Oh, les beaux jours ! - Partie 2

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Comique et tragique au théâtre

  • Tragédie et comédie
  • Au XVIIe siècle, les théoriciens du théâtre s’accordent sur la nécessité de séparer et de hiérarchiser comédie et tragédie.
  • Les deux genres se distinguent notamment :
  • par le type de personnages mis en scène :
  • nobles et héros mythologiques pour la tragédie ;
  • petit peuple et bourgeois pour la comédie.
  • Mais aussi par le registre :
  • le comique distrait en corrigeant les mœurs ;
  • la tragédie montre des personnages en proie à la fatalité et opère une catharsis sur le spectateur.
  • Mais, déjà au XVIIe siècle, Corneille se montre favorable à un certain mélange des genres à travers la « comédie héroïque ».
  • Drame bourgeois et mélodrame
  • Au XVIIIe siècle, Diderot théorise le drame bourgeois : un théâtre situé dans l’intervalle entre tragédie et comédie.
  • Deux exemples parlants :
  • Le Fils naturel de Diderot (drame bourgeois) ;
  • La Mère coupable de Beaumarchais (mélodrame).
  • Le drame bourgeois et le mélodrame ne connurent qu’un succès limité dans le temps et ne sont plus joués aujourd’hui.
  • Drame romantique
  • C’est donc plutôt par le drame romantique qu’on aborde l’hybridation des deux registres comique et tragique.
  • Dans sa Préface de Cromwell, Victor Hugo veut libérer le théâtre de la règle des trois unités.
  • Le drame doit ainsi représenter le réel dans sa totalité, ce qui englobe les contraires jusqu’ici séparés : comique et tragique.
  • Une pièce du répertoire romantique met bien en lumière cette caractéristique : On ne badine pas avec l’amour d’Alfred de Musset.
  • Dans ce drame, les personnages s’opposent en deux groupes bien distincts qui appartiennent chacun à un univers propre :
  • de jeunes héros s’acheminant vers un dénouement tragique (Camille, Perdican, Rosette) ;
  • des personnages grotesques qui appartiennent à l’univers du comique (dame Pluche, maître Blazius).
  • Pour autant, les jeunes gens ne sont pas des nobles mais des bourgeois.
  • Ils appartiennent au monde du sublime et de l’idéal : Perdican et Camille s’aiment mais leur histoire est vouée dès le début à l’échec par leurs divergences d’opinion et de culture.
  • Quant à Rosette, elle est une innocente dont la mort annule tout espoir de bonheur : incarnation de la fatalité.
  • Les différentes tonalités de la pièce se juxtaposent et cohabitent donc sans réel mélange. Il n’en va pas de même dans le théâtre de l’absurde.

Comique et tragique dans le théâtre de l’absurde

  • L’absurde repose sur un effet de décalage entre ce qui est dit et ce à quoi on s’attendrait.
  • Un énoncé absurde provoque chez son auditeur une double réaction : l’étonnement et le rire.
  • Le théâtre de l’absurde est ainsi nommé parce qu’il représente une vie humaine dépourvue de sens.
  • Le comique va découler de ce non-sens.
  • Or, le non-sens constituant le tragique de la condition humaine et étant une source de désespoir, le comique est donc l’expression même de ce désespoir.
  • Beckett lui-même définit son théâtre comme dévoilant : « en face, le pire, jusqu’à ce qu’il fasse rire. »
  • Le rire permet alors de ne pas tomber dans le pathétique.
  • Dans Oh, les beaux jours ! on peut distinguer des effets de décalage entre l’émerveillement forcé de Winnie et l’aspect dérisoire ou désespérant de ce qui le provoque.
  • Ce décalage est une source de comique : « Oh il va me parler aujourd’hui. Oh le beau jour encore que ça va être. »
  • Winnie ne cherche jamais à faire de l’ironie : son admiration est l’expression d’une détermination farouche à trouver encore quelque chose à quoi s’accrocher pour pouvoir continuer à vivre.
  • Beckett montre aussi l’incommunicabilité entre les êtres et, plus précisément, entre les deux membres d’un vieux couple soudé par la force de l’habitude et par la peur de finir seuls.
  • Un autre décalage comique repose sur ce que l’on entend ordinairement par « vivre » et ce que Winnie et Willie vivent réellement.
  • On notera aussi le contraste entre le vide environnant de Winnie et ses préoccupations quant à son apparence.
  • Le personnage de Winnie est également caractérisé par son élégance de langage.
  • Cette élégance se manifeste aussi quand sa lucidité prend le dessus sur sa volonté de s’émerveiller de tout.
  • Le langage se fait alors l’instrument de ce comique du décalage.
  • Les dérapages grivois et scatologiques y contribuent aussi.
  • Le rire est également provoqué par la gestuelle : les personnages de Beckett sont des marionnettes qui s’agitent sans but en attendant l’heure du sommeil, symbolique de la mort.
  • Comme le langage ne sert plus à communiquer avec l’autre, les objets qui occupent l’espace jouent donc un rôle primordial.
  • Le comique de geste repose lui aussi sur un jeu de contraste entre la condition des personnages et l’extravagance de leurs mouvements.
  • Dans le théâtre absurde, le rire naît donc du malheur.

Comique et tragique dans Incendies de Wajdi Mouawad

  • Le théâtre contemporain, à l’instar de l’absurde, fait lui aussi usage de ce mélange de registre.
  • Prenons à ce titre l’exemple de la pièce Incendies de Wajdi Mouawad.
  • Cette pièce, si elle s’inspire d’événements historiques (guerre du Liban), axe sa réflexion autour de la question de l'origine :
  • origine de chacun ;
  • et origine du mal.
  • Comme dans la tragédie antique, le mal engendre le mal.
  • Cependant, le comique n’est pas absent de la pièce, porté notamment par le notaire Hermile Lebel, comme dans la scène 19.
  • Il campe un personnage décalé et inadapté à la situation comme le révèle son langage :
  • expressions fautives ;
  • digressions ;
  • logorrhée.
  • La scène 19 réunit le notaire et les deux jumeaux (moment du présent) et s’entremêle avec un épisode terrible vécu par leur mère.
  • Le tragique est donc aussi à l’œuvre dans cette scène grâce à un télescopage de deux périodes différentes.
  • À la différence de dame Pluche et maître Blazius dans On ne badine pas avec l’amour, Lebel a une fonction dramatique essentielle : il est à l’origine de l’introduction du tragique et, de ce fait, le seul lien entre le passé et le présent.
  • Le comique d’Incendies partage avec le comique du théâtre de l’absurde certains points communs (personnages décalés, jeux sur le langage) mais il a aussi, notamment dans la scène 19, la fonction ambigüe de préparer l’intrusion du tragique.