Produire et diffuser des connaissances

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Introduction :

En 2014, la militante pakistanaise pour le droit des femmes Malala Yousafzai devenait, à 17 ans, la plus jeune récipiendaire du prix Nobel de la paix. Avant de devenir le symbole du combat pour le droit à l’instruction des femmes dans son pays et, plus généralement, dans le monde, Malala fut victime d’un attentat perpétré par les talibans, majoritairement opposés à l’éducation des femmes.
À partir de l’époque moderne, grâce à l’invention de l’imprimerie occidentale à la fin du Moyen Âge, au mouvement des Lumières et à l’essor de l’instruction sous la Troisième République (1870-1946), les connaissances scientifiques se développent et se diffusent, y compris, plus tardivement, auprès des catégories démographiques traditionnellement moins intégrées, dont notamment les femmes. Cependant, la production et la diffusion des connaissances à l’ensemble de la société sont des processus complexes, qui ont connu des évolutions différentes en fonction des sociétés.

Dès lors, on peut se demander comment la production et la diffusion des connaissances deviennent des enjeux majeurs des sociétés à partir de l’époque moderne.
Nous verrons dans un premier temps la diffusion de la connaissance et du savoir avant de nous intéresser à sa production à travers l’exemple du développement de la méthode scientifique et de la collaboration scientifique internationale.

Diffuser la connaissance et le savoir

L’éducation et l’alphabétisation sont les pierres angulaires de la transmission du savoir comme en témoignent les grandes étapes de l’alphabétisation des femmes du XVIe siècle à nos jours.

L’accélération de la diffusion des savoirs à partir de la Renaissance

Avec la chute de Byzance (1453), l’Occident chrétien redécouvre les textes antiques grecs et latins. Les intellectuels et les savants byzantins, ayant fui Constantinople après sa prise par les Ottomans, se réfugient dans la péninsule italienne. Pendant la Renaissance, l’humanisme se développe. L’homme devient le centre des préoccupations des savants, des scientifiques et des philosophes qui veulent comprendre l’univers.

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Définition

Renaissance :

Période de profondes transformations sociale, culturelle et artistique de l’Europe occidentale qui s’étend du milieu du XVe siècle au début du XVIIe siècle.

Les humanistes souhaitent que l’Homme exploite ses capacités intellectuelles dans tous les domaines et utilise la raison pour appréhender son environnement. Ils mettent leurs connaissances par écrit et cherchent à les diffuser. L’invention des caractères mobiles d’imprimerie par Gutenberg, en 1450, va permettre la diffusion massive de leurs écrits et du savoir occidental en général. En effet, l’imprimerie diminue de façon significative le prix des livres, qui étaient jusqu’alors copiés à la main par des moines copistes. Elle écourte également la durée de fabrication des livres et permet de multiplier les publications.

Au Moyen Âge, les conditions de fabrication des manuscrits restreignaient le corpus de livres en circulation, les textes religieux, au premier rang desquels se trouvait la Bible, étant prééminents. Avant l’invention de Gutenberg, on estime qu’il fallait en moyenne trois ans à un copiste pour concevoir un exemplaire de la Vulgate (nom de la version en latin de la Bible). Gutenberg en imprimera 180 exemplaires en autant de temps entre 1452 et 1455.

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À retenir

L’invention de l’imprimerie permet donc une circulation des textes à grande échelle et par conséquent favorise la diffusion des savoirs.

La technique de l’imprimerie se diffuse à partir des grandes villes marchandes, comme celles de la Hanse en Allemagne. Les universités dans le Nord de l’Europe et en Italie deviennent ainsi des foyers très actifs dans la diffusion de l’humanisme.
Les humanistes sont de grands voyageurs. Ils parcourent l’Europe, se rencontrent et correspondent régulièrement, favorisant les échanges et la diffusion du savoir. Montaigne, auteur des Essais, voyage par exemple en Suisse, en Allemagne et en Italie en 1550 et 1551.

L’accélération de la diffusion des savoirs et la mobilité des savants est favorisée par l’essor du mécénat. Des mécènes, parmi les plus grandes fortunes d’Europe, financent en effet artistes et savants. En France, François Ier (1515-1547) est l’un d’eux. Le souverain, protecteur des lettres, est à l’origine de la création de la bibliothèque royale de Fontainebleau, accessible aux savants de la cour, et de l’installation, dans ce château, d'une presse chargée de publier des œuvres érudites. Il accueille également à la cour de prestigieuses figures artistiques et intellectuelles. Leonard de Vinci passera ainsi les trois dernières années de sa vie (1516-1519) à travailler à différents projets pour le roi à Amboise.

À partir de la Renaissance et tout au long de l’époque moderne, gens de lettres et savants forment un espace commun, structuré par des moyens de communication (voyages, correspondances, publications) et des buts (diffusion du savoir, recherche) communs : c’est la naissance de la république des lettres. Les lettrés et les savants européens constituent un réseau transnational de savants qui repose sur la création littéraire et les échanges scientifiques grâce à des langues communes comme le latin et le français.

  • Cet espace immatériel transcende les entités territoriales et permet de véhiculer des idéaux à travers l’Europe entière, comme la critique de l’absolutisme et le droit à la liberté religieuse. Elle influença par conséquent les idées de la Révolution.

À partir du XIXe siècle, la diffusion des savoirs et des connaissances s’accélère encore. D’une part avec la progression de l’alphabétisation et le développement de l’instruction, d’autre part grâce aux progrès techniques.

Les productions des scientifiques et des hommes de lettres sont largement publiées et diffusées et des scientifiques comme Pasteur atteignent une grande notoriété. Au siècle suivant, l’invention de la radio puis le développement de la télévision permettent la médiatisation et la vulgarisation des progrès scientifiques.

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Exemple

Le premier pas de l’Homme sur la Lune, le 20 juillet 1969, a été suivi en direct à la télévision par 700 millions de terriens, soit 20 % de la population mondiale à cette époque.

Enfin, le développement d’Internet permet une diffusion instantanée des savoirs et facilite, voire favorise, la collaboration scientifique à l’échelon international.

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À retenir

Avec la Renaissance et l’invention de l’imprimerie on assiste à une accélération de la diffusion des savoirs. Cette accélération, également rendue possible par la formation d’une véritable république des lettres en Europe à l’époque moderne, permit également de poser les jalons de la collaboration internationale dans la production de la connaissance.

Éducation et alphabétisation : pierres angulaires de la transmission du savoir : grandes étapes de l’alphabétisation des femmes depuis le XVIe siècle

Si l’on discerne sans peine, parmi les figures intellectuelles de l’époque moderne plusieurs femmes comme Madame de Staël (1766-1817), autrice et philosophe opposante à Napoléon, la majorité des femmes ne bénéficiaient alors pas d’un enseignement, en dehors de l’Église, où bon nombre de religieuses furent des figures intellectuelles majeures dès l’Antiquité tardive.

Jusqu’au XVIe siècle, alors que les hommes apprenaient à lire et à écrire dans les collèges et les universités, l’alphabétisation des femmes, principalement issues de la noblesse et de la bourgeoisie, se déroulait à domicile, par le biais de précepteurs. Cependant, entre le XVIe siècle et la fin du XIXe siècle, marquée par les lois scolaires de la Troisième République (1870-1946), l’éducation des femmes est devenue un enjeu majeur dans la société française.

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Définition

Alphabétisation :

Acquisition des connaissances et des compétences de base (lecture, écriture et calcul) dont chacun a besoin pour appréhender le monde qui l’entoure.

Les racines du mouvement d’alphabétisation des femmes remontent au XVIe siècle. En 1523, Jean-Louis Vivès publiait L’instruction de la femme chrétienne. Dans cet ouvrage, le théologien, pédagogue et philosophe prenait parti en faveur de l’instruction des jeunes filles à partir de l’âge de sept ans. Cependant, selon lui, leur instruction ne devait pas être égale à celle reçue par les jeunes hommes. Les filles devaient principalement apprendre à lire, afin d’être en capacité de s’imprégner des ouvrages de morale et des Écritures. Leur instruction était donc conçue dans une optique de christianisation de la société. Cependant, avec le développement de l’humanisme en Europe, l’instruction des filles va devenir un enjeu de l’époque moderne.

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Définition

Humanisme :

Mouvement de la Renaissance, caractérisé par la redécouverte des sources gréco-latines et par un effort pour relever la dignité de l’esprit humain.

En 1687, le théologien Fénelon (1651-1715) va ainsi publier un Traité de l’éducation des filles. Fénelon attribue aux femmes un rôle civilisateur, qui passe notamment par l’éducation de leurs enfants. Pour lui, elles ne doivent donc pas être laissées dans l’ignorance mais au contraire avoir accès à l’instruction. Cependant, son propos s’adresse avant tout aux familles de la noblesse et de la bourgeoisie. Qui plus est, en tant que théologien, il vise également à consacrer une société chrétienne idéale à travers l’instruction des filles, auxquelles il défend, par exemple, la lecture des romans. Dans ses Cinq mémoires sur l’instruction publique, publiés en 1791, Condorcet partage ce constat, mais avec des nuances. Pour lui, les femmes doivent avoir accès à la même instruction que les hommes « pour qu’elles puissent surveiller celle de leurs enfants. »

Avec la Révolution, se répand en effet l’idée que l’instruction publique doit être généralisée à l’ensemble des citoyens. À partir du XIXe siècle, cette idée va s’accentuer, avec l’apparition de systèmes scolaires universels.

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Exemple

En 1834, l’État de Pennsylvanie, aux États-Unis, est le premier à instituer un système scolaire universel financé par l’impôt, donc gratuit.

En France, plusieurs lois vont permettre de généraliser l’enseignement primaire nécessaire à l’alphabétisation de la population. D’abord dans le cadre de la monarchie de Juillet, François Guizot impose aux communes de créer des écoles, particulièrement pour les enfants pauvres, il organise ainsi l’instruction primaire pour les garçons avec la loi qui porte son nom en 1833. Un étape importante dans l’histoire de l’éducation des femmes est la promulgation de la loi Falloux en 1850 qui complète la loi Guizot en imposant la construction d’une école de filles à toute commune de plus de 800 habitants. Sous le Second Empire, la loi Duruy de 1867 étend cette obligation à toutes les communes de plus de 500 habitants.
Enfin, sous la Troisième République l’enseignement public devient obligatoire pour les filles comme pour les garçons de 6 à 13 ans, par les lois Ferry de 1881 et 1882, l’école devenant l’instrument privilégié d’enracinement de la République.

Les grandes lois de la scolarisation en France

Toutefois, si la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 a érigé l’accès à l’éducation comme un droit humain fondamental, ce dernier reste très inégalitaire dans le monde. D’après l’Unesco, plus de 250 millions d’enfants n’étaient pas scolarisés dans le monde en 2018.

En 2018, 250 millions d’enfants ne sont pas scolarisés dans le monde.

Or, l’alphabétisation est la pierre angulaire de la transmission et de la production du savoir deux domaines où les femmes ont joué un rôle important dans l’histoire, comme en témoigne l’histoire des recherches sur la radioactivité.

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À retenir

À partir du XVIe siècle, le mouvement humaniste, puis la Révolution, accorde une place de plus en plus importante à l’instruction des femmes. Cependant, il faudra attendre les lois Ferry, sous la Troisième République, pour que l’instruction primaire gratuite et obligatoire s’étende à toutes les femmes. Qui plus est, aujourd’hui encore, de nombreuses filles n’ont pas accès à l’instruction, en particulier dans les pays en voie de développement.

Produire de la connaissance

À l’époque moderne, Montaigne (1533-1592) va structurer une première conception de la méthode scientifique autour de trois axes : l’observation, l’expérimentation et l’esprit critique.

Le développement de la méthode scientifique et de la collaboration internationale

Au XVIIe siècle, les avancées scientifiques sont facilitées grâce au perfectionnement du matériel d’observation.

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Exemple

En 1609, Galilée (1564-1642) améliore la lunette d’observation, alors conçue comme un jouet destiné à grossir les objets, et la transforme en lunette astronomique, capable de grossir les corps célestes de manière linéaire jusqu’à trente fois.

Grâce à cet instrument, Galilée est en mesure d’observer les astres, comme la Lune, et de démontrer l’invalidité de la théorie aristotélicienne de l’Univers.

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Définition

Physique aristotélicienne :

Théorie qui sépare l’Univers en deux mondes ayant pour centre fixe la Terre : le monde sublunaire, qui s’étend de la Terre à la Lune, où tout est imparfait et changeant et le monde supralunaire, qui part de la Lune et s’étend au-delà. Dans cette théorie, le monde supralunaire est parfait, géométrique. Or, grâce à ses observations, Galilée met notamment en évidence l’existence de montagnes et de cratères sur la face visible de la Lune.

À l’issue de ses observations, Galilée défend la théorie de l’héliocentrisme, c’est-à-dire qu’il place le Soleil au centre de l’Univers. Il décrit également la Terre comme étant en rotation autour du Soleil. Si sa théorie fut condamnée, son travail constitue les prémices d’une démarche scientifique rigoureuse, fondée sur l’observation, l’analyse critique des données recueillies et la vérification des faits.

Newton (1643-1727) en Angleterre, et Lavoisier (1743-1794) en France, généralisent cette démarche et contribuent respectivement au développement de la physique et de la chimie. Grâce à l’achat d’une charge de fermier général (collecteur d’impôts sous la monarchie) en 1770, Lavoisier s’enrichit considérablement et équipe un laboratoire avec les instruments les plus précis de l’époque. Les résultats de ses recherches, souvent résumés par l'aphorisme : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. », ses découvertes, notamment celle du dioxygène, et l’importance qu’il accorde à l’expérimentation dans la méthode scientifique en font le père de la chimie moderne.
Sa fin tragique témoigne de son attachement à l’expérience : condamné à être guillotiné sous la Terreur (5 septembre 1793 - 28 juillet 1794), Lavoisier demandera, sans l’obtenir, un sursis de 15 jours pour achever une expérience qu’il avait débutée.

Le développement de la méthode scientifique coïncide avec l’essor du mouvement des Lumières au XVIIIe siècle qui entend émanciper l’être humain du carcan de la religion et de la superstition grâce à la connaissance universelle, ce dont témoigne la publication de l’Encyclopédie à partir de 1751.

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Définition

Lumières :

Mouvement intellectuel, philosophique, littéraire et scientifique européen qui prône l’usage de la raison pour favoriser le progrès humain, l’émancipation de l’individu et la recherche d’un bonheur sur Terre.

Au siècle suivant, le positivisme développé par Auguste Comte affirmera d’ailleurs que les sciences à elles seules sont en capacité d’expliquer l’ensemble des mystères de l’Univers et que, par conséquent, les religions sont amenées à disparaître.

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Définition

Positivisme :

Doctrine développée par Auguste Comte, qui affirme que seule l’expérience scientifique peut aboutir à une connaissance certaine.

Le progrès scientifique et technologique est alors considéré comme la solution à tous les problèmes de la société. Le savoir se spécialise et on voit apparaître de nouvelles disciplines comme la sociologie avec Émile Durkheim (1858-1917) ou encore l’archéologie.

Les découvertes scientifiques et les progrès techniques favorisent les collaborations internationales. Les échanges entre scientifiques sont facilités, notamment grâce à la création de revues et à l’essor, dès le milieu du XIXe siècle, de nombreux congrès internationaux où se réunissent des scientifiques du monde entier. Ces congrès, souvent placés sous le patronage d’un roi ou d’un ministre, réunissent pendant plusieurs jours un nombre important de scientifiques et parfois d’amateurs ayant en commun un même objet scientifique et sont largement médiatisés.
Si les rencontres entre scientifiques ne datent pas de cette époque, la nouveauté réside dans le fait que les congrès permettent, notamment grâce aux progrès des transports, de réunir des scientifiques non plus à l’échelle nationale (comme c’était le cas au sein des académies) mais internationale. Qui plus est, les congrès sont l’occasion pour les savants de débattre collectivement et de vive voix des sujets de leurs recherches, et non plus par le biais d’articles de revues ou de correspondances privées.

  • Les rencontres et les échanges qui naissent à ces occasions vont conduire à une production internationale du savoir, comme l’illustre l’exemple des recherches sur la radioactivité.
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À retenir

À partir du XVIe siècle, des savants comme Galilée et Montaigne posent les bases de la méthode scientifique moderne, donnant une importance particulière à l’observation, l’expérimentation et l’esprit critique. L’essor du mouvement des Lumières et les progrès technologiques vont aboutir à une spécialisation des différentes disciplines scientifiques, tandis que la multiplication des revues et des congrès permet de développer la collaboration internationale entre scientifiques.

Les recherches sur la radioactivité : un exemple de collaboration internationale dans la production de la connaissance

La découverte du rayonnement naturel de l’uranium par Becquerel, en 1896, va être à l’origine de la première collaboration internationale entre physiciens.

En 1898, Marie Curie (1867-1934) et son mari Pierre Curie découvrent la radioactivité de deux nouveaux éléments chimiques : le polonium et le radium. En 1903, ils reçoivent conjointement le prix Nobel de physique, créé en 1901, avant que Marie Curie n’obtienne également celui de chimie pour ses travaux sur le polonium et le radium en 1911. L’octroi de cette distinction scientifique prestigieuse témoigne de l’importance accordée par la communauté scientifique internationale aux recherches sur la radioactivité à cette époque.

Dès 1911, le chimiste et industriel belge Ernest Solvay réunit à l’hôtel Métropole de Bruxelles les congrès Solvay, qui réunissent les meilleurs physiciens et mathématiciens internationaux de l’époque, comme Marie Curie et Albert Einstein (1879-1955) pour traiter des grandes questions de la recherche fondamentale, comme la radioactivité.

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Définition

Recherche fondamentale :

La recherche fondamentale désigne l’ensemble des travaux de recherche théorique qui visent à élargir le champ des connaissances sans finalité d’application prédéfinie.

Les recherches sur la radioactivité sont internationales.

En 1934, Irène Joliot-Curie (1896-1956), fille de Pierre et Marie Curie, et Frédéric Joliot, parviennent à produire un isotope radioactif du phosphore inexistant dans la nature. Cette découverte de la radioactivité artificielle laisse entrevoir la possibilité de contrôler la création de noyaux radioactifs. En 1935, dans le discours qu’elle prononce lors de la remise du prix Nobel qui lui a été attribué pour sa découverte, Irène Joliot-Curie s’inquiète des potentielles applications militaires de sa découverte. Jusqu’alors, les principales applications des découvertes scientifiques sur la radioactivité concernaient la médecine. Dès 1901, la technique de la radiothérapie avait été mise en œuvre pour soigner les cancers. Cependant, la découverte par des physiciens allemands de la fissilité de l’uranium et la mise en évidence par Joliot et ses collaborateurs de la possibilité d’une réaction en chaîne susceptible de créer une considérable quantité d’énergie laissent entrevoir aux scientifiques les applications militaires de la radioactivité (armes de destruction massives dont notamment la bombe atomique).

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Définition

Fissilité :

Tendance du noyau d’un atome à se diviser en feuillets ou en couches minces.

Le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale va mettre en évidence le fondement des craintes exprimées quelques années auparavant par Irène Joliot-Curie. Dès le 2 août 1939, Albert Einstein envoie une lettre au président Roosevelt (1933-1945) pour l'avertir des progrès récents accomplis en physique nucléaire et de leurs potentielles applications militaires. Bien que pacifiste, Einstein, contraint à l’exil aux États-Unis en 1933 suite à l’arrivée d’Hitler au pouvoir en Allemagne, était en effet très au fait des progrès des nazis pour acquérir l’arme atomique. Suite à la mise au point de la première pile atomique par Enrico Fermi en 1942 et grâce à l'aide d'un grand nombre de physiciens européens exilés aux États-Unis, Roosevelt lance le projet Manhattan, qui vise à doter les États-Unis de l’arme atomique. Dirigé par Robert Oppenheimer et installé à Los Alamos, le projet bénéficiera, outre de la coopération des scientifiques européens réfugiés aux États-Unis, de ressources matérielles considérables, mais également de l’apport intellectuel d’institutions civiles et militaires de tout le pays, en particulier du renfort des laboratoires de prestigieuses universités, comme celle de Berkeley en Californie.

Les travaux du projet Manhattan aboutissent à l’explosion de la première bombe atomique le 16 juillet 1945 dans le désert du Nouveau-Mexique. En dépit des réserves formulées par les scientifiques membres du projet, qui entendaient doter les États-Unis d’un instrument militaire de dissuasion qui ne devait pas servir, le président Truman (1945-1953), décida de deux bombardements atomiques sur les villes japonaises d’Hiroshima (6 août 1945) et Nagasaki (9 août 1945) qui causèrent des centaines de milliers de morts, civils comme militaires. Les effets dévastateurs de ces deux bombardements posèrent sitôt après leurs résultats connus la question de la relation entre science, éthique et politique.

Bien que la recherche scientifique constitue un élément majeur de la puissance des États, la collaboration internationale continua son développement malgré la guerre froide et se trouve au fondement de la recherche scientifique contemporaine.

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À retenir

Les recherches sur la radioactivité constituent le premier exemple d’une collaboration internationale aboutie dans le domaine de la recherche fondamentale. Initialement utilisées en médecine, les savoirs issus de ces recherches vont connaître des applications militaires, face auxquelles une partie de la communauté scientifique se trouvera dépossédée.

Conclusion :

La production et la diffusion du savoir vont connaître un essor considérable à l’époque moderne. Cet essor va être permis, d’une part, par les progrès techniques issus de la Renaissance, comme l’invention de l’imprimerie, mais également par l’apparition, avec l’humanisme puis le mouvement des Lumières et la Révolution, d’une nouvelle conception de la société qui mettra l’accent sur l’alphabétisation des populations, et notamment sur l’accès des femmes à l’instruction.
Les progrès techniques et la médiatisation accordée à la recherche scientifique, avec par exemple la création du prix Nobel, vont contribuer à encourager la collaboration internationale dans le domaine de la recherche scientifique. Cependant, la Seconde Guerre mondiale va mettre en évidence les dangers de certaines applications de la recherche fondamentale pour le devenir même de l’humanité et faire prendre conscience aux scientifiques de leur responsabilité dans le domaine de l’éthique.
Aujourd’hui, la collaboration internationale en matière de production de savoir s’étend à tous les domaines de la recherche scientifique et les scientifiques du monde entier mettent leur expertise au service de la communauté internationale et du bien commun. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) publie ainsi régulièrement des analyses sur l’évolution du climat et des recommandations non contraignantes pour permettre aux dirigeants politiques de prendre des décisions éclairées aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale.