L’autorité se définit ici comme acte moral et créateur :
elle est le pouvoir de distinguer ce qui est bien et mal ;
elle est l’invention de principes selon lesquels diriger son action.
Les textes religieux (récits fabuleux des origines ou des fins) sont des mythes.
Le mythe est une parole humaine et populaire mais qui est en lien avec la parole divine.
La parole créatrice
Le créateur mythique est un être bon : en créant, il nous donne une terre et une vie.
La parole divine est la parole créatrice de Dieu Lui-même (Dieu crée par la parole) :
dans la Genèse, Dieu crée le monde par la parole : il nomme, et les choses commencent à exister ;
Dieu dit (donne existence donc) puis valide ;
on ne sait pas qui est la force fabricatrice obéissant à Dieu mais elle obéit à l’autorité de la parole divine.
La parole divine rapportée
La parole divine est la parole de Dieu en tant qu’elle est rapportée dans les textes sacrés ; c’est donc également une parole sur Dieu :
dans L’Évangile de Jean, l’apôtre commente la parole divine en usant lui aussi d’une parole créatrice d’autorité ;
Dieu n’a pas la parole, il est parole car « Au commencement était le Verbe » et le verbe renvoie à la parole en tant qu’action ;
cette phrase constitue donc un métalangage sacré : une parole sacrée sur la parole sacrée que la parole du prêtre reprend rituellement.
L’autorité de la parole divine consiste à énoncer des principes et des valeurs morales que nous sommes censés suivre, principes reposant essentiellement sur l’amour.
La parole, vertu du « mâle »
Traditionnellement, le mâle est le détenteur de l’autorité morale, familiale et sociale ainsi que de la parole qui l’exprime au seins des sociétés patriarcales.
Il porte ainsi la responsabilité du discours « autoritaire » de l’humanité ordinaire (et non du divin).
Parler avec autorité est donc une vertu, au sens étymologique du terme (en latin vir, origine du mort « vertu » signifie aussi bien « l’homme » que « la force »).
L’Odyssée d’Homère nous donne un exemple édifiant de la parole « mâle » :
Pénélope tente de faire taire la parole de l’homme incarné par l’aède, sans succès ;
car, en l’absence d’Ulysse, c’est Télémaque qui endosse la figure paternelle d’autorité ;
non content de saper l’autorité de sa mère (la parole des femmes est désonsidérée), il lui adresse conseils et injonctions, inversant ainsi le rapport d’autorité parent/enfant.
Toutefois, cette tradition de l’autorité morale du discours mâle est contrebalancée par deux phénomènes :
l’existence de sociétés matriarcales où ce sont les femmes qui décident, commandent et parlent ;
un souci, aujourd’hui, d’égalité de parole entre les hommes et les femmes.
La promesse, clé de l’autorité morale de la parole
La morale de la parole renvoie aussi à l’idée que la parole se donne comme un engagement.
À ce titre, la promesse est un élément crucial de l’autorité de la parole :
« donner sa parole » ;
« croire sur parole » ;
« ne pas tenir sa parole ».
Ces symboles ont une valeur : c’est par eux que nous sommes unis à l’autre.
Le serment d’Hippocrate
L’Antiquité a produit une parole symbolique essentielle, fondant le lien de confiance entre deux types de personnes : celle du médecin et de son patient.
Le serment d’Hippocrate est un discours oral, prononcé en public, construit sur la promesse et l’engagement.
La dimension publique de la promesse est une donnée importante de la parole, puisqu’elle prend l’auditoire à témoin.
« I promise », Radiohead
Radiohead utilise cette dimension publique dans sa chanson « I promise ».
La répétition en épiphore de « I promise » à la fin de chaque phrase confère à la chanson son caractère incantatoire : une incantation vis-à-vis de soi-même et de sa propre faculté à s’engager.
La promesse à l’autre est alors aussi promesse à soi.
Les discours politiques
Dans un cadre publique bien plus large et moins intime, on retrouve également la promesse dans les discours politiques, surtout en deux occasions :
en période électorale où la parole politique, censée être morale c’est-à-dire au service de l’intérêt général, est souvent un ensemble de promesses que l’on s’engage à tenir si l’on est élu ;
quand un homme politique, dans la tourmente des affaires, jure qu’il n’a pas commis de délit.
La promesse devient acte de jurer « les yeux dans les yeux ».