Société et cultures urbaines (XIe-XIIIe siècles)

Introduction :

À partir du XIe siècle, la majorité de la population européenne reste paysanne, mais on note tout de même une réorganisation des villes, aux niveaux social, politique et économique. Dans ce cours, nous nous demanderons quelles sont les raisons de cet essor, et analyserons les conséquences du développement urbain. Pour illustrer notre propos, nous étudierons alors l’exemple de deux grandes villes médiévales : Paris et Venise.

L’essor des villes entre le XIe et le XIIIe siècle

Lorsque l’Empire romain disparait au Ve siècle, les villes sont déjà en déclin. Alors que sous l’Empire, Rome pouvait se glorifier de posséder plus d’un million d’habitants, les métropoles se font extrêmement rares au Moyen Âge.

La croissance démographique des campagnes

Toutefois, à partir du XIe siècle, les villes connaissent un dynamisme nouveau. Cette tendance est due à plusieurs facteurs.

bannière à retenir

À retenir

La croissance démographique des campagnes soutient le développement des villes. Autrement dit, c’est parce qu’il y a de plus en plus de monde dans les campagnes que les activités urbaines se développent.

  • La ville au Moyen Âge est tout d’abord un lieu de débouchés économiques pour les campagnes.

À partir du XIe siècle, on note les progrès de l’agriculture et l’amélioration des techniques, facteurs qui permettent de vendre davantage de produits agricoles, entrainant à leur tour un développement économique de la ville.

Les foires locales, qui vendent ces surplus agricoles, deviennent rapidement des lieux incontournables de la vie quotidienne.

L’essor du grand commerce

La croissance démographique n’est cependant pas la seule raison du développement urbain. Il faut chercher des explications à cet essor du côté du commerce international.

En effet, aux alentours de l’an 1000, le grand commerce connait lui aussi un réel essor.

  • Le commerce méditerranéen se développe rapidement autour de quelques grandes villes marchandes comme Venise ou Florence. Les routes méditerranéennes relient l’Europe occidentale au monde musulman et au monde byzantin. L’Europe importe des épices et des produits précieux. Elle exporte du textile ainsi que des produits issus de la métallurgie.

Les grandes régions commerciales au Moyen Âge Les grandes régions commerciales au Moyen Âge

Le commerce du nord de l’Europe est également en plein développement. Ce sont les villes flamandes telles que Bruges ou Hambourg qui permettent de développer le commerce entre la France, l’Angleterre et la Scandinavie.

Au début de l’an 1000, le commerce se limitait aux produits de luxe destinés à l’aristocratie occidentale. En deux siècles, le commerce s’est transformé et développé et massifié autour de matières premières.

  • Les historiens n’hésitent pas à parler de « révolution commerciale ».
bannière astuce

Astuce

C’est dans ce contexte que de nouvelles méthodes commerciales font leur apparition, comme la lettre de change, l’ancêtre du chéquier, qui permet de ne pas transporter de l’argent sur soi lors des transactions.

Les conséquences de cet essor rural et commercial modifient l’organisation des villes, car de nouveaux habitants viennent les peupler. Celles-ci doivent alors agrandir leurs anciennes murailles pour intégrer les nouveaux faubourgs ou quartiers.

L’organisation des villes

L’organisation sociale

Depuis le début du Moyen Âge, les villes sont sous l’autorité d’un ou plusieurs seigneurs. Celui-ci peut être un laïc ou un homme d’Église.

  • La noblesse urbaine, tout comme dans le monde rural, domine les activités quotidiennes et lève de nombreux et divers impôts, notamment le cens, qui est un impôt foncier. Celui qui exerce la justice est un seigneur dit « banal », non pas dans le sens contemporain du terme.
bannière definition

Définition

Seigneur banal :

On dit d’un seigneur qu’il est banal car il possède le « droit du ban », le droit de rendre la justice.

  • En dessous de cette élite urbaine, se trouvent les marchands et les boutiquiers, c’est-à-dire la bourgeoisie.
  • On trouve ensuite les ouvriers et petits artisans puis les marginaux, prostituées, vagabonds, et les lépreux.

Le mouvement des communes

La bourgeoisie conteste à partir du XIe siècle les taxes imposées par le seigneur de la ville. Elle va alors se rebeller. Face aux divers mouvements d’insurrection bourgeoise, les seigneurs des villes doivent faire des concessions :

  • lorsque le seigneur conserve une autorité suffisamment puissante, il se contente de baisser les impôts et de donner certains privilèges commerciaux aux bourgeois. Ces privilèges sont alors inscrits dans le cadre de chartes de franchises ;
  • mais lorsque l’autorité du seigneur est trop faible, la bourgeoisie peut faire obtenir à sa ville le statut de commune. Il s’agit d’une organisation « autogérée » collectivement par une association de bourgeois.
  • À partir de ce moment-là, la ville n’est plus gérée par le seigneur et ce sont les bourgeois qui reçoivent le privilège de l’organiser.

L’organisation des métiers

La ville médiévale bouillonne d’activités. Non seulement les villes se spécialisent peu à peu dans des activités industrielles (c’est le cas notamment du nord-est de l’Europe qui s’est rapidement imposé dans le textile), mais c’est surtout la construction permanente d’œuvres publiques qui marque les villes du Moyen Âge.

Que ce soit les églises, les murailles ou les ponts, la construction mobilise une grande quantité de personnes. D’ailleurs à partir du XIIe siècle, les différents métiers de la ville vont s’organiser en associations.

  • Elles permettent de réglementer les activités économiques, et notamment les horaires de travail.

Étude de cas : Paris et Venise

Paris

Le developpement de Paris au Moyen Âge Le developpement de Paris au Moyen Âge

bannière à retenir

À retenir

À partir du XIe siècle, la ville de Paris connait une croissance démographique et économique majeure.

Ce sont les universités parisiennes qui se développent, et Paris acquiert en Europe une véritable réputation quant aux formations proposées. L’Université de Paris est créée en 1200 tandis qu’en 1257, le collège de la Sorbonne est construit.

Paris devient également un centre majeur du christianisme :

  • la construction de Notre-Dame de Paris est lancée en 1163 ;
  • dès le XIIIe siècle, le roi Louis IX organise la création de la sainte chapelle pour abriter les reliques du Christ.

L’essor de la ville est également démographique puisqu’en l’espace de 40 ans, la ville passe de 25 000 habitants en 1180 à 50 000 en 1220.

  • Cela oblige les différents rois à agrandir sans cesse les enceintes de la ville pour y accueillir les nouveaux quartiers.
bannière à retenir

À retenir

Cet incroyable essor politique, économique, et culturel est dû à la prise en charge de la ville par le roi de France, qui peu à peu, assoit son autorité à partir de la puissance de Paris.

Venise

Alors qu’on a tendance à résumer le Moyen Âge à la ruralité, la pauvreté et le manque d’hygiène, Venise brille d’un éclat sans égal. Sa situation géographique tout à fait exceptionnelle lui a permis de dominer le commerce dans toute la Méditerranée et la mer Noire.

Grâce à sa position géographique privilégiée, Venise a ainsi pu nouer de profondes relations commerciales et diplomatiques avec le monde musulman et le monde byzantin.

Carte : le commerce vénitien au Moyen Âge Le commerce vénitien au Moyen Âge

Les marchands vénitiens ont acquis un tel pouvoir en Méditerranée que les historiens n’hésitent pas à parler d’Empire vénitien.

  • Contrairement à Paris où c’est le roi qui prend en charge le développement de la ville, Venise instaure un système politique original : une république oligarchique dominée par la haute aristocratie marchande et inspirée du modèle romain.
bannière à retenir

À retenir

Considérée comme la capitale du commerce maritime méditerranéen, elle devient un centre de relations commerciales et diplomatiques entre l’Orient et l’Occident.

Conclusion :

Alors qu’on définit souvent le monde médiéval à partir de son caractère rural, les villes existent bel et bien au Moyen Âge et se développent rapidement à partir de l’an 1000.

Le système seigneurial, qui était également en place dans les villes, doit alors se modifier face à la pression de la bourgeoisie. Le mouvement des communes démontre tout particulièrement la modernité de l’organisation urbaine face à l’espace rural.

Les exemples de Paris et de Venise permettent d’insister sur le développement dynamique des villes au Moyen Âge mais aussi sur les différents types d’organisation sociale. Alors qu’à Paris, le roi parvient à reprendre en main la ville, à Venise s’installe une république oligarchique, inspirée de Rome et dominée par les marchands.