La participation politique (suite)

Introduction :

L’acte de vote est un droit démocratique par lequel le citoyen délègue une part de sa souveraineté à un dirigeant. Aussi, la compétition politique consiste, pour un candidat, à susciter l’adhésion des électeurs. Pour cela, les acteurs politiques ont développé de nouvelles techniques pour chercher à anticiper, dans la mesure du possible, les comportements électoraux. La participation effective ou la non-participation font l’objet de nombreux commentaires. Il s’agit donc de comprendre la signification des comportements électoraux et leurs déterminants.

Nous allons étudier dans une première partie la participation et l’abstention électorales. Nous aborderons ensuite les théories explicatives du vote, puis la question de la communication en politique dans une troisième partie.

Participation et abstention électorales

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Définition

Participation :

La participation mesure le nombre de citoyens qui votent par rapport au nombre de citoyens inscrits sur les listes électorales.

L’article 3 de la Constitution de 1958 considère comme électeurs « tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques ». La loi du 10 novembre 1997 dispose que les jeunes ayant 18 ans lors d’une année électorale sont automatiquement inscrits sur les listes. À titre indicatif, le taux de non-inscription est estimé à environ 10 % ce qui signifie qu’un français sur 10, en âge et en droit d’être électeur ne l’est pas en raison d’une non-inscription.

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À retenir

Aujourd’hui, on peut noter que le sens du vote est en train de changer. Il n’est plus considéré comme un devoir impératif du citoyen, mais davantage comme un droit que l’on exerce si l’on en saisit l’intérêt.

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Attention

Être électeur ne signifie pas nécessairement voter. Les comportements d’abstention suscitent de nombreux débats d’interprétation en science politique.

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Définition

Abstention :

L’abstention mesure la proportion de citoyens qui ne vont pas voter alors qu’ils sont inscrits sur les listes électorales. Ainsi, une abstention ne signifie pas nécessairement une passivité du citoyen, lequel peut être engagé dans des actions militantes ou associatives.

Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer l’abstention.

  • Alain Lancelot, dans son ouvrage L’Abstentionnisme électoral en France, apporte une première explication relative au défaut d’intégration social.
  • Daniel Gaxie ou Pierre Bourdieu ont, quant à eux, considéré l’abstention comme la manifestation d’un sentiment subjectif d’incompétence à comprendre les débats et les enjeux politiques. L’autocensure des individus pourrait donc expliquer des comportements abstentionnistes.
  • Cependant, il existe également une abstention conjoncturelle, liée à des modalités politiques. Moins un individu se sent concerné par le niveau de l’élection ou par sa complexité (par exemple les élections européennes), plus l’abstention a de chances d’être forte. Enfin, l’intensité de la compétition politique, le mode de scrutin ou l’offre des candidats sont autant de variables qui peuvent influencer le taux d’abstention.

Le comportement électoral : contextualisé ou individualisé ?

La théorie de « l’électorat du granit »

André Siegfried publie en 1913 son Tableau politique de la France de l’Ouest sous la Troisième République, qui constitue le fondement de l’analyse des comportements électoraux. Il part d’une dimension géographique et constate que certaines zones votent durablement à droite et d’autres à gauche. La géologie du sol influence l’habitat, qui détermine les modalités du régime de propriété. Or ces modalités pèsent sur l’orientation électorale. On peut retenir la formule « le calcaire vote à gauche, le granit vote à droite ». Il souligne également le rôle de la structure sociale et de la religion catholique dans la formation des comportements électoraux.

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Attention

Cette théorie ne vaut que dans les microsociétés rurales enclavées de la seconde moitié du XIXe siècle.

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À retenir

Ce qu’il faut retenir pour autant, c’est que Siegfried invite les politistes à ne pas analyser le vote qu’à travers des variables politiques. Le contexte, ici géographique, peut être déterminant pour expliquer les comportements électoraux.

« Les gens votent en groupe »

Paul Lazarsfeld démontre dans son ouvrage, The People’s Choice, que les individus tendent à se comporter et à voter comme on se comporte et on vote dans leur groupe d’appartenance. Ainsi, connaître les groupes sociaux auxquels les individus appartiennent permettrait de prédire leur vote. La campagne électorale n’aurait qu’une influence limitée sur les individus puisqu’ils seraient davantage influencés par leurs groupes de socialisation comme la famille ou les cercles d’amis.

L'influence du groupe sur l'électeur ses terminale L'influence du groupe sur l'électeur

L’école de Columbia avance l’idée de variables lourdes, car les déterminants sociaux, comme le statut socioprofessionnel ou la pratique religieuse, pèsent fortement sur les comportements de vote. C’est la fameuse conclusion sur le fait que « les gens pensent politiquement comme ils sont socialement ».

Herbert Tingsten met en évidence une forte corrélation entre le poids sociologique des ouvriers et l’importance du vote socialiste en Suède. Il souligne un effet de contexte puisque dans les régions peu densément ouvrières, le vote socialiste est plus faible. L’un des déterminants du comportement électoral reposerait sur ce que Robert Alford appelle le « vote de classe ».

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Attention

Ces résultats n’ont pas de valeur absolue et n’expliquent pas à eux seuls l’ensemble des comportements électoraux.

Le vote sur enjeu et l’électeur rationnel

La théorie du vote sur enjeu part de l’hypothèse que l’électeur est rationnel, c’est-à-dire qu’il va toujours agir en cherchant à maximiser son utilité, selon un calcul « coût/avantage ». Le vote s’expliquerait donc par un comportement utilitariste.

  • L’électeur ne vote pas selon son appartenance à un groupe social et son vote n’est pas déterminé par son environnement.

Il va plutôt opter pour une démarche pragmatique et faire son « marché » électoral. Ainsi, les déterminants du vote vont être les thématiques abordées pendant la campagne comme le chômage, l’insécurité ou l’emploi. L’électeur rationnel va être capable d’ordonner ses préférences, qui peuvent d’ailleurs changer d’une élection à l’autre. Cette théorie du vote sur enjeu explique notamment la volatilité électorale.

Mais si l’on pousse cette théorie de l’électeur rationnel à son terme, celui-ci serait alors incité à ne pas voter : en effet, le « coût » du vote (en matière de temps, de déplacement et de lecture des programmes) ne sera probablement pas compensé par le « bénéfice » personnel retiré de la victoire de son candidat. Une fois encore, cette théorie du vote se trouve limitée.

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Astuce

MÉTHODOLOGIE

Il est important de nuancer son propos dans une copie. Chaque théorie présente des avantages certes, mais également des inconvénients, si bien qu’aucune vérité absolue ne peut être dégagée.

Communication politique et influence des médias

La communication politique s’est professionnalisée depuis les années 1960. Le discours, l’image, voire le « spectacle » en politique ont fait l’objet de nombreux commentaires. On peut par exemple citer Guy Debord et La Société du spectacle, Régis Debray et L’État séducteur ou encore Jean Baudrillard et La société de consommation.

La communication politique vise, pour le pouvoir, à se donner à voir, et constitue généralement un ensemble de stratégies à destination des médias. Les sondages deviennent des baromètres d’opinion qui permettent de mesurer les effets de ces stratégies.

Ainsi, le pouvoir politique et la sphère médiatique paraissent irrémédiablement liés. Ces derniers jouent un rôle de relai pour les citoyens en diffusant les déclarations, les cérémonies ou les allocutions télévisées. Il est donc nécessaire de comprendre quelle influence ont les médias, à la fois sur les dirigeants politiques et sur l’opinion.

Certaines théories avancent l’idée d’une influence importante vis-à-vis de la politique. La couverture médiatique des élections permettrait d’attirer l’attention des spectateurs et des responsables politiques sur un enjeu précis. C’était ainsi le cas de la thématique de l’insécurité lors de la campagne présidentielle de 2002.

Cependant, Lazarsfeld nuance ce postulat grâce à sa théorie des « effets limités ». Selon cette étude, les médias n’auraient que peu d’emprise sur le vote des électeurs. Ce sont davantage les leaders d’opinion qui influenceraient l’orientation des convictions des électeurs. Ils agiraient comme un filtre entre l’émetteur (les médias) et les récepteurs (individus).

  • On parle dans ce cas d’une communication à deux étages.

La communication à deux étages les leaders d'opinion ses terminale La communication à deux étages

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Définition

Leaders d’opinion :

Les leaders d’opinion sont des individus qui, grâce à leur notoriété, leur expertise ou leur place dans un groupe, sont susceptibles d’influencer les opinions d’un grand nombre d’électeurs.

La nature des médias joue également un rôle non négligeable sur la réception. Marshall McLuhan fait une distinction entre les médias chauds (comme la télévision) et les médias froids (comme les journaux papier).

  • La télévision, qui fait partie des médias chauds, fonctionnerait sur le mode de l’instantané, cherchant à susciter l’émotion par les images au détriment de la distance critique.
  • Les médias froids comme les journaux appellent à davantage de rationalité, à une lecture plus critique.

Médias chauds et médias froids ses terminale

Cela fait écho à l’analyse de Pierre Bourdieu sur la télévision. D’après lui, le format réduit des émissions, les contraintes d’audience et d’antennes déformeraient de facto la réalité. L’agenda médiatique façonnerait donc une forme de représentation de la réalité, au risque de porter confusion entre le réel et sa représentation. Ces quelques exemples peuvent permettre de comprendre en quoi la communication est devenue un enjeu considérable pour les politiques.

Conclusion :

La sociologie politique offre plusieurs modèles d’explication du comportement électoral. L’approche déterministe insiste sur le poids du contexte social pour expliquer les comportements électoraux. L’approche par « choix individuels » démontre a contrario que l’individu est davantage maître de son choix. Doué de rationalité, son choix serait le résultat d’un calcul coût/avantage.

Cette diversité des approches révèle la complexité du comportement électoral. La participation ou l’abstention se comprennent ainsi dans un contexte plus général d’individualisation, de montée en puissance du rôle de la communication et d’évolution de l’engagement politique.