d’hommes libres, appelées quilombos, en marge de la société coloniale. Ces quilombos dérangent les planteurs européens, qui les attaquent avec l’armée, de peur que ceux-ci ne perturbent leurs activités. Le plus célèbre des quilombos est celui de Palmares, qui tient tête aux Portugais pendant tout le XVIIe siècle, guidé par son chef : Zumbi.

Avec le développement de l’économie coloniale dans le Nouveau Monde, l’Atlantique devient progressivement le cœur économique mondial, alimentés par des échanges très denses entre l’Afrique, l’Amérique et l’Europe : c’est le commerce triangulaire.

L’Atlantique, nouveau cœur économique mondial

Le commerce triangulaire

Le commerce triangulaire - 2de - Hsitoire - SchoolMouv

Le commerce des produits issus du Nouveau Monde, et plus particulièrement du sucre, rapporte beaucoup d’argent aux puissances européennes. Ainsi, une fois les sociétés coloniales bien implantées en Amérique, la traite négrière s’intensifie pour devenir systématique. Chaque territoire joue alors un rôle précis dans ce commerce d’un nouveau genre.

  • De l’Europe partent des navires chargés de verroteries, d’armes et d’objets de peu de valeur.
  • Ces objets sont échangés en Afrique contre des esclaves.
  • Les mêmes navires amènent ensuite les esclaves en Amérique, où ces derniers sont échangés contre des produits coloniaux (café, cacao, sucre).
  • Ces produits sont finalement ramenés en Europe pour y être vendus.
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À retenir

Le commerce triangulaire fait la fortune des principaux ports atlantiques d’Europe, comme Lisbonne, qui devient dès le XVe une ville tournée vers l’Afrique, mais aussi Nantes, Bordeaux ou Liverpool.

Le cycle de l’or

La recherche des diamants au Brésil - SchoolMouv - Histoire - 2de La recherche des diamants au Brésil. Sous les yeux des contremaîtres, les esclaves doivent passer le fond de la rivière au tamis pour espérer y découvrir des diamants. Gravure française anonyme du début du XIXe siècle. Pinacothèque de São Paulo

Les échanges intercontinentaux s’accentuent avec les découvertes minières aux Amériques, notamment lors du cycle de l’or. Au XVIIIe siècle, au Brésil, on découvre en effet qu’une région intérieure regorge d’or : cette découverte entraîne un afflux considérable d’Européens qui convoitent les richesses du sol. Au même moment, la vente d’esclaves à destination du Brésil explose : l’orpaillage demande en effet une main-d’œuvre très conséquente.

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Définition

Orpaillage :

C’est la recherche d’or dans les cours d’eau, de manière artisanale ou industrielle.

L’éveil des convoitises

Carte des différents empires coloniaux au début du XVIIIe siècle - Histoire - SchoolMouv - 2de

Voyant l’enrichissement des colonies américaines de l’Espagne et du Portugal, d’autres puissances européennes atlantiques tentent leur chance. Les Français et les Hollandais essaient donc de s’installer au Brésil au XVIIe siècle, avant d’en être chassés et de se rabattre sur les îles des Antilles. De leur côté, les Anglais s’emparent d’îles espagnoles dans les Antilles et fondent des colonies en Amérique du Nord. Progressivement, ce sont de véritables empires coloniaux qui voient le jour.

Conclusion :

L’économie sucrière a poussé les Européens à développer une société coloniale basée sur un recours systématique à l’esclavage. En reproduisant ce modèle en Amérique et en y important des esclaves depuis l’Afrique, afin de pallier le manque de main-d’œuvre, les Européens vont à tout jamais changer la culture américaine. Le commerce triangulaire, fondé sur une interdépendance économique entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique façonne l’économie atlantique entre les XVIe et XVIIIe siècles. L’océan Atlantique, qui avait un rôle marginal jusqu’au XVe siècle, devient alors le centre économique du monde, reléguant la Méditerranée à un rôle périphérique.