Comment les réseaux sociaux fonctionnent-ils ?
Introduction :
Un groupe social se crée à partir des relations que nouent les individus entre eux, et ces relations doivent être suffisamment denses et durables entre les membres pour que le groupe puisse exister. L’étude des réseaux sociaux représente un niveau intermédiaire d’analyse entre l’analyse de la société dans son ensemble et l’observation des comportements individuels. Ainsi, les réseaux sociaux sont, en sociologie, un outil qui permet d’analyser la forme de la société, mais également un outil d’étude des relations entre les individus.
Ce cours va nous permettre d’analyser comment les individus organisent leurs interactions au travers des réseaux sociaux, et nous analyserons ensuite l’importance des réseaux sociaux dans le cadre de la recherche d’un emploi.
Les interactions entre les individus dans un réseau
Les interactions entre les individus dans un réseau
Définition des réseaux sociaux
Définition des réseaux sociaux
L’ethnologue John A. Barnes est le premier à proposer une définition de la notion de réseau social : « J’imagine une série de points qui seraient, pour certains d’entre eux, reliés par des lignes. Les points sont des individus, ou parfois des groupes, et des lignes indiquent les interactions qu’ils ont entre eux. Nous pouvons, bien sûr, imaginer que la vie sociale toute entière engendre un réseau de ce genre. »
Réseau social :
Le réseau social est l’ensemble des unités sociales (individus ou groupes) et des relations que celles-ci entretiennent les unes avec les autres, directement ou indirectement.
En 1967, le psychologue social Stanley Milgram a réalisé l’expérience « du petit monde » reprise de la « Théorie des 6 poignées de main » initiée par F. Karinthy en 1929. L’objectif était de montrer le degré de séparation entre deux individus qui ne se connaissent pas. Il s’agissait, pour les participants, de faire parvenir une enveloppe à un destinataire clairement identifié (« l’individu-objectif »). Chaque participant remettait son enveloppe à une connaissance directe, et celle-ci le passait à une autre personne susceptible de pouvoir transmettre l’enveloppe à l’individu-objectif.
- Cette expérience a montré que les individus sont reliés par une courte chaîne de six relations sociales, c’est-à-dire que l’enveloppe arrivait à son destinataire en passant par cinq intermédiaires.
La conclusion que retire Milgram de l’expérience est que « dans une société de masse, pratiquement tous les individus sont reliés ensemble dans un vaste réseau ».
Cependant, toutes les relations n’ont pas la même importance pour les actions individuelles. Ainsi, la politologue Rose McDermott a démontré que l’entourage des individus joue un rôle important dans la possibilité pour un individu de divorcer. Ainsi, elle a montré que, lorsque des personnes maintenant des liens forts avec un individu (comme un ami ou un frère) divorcent, cela augmente les possibilités de divorce pour l’individu lui-même. En effet, le divorce des proches permet de rendre facilement disponible les informations sur le divorce (procédure, coût, risques, gains, etc.) et affaiblit l’obligation de se conformer à la norme du mariage. Cette étude montre donc que l’application de certaines normes dépend du réseau auquel l’individu appartient.
Réseaux et sociabilité
Réseaux et sociabilité
Sociabilité :
La sociabilité désigne, en sociologie, l’ensemble des relations qu’entretient un individu avec les autres, et les formes que prennent ces relations.
La sociabilité peut prendre deux formes.
Sociabilité organisée :
Elle naît de l’adhésion volontaire des individus à une institution. Dans cette situation, la sociabilité est formelle, c’est-à-dire qu’elle est encadrée par des règles et gérée par une institution. Par exemple, la participation à une équipe de rugby ou l’adhésion à une association.
Sociabilité spontanée :
Elle ne naît pas dans un cadre formel mais se crée de manière informelle lors de certaines occasions et sans aucune contrainte pour l’individu. Par exemple lors d’un concert ou d’un match de rugby entre enfants du quartier.
L’enquête « Solitudes en France », publiée par la Fondation de France, montre un recul de la sociabilité des Français. En effet, la proportion d’individus déclarant n’avoir accès à aucune ou seulement une sphère de sociabilité est passée de 32 % en 2010 à 38 % en 2012.
En même temps, de nouvelles formes de sociabilité apparaissent, comme la sociabilité à distance. Cette notion se développe bien avant l’arrivée d’internet et découle de la transformation des relations sociales : affaiblissement des liens, transformation de la notion de groupe, éloignement de la famille et des amis, développement des moyens de télécommunication… En effet, si le lien social peut s’entretenir par un contact direct, ce contact peut également être maintenu par d’autres moyens, comme par exemple le téléphone ou internet. Les études récentes sur la sociabilité à distance montrent que les relations qui se créent ou se maintiennent à distance sont moins marquées par les déterminants sociaux.
Le degré de sociabilité d’un individu dépend de son statut social. Ainsi, plus un individu occupe une place haute dans la hiérarchie sociale, plus sa sociabilité est importante. Cette situation découle du fait que la sociabilité dépend du capital social de l’individu.
Capital social :
Le capital social a été défini par Pierre Bourdieu, comme étant « l’ensemble des ressources actuelles ou potentielles qui sont liées à la possession d’un réseau durable de relations plus ou moins institutionnalisées d’interconnaissance et d’inter-reconnaissance ».
Cette notion repose sur les relations que crée l’individu, ou qui lui sont transmises par hérédité, et sur la possession d’un capital économique et d’un capital culturel.
Des études récentes confirment ces propos, car elles montrent que la sociabilité en milieu populaire est principalement familiale, étant donné que le capital social détenu par ces individus est moins important que celui détenu par les catégories supérieures. Ces dernières tissent des liens forts en dehors de leur famille, au travers d’études dans des écoles élitistes, au travers de leur travail ou encore au cours de rencontres entre individus issus du même milieu.
Les réseaux dans la recherche d’emploi
Les réseaux dans la recherche d’emploi
Le sociologue américain Mark Granovetter a mis en évidence le rôle des réseaux sociaux dans la recherche d’emploi. La recherche de Granovetter part d’un constat : l’accès à l’emploi fait intervenir une part importante de relations sociales extérieures aux mécanismes formels du marché, comme par exemple la recommandation par un employé qui travaille dans l’entreprise, les relations familiales, etc.
Selon Granovetter, l’entreprise et le travailleur ont tous les deux un intérêt à ce mode de recrutement.
- Le demandeur dispose de cette manière d’une information précise sur le poste et sur l’employeur, et voit sa candidature bien accueillie.
- Le recruteur, lui, obtient une information précise sur le candidat et peut lui accorder une plus grande confiance puisque celui qui le parraine s’engage implicitement à ce qu’il donne satisfaction, et celui qui est parrainé se sent redevable vis-à-vis du premier et cherchera donc à ne pas décevoir.
Dans son étude publiée en 1974, Granovetter distingue différents modes de recherche d’emploi.
- Contact personnel : une connaissance du demandeur sert d’intermédiaire, soit pour donner l’information sur l’emploi, soit pour recommander auprès de l’employeur.
- Moyens formels : réponse aux annonces, passage par un cabinet spécialisé, une association ou un service officiel de type ANPE.
- Démarches directes : candidatures spontanées sans connaissance préalable de l’existence d’un emploi.
Les résultats de l’enquête montrent que les individus trouvent un travail grâce aux contacts personnels dans 56 % des cas ; au travers de moyens formels dans 19 % des cas, et par des démarches directes dans 19 % des cas. Ces proportions ont globalement été confirmées par d’autres études, la proportion de contacts personnels étant souvent supérieure à 50 % lorsqu’il n’existe pas de dispositifs de type concours public.
Dans l’enquête de Granovetter, parmi les contacts personnels, 31 % sont des relations familiales. De plus, en hiérarchisant les emplois en fonction du salaire et de l’intérêt que les demandeurs y trouvent, il conclut que « les meilleurs emplois sont ceux qui utilisent des contacts professionnels plutôt que des liens familiaux ou d’amitié, plutôt des liens faibles que des liens forts et des chaînes relationnelles courtes ».
Plusieurs explications peuvent être avancées pour expliquer ces résultats :
- les contacts familiaux apportent de l’information sur des emplois proches de celui qui transmet l’information mais les emplois sont rarement adaptés. La personne sollicitée s’oblige à répondre même si elle ne peut offrir de solution satisfaisante ;
- les contacts professionnels sont des liens plus faibles mais plus proches de l’univers professionnel du demandeur, donc de ses compétences. Les emplois trouvés grâce à leur intervention correspondront mieux aux attentes du demandeur ;
- lorsqu’ils sont efficients, les contacts familiaux sont souvent à la l’origine d’un changement d’univers professionnel.
En combinant cette analyse avec celle de Pierre Bourdieu sur le capital social, on observe une inégalité de classe dans la recherche d’emploi. En effet, si le succès de la recherche d’emploi dépend en grande partie du réseau auquel on peut faire appel, plus le capital social sera important, plus le poste obtenu correspondra aux attentes. Or, selon Bourdieu, plus le niveau dans la hiérarchie sociale est élevé, plus le capital social est important, et donc plus les chances d’obtenir le « bon » travail sont importantes.
Conclusion :
Les réseaux représentent un outil qui permet de comprendre la forme de la société et d’étudier les comportements individuels. La constitution d’un réseau dense est une attitude non seulement utile socialement, mais peut également s’avérer utile dans d’autres situations comme la recherche d’un emploi. En effet, plus son réseau est dense, plus l’individu a de chances de trouver, dans les membres de ce réseau, la personne capable de lui apporter de l’aide.