L’Union européenne : entre inégalités territoriales et concurrence mondiale

information-icon

Les épreuves de l’examen du bac sont pour “demain”. Consulte notre dossier pour tout connaître des coefficients du bac, le calcul des notes, les dates du bac 2024… pour te préparer à ton examen au mieux 💪

Introduction :

L’harmonisation des territoires fait partie des fondements de la construction européenne. Le Traité de Rome (1957) mentionnait l’obligation d’assurer « un développement harmonieux en réduisant l’écart entre les différentes régions et le retard des moins favorisées. ». Aujourd’hui, cette idée est toujours d’actualité. L’Union européenne est un véritable acteur du développement des territoires, avec la volonté d’égaliser les conditions de vie de chaque citoyen européen tout en créant un sentiment d’appartenance à un espace commun. Pour y parvenir, les dirigeants de l’UE ont donc mis en place plusieurs politiques dans des domaines différents. Mais comment ces politiques sont-elles en mesure d’agir sur les territoires, tout en restant compétitive dans un contexte mondialisé ?
La solution semble résider dans deux volets plus ou moins anciens : la politique de cohésion d’une part et la politique agricole commune (PAC) d’autre part.

Une politique de cohésion pour renforcer la place de l’UE

Le continent européen et par conséquent l’Union européenne dispose de nombreux atouts, mais il est fragilisé par les inégalités entre les différents pays membres. La politique de cohésion tente de réguler ces inégalités et de valoriser ces atouts.

Atouts à valoriser, inégalités à réduire

Les atouts de l’UE sont à la fois naturels et économiques. Le milieu européen est globalement tempéré. Les aléas climatiques et les risques (séismes, tsunami, éruptions volcaniques) sont donc rares, ce qui est favorable à une occupation humaine dense.

bannière definition

Définition

Aléa :

Un aléa est un phénomène produit par des facteurs qui échappent, au moins en partie, au contrôle humain : inondations, séisme, tsunami, glissement de terrain…

Le relief ne pose pas de contraintes majeures si l’on excepte les grandes chaînes montagneuses. Les possibilités agricoles sont donc importantes, et accentuées par la qualité des sols. Le réseau hydrographique est dense et a depuis longtemps favorisé les installations humaines et les échanges. Enfin, l’ouverture sur la mer Méditerranée et l’Atlantique relie l’Union européenne à d’autres continents : l’Afrique au sud, l’Amérique à l’ouest.

À ces aspects naturels s’ajoutent une précocité de développement économique. L’Europe fut le berceau de l’âge industriel au XIXe siècle : naissance des premières usines, développement des transports, croissance des villes. L’UE fait partie de la Triade et dispose d’un IDH (Indice de développement humain) élevé. C’est, de plus, un marché de 447 millions de consommateurs, soit 120 millions de plus que les États-Unis.
Ces atouts n’empêchent pas les inégalités territoriales à plusieurs échelles : entre pays membres bien sûr mais aussi entre régions à l’intérieur d’un même pays ou entre villes. À l’échelle européenne par exemple, le produit intérieur brut (PIB) par habitant est plus faible dans les PECO (pays de l’Europe centrale et orientale) et dans certains pays du Sud de l’Union européenne (Grèce, Portugal) qu’ailleurs.

Le PIB par habitant des pays de l’UE en 2018 - Géographie - Terminale - SchoolMouv Le PIB des PECO reste globalement en deçà de celui de l’Europe de l’Ouest malgré les effets positifs engendrés par leur entrée dans l’Union européenne

Les IDH sont également différents et introduisent un classement entre les pays membres : la Norvège arrive en tête, alors que la Roumanie est en dernière position. À l’échelle régionale, le cas de l’Allemagne est symptomatique des inégalités qui peuvent exister à l’intérieur d’un pays. Enfin, à l’échelle urbaine, des quartiers sont connus pour être défavorisés. La population y est souvent plus mal logée qu’ailleurs, les taux de chômage y sont plus élevés, etc.

Les inégalités territoriales allemandes sont le résultat de la guerre froide. En effet, le pays a été divisé en deux parties dès 1948. L’Allemagne de l’Ouest (RFA : République fédérale d’Allemagne) est restée dans le bloc de l’Ouest aux côtés des États-Unis et de leurs alliés tandis que l’Allemagne de l’Est (RDA : République démocratique allemande) a rejoint le bloc de l’Est, soit la Russie (URSS) et les pays communistes. Un développement très différent a donc eu lieu durant 50 ans entre RFA et RDA. À l’Est (RDA), l’idéologie communiste instaure des entreprises d’État, l’absence de propriété privée et des niveaux de production prédéfinis dans des plans sur cinq ans (plans quinquennaux). À l’Ouest, l’économie est capitaliste, basée sur le profit.
Aussi, lors de la réunification de l’Allemagne, les régions de l’ancienne RDA accusent un gros retard de développement. Malgré un plan de rattrapage de 900 milliards d’euros, ces anciennes régions de l’Est ont encore aujourd’hui quelques difficultés. La population est plus vieillissante qu’ailleurs car les jeunes partent à l’Ouest pour trouver un emploi. Malgré ces départs, le taux de chômage est supérieur à 8 %, alors que la moyenne nationale est de 3,1 %. Ces régions (la Saxe-Anhalt, le Mecklenbourg-Poméranie occidentale et Berlin) sont donc beaucoup moins intégrées dans la mondialisation que la Rhénanie, la Bavière ou le Bade-Wurtemberg (voir carte ci-dessous) qui totalisent à elles trois plus de 50 % du PIB allemand. La seule nuance à apporter concerne Berlin. En effet, les régions-capitales connaissent en général une évolution plus favorable que les autres, partout dans l’Union européenne.

Les 16 régions (Länder) allemandes et leurs capitales - Géographie - Terminale - SchoolMouv Les régions correspondant à l’ancienne Allemagne de l’Est sont Mecklenbourg-Poméranie occidentale, Brandebourg, Berlin, Saxe-Anhalt et Saxe, ainsi que Thuringe

Une politique ambitieuse

Ces dernières années, les institutions de l’Union européenne ont mené une politique de cohésion, c’est-à-dire une politique de valorisation des atouts et de lutte contre ces inégalités territoriales.
Pour déterminer quelles régions devaient bénéficier le plus de cette politique, une cartographie a été établie en fonction du PIB de chacune par rapport à la moyenne de l’Union européenne (30 900 euros par an et par habitant en 2018, en comptant encore le Royaume-Uni). Trois types de régions ont été identifiés à la suite de ce calcul :

  • les régions les plus développées ;
  • les régions en transition ;
  • les régions les moins développées dont le PIB par habitant est inférieur à 75 % de la moyenne de l’UE (voir ci-dessous).

La politique de cohésion de l’Union européenne de 2014 à 2020 - Géographie - Terminale - SchoolMouv

À partir de ce constat, 352 milliards d’euros ont été concédés par l’UE à ces régions entre 2014 et 2020 pour la construction d’infrastructures, la recherche, l’emploi dans les petites et moyennes entreprises, l’environnement et la formation des travailleurs. Cet appui financier considérable a été géré avec les pays membres et bien sûr les régions bénéficiaires. Les réalisations étaient discutées entre tous ces acteurs. Les financements de l’UE venaient en appui d’autres ressources et un suivi a permis de vérifier l’utilisation correcte des fonds ainsi que les résultats obtenus. Le but global recherché par l’UE est bien la croissance économique de l’ensemble des régions, afin de garder une place stratégique par rapport à la concurrence mondiale. Ce sont bien sûr les régions les moins développées qui ont reçu le plus de fonds.
Cette politique de cohésion qui finance aussi le développement des régions transfrontalières représente aujourd’hui le 2e budget de l’UE, juste après la PAC. À travers cette politique, c’est une véritable solidarité européenne qui s’opère concrètement. Une nouvelle politique de cohésion est en cours de discussion pour la période 2021-2027.

L’action globale de l’UE envers les régions se double d’actions dans des domaines précis. Les interventions de l’Union européenne dans le domaine agricole en sont un exemple ancien et continu avec des effets sur l’ensemble des territoires.

Agir sur les territoires : la politique agricole commune (PAC)

La politique agricole commune (PAC) est souvent critiquée aujourd’hui par les agriculteurs français. Elle n’en reste pas moins un modèle d’intervention qui a maintenu une agriculture européenne compétitive et a façonné les paysages et les exploitations agricoles.

La PAC : une politique qui a évolué

La politique agricole commune (PAC) date de 1962. Elle a été conçue comme une politique protectionniste avec pour objectif la modernisation de l’agriculture et l’autosuffisance du marché européen. Des prix de vente élevés ont été garantis, pour améliorer les revenus des agriculteurs. Puisque les prix étaient garantis, les agriculteurs ont produit plus. Pour y parvenir, ils ont donc modernisé leurs exploitations. L’agriculture productiviste s’est donc développée au sein de l’UE. Cependant, malgré l’augmentation des exportations et le succès de ce système, on parvint rapidement à des surproductions (blé, sucre, lait en poudre).
Dès les années 1980, un tournant a infléchit cette politique, avec la lutte contre les excédents et une garantie des prix moins systématique. Puis, en 1992, la baisse des prix anciennement garantis intervient, en parallèle avec le gel de terres pour lutter contre les surproductions. Les agriculteurs pour qui ces mesures ont entraîné une baisse de revenus ont obtenus des aides directes (dites compensatrices).
Aujourd’hui, comme pour la politique de cohésion, une nouvelle PAC a été pensée pour durer, de 2014 à 2020. Les aides directes aux agriculteurs existent toujours, à condition que ces derniers respectent un certain nombre de critères, concernant notamment l’environnement et le bien-être des animaux. L’agriculture de l’UE a été obligée de s’ouvrir aux exportations des pays non-membres, pour répondre aux exigences de l’OMC.

bannière definition

Définition

Organisation mondiale du commerce :

L’Organisation mondiale du commerce (OMC) a été fondée en 1995, avec pour objectif de faciliter le libre-échange dans le monde entier.

De plus, l’agriculture est insérée dans un plan global de développement rural, avec par exemple la prise en compte du « tourisme à la ferme ».
Malgré ces changements, le budget de la PAC est encore jugé trop élevé aux yeux de certains États membres —­notamment ceux dont l’agriculture n’est pas très développée— et des autres grands exportateurs mondiaux. Certains pays membres considèrent en effet que l’argent consacré à l’agriculture par les pays membres pourrait être dépensé dans d’autres domaines. Quant aux grands pays agricoles exportateurs mondiaux, ils estiment que l’Union européenne aide trop ses agriculteurs, ce qui va à l’encontre des règles de l’OMC. Enfin, les désaccords entre pays membres portent aussi sur le maintien ou non de l’indépendance et de la sécurité alimentaire en Europe. Or, si l’on estime qu’il est important de maintenir la sécurité alimentaire de l’UE, il convient de continuer à aider cette agriculture pour ne pas dépendre des importations agricoles étrangères.

La PAC n’est donc pas comme la politique de cohésion une action ciblée sur des territoires précis mais plutôt sur une activité productive. Ses résultats ne sont pas seulement économiques.

Les effets de la PAC sur les territoires de l’UE

Il est légitime de penser que les évolutions agricoles que nous connaissons étaient inévitables. Cependant, elles ont incontestablement été accélérées ou orientées par la politique agricole commune.
Les réformes successives de la PAC ont par exemple accéléré la diminution du nombre d’exploitations et d’agriculteurs. En 1960, les agriculteurs représentaient 20 % des actifs dans les six pays membres. Ils représentent aujourd’hui 3,9 % en moyenne, avec une baisse continue depuis 20 ans. Cependant, des différences importantes persistent entre des pays comme la Roumanie (20 % des actifs) ou la Grèce (11,5 % des actifs) et la Belgique (1,1 % des actifs).
Dans le même temps, la taille des exploitations agricoles restantes a augmenté, avec là aussi des différences entre pays membres, à savoir des exploitations souvent plus petites en Europe centrale et dans les pays du Sud qu’en Europe de l’Ouest.

bannière à retenir

À retenir

Mais le modèle privilégié par l’UE est bien celui de grandes exploitations, déjà présent en Allemagne, en Pologne, en République tchèque et en France pour les exploitations céréalières.

La taille moyenne des exploitations agricoles dans l’Union européenne - Géographie - Terminale - SchoolMouv Le nombre 100 qui figure sur cette carte représente n’a d’autre valeur que celui de donner une moyenne de la taille des exploitations agricoles. La carte doit donc être lue de la manière suivante : les couleurs orangées figurent les exploitations plus petites que la moyenne et les dégradés de vert, les exploitations plus grandes. L’Europe du Sud et de l’Est se caractérisent donc par des exploitations de plus petite taille

Parallèlement, en raison notamment de la garantie de prix de vente élevés, les rendements ont considérablement augmenté, notamment les productions céréalières et l’élevage intensif.

Face à ce productivisme qui transforme les territoires agricoles en de grandes exploitations, les moyennes et petites exploitations se sont tournées vers l’agriculture biologique (6,2 % de la surface agricole totale de l’UE).

Part de l’agriculture biologique au sein de l’Union européenne - Géographie - Terminale - SchoolMouv La SAU correspond à la surface agricole utile, c’est-à-dire aux terres véritablement cultivées. Les forêts, les bois ne sont pas comptabilisés même s’ils appartiennent à l’agriculteur. Ce sont les exploitations agricoles de petite taille qui pratiquent le plus l’agriculture biologique

Les autres solutions de rentabilité pour ces exploitations de plus petite taille sont les circuits courts comme les AMAP en France, l’intégration dans des filières synonymes de qualité –les Appellations d’Origine Contrôlée par exemple– ou encore l’association agriculture et tourisme gastronomique (fermes-auberges) ou œnologique (dégustation à la cave).

bannière definition

Définition

AMAP :

Les AMAP sont les Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne. L’idée pour les producteurs est de vendre directement aux consommateurs. Au moyen d’un abonnement annuel, le consommateur peut directement venir chercher un panier de fruits et légumes toutes les semaines ou le récupérer dans un point relais.

Enfin, ces derniers temps, l’agriculture urbaine (pratiques agricoles en ville) se développe. Un fond européen finance déjà des actions dans ce sens car il s’agit d’une agriculture souvent innovante qui utilise moins de pesticides, moins d’eau et d’énergie et qui préserve la biodiversité en ville. À terme, cette agriculture pourrait faire partie de la politique agricole commune.
Le résultat de la PAC depuis 1962 sur les paysages et les territoires cultivés est une agriculture européenne de plus en plus duale : grandes exploitations productivistes d’un côté et exploitations moyennes de l’autre qui doivent trouver des solutions autres que l’agriculture productiviste pour maintenir leur activité.

Conclusion :

En définitive, les politiques européennes transforment profondément les États membres sans que les citoyens s’en rendent toujours bien compte. Il semble bien que les politiques de cohésion et la PAC soient des solutions pour faire face à la concurrence mondiale. La PAC valorise les atouts agricoles et garantit un revenu aux agriculteurs qui vivent souvent dans des conditions difficiles. La politique de cohésion réduit les inégalités entre régions. Elles sont évidemment accompagnées de nombreuses autres politiques harmonisées au niveau européen. Et, comme les autres politiques, beaucoup d’éléments restent à améliorer.