1989, une année de bouleversement géopolitique et économique

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Introduction :

La chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989 signe le déclin de l’URSS et la fin de la guerre froide. Incapable de réagir aux pressions populaires en Europe centrale, l’Union soviétique laisse la population berlinoise démonter librement le symbole même de la domination soviétique sur le bloc de l’Est. Or, si cet évènement est annonciateur du démantèlement de l’URSS qui aura lieu deux ans plus tard, il rejoint d’autres évènements importants ayant eu lieu au cours de l’année 1989 qui représentent aujourd’hui un tournant entre deux époques.
Nous verrons dans ce cours comment l’année 1989 marque la fin d’une époque historique, et amorce déjà le XXIe siècle. Nous étudierons ensuite la façon dont l’année 1989 marque une rupture géostratégique majeure avec la fin de la bipolarisation du monde. Enfin, nous nous interrogerons sur la place qu’a cette année dans le cours de l’histoire : est-elle la fin ou le début des illusions ?

La fin d’une époque

L’année 1989 marque un moment de rupture historique dans le XXe siècle, c’est à la fois la fin des logiques de la guerre froide et celle des idéologies qui ont construit les sociétés et façonné le cours du siècle.

La fin de la logique de la guerre froide

Avec la chute du mur de Berlin le 11 novembre 1989 et le démantèlement de ce dernier, c’est le symbole même de la guerre froide qui est mis à terre. En effet, la partition de Berlin avait été actée dès la conférence de Yalta en 1944.

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Rappel

La conférence de Yalta a réuni Franklin D. Roosevelt (USA), Joseph Staline (URSS) et Winston Churchill (GB) dans la ville ukrainienne de Yalta afin d’organiser le monde d’après 1945. Elle actait également, et surtout, la bipolarisation du monde entre un Occident sous l’égide américaine et capitaliste et un Orient sous l’égide soviétique et communiste.

Ainsi, avec la chute du mur et les ouvertures du rideau de fer, ce sont toutes les logiques de la guerre froide qui prennent fin : la question de la dissuasion nucléaire, la menace d’une invasion soviétique de l’Europe et donc la justification d’une présence militaire américaine en Europe de l’Ouest.

Des berlinois après la chute du mur - décembre 1989 - SchoolMouv - Histoire - Terminale Des Berlinois traversent la séparation de leur ville après la chute du mur, décembre 1989 ©Thiémard horlogerie – CC BY-SA 2.0

En réalité, on peut dire que la désescalade a commencé dès les accords SALT en 1972, voire au moment de la Détente, amorcée dès les années 1960. En effet, les deux puissances devenaient conscientes que leur arsenal nucléaire conjoint menaçait la survie même du monde en cas de conflit nucléaire entre les deux pays. Il devenait donc capital d’entamer une désescalade, même si la communication gardait un ton assez belliqueux.

Par ailleurs, la fin de la logique de la guerre froide prend forme avec le retrait soviétique de l’Afghanistan en 1989. Cette guerre est considérée comme le « Vietnam soviétique. La situation de l’URSS dans ce pays d’Asie Centrale est catastrophique car les défaites militaires s’enchaînent sans jamais que les envahisseurs ne parviennent à atteindre leurs objectifs. Alors qu’ils avaient envahi le pays en 1979 et s’y étaient depuis enlisés, leur retrait du pays marque à la fois leur échec militaire mais aussi la fin de la logique des guerres par procuration.
Développées dès le début de la guerre froide pour éviter les affrontements directs et par peur d’éventuels débordements nucléaires, les guerres par procuration étaient au centre du fonctionnement de la guerre froide et le moyen privilégié pour permettre l’affrontement indirect entre les deux grands.

  • Désormais, avec la fin de ces guerres, les pays tierces sont laissés loin des manipulations de puissances étrangères et des logiques de blocs.

Tourner la page des idéologies

L’aspect idéologique a une place de grande importance dans la guerre froide, comme justification de l’affrontement géopolitique entre l’URSS et les États-Unis. Avec la fin annoncée de la guerre froide, dès 1989, et la fin du modèle communiste proposé par l’URSS, c’est aussi la défaite idéologique du communisme.
En découvrant tous les revers des sociétés communistes du bloc de l’Est, les partis communistes occidentaux disparaissent, voire changent de nom. Les anciens pays de l’Est adoptent rapidement le système capitaliste et l’économie de marché, non sans conséquences brutales pour leurs sociétés, qui doivent faire face à un fort chômage et/ou une émigration massive. Le capitalisme entre souvent dans ces pays par rejet du communisme, d’abord, mais aussi comme un symbole de liberté à laquelle de nombreux pays de l’Est aspirent, notamment la Pologne de Lech Wałęsa ou la Tchécoslovaquie de Václav Havel.
En réalité, loin de marquer la fin des idéologies, le monde de l’après-guerre froide est avant tout celui du triomphe du capitalisme et du néolibéralisme.

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Rappel

Le néolibéralisme est une doctrine économique issue de l’école de Chicago et portée par M. Friedman et F. Hayek. Elle prône un désengagement complet de l’État de tous les domaines non-régaliens (protection, santé, éducation notamment) afin de favoriser la liberté d’entreprendre et de limiter l’endettement d’un pays qui adopterait cette mesure.

Un monde bouleversé

Avec la fin de la guerre froide, les rapports géopolitiques sont complètement bouleversés. En réalité, si le monde se recentre vers d’autres régions du monde, cette dynamique s’amorce dès les années 1970.

De nouveaux rapports de force

Au cours du sommet de Malte, les 2 et 3 décembre 1989, le dirigeant soviétique Mikhail Gorbatchev et le président américain George Bush actent officiellement la fin de la guerre froide. Aucun document n’est signé, mais il s’agit d’un échange de points de vue qui se veut constructif quant aux changements rapides intervenus en Europe les mois précédents.
La guerre d’Afghanistan provoqua un certain rejet de la part de l’opinion soviétique, ce qui acheva de miner le régime de l’intérieur. Ce retrait soviétique s’accompagne dans les années suivantes de la démilitarisation de l’armée rouge et du bloc de l’Est. Exsangue, l’armée russe est alors incapable de reprendre le leadership mondial incarné par l’ancienne URSS et laisse désormais les Américains en position de superpuissance unique.

George Bush - Sommet de Malte - Mikhail Gorbatchev - Histoire - Terminale - SchoolMouv Le président américain George Bush et le dirigeant soviétique Mikhail Gorbatchev au Sommet de Malte, en décembre 1989 © RIA Novosti archive, image

Le décentrement du monde : l’exemple de l’Asie

Jusqu’alors, le monde durant la guerre froide était polarisé surtout autour de l’Europe, cœur des tensions Est-Ouest. Or, l’année 1989 marque l’ouverture du monde à de nouveaux espaces, déjà en cours d’affirmation au cours des années 1970 et 1980. Le Japon s’affirme ainsi comme une grande puissance économique mondiale, notamment grâce à sa domination dans le domaine automobile et celui de l’électronique grand public.

En effet, le tournant des années 1990 est aussi l’époque du développement de l’informatique et de nouvelles manières de produire, laissant peu d’espace aux pays ex-communistes qui cumulent un important retard technologique.

Chinese Tourist Map - 1989 - Histoire - SchoolMouv - Terminale L’ouverture de la Chine passe aussi par le tourisme et par l’art. Wang Guangyi - Chinese Tourist Map, huile sur toile, Pékin(1989) ©cea+ - CC BY 2.0

Dans cette dynamique technologique en cours, c’est l’Asie en plein décollage qui en tire principalement profit. Certains de ses pays, comme le Japon ou les Tigres Asiatiques – qui avaient déjà axé leurs économies sur le développement de l’informatique – deviennent de vraies puissances économiques influentes.

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Définition

Tigres asiatiques :

À la fin du XXe siècle, ce terme désigne les quatre puissances émergentes, économiquement et technologiquement : Taïwan, Singapour, la Corée du Sud et Hong-Kong.

La Chine populaire, désormais ouverte à l’économie de marché, s’insère dans l’économie mondiale suivant le modèle de l’atelier du monde, voulu par Deng Xiaoping, devenant rapidement une puissance incontournable capable de capter les délocalisations favorisées par la désindustrialisation de l’occident. Progressivement, la Chine devient la pièce maitresse de l’économie-mondiale, indispensable à son fonctionnement.

Le décentrement du monde : l’exemple de l’Afrique

En 1989, l’Afrique est en passe d’être complètement décolonisée. Le dernier pays à accéder à l’indépendance est la Namibie, en 1990. L’ouverture du monde à ces nouveaux espaces, libérés du colonialisme et des logiques de la guerre froide ouvre la voie à de nouveaux enjeux de développement économique mais également à la question de l’insertion dans la mondialisation. Le mouvement de décolonisation ne met pourtant pas fin à une certaine dépendance à l’Occident, par le biais du néocolonialisme. On prend également conscience de la faiblesse des États africains dans le système-monde.

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Définition

Néocolonialisme :

Il s’agit d’une politique impérialiste de dépendance entretenue par une puissance à l’égard d’un ancien territoire colonisé. Cela permet notamment aux grandes entreprises de ladite puissance d’avoir accès, par exemple, à des matières premières présentes dans l’ancienne colonie.

La fin ou le début de l’illusion ?

L’année 1989 marque indiscutablement la fin d’une époque. Pour certains, la fin des illusions, pour d’autres, au contraire, elle sanctionne la fin de l’Histoire, c’est-à-dire d’un monde où la puissance américaine ne pourrait plus être contestée (ni diplomatiquement, ni économiquement, ni militairement) et le début d’un monde de paix illusoire.

L’illusion de la guerre froide comme vision simplificatrice du monde

De nouveaux enjeux, tels que le développement humain, l’insertion des pays émergents dans la mondialisation ou l’écologie ont alors fait surface. On s’intéresse aussi, dans les pays nouvellement décolonisés, aux enjeux de corruption, de néocolonialisme, et aux questions politiques dans des espaces où règnent souvent des dictatures, avec, parfois, le soutien des démocraties occidentales. Il s’agit en effet dans certains cas, pour des puissances occidentales, de maintenir en place une dictature afin d’éviter l’éclatement d’un pays et l’émigration qui en suivrait, ou bien de conserver un accès privilégié à certaines ressources stratégiques (uranium, pétrole, gaz).

L’illusion du monde fini

D’autre part, avec la conclusion de la guerre froide en 1989, certains, comme le politologue américain Francis Fukuyama, y ont vu la fin de l’Histoire du monde. Selon Fukuyama, l’Histoire, faite jusqu’alors de confrontations entre des puissances, a pris fin grâce à l’explosion de l’URSS. Les États-Unis et le modèle occidental restent les seuls survivants, comme un aboutissement historique. Le monde, dirigé par les États-Unis et régi par le fonctionnement des institutions internationales, permettrait l’essor de la démocratie et du monde capitaliste dans une économie mondialisée.

La fin de la guerre froide a donc fait entrer brutalement le monde vers une période d’incertitude, dans laquelle les repères de référence qui existaient depuis des décennies sont devenus obsolètes De nombreux événements successifs montrent que l’Histoire est encore en mouvement : la répression des manifestations de la place Tian’anmen à Pékin (juin 1989) laisse par exemple comprendre que le gouvernement chinois, malgré son ouverture affichée depuis l’accession au pouvoir de Deng Xiaoping, n’est pas prêt à une vraie démocratisation et à l’abandon de son régime autoritaire (voir le cours La montée de la puissance économique chinoise de 1978 à 2001).

Cet évènement, tout comme la défaite de la libérale Margaret Thatcher, qui a dominé le Royaume-Uni pendant dix ans et promu le néolibéralisme, alors l’idéologie politique et économique en vogue, montrent l’instabilité et l’incertitude du monde d’après 1989. La « Dame de Fer » est mise en minorité dans son propre parti suite à plusieurs décisions successives qui suscitèrent la polémique au sein du Parti Conservateur : l’instauration d’un nouvel impôt local, des taux d’intérêts trop élevés et sa réticence à une véritable intégration européenne précipitèrent sa chute et son remplacement par John Major.

Conclusion :

L’année 1989 marque un tournant historique significatif : la fin de la guerre froide et de la logique des affrontements idéologiques, qui ont duré près d’un siècle. Si la fin de la guerre froide bouleverse les relations internationales et les rapports de force, d’autres mécanismes géopolitiques, déjà en création dans les années 1970 et 1980 vont émerger progressivement : affirmation des Tigres asiatiques, décolonisation chaotique, tensions au Moyen-Orient notamment. L’année 1989 marque à la fois la fin d’un monde de certitudes et l’entrée dans une époque plus difficile à comprendre, faite de multilatéralisme, d’espaces aux enjeux différents et de mondialisation accrue. Loin de marquer la fin de l’histoire du monde, l’an 1989 marque l’entrée dans un nouveau monde, plus compliqué et plus sensible que celui de la guerre froide.