L'autorité morale de la parole

La parole divine

  • L’autorité se définit ici comme acte moral et créateur :
  • elle est le pouvoir de distinguer ce qui est bien et mal ;
  • elle est l’invention de principes selon lesquels diriger son action.
  • Les textes religieux (récits fabuleux des origines ou des fins) sont des mythes.
  • Le mythe est une parole humaine et populaire mais qui est en lien avec la parole divine.

La parole créatrice

  • Le créateur mythique est un être bon : en créant, il nous donne une terre et une vie.
  • La parole divine est la parole créatrice de Dieu Lui-même (Dieu crée par la parole) :
  • dans la Genèse, Dieu crée le monde par la parole : il nomme, et les choses commencent à exister ;
  • Dieu dit (donne existence donc) puis valide ;
  • on ne sait pas qui est la force fabricatrice obéissant à Dieu mais elle obéit à l’autorité de la parole divine.

La parole divine rapportée

  • La parole divine est la parole de Dieu en tant qu’elle est rapportée dans les textes sacrés ; c’est donc également une parole sur Dieu :
  • dans L’Évangile de Jean, l’apôtre commente la parole divine en usant lui aussi d’une parole créatrice d’autorité ;
  • Dieu n’a pas la parole, il est parole car « Au commencement était le Verbe » et le verbe renvoie à la parole en tant qu’action ;
  • cette phrase constitue donc un métalangage sacré : une parole sacrée sur la parole sacrée que la parole du prêtre reprend rituellement.
  • L’autorité de la parole divine consiste à énoncer des principes et des valeurs morales que nous sommes censés suivre, principes reposant essentiellement sur l’amour.

La parole, vertu du « mâle »

  • Traditionnellement, le mâle est le détenteur de l’autorité morale, familiale et sociale ainsi que de la parole qui l’exprime au seins des sociétés patriarcales.
  • Il porte ainsi la responsabilité du discours « autoritaire » de l’humanité ordinaire (et non du divin).
  • Parler avec autorité est donc une vertu, au sens étymologique du terme (en latin vir, origine du mort « vertu » signifie aussi bien « l’homme » que « la force »).
  • L’Odyssée d’Homère nous donne un exemple édifiant de la parole « mâle » :
  • Pénélope tente de faire taire la parole de l’homme incarné par l’aède, sans succès ;
  • car, en l’absence d’Ulysse, c’est Télémaque qui endosse la figure paternelle d’autorité ;
  • non content de saper l’autorité de sa mère (la parole des femmes est désonsidérée), il lui adresse conseils et injonctions, inversant ainsi le rapport d’autorité parent/enfant.
  • Toutefois, cette tradition de l’autorité morale du discours mâle est contrebalancée par deux phénomènes :
  • l’existence de sociétés matriarcales où ce sont les femmes qui décident, commandent et parlent ;
  • un souci, aujourd’hui, d’égalité de parole entre les hommes et les femmes.

La promesse, clé de l’autorité morale de la parole

  • La morale de la parole renvoie aussi à l’idée que la parole se donne comme un engagement.
  • À ce titre, la promesse est un élément crucial de l’autorité de la parole :
  • « donner sa parole » ;
  • « croire sur parole » ;
  • « ne pas tenir sa parole ».
  • Ces symboles ont une valeur : c’est par eux que nous sommes unis à l’autre.

Le serment d’Hippocrate

  • L’Antiquité a produit une parole symbolique essentielle, fondant le lien de confiance entre deux types de personnes : celle du médecin et de son patient.
  • Le serment d’Hippocrate est un discours oral, prononcé en public, construit sur la promesse et l’engagement.
  • La dimension publique de la promesse est une donnée importante de la parole, puisqu’elle prend l’auditoire à témoin.

« I promise », Radiohead

  • Radiohead utilise cette dimension publique dans sa chanson « I promise ».
  • La répétition en épiphore de « I promise » à la fin de chaque phrase confère à la chanson son caractère incantatoire : une incantation vis-à-vis de soi-même et de sa propre faculté à s’engager.
  • La promesse à l’autre est alors aussi promesse à soi.

Les discours politiques

  • Dans un cadre publique bien plus large et moins intime, on retrouve également la promesse dans les discours politiques, surtout en deux occasions :
  • en période électorale où la parole politique, censée être morale c’est-à-dire au service de l’intérêt général, est souvent un ensemble de promesses que l’on s’engage à tenir si l’on est élu ;
  • quand un homme politique, dans la tourmente des affaires, jure qu’il n’a pas commis de délit.
  • La promesse devient acte de jurer « les yeux dans les yeux ».