Comment expliquer le chômage ?

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Introduction :

Le chômage constitue aujourd’hui l’un des principaux indicateurs de la santé économique d’un pays. Il détermine, dans la majorité des pays, la nature des politiques de l’emploi mises en œuvre et témoigne des mutations de notre société.
Cantonné à un faible niveau en période de forte croissance économique (comme ce fût le cas durant les Trente Glorieuses), il a connu à partir des années 1970 une progression fulgurante, se muant en chômage « de masse ». Aujourd’hui en France, en dépit des quelques $800\,000$ emplois créés depuis 2014, près de $6\,\text{millions}$ de travailleur·se·s sont inscrits à Pôle emploi, qu’ils·elles soient sans activité ou en activité réduite.

Les politiques économiques orientées vers la lutte contre le chômage contribuent peu à peu à une diminution du nombre de chômeur·se·s, plus ou moins inégale selon les catégories : dès lors, les raisons du chômage sont-elles les mêmes pour tou·te·s ? Doit-on considérer le chômage comme un concept, ou faut-il parler de différentes formes de chômage dont les causes et les conséquences varieraient sensiblement ?
Nous verrons dans une première partie quels sont les différents types de chômage, avant d’analyser à la lumière des théories du chômage volontaire (classiques) et involontaire (keynesiennes) quelles sont les causes économiques du chômage.

Les différents types de chômage

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Rappel

Comme nous l’avons vu dans le cours précédent, pour être considéré·e comme chômeur·se, il faut répondre à trois conditions :

  • être sans travail ;
  • rechercher un emploi ;
  • être disponible.

Pour autant, il faut distinguer :

  • le chômage conjoncturel, résultant de la conjoncture économique d’un pays (période de forte croissance ou période de crise) ;
  • du chômage structurel imputable aux changements de structures économiques de ce même pays.

Ce dernier cas peut par exemple être effectif lorsque les compétences demandées par les employeur·se·s ne correspondent plus à celles des travailleur·se·s, comme nous allons le voir dans ce cours.

Caractéristiques du chômage conjoncturel et du chômage structurel

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Définition

Chômage conjoncturel :

Le chômage conjoncturel est un chômage temporaire, lié à une baisse passagère de l’activité économique. Contrairement au chômage structurel, il est intermittent et se résorbe de lui-même avec le retour de la croissance économique.

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Définition

Chômage structurel :

Le chômage structurel est un chômage dû à des difficultés ou des changements structurels de l’économie. Il résulte de difficultés d’ajustement du marché du travail qui n’a pas pu (ou pas su) anticiper les changements démographiques, sociaux ou économiques, ou s’est montré inefficace dans la mise en place d’institutions capables d’ajuster l’offre et la demande de travail.

Le chômage structurel est généralement considéré comme un chômage de longue durée, car il est difficile à combattre et ne peut être réduit par de simples mesures de formation ou d’aides financières (allocations). En outre, il a un impact social important et peut être générateur de pauvreté ou d’exclusion.

On peut aussi distinguer, de manière plus fine, d’autres types de chômage, chacun relevant de raisons conjoncturelles ou structurelles.

Le chômage technologique

Le chômage technologique est un exemple de chômage structurel.

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Définition

Chômage technologique :

Le chômage technologique désigne une situation de chômage issue du développement rapide du progrès technique, technologique et digital.

La volonté des entreprises de produire toujours plus (et à moindre coût) dans le but d’optimiser les profits, les pousse à utiliser de plus en plus de machines.
Tandis que la main-d’œuvre est à l’origine de charges importantes, l’utilisation de machines performantes permet à la fois de remplacer une partie de cette main-d’œuvre coûteuse, mais aussi (et surtout) d’optimiser la production.

Ce faisant, les entreprises substituent les machines à la main-d’œuvre : on parle de substitution du capital au travail. Les entreprises deviennent plus compétitives, produisent davantage, et cet accroissement de la production va nécessiter plus de main-d’œuvre, créant ainsi des emplois et diminuant le chômage.

Pourtant, on parle bel et bien de chômage technologique :

  • soit parce que l’introduction de machines dans le système de production entraîne l’exclusion d’une partie de la main-d’œuvre devenue inutile (car plus chère et produisant moins) ;
  • soit parce que la technicité liée à l’exploitation de ces machines est complexe et que la main-d’œuvre ne possède pas les compétences suffisantes.

Le chômage frictionnel

Ce chômage (structurel) est considéré comme un chômage « naturel » et donc incompressible.

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Définition

Chômage frictionnel :

Le chômage frictionnel, également désigné sous le terme de chômage de « mobilité », est lié aux délais d’ajustement de la main-d’œuvre d’un emploi à un autre (lorsqu’un·e travailleur·se quitte un emploi pour un autre).

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À retenir

Il correspond donc à la période de recherche d’un emploi ou au délai de latence entre deux postes.

Certains économistes considèrent que ce chômage relève d’une démarche individuelle, puisque c’est l’individu lui-même qui, en cherchant un autre emploi mieux rémunéré ou en effectuant des formations destinées à lui permettre d’occuper un emploi plus qualifié, choisit de se maintenir hors du marché du travail.

Le chômage d’inadéquation

Ce chômage (structurel) ne se traduit pas à proprement parler par une insuffisance des emplois offerts : il y a des emplois offerts par les employeur·se·s, mais qui ne trouvent pas preneur·se·s.

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À retenir

Il n’y a donc pas de « rencontre » entre l’offre et la demande sur le marché du travail.

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Définition

Chômage d’inadéquation :

Le chômage d’inadéquation désigne une forme de chômage dans lequel les offres proposées par l’employeur·se ne correspondent pas aux compétences de la main-d’œuvre en quête d’emploi.

Ce chômage concerne plus particulièrement les personnes ayant peu d’expérience et peu diplômées.

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Exemple

Les jeunes entrant nouvellement sur le marché du travail, par exemple, sont les premiers concernés par le chômage d’inadéquation.

Il touche en premier lieu les travailleur·se·s « précaires », c’est-à-dire ne possédant pas un emploi stable ou travaillant de façon intermittente (intérim, stages).

Le chômage technique

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Attention

À ne pas confondre avec le chômage technologique !

Également désigné sous le terme de « chômage partiel », le chômage technique est de type conjoncturel et donc transitoire.

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Définition

Chômage technique :

On parle de chômage technique lorsqu’une entreprise réduit ou suspend son activité.

La décision d’une entreprise de réduire ou suspendre son activité peut être motivée par les facteurs suivants :

  • besoin de restructuration ou de modernisation de l’entreprise ;
  • cas de force majeur (inondation, incendie) indépendant de la volonté de l’employeur·se et lié à un événement d’une gravité incontestable ;
  • difficultés temporaires d’approvisionnement ;
  • baisse importante des commandes et donc de l’activité, réduisant le besoin de main-d’œuvre.

Dans chacun de ces cas de figure, les travailleur·se·s sont donc mis en chômage technique par l’entreprise ; et ce le temps de retrouver des conditions de production ou d’approvisionnement satisfaisantes, de remédier aux incidents responsables de la suspension ou de la diminution de l’activité, de mener à terme la modernisation ou la restructuration de l’entreprise.

  • Ainsi, nous ne sommes pas confrontés à un seul mais à différents types de chômage.

Nous allons à présent voir comment les classiques et les keynésiens analysent le phénomène du chômage, avant d’en examiner les causes économiques et sociologiques.

Les causes du chômage

Rappels sur les analyses classique et keynésienne

Avant d’examiner les causes du chômage, rappelons qu’il existe deux théories qui renvoient à des diagnostics différents : une théorie classique et une théorie keynésienne.

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Définition

Chômage classique :

Le chômage classique est dû à un salaire trop élevé qui réduit la rentabilité de la production. Les entreprises jugeant qu’il n’y a pas suffisamment d’avantages à produire (la rentabilité étant faible), ils font le choix de produire moins, réduisant les besoins en main-d’œuvre et augmentant ainsi le chômage.

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Définition

Chômage keynésien :

Le chômage keynésien est un chômage dû à une insuffisance de la demande anticipée sur le marché des biens et services.

  • Modèle classique

Dans le modèle classique (ou « néoclassique »), le chômage s’explique par un niveau de salaire trop élevé : partant d’un modèle économique de concurrence pure et parfaite, le chômage y est décrit comme un phénomène volontaire. L’individu refuse un emploi qui lui est proposé lorsqu’il·elle estime que celui-ci n’est pas suffisamment payé. Le·a chômeur·se va dès lors peser les avantages (salaire) et les désavantages (déplacements coûteux, garde d’enfants, perte de disponibilité) liés à cet emploi et éventuellement y renoncer.

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Astuce

Pour autant, l’augmentation du salaire n’apparaît pas comme une solution pour les néoclassiques car plus il est élevé, plus il augmente le coût du travail et diminue la marge bénéficiaire de l’entreprise.

  • Modèle keynésien

Pour Keynes, au contraire, ce sont les entreprises qui vont déterminer le niveau d’emploi selon leur production, faite en fonction des débouchés qu’elles espèrent.
Contrairement aux néoclassiques, il n’y a pas de régulation entre l’offre et la demande d’emploi, ni d’ajustement automatique du marché.

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Astuce

Pour Keynes, le chômage est directement conditionné à la demande effective : ce sont donc les entreprises elles-mêmes qui, en fixant leur niveau de production, vont créer du chômage, puisqu’elles auront plus ou moins besoin de travailleur·se·s selon ce qu’elles souhaitent produire.

Keynes parle même d’un équilibre de sous-emploi, les entreprises pouvant volontairement choisir de produire moins que ce qu’elles seraient en capacité de produire.

  • Alors que le plein-emploi se traduirait par une plus grande production, les entreprises « fabriquent » du chômage en choisissant de limiter leur production.

Pour Keynes, c’est un niveau de salaire plus élevé qui permettra à la fois une consommation et un besoin de production accrus, ainsi qu’une diminution du chômage.

Les limites des analyses classique et keynésienne

Il est rapidement apparu que les théories classique ou keynésienne ne rendaient pas (ou plus) suffisamment compte de la réalité du marché du travail.

  • Limite de l’analyse classique

En effet, le postulat d’une concurrence pure et parfaite telle qu’elle est défendue par les classiques apparaît comme purement théorique, et ce pour plusieurs raisons :

  • Tout d’abord, les cinq conditions sur lesquelles repose ce marché (atomicité, homogénéité du produit, libre entrée sur le marché, transparence du marché et libre circulation des facteurs de production) ne sont qu’exceptionnellement réunies et ne sont qu’un modèle idéal et normatif.
  • Ensuite, la mondialisation des échanges a largement mis à mal les concepts de libre accès au marché et de transparence de l’information.
  • Limite de l’analyse keynesienne

Concernant la théorie d’équilibre de sous-emploi formulée par Keynes, celle-ci a considérablement évolué puisque des théories plus récentes mettent en avant l’idée d’un salaire d’efficience.
Celui-ci conduit les entreprises à rémunérer leurs employés au-dessus du salaire du marché, soit pour les « fidéliser » et les inciter à rester en entreprise, soit pour les inciter à accroître leur productivité.

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Définition

Salaire d’efficience :

La théorie du salaire efficient a pour postulat le lien entre niveau de salaire et niveau de productivité : plus le salaire est élevé, plus il incite le salarié à produire davantage.

  • Il serait donc, selon cette théorie, intéressant pour une entreprise de verser un salaire supérieur à celui du marché.

De fait, si les théories keynésiennes ont été appliquées avec succès jusqu’à la période des Trente Glorieuses, les crises économiques survenues suite aux chocs pétroliers en ont montré les limites, conduisant nombre de pays à adopter des politiques plus libérales.

Aujourd’hui, dans une approche plus pragmatique du marché du travail, on distingue des causes de nature économiques et sociologiques pour expliquer le phénomène du chômage.

Les causes économiques du chômage

Différents paramètres économiques sont de nature à expliquer le phénomène de chômage, tel que nous le rencontrons dans nos économies modernes.

  • Le progrès technique, tout d’abord, conduit les entreprises à remplacer les humains par des machines dans l’espoir de gagner en productivité. Souvent considéré comme comme préjudiciable à l’emploi, le progrès technique, s’il conduit à l’émergence de nouveaux emplois, en détruit plus qu’il n’en crée dans un premier temps, participant ainsi à la montée du chômage.

  • Les crises économiques et le ralentissement de la croissance : depuis les chocs pétroliers des années 1970, la croissance a été fortement ralentie. Face à la crise, les entreprises diminuent leur production de peur de ne pas trouver de débouchés. Ce faisant, elles embauchent moins (la production étant moindre) et contribuent au phénomène de chômage.

  • Une concurrence accrue, qui se développe lors des périodes de crise ou dans un contexte de mondialisation : les entreprises les moins performantes n’étant plus en mesure d’affronter la concurrence, elles sont amenées à licencier (ou n’embauchent plus).

  • Les délocalisations d’entreprises, dans les pays à faible coût de main-d’œuvre, affectent directement les pays développés, participant à la disparition de nombreuses entreprises (dans les domaines du textile notamment, ou de la chaussure).

  • La réglementation juridique et fiscale du coût de la main d’œuvre (salaire minimum, versement obligatoire d’une prime de licenciement, cotisations patronales élevées) peut dissuader les entreprises d’embaucher.

Les explications sociologiques du chômage

On peut également évoquer des causes sociologiques expliquant l’évolution du chômage. Certaines causes sont particulièrement contextualisées :

  • À partir des années 1970, divers progrès sociaux, tel que le contrôle des naissances, ont ouvert aux femmes le marché du travail qui s’est trouvé modifié par l’arrivée de cette nouvelle main d’œuvre. À l’époque, le système n’a pas su s’adapter : l’offre a augmenté sans que suive la demande, entraînant ainsi une hausse du chômage.
  • Une évolution démographique importante (baby-boom) qui a vu le nombre d’actifs entrant sur le marché augmenter régulièrement, sans que celui-ci ne soit capable de l’absorber.

D’autres sont plus générales :

  • Un risque de sélection adverse important sur le marché de l’emploi : un·e employeur·se ne connaissant pas les capacités de production des salarié·e·s qu’il·elle compte embaucher, entend attirer les candidat·e·s les plus productif·ve·s, c’est-à-dire en se basant sur les diplômes qu’ils·elles détiennent (ce qu’on appelle « théorie du signal »). Dans cette approche, les employeur·se·s sont en situation d’asymétrie d’information par rapport aux salarié·e·s, puisqu’ils·elles ne possèdent pas toutes les données suffisantes (capacité de travail, de production, d’évolution du·de la salarié·e) pour choisir le·a meilleur·e candidat·e.

Ainsi, tout comme le chômage revêt des formes diverses, ses causes peuvent trouver des explications dans les structures économiques ainsi que dans les évolutions sociologiques qui ont marqué nos sociétés.

Conclusion :

La lutte contre le chômage constitue aujourd’hui l’un des enjeux majeurs de nos sociétés modernes : révélateur de la santé économique d’un pays, il est largement conditionné par les phases de croissance ou de crise économique et illustre la difficulté à faire coïncider l’offre et la demande sur le marché du travail.
Néanmoins, les paramètres économiques seuls ne peuvent l’expliquer : l’évolution de la société et des modes de vie, et le comportement des individus sont autant de facteurs qui contribuent à modeler le marché du travail et à faire évoluer l’emploi.
Pour anticiper ces évolutions et y remédier lorsqu’elles sont génératrices de chômage, des politiques de relance de la demande ou de flexibilisation du marché seront initiées, comme nous le verrons dans le cours suivant sur les politiques de lutte contre le chômage.