Françoise de Graffigny
Crédit : Portrait présumé de Françoise de Graffigny par Victorine-Angélique-Amélie Rumilly, d’après Tocqué, 1836, réplique d’une œuvre datant du XVIIIe siècle.
Née à Nancy, Françoise de Graffigny est issue de la petite noblesse. À l’âge de 17 ans, elle est mariée à un militaire, François Huguet de Graffigny. Ensemble, ils emménagent dans une grande demeure du côté de Nancy.
Subissant des violences conjugales, Françoise de Graffigny obtient en 1723 un décret de séparation. Après la mort de celui-ci deux ans plus tard, elle devient veuve.
Vers 1730, elle rencontre François-Antoine Devaux, et débute avec lui une relation amicale épistolaire. En 25 ans, elle aurait rédigé environ 2 500 lettres.
En 1738, Françoise de Graffigny fréquente le château de Cirey d’Émilie du Châtelet, qui y séjourne avec Voltaire. Elle quitte le château en 1739 à la suite à un différend avec ce dernier, persuadé qu’elle tente de le plagier. Elle se rend à Paris, sous la protection de la duchesse Richelieu, et devient dame de compagnie. Elle y découvre le monde des lettres et se joint à la « Société du bout du blanc » (salon littéraire), où elle fréquente Rousseau, D’Alembert, Diderot ou encore Marivaux, et a l’occasion d’écrire pour la publication anonyme du salon : Recueil de ces Messieurs.
C’est avec la parution des Lettres d’une Péruvienne (1747) qu’elle connaît son premier grand succès. Sa pièce Cénie, qui paraît quelques années après, est un triomphe.
Ces succès littéraires lui permettent d’ouvrir son propre salon, et d’élargir son cercle de fréquentations littéraires.
Sa santé déclinant, Françoise de Graffigny meurt à Paris en décembre 1758. Sa vie et ses œuvres tomberont dans l’oubli, jusqu’aux mouvements féministes qui la remettent sur le devant de la scène, au début des années 1970.
Nouvelle espagnole (1744) Lettres d’une Péruvienne (1747) Ziman et Zenise (1747) Cénie (1750)
Avec le succès des Lettres d’une Péruvienne, Françoise de Graffigny se fait connaître au-delà de la France : son œuvre est traduite et attire l’attention de la cour de Vienne, qui l’encourage à rédiger des pièces de théâtre.
Ce roman épistolaire lui permet notamment d’émettre une critique sur la société française.
Sa pièce Cénie, écrite en 1750, est un vrai triomphe : plus de vingt-cinq représentations l’année de sa sortie, et plus de trente-deux entre 1754 et 1760. Françoise de Graffigny aura l’occasion d’écrire d’autres pièces de théâtre, mais Cénie restera celle ayant le plus séduit le public.
Ses importantes correspondances avec Devaux ont également rencontré un succès posthume, notamment car elles permettent d’apercevoir la relation entre Voltaire et Émilie du Châtelet. Cette période précise de sa vie va être retranscrite dans un livre à part entière, intitulé Vie privée de Voltaire et de Mme de Châtelet, ou six mois de séjour à Cirey (1820).
Ses productions littéraires ont permis à Françoise de Graffigny de sortir de sa situation précaire, et de s’affirmer en tant que femme du XVIIIe siècle.
« Je m’étais bien aperçue en entrant dans le monde que la censure habituelle de la nation tombait principalement sur les femmes, et que les hommes, entre eux, ne se méprisaient qu’avec ménagement ; j’en cherchais la cause dans leurs bonnes qualités, lorsqu’un accident me l’a fait découvrir parmi leurs défauts. »
Lettre XXXI, Lettres d’une Péruvienne , 1747
« Un mari qui n’est point aimé ne me paraît qu’un maître redoutable. Les vertus, les devoirs, la complaisance, rien n’est de notre choix ; tout devient tyrannique, on fléchit sous le joug, on n’a que le mérite d’une esclave obéissant. »
Acte II, Scène 1, Cénie , 1750
« Qu’un homme se marie, qu’il ait une femme, ou qu’il n’en ait pas, c’est à peu près la même chose. Moins engagé par les liens de l’hymen que par une simple parole d’honneur, il reste libre, indépendant, maître absolu de ses volontés. Mais vous, victimes de nos prérogatives, en prenant un époux, vous renoncez à vos droits sur votre liberté, sur votre personne, et même sur votre cœur. Vos chaînes sont d’airain forgées par l’usurpation ; le préjugé les attache, et l’honnêteté les resserre. »
Acte I, Scène 6, Phaza , 1753