Semaine 5 - La poésie du XIXe au XXIe siècle
Les grandes évolutions poétiques des XIXe et XXe siècles
Les grandes évolutions poétiques des XIXe et XXe siècles
À partir du XIXᵉ siècle, la poésie connaît de profondes mutations. Elle s’émancipe des règles classiques (formes fixes, langage noble) pour explorer de nouvelles formes, de nouveaux sujets et une nouvelle vision du monde. Les poètes remettent en cause leur rôle, leur langage, et la fonction même de la poésie.
La poésie devient un outil d’expression individuelle, un moyen d’explorer l’inconscient, de dénoncer les injustices, de rendre compte du réel, ou encore de célébrer la beauté pure.
N’hésite pas à consulter les fiches sur les mouvements littéraires de cette période :
Le renouvellement des thèmes
Le renouvellement des thèmes
- XIXᵉ siècle : les poètes conservent les sujets traditionnels (amour, mort, temps), mais ouvrent la poésie à des thèmes marginaux ou du quotidiens.
- **Victor Hugo défend les êtres rejetés (J’aime l’araignée), et Baudelaire explore la laideur, le vice et le tabou dans Les Fleurs du mal, au point d’être censuré en 1857.
- La modernité devient un objet poétique : Baudelaire la met en tension avec l’éternel, tandis qu’Apollinaire l’embrasse pleinement (Zone).
- XXᵉ siècle : Francis Ponge célèbre les objets banals (Le cageot, La bougie), inscrivant définitivement le réel ordinaire au cœur de la poésie.
« Rappelez-vous l’objet que nous vîmes, mon âme […] une charogne infâme »
Baudelaire, Les Fleurs du mal
« Tu lis les prospectus, les catalogues, les affiches qui chantent tout haut »
Apollinaire, Zone
Le renouvellement du lexique et des images
Le renouvellement du lexique et des images
- XIXᵉ siècle : la poésie s’ouvre à un vocabulaire plus large, incluant des mots issus du quotidien, du vulgaire ou du sordide.
- Certains poètes, comme Cendrars, créent même des néologismes pour exprimer le bruit, le mouvement ou l’étrangeté.
- Les symbolistes développent une écriture fondée sur les synesthésies, mêlant les sensations pour traduire des réalités invisibles (Correspondances de Baudelaire, Voyelles de Rimbaud).
- Les surréalistes libèrent le langage à travers le rêve et l’inconscient, faisant naître des images insolites et déroutantes que la logique rejette.
« Le monde s’étire, s’allonge et se retire comme un accordéon »
Cendrars, Prose du Transsibérien
Le renouvellement des formes
Le renouvellement des formes
- Jusqu’au XIXᵉ siècle : la poésie repose sur des formes fixes et codifiées (sonnet, ballade, rondeau), valorisant l’esthétique et la rigueur formelle.
- Avec les romantiques puis les symbolistes, les poètes s’en émancipent : ils adoptent des vers libres, parfois impairs, et rompent avec les structures traditionnelles.
- Cette libération conduit à la poésie en prose (Baudelaire, Spleen de Paris), plus souple et ancrée dans le quotidien.
- Le poème intègre aussi des éléments d’oralité (Verlaine, Cendrars), et prend une dimension visuelle dans les calligrammes d’Apollinaire, devenant parfois véritable dessin poétique.
Le rôle du poète dans la société
Le rôle du poète dans la société
Le poète révélateur
Le poète révélateur
- À partir du XIXᵉ siècle, les poètes adoptent un regard neuf sur le monde, qu’ils veulent retranscrire à travers une poésie ouverte, libre et révélatrice.
- Pour Rimbaud, le poète doit devenir un « voyant », explorer tous les états de conscience pour dévoiler ce qui échappe à la perception ordinaire.
« Je dis qu’il faut être voyant, se faire voyant. »
Lettre à Paul Demeny, 1871
- Le poète devient explorateur de l’invisible, transmetteur d’une vérité intérieure. Cette conception influencera les symbolistes.
- Baudelaire, dans Correspondances, conçoit le monde comme une forêt de symboles, que le poète seul peut déchiffrer.
- Les surréalistes, héritiers des symbolistes, voient dans l’inconscient le véritable lieu de création poétique. La poésie devient alors une voie d’accès à une forme de connaissance non rationnelle.
Le poète engagé
Le poète engagé
- Si beaucoup de romantiques se concentrent sur l’expression du moi, certains s’engagent politiquement par la poésie.
- Victor Hugo utilise sa poésie comme arme contre l’injustice : dans Les Châtiments (1853), il dénonce le coup d’État de Napoléon III et défend le peuple (« Napoléon le Petit », écrit-il pour le distinguer de son oncle glorieux).
- Alphonse de Lamartine, homme politique actif, met ses idées humanistes en vers dans Contre la peine de mort (1830).
- Au XXᵉ siècle, de nombreux poètes participent à la Résistance littéraire contre l’Occupation nazie :
- Éluard écrit Liberté (1942), texte symbolique parachuté au-dessus de la France.
- René Char, Robert Desnos, Louis Aragon, Marianne Cohn mêlent engagement politique et puissance poétique.
- D’autres dénoncent le colonialisme et les discriminations raciales :
- Les poètes de la Négritude (Senghor, Césaire, Damas, Depestre) célèbrent les cultures noires et revendiquent l’égalité.
« J’écris ton nom : Liberté »
Paul Éluard, Liberté
« Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche »
Aimé Césaire, Cahier d’un retour au pays natal