Lévinas est une figure majeure de la philosophie du XXe siècle. De confession juive, il traverse les deux guerres mondiales et la Shoah. Il fait l'expérience des camps de travail et perd sa famille dans les camps de concentration. C'est peu après la fin de la Seconde Guerre mondiale qu'il publie cet essai, dans lequel il reprend une grande question philosophique, celle de l'existence. Contrairement à ses prédécesseurs, il effectue un transfert de la philosophie de l'être à la philosophie de l'autre.
Lévinas tente de définir ce qui fut en premier : l'existence ou l'existant. Pour lui, la relation de l'individu (qu'il appelle « existant ») au monde est prédéterminée par la relation à l'existence. Tous les humains, donc les existants, ont en commun l'existence, qui est neutre et impersonnelle. Mais tous n'évoluent pas dans l'existence de la même manière.
Il prouve que l'existence est un concept général en analysant les phénomènes de fatigue ou de paresse. Ce ne sont pas des phénomènes de la conscience, mais des prises de recul, des mises à distance de l'existence en générale. La paresse est liée à la difficulté de commencer, c'est aussi une fatigue de l'avenir. On est fatigué ou las de vivre en général.
Lévinas soulève le paradoxe de l'existence du néant. Le vide, le néant ne devrait, par définition, pas exister. Pourtant, il nous est impossible de ne penser à rien. De même, si nous imaginons un monde vide, nous l'imaginons, donc il existe tout de même. Le néant est donc le concept de la non-existence, que nous pouvons pourtant nous représenter. Pour éviter de se perdre dans ce « néant existant », Lévinas évoque l'usage de la conscience, comme moyen de combler ce néant. En utilisant notre conscience, nous ancrons le moi, notre propre existence, dans le monde existant. La conscience appelle la subjectivité de chaque individu. C'est cette subjectivité, cet environnement créé par nous-même, qui permet de repousser ce néant.
Reconnaître son existence dans le néant du monde est un premier pas vers la liberté. Mais une totale liberté s'affirme par le rapport aux autres. Le moi ne peut réellement s'affirmer que par la relation aux autres. C'est la relation à autrui qui ancre l'être dans le présent, qui le sort de la neutralité. La relation à l'autre signifie aussi l'établissement d'une éthique commune. Les êtres sont reliés entre eux par la notion de Bien.
« Cette absence de l'autre est précisément sa présence comme autre. »