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La participation politique
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Introduction :
La participation politique ne se limite pas à l’action de vote mais peut prendre des formes variées. C’est la notion d’engagement, résultant de la culture politique des individus, qu’il est nécessaire d’appréhender ici. Or, la culture politique est une construction sociale qui dépend de nombreuses variables comme l’éducation, la famille ou le groupe d’appartenance. La participation politique peut alors se manifester par des formes d’engagements qui ne relèvent pas directement de la sphère politique. L’évolution des moyens de communication moderne et la montée de l’individualisme viennent relativiser la place du vote dans la société. Ainsi, nous nous demanderons dans quelle mesure la participation politique évolue au gré des transformations de la société. Pour ce faire, nous étudierons dans une première partie l’influence de la culture politique sur les attitudes politiques, puis nous aborderons la question des répertoires d’action à l’heure actuelle.
L’influence de la culture politique sur les attitudes politiques
La culture politique comme variable sociopsychologique
Culture politique :
Philippe Braud définit la culture politique comme un « ensemble de connaissances et de croyances permettant aux individus de donner sens à l’expérience routinière de leurs rapports aux gouvernants et aux groupes qui leur servent de références identitaires ».
D’après Gabriel Almond et Sidney Verba, cette culture politique (ou culture civique) correspond aux fondements culturels de la démocratie. Ainsi, les auteurs exposent trois dimensions :
La culture politique renvoie donc au rapport psychosociologique des individus vis-à-vis de la sphère politique. L’école joue un rôle de formation des consciences citoyennes et contribue ainsi à vivifier la culture civique.
Cependant pour Bertrand Badie, le concept de culture politique ne peut être séparé d’une culture globale. En effet, la culture politique n’est pas un phénomène homogène, c’est-à-dire uniforme, au niveau national. Il existe de ce fait des sous-cultures politiques et des clivages dont dépendent des comportements politiques.
Comportements politiques :
Ensemble des pratiques sociales et des actes liés à la vie politique.
Les sous-cultures et le clivage politique gauche/droite
L’existence de sous-cultures vient remettre en cause l’homogénéité du concept de culture politique puisque différents courants de pensée coexistent au sein d’une même société. Bien souvent, ces sous-cultures sont issues des mutations socio-économiques qui traversent la société.
Par exemple, dans le cas des événements de mai 1968, les contestations sociales localisées, comme les mouvements étudiants de la Sorbonne ou les grèves chez Renault, se sont agrégées en un mouvement de défiance généralisée, et la jeunesse a su s’imposer comme une réalité sociale et politique à part entière.
POUR ALLER PLUS LOIN
Le clivage politique est une constante de la vie politique française. Marc Crapez souligne que celui-ci trouve ses origines historiques sous l’Assemblée constituante (1789-1791). Les députés favorables au véto royal, représentant la noblesse et le clergé, se plaçaient à la droite de l’Assemblée. Les opposants à ce véto, représentant majoritairement le tiers-état, se plaçaient à gauche.
Depuis, cette distinction s’est cristallisée autour des grands clivages sociaux, culturels et économiques. On peut notamment mentionner l’affaire Dreyfus, qui a littéralement fracturée la société entre une droite catholique antidreyfusarde et une gauche prodreyfusarde à la fin du XIXe siècle. Plus récemment, le choix du mode de scrutin majoritaire pour l’élection présidentielle a contribué à promouvoir une polarisation de la vie politique entre les grands partis dits de « droite » (les républicains) et de « gauche » (les socialistes).
Étienne Schweisguth et Gérard Grünberg expliquent cette dichotomie gauche/droite à partir d’une distinction entre le libéralisme économique et le libéralisme culturel.
Libéralisme culturel :
Le libéralisme culturel donne le primat à la tolérance, l’épanouissement et les libertés individuelles.
La gauche serait donc plutôt assimilée au libéralisme culturel en raison de son progressisme et sa volonté de libéraliser les mœurs. On peut penser ici à la reconnaissance du mariage pour tous en 2013 sous la présidence de François Hollande. La droite, elle, serait davantage assimilée au libéralisme économique.
Libéralisme économique :
Le libéralisme économique prône une moindre intervention de l’État dans l’économie, et le primat du marché.
Ce clivage gauche/droite connaît un contexte évolutif qui appelle à une certaine prudence. La vie politique, les enjeux sécuritaires et le contexte économique invitent à une analyse plus complexe qu’une simple vision binaire. Nous pouvons souligner le débat récent sur la déchéance de nationalité, ravivé après les attentats du 13 novembre par le gouvernement socialiste. Cette thématique avait déjà fait polémique sous l’ancienne présidence de droite, avec le discours de Grenoble du 30 juillet 2010 de Nicolas Sarkozy.
Il est très fréquent que des individus ou des partis politiques empruntent simultanément des positionnements de droite et de gauche selon les sujets. Cela rend le clivage traditionnel plus difficile à appréhender.
Socialisation politique et identification partisane
Socialisation :
La socialisation est un processus par lequel les individus apprennent et intériorisent les règles de vie commune de la société à laquelle ils appartiennent.
Socialisation politique :
Ensemble des mécanismes et des processus de formation et de transformation de représentations, d’opinions et d’attitudes politiques.
Socialisation primaire :
Socialisation effectuée dans l’enfance.
L’université du Michigan insiste sur le rôle prépondérant de la socialisation primaire : les enfants hériteraient des préférences partisanes de leurs parents. D’après les travaux d’Annick Percheron, cette reproduction partisane doit cependant être nuancée. Anne Muxel propose ainsi une différence entre les « affiliés » (c’est-à-dire les individus qui reproduisent les préférences parentales) et les « désaffiliés » (c’est-à-dire les individus qui s’en écartent).
La socialisation primaire peut être considérée comme un phénomène équivoque, mais l’identification partisane est également une construction sociale. La trajectoire socioprofessionnelle des individus, leur intérêt personnel pour la politique ou l’engagement dans des structures syndicales, associatives ou même dans des comités d’établissement scolaire peut orienter les choix politiques des individus.
L’identification partisane qui en découle pourrait se caractériser selon le degré d’implication du citoyen.
L'identification partisane
Les répertoires d’action politique aujourd’hui
Les répertoires d’action collective comme grille d’analyse
La question des stratégies et des formes concrètes d’action utilisées par les groupes pour défendre leurs revendications est au cœur de l’analyse politique.
Répertoire d’action collective :
Le répertoire d’action collective, d’après Charles Tilly, est l’ensemble des moyens auxquels peut avoir recours un acteur pour se faire entendre dans un milieu donné. Il permet de définir l’éventail des choix stratégiques à la disposition d’un groupe mobilisé, à un moment donné en fonction de ses moyens et de ses besoins.
Il existe des actions conventionnelles, c’est-à-dire légales et institutionnalisées comme le vote, mais aussi des actions non conventionnelles, fondées sur la protestation et des actions plus ou moins légales.
Le panel de ces choix stratégiques s’analyse dans une perspective historique. L’évolution historique de ces répertoires d’action est liée à l’évolution technologique. Il n’existerait par exemple pas de pétitions électroniques sans l’invention d’internet. Cependant, les méthodes utilisées par les groupes sociaux ne cessent de se renouveler.
La participation politique conventionnelle
Le vote est un répertoire d’action conventionnel car légal et institutionnalisé. L’échéance électorale est ritualisée : les individus répètent des gestes et des comportements à cette occasion. Le rythme du calendrier politique, qui s’étend de la campagne électorale jusqu’à la convocation aux urnes, renforce la dimension collective du vote. Mais il est important de noter que le vote peut être protestataire. C’est le cas du « vote sanction ». Ce dernier permet au citoyen d’exprimer son mécontentement envers un candidat qui n’aurait pas satisfait à ses engagements.
Le vote a une dimension symbolique très forte puisqu’il traduit l’adhésion des citoyens à un système politique démocratique. Le peuple délègue une part de sa souveraineté à ses dirigeants, mais ces dirigeants restent sous le contrôle de ceux qui les ont élus. Ainsi, le système démocratique semble s’autoréguler par le vote. Parce qu’il canalise les revendications des citoyens, le vote constitue l’un des fondements de l’État de droit.
Norbert Elias conçoit le principe de parlementarisation comme un vecteur de pacification de la société. Ainsi, c’est parce que les contestations respectent les règles de droit que l’ordre politique se substitue à la violence collective.
Manifestation :
La manifestation se définit comme un « déplacement collectif organisé sur la voie publique aux fins de produire un effet politique par l’expression pacifique d’une opinion ou d’une revendication ».
Si elle fait partie du répertoire d’action politique moderne, son histoire a été marquée par la méfiance qu’elle a suscitée auprès des dirigeants politiques. On peut notamment prendre l’exemple du mouvement des vignerons dans le sud de la France en 1907 ou encore de la grève ouvrière de Villeneuve-Saint-Georges de 1908. Ces événements ont pris la forme de mouvements sociaux de masse qui ont été violemment réprimés par les forces de l’ordre, faisant plusieurs morts. Ces répressions s’étant déroulées sous la présidence du conseil de Georges Clemenceau, elles ont contribué à sa réputation controversée de « briseur de grève ».
À l’époque, la manifestation était vue par le pouvoir comme dangereuse pour l’ordre social. Tout au long du XXe siècle, sous l’effet conjoint des organisations syndicales et du pouvoir politique, la manifestation s’est institutionnalisée et est devenue de plus en plus codifiée.
Charles Tilly distingue le répertoire d’action « ancien » et « moderne ». Ce dernier déploie des formes d’action spécialement conçues pour exprimer les protestations. C’est dans ce cadre que la manifestation s’est imposée comme une constante du répertoire d’action moderne.
Les répertoires d’action et l’engagement aujourd’hui
La participation non conventionnelle peut prendre plusieurs aspects qui oscillent entre le légal et l’illégal, le pacifique et le violent. Alain Touraine expose le concept de nouveaux mouvements sociaux (NMS) observant une transformation de l’action collective des pays industrialisés à la fin des années 1960, et dont mai 68 est l’illustration.
Ces mouvements sont fortement hétérogènes mais mettent tous en avant des revendications post-matérialistes.
Les actions collectives telles que la grève ou les manifestations du début du XXe siècle portaient, elles, sur des revendications matérielles relatives aux conditions de vie (par exemple les congés payés). Aujourd’hui, elles portent sur l’amélioration du niveau de vie, l’évolution des mœurs, l’internationalisation des causes, etc. Ces revendications post-matérialistes peuvent être illustrées par la cause écologique, féministe ou encore le mouvement LGBT (lesbien, gay, bisexuel et transsexuel).
Les NMS ont la particularité de se placer en dehors du système politique. Ils conduisent à une récupération de la sphère publique par la société civile. Ils organisent de nouvelles formes de protestation, dont l’impact médiatique est généré non plus par une forte mobilisation, mais par des actions fortement symboliques : sit-in, occupations de locaux, séquestrations de dirigeants, grèves de la faim, marches solidaires, et plus récemment, mouvements de soutien sur les réseaux sociaux comme la reprise du « Je suis Charlie ».
Le film de Morgan Spurlock, Super Size Me (2004), met en scène un américain qui se lance le défi de manger chez McDonald’s pendant un mois, matin, midi et soir, au péril de sa vie. La dénonciation de la mauvaise alimentation entre parfaitement dans le champ de ces nouveaux mouvements sociaux : nous sommes ici dans le cadre d’une revendication qualitative.
Par ailleurs, le documentaire Une vérité qui dérange (2006) de Davis Guggenheim a porté à l’écran la thématique du réchauffement climatique. Il est basé en grande partie sur une présentation réalisée sur le sujet par l’ancien vice-président américain Al-Gore. Ainsi, le cinéma devient un répertoire d’action moderne pour sensibiliser l’opinion publique.
Le 18 mars 2014, l’association Greenpeace s’introduit dans une centrale nucléaire. L’acte est judiciairement condamné, mais Greenpeace bénéficie d’une forte résonnance médiatique.
En février 2013, Serge Charney s’était retranché plusieurs jours sur une grue pour réclamer le droit de voir son enfant. Une fois encore, les porteurs de revendications organisent des actions individuelles à forte portée symbolique.
Ronald Inglehart souligne que les revendications sont de plus en plus qualitatives, portant désormais sur l’autonomie et la participation à la vie politique. Ces transformations des répertoires d’actions’observent à travers 3 évolutions.
Conclusion :
Les comportements politiques reflètent la culture politique des groupes sociaux. Cependant, la culture politique n’est pas un ensemble homogène. Il existe au sein d’une société des sous-cultures qui peuvent expliquer en partie le clivage gauche/droite depuis la Révolution française. La construction de cette culture politique peut s’expliquer à travers la socialisation primaire ou secondaire de l’individu. Mais l’évolution de cette culture politique a conduit à une mutation de l’engagement et des formes de contestation. Les individus ont à leur disposition des répertoires d’action dont l’évolution suit les transformations des mouvements sociaux. L’individualisation croissante, la juridicisation des conflits et l’anti-professionnalisation de l’engagement constituent les trois grands axes de ce renouvellement de la participation politique.