La IVe République : entre décolonisation et construction européenne

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Introduction :

La France libérée de l’occupation allemande et du régime collaborationniste du Maréchal Pétain en 1944 se dote dans les derniers mois de la guerre d’un gouvernement provisoire, rassemblant toutes les composantes politiques de la Résistance. Ensemble, ses membres décident de la mise en place d’un agenda commun, le programme du Conseil national de la Résistance, qui pose les bases d’une société progressiste et pluraliste. L’établissement d’une nouvelle constitution pour fonder une IVe République (1946-1958) est également décidé, permettant de tourner définitivement la page du régime de Vichy. Cependant, le monde de 1945 n’est plus le même qu’avant la guerre et la France doit faire face à de nouveaux défis : celui de la reconstruction d’une Europe de la paix, mais aussi de la gestion de son empire colonial, sujet à de croissantes revendications d’indépendance.

Nous verrons dans ce cours comment la France parvient à se reconstruire avec la fondation d’une nouvelle république, parlementaire et pluraliste, puis comment le pays se confronte aux nouveaux défis de l’après-guerre, tant en ce qui concerne la construction d’un projet d’Europe intégré que des rapports de la métropole avec son empire colonial.

La France de la IVe République

Après la guerre, la France se reconstruit en adoptant une nouvelle Constitution parlementariste. Elle doit lui permettre d’affronter les défis de la reconstruction et de son positionnement dans la guerre froide.

Une Constitution parlementariste

À la Libération, la France se dote d’un gouvernement provisoire rassemblant toutes les composantes politiques de la résistance française. Après avoir établi le programme du Conseil National de la Résistance qui fixait les grandes lignes de la nouvelle France d’après-guerre, le pays se dote d’une Constitution qui doit permettre à la France de se reconstruire avec un nouveau régime politique.
La IVe République, qui naît en 1946, est un régime parlementaire, à l’image de la IIIe République, ce qui veut dire que le pouvoir est détenu par les députés qui forment des gouvernements. Dans ce régime, le président de la République n’a qu’un rôle protocolaire, de représentation, et c’est le Président du Conseil qui assume la conduite de la politique nationale. La Constitution met en place un système bicaméral (avec deux chambres) : le Conseil de la République et l’Assemblée nationale. Le nouveau régime prévoit aussi des élections à la proportionnelle, ce qui favorise la présence de nombreux partis à l’Assemblée nationale, et les oblige à constituer des coalitions pour gouverner.

La formule adoptée par la IVe République favorise certes la pluralité démocratique et la représentativité parlementaire, mais elle entraîne mécaniquement des problèmes d’instabilité gouvernementale, voire d’ingouvernabilité. En effet, dans un système parlementaire élu à la proportionnelle, le défi réside donc dans la constitution des coalitions gouvernementales et leur pérennité. En effet, si un parti membre de la coalition décide d’en sortir, il fera tomber mécaniquement le gouvernement. En cas d’impossibilité de reconstituer un nouveau gouvernement avec la majorité parlementaire, la chambre sera dissoute et on appellera les électeurs à un nouveau scrutin. La France d’après-guerre est confrontée à de nombreux défis inédits pour l’histoire de la France, liés à un changement complet de contexte : la construction européenne, la guerre froide et surtout la décolonisation. Ces questions affaiblissent sans cesse les coalitions qui sont confrontées à la fragmentation parlementaire et aux caprices des différents partis, qui monnayent leurs participations aux gouvernements contre des postes et faveurs. Dans ce système, un parti est particulièrement favorisé et courtisé pour constituer des gouvernements : le parti radical. Se trouvant au centre de l’échiquier politique, il est indispensable pour constituer des gouvernements de droite ou de gauche et parvient donc à imposer son programme et ses prises de positions aux chefs du gouvernement.

La reconstruction et la France du boom d’après-guerre

La IVe République est confrontée au défi de la reconstruction du pays. La France a été massivement bombardée pendant la guerre et de nombreuses infrastructures sont inutilisables. Le programme du CNR fixe un cap et une reconstruction sous l’égide de l’État avec des interventions massives dans des secteurs clés, suivant la politique keynésienne et ce également avec l’adoption du système social de l’État providence. Pourtant, il est difficile de trouver des fonds et du matériel dans le monde d’après-guerre. En 1947, les Américains vont proposer à l’Europe le Plan Marshall, leur plan de reconstruction, pour contrer les ambitions soviétiques sur le continent. Grâce au plan Marshall, la France va bénéficier d’une aide conséquente, financière et matérielle pour remettre sur pieds une économie compétitive et dynamique.

Une rue de Versailles dans les années 1950 - SchoolMouv - Histoire - Terminale Une rue de Versailles dans les années 1950 ©KKB – CC BY-SA 4.0

La reprise économique de la France stimule également la démographie, avec un fort taux de naissance dans l’après-guerre. Ce phénomène, appelé le Baby-boom, accompagne les besoins croissants des ménages et l’adoption progressive de la société de consommation. La croissance démographique est également favorisée par les politiques sociales de l’État providence, qui assurent la stabilité et la sécurité financières des familles. Pour accueillir la croissance des familles et également reloger les personnes qui ont perdu leur domicile pendant la guerre, la France va entreprendre un important plan de construction de logement : la politique des grands ensembles. De grandes cités dortoirs vont alors être créées dans les grandes villes pour accueillir les populations. Elles sont constituées de grandes barres et tours de logements collectifs et modernes.

Le dynamisme économique et démographique de la France est un signe d’optimisme dans la société d’après-guerre et va se prolonger pendant trente ans, dans la période que l’on appelle les Trente Glorieuses (1945-1975).

La France et l’Europe, vers une intégration continentale

Alors que la France se reconstruit, elle souhaite également, après deux guerres mondiales en moins de 30 ans, éloigner le danger d’un futur conflit avec l’Allemagne. Elle va donc œuvrer pour se rapprocher de son voisin. De plus, face aux nouveaux défis de la guerre froide, la France doit se positionner par rapport à ses Alliés d’hier, l’Union soviétique et les États-Unis, qui se font désormais face sur le continent européen.

Repositionner la France

La France de la IVe République se retrouve confrontée à deux défis européens majeurs dans l’après-guerre :

  • comment se situer dans le duel entre les États-Unis et les Soviétiques sur le continent européen ?
  • quels rapports reconstruire avec l’Allemagne ? Après deux guerres mondiales contre le voisin d’outre-Rhin, les Français sont naturellement méfiants vis-à-vis de l’Allemagne, alors occupée par les Alliés. Outre-Rhin, la France reçoit d’ailleurs une zone d’occupation. Méfiants, la plupart des Français et du monde politique de la IVe République a du mal à pardonner à l’Allemagne l’Occupation et les violences perpétrées par les soldats de Hitler pendant la guerre. Cependant, le nouveau contexte géopolitique continental va favoriser le rapprochement entre les deux pays et le pardon national.

Dans toute l’Europe, la rivalité entre Soviétiques et Américains augmente de jour en jour. La France de la IVe République, qui accueille encore des soldats américains sur son sol, penche naturellement pour un rapprochement vers l’allié historique américain, qui aide également le pays à se reconstruire grâce au plan Marshall (1947). La France poursuit cette politique en participant activement à la fondation de l’OTAN en 1949, une alliance militaire entre Américains et Européens. De ce fait, la France choisit clairement le camp occidental dans le cadre de la guerre froide. Face aux Soviétiques, Américains et Britanniques favorisent également un rapprochement entre la France et l’Allemagne, les ennemis traditionnels, étape fondamentale pour construire une Europe de la paix. Le premier ministre britannique Winston Churchill évoque la fondation des États-Unis d’Europe pour rapprocher la France et l’Allemagne, rejoignant les idées proposées par l’italien Altiero Spinelli, qui proposait dès 1943 la refondation d’une Europe fédérale.

La France, représentée par Henri Bonnet fait partie des membres fondateurs de l’OTAN en 1949 - SchoolMouv - Histoire -Terminale La France, représentée par Henri Bonnet fait partie des membres fondateurs de l’OTAN en 1949

La création d’un projet européen

Cette politique de rapprochement européen permet la création du Conseil de l’Europe en 1949 et surtout aboutit à la constitution d’un groupe de 6 pays européens qui souhaite dépasser les rivalités nationales pour créer un projet politique et économique à échelle européenne. Ce groupe, dont font partie la France et l’Allemagne de l’Ouest, permet le rapprochement des deux pays, qui ont tous deux rejoint le camp occidental dans le cadre de la guerre froide. Suivant la stratégie des petits pas, promue par Jean Monnet, les six pays fondateurs (France, Italie, Allemagne de l’Ouest, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg) décident en 1951 de partager leurs ressources de charbon et d’acier en créant la CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier). La création de cet espace est une première pierre pour créer une collaboration plus vaste et étendue à d’autres secteurs. La deuxième étape est la création de la CED, la Communauté européenne de défense, en 1952. Le but est de mettre sur pied une armée européenne, qui comprenne une armée Ouest-allemande reconstituée. Cependant, la Seconde Guerre mondiale est encore dans de nombreux esprits, et réarmer l’Allemagne n’est pas possible pour les gaullistes et les communistes français. En 1954, le Parlement français vote « non » à ce projet. Ce revers rencontré par la CED met un coup d’arrêt à la création d’une réelle Europe fédérale.

Malgré l’échec de la CED, les Six décident d’étendre leur collaboration pour mettre en place un projet intégrant les pays dans un espace qui dépasse les logiques nationales et éloigne ainsi tout spectre de guerre. Cette idée se concrétise avec la signature du traité de Rome, le 25 mars 1957.

La signature du Traité de Rome le 25 mars 1957 crée la CEE - SchoolMouv - Histoire - Terminale La signature du Traité de Rome le 25 mars 1957 crée la CEE

Avec ce traité, les Six s’accordent pour créer la Communauté Économique Européenne (CEE), un espace économique commun entre les six pays, favorisant le libre-échange, et donc des collaborations économiques. La France, pays moteur de ce groupe de pays, trouve dans le projet européen un nouvel espace de coopération et une manière d’enterrer les fantômes du revanchisme et de la rancœur avec l’Allemagne. Cette entente permet aussi de donner de l’air frais aux diplomates français, qui doivent gérer les problèmes coloniaux de la France.

L’empire colonial, facteur de crise

La France de la IVe République se trouve dans une situation compliquée avec son empire colonial. Toujours plus nombreuses, les revendications d’indépendances préoccupent les gouvernements et plongent la République dans une crise institutionnelle.

Les revendications d’indépendance et la crise indochinoise

Pendant la Seconde Guerre mondiale et l’occupation allemande de la France, le gouvernement du général de Gaulle, qui continue la lutte contre Hitler, a reconstitué une armée grâce au soutien des Alliés, mais également grâce à une importante contribution de la part des colonies.

bannière à retenir

À retenir

Les soldats issus des colonies ont ainsi constitué la majorité des Forces françaises libres jusqu’à l’été 1944.

Constatant leur importante contribution à l’issue victorieuse de la guerre, les colonies vont émettre de plus en plus de demandes d’émancipation, allant de demandes d’autonomie à des demandes d’indépendance. Dans la colonie d’Indochine, occupée par les Japonais pendant le conflit, l’indépendantiste communiste Ho Chi Minh proclame dès 1945 l’indépendance du Vietnam, ouvrant la porte de la question coloniale.

La France tente de reprendre la main en Indochine mais est confrontée à la résistance déterminée d’Ho Chi Minh, qui s’appuie sur ses liens privilégiés avec l’URSS et la Chine communiste de Mao Zedong pour se constituer une armée capable de rivaliser avec le corps d’expédition français.

Les troupes vietnamiennes d’Ho Chi Minh victorieuses à la bataille de Dien Bien Phu en 1954 - Histoire - Terminale - SchoolMouv Les troupes vietnamiennes d’Ho Chi Minh brandissent le drapeau de la victoire sur le camp français à la bataille de Dien Bien Phu en 1954

La Guerre d’Indochine (1945-1954) concentre les efforts militaires français dans la région. Les soldats se retrouvent démunis face aux particularités du climat indochinois (chaleur, humidité, mousson) et à l’hostilité d’une partie de la population. Perturbés par la politique coloniale en Indochine, les gouvernements français ne durent jamais bien longtemps et la IVe République est vite plongée dans l’instabilité gouvernementale. En 1954, dans un ultime effort contre les forces d’Ho Chi Minh, la France essuie une humiliante défaite à la bataille de Dien Bien Phu et doit demander des pourparlers avec le rebelle communiste.

guerre d’Indochine

Les négociations débouchent sur le retrait de la France de l’Indochine et la création de quatre États indépendants à la place de l’ancienne colonie (Le Vietnam du Nord, le Vietnam du Sud, le Laos et le Cambodge). Ce recul français dans la politique coloniale ouvre la porte à d’autres revendications d’indépendances sur le continent africain.

L’Algérie, gouffre de la République

En Afrique, les différentes colonies françaises revendiquent le droit à l’autodétermination. Pour répondre à ces revendications, en 1946, la République fonde l’Union française, une organisation rassemblant toutes les colonies françaises dans une entité unique, qui doit permettre de transformer l’empire selon un modèle plus décentré. Cette politique est poursuivie par certains politiques africains, comme Leopold Sedar Sengor, un ministre d’origine sénégalaise qui milite pour la poursuite d’un projet fédéral entre la France et ses colonies. Cependant, la loi-cadre Defferre de 1956, consécutive à la fin de la guerre d’Indochine et de l’échec de l’expédition de Suez (1956) ouvre la voie aux indépendances africaines. L’expédition de Suez, montée conjointement avec les Britanniques et les Israéliens, visait à empêcher la nationalisation du canal de Suez décidée par le président égyptien Nasser, et constitue un véritable échec dans la politique de puissance de la France.

Cet échec renforce les convictions en Algérie qu’une indépendance est possible et proche. Après avoir constaté la réussite de la lutte armée en Indochine, le 1er novembre 1954, le mouvement d’indépendance, le Front de libération nationale (FLN), adopte à son tour une opposition violente contre le colonialisme français. Par le biais d’actions de terrorisme contre les populations et intérêts français en Algérie, le FLN veut pousser le gouvernement à négocier une indépendance du pays. L’Algérie est à l’époque un territoire français divisé en plusieurs départements et géré par le ministère de l’Intérieur, à la différence des autres colonies qui dépendaient soit du ministère des Colonies, soit du ministère des Affaires étrangères pour les protectorats. Considérée comme une colonie de peuplement, l’Algérie accueille depuis le XIXe siècle des colons européens, les Pieds-noirs, qui constituent un dixième de la population. La France, déterminée à conserver sa présence sur le territoire, répond au terrorisme du FLN par des actions de répressions contre la population civile, suspectée de cacher les combattants. Une véritable guerre sale se met en place en Algérie et a des répercussions au plus haut sommet de l’État. Les gouvernements, de plus en plus instables, ne tiennent pas plus de quelques semaines. Le 13 mai 1958, en réaction à des rumeurs de pourparlers avec le FLN, des généraux français en Algérie organisent un coup d’État, le putsch d’Alger, précipitant la chute du régime et l’avènement au pouvoir du général de Gaulle, en retraite depuis 1946.

Guerre Algérie 1954 Carte de la guerre d’Algérie lors de la première offensive du FLN, le 1er novembre 1954

Conclusion :

La France se reconstruit après la guerre grâce à un nouveau régime républicain et démocratique. Le pays rejoint le camp américain et profite du plan Marshall pour reconstruire une économie prospère, tout en opérant une politique de rapprochement avec l’Allemagne. Celle-ci permet à la France de construire un projet politique et économique européen, donnant naissance en 1957 à la CEE. Cependant, confrontée aux revendications d’indépendance de ses colonies, la France perd la guerre d’Indochine et rentre dans la guerre d’Algérie, qui pousse la République dans une crise qui lui est fatale en 1958.