La science, source de désillusion et d’inquiétudes

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Introduction :

La science est capable de tant de choses qu’elle fascine autant qu’elle inquiète. En littérature, elle tient une place de choix, notamment dans la science-fiction. Les progrès scientifiques peuvent être remis en question, interrogés par les romans de science-fiction.

Nous verrons dans un premier temps que la science peut donner naissance à l’horreur, puis nous verrons que la science et ses dérives peuvent menacer la société.

La science, créatrice de l’horreur

Les progrès de la science semblent n’avoir aucune limite, mais on doit se poser la question importante de l’éthique.

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Définition

Éthique :

L’éthique est l’ensemble des principes moraux qui déterminent une conduite.

Ce n’est pas parce que l’Homme a les moyens techniques de réaliser quelque chose qu’il doit le faire.

On peut prendre pour exemple le roman Frankenstein ou le Prométhée moderne. Mary Shelley publie d’abord anonymement Frankenstein ou le Prométhée moderne en 1818. Ce roman fait partie du courant de la littérature gothique.

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Définition

Roman gothique :

Le roman gothique est un genre littéraire né en Grande-Bretagne au milieu du XVIIIe siècle qui met en scène des châteaux, des ruines, des vampires, des démons, etc. Les romans gothiques se caractérisent par une ambiance sinistre.

Mary Shelley raconte les aventures du professeur Frankenstein, un passionné de sciences. Le professeur réussit, après des jours et des nuits de travail, à créer une créature presque humaine.

Boris Karloff en monstre de Frankenstein pour le film La mariée de Frankenstein, 1935 Boris Karloff en monstre de Frankenstein pour le film La fiancée de Frankenstein, 1935

Dans l’extrait suivant, la créature s’éveille.

« Ce fut pendant une triste nuit de novembre que je contemplais le résultat de mon labeur1. […] La pluie fouettait lugubrement2 les carreaux quand, à la lumière à moitié éteinte de ma bougie, je vis s’ouvrir les yeux jaunes et mornes3 de la créature. Elle respira profondément et un mouvement convulsif agita ses membres.

Comment décrire mon émotion devant cette catastrophe et dépeindre le misérable que j’avais réussi à créer après tant de soins. Ses membres étaient à sa taille et j’avais essayé de le rendre beau. Beau ! Mon dieu ! … Sa peau jaune recouvrait à peine ses muscles et ses veines. Ses cheveux étaient pourtant abondants et d’un noir brillant. Ses dents étaient blanches comme des perles, mais ces splendeurs contrastaient d’une façon plus horrible encore avec ses yeux larmoyants et sans couleur, son visage ridé, le trait noir qui formait ses lèvres. J’avais travaillé durement pendant presque deux ans dans le seul but de donner la vie à un corps inanimé. Je m’étais privé de repos et de soins. Je l’avais désiré avec une ardeur4 sans borne, mais maintenant que c’était fini, la beauté du rêve s’évanouissait. Mon cœur se remplit de dégoût et d’une horreur indicible. Ne pouvant supporter la vue de l’être que j’avais créé je me précipitai hors de la pièce et pendant longtemps je marchai de long en large dans ma chambre sans pouvoir me calmer. »

1 Le labeur désigne le travail.
2 L’adverbe « lugubrement » signifie de manière triste et effrayante à la fois.
3 L’adjectif morne signifie triste.
4 L’ardeur est l’acharnement, l’énergie que l’on met à réaliser quelque chose.

Une réussite scientifique

La création d’un être vivant est une véritable prouesse scientifique.

Cet exploit, souligné par le savant lui-même avec l’expression « j’avais réussi à créer », est le fruit d’un travail acharné. Frankenstein évoque en effet son « labeur » et l’expression « après tant de soins » indique les efforts qu’il a dû fournir. Il parle également des sacrifices qu’il a du faire : « Je m’étais privé de repos et de soins », « j’avais travaillé durement pendant presque deux ans dans le seul but de donner la vie à un corps inanimé ».

Enfin, le fruit de son travail s’est éveillé, mais au lieu de ressentir de la fierté il est effrayé.

Une créature effrayante

Une fois la créature éveillée, le scientifique semble prendre conscience de ce qu’il a fait. C’est comme si sa conscience morale s’était éveillée en même temps que sa créature. On peut penser que, pris dans l’enthousiasme et l’excitation d’un projet scientifique d’une telle envergure, il n’avait pas réfléchi aux conséquences jusque là.

Le contexte de la découverte du monstre est lui-même effrayant et crée une ambiance angoissante. Il s’agit d’une « triste nuit de novembre », « la pluie fouett[e] lugubrement les carreaux » et l’éclairage se fait à la bougie si bien que la lumière est « à moitié éteinte ».

Le narrateur fait ensuite un portrait effrayant de la créature. Elle a des « yeux jaunes et mornes », sa « peau jaune » ne cache pas bien « ses muscles et ses veines », et elle est qualifiée de « catastrophe » et de « misérable ».

Elle possède toutefois des atouts puisque ses cheveux sont « abondants et d’un noir brillant » et ses « dents […] blanches comme des perles ». Cependant, cela ne fait que renforcer l’aspect terrifiant de la créature puisque cela « contrast[e] d’une façon plus horrible encore avec ses yeux larmoyants et sans couleur, son visage ridé, le trait noir qui formait ses lèvres ».

Enfin, la seule action décrite est un « mouvement convulsif ». Cette action incontrôlée, qui rappelle la maladie, accentue l’ambiance angoissante de cette scène.

Le désarroi du savant

La description de la créature est faite d’un point de vue interne. On peut le constater grâce à l’emploi de la première personne avec les pronoms personnels « je » et « me » ainsi que le pronom possessif « mon ».

  • Ainsi, le lecteur a accès aux émotions du savant, on connait son sentiment à la vue de sa créature.

La tournure interrogative « comment décrire mon émotion devant cette catastrophe » montre le désarroi du savant. La métaphore « mon cœur se remplit de dégoût et d’une horreur indicible » décrit elle aussi les émotions du narrateur. Il est tellement choqué par la vision de ce qu’il a créé qu’il ne peut plus regarder la créature et doit s’isoler.

Il fait les cents pas pour se « calmer ». Le fait de marcher « de long en large » dans la chambre révèle l’état d’anxiété dans lequel se trouve le scientifique.

Enfin, le désespoir du savant est exprimé par l’interjection « Mon Dieu ! » et l’exclamation « Beau ! » qui est ici une antiphrase.

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Définition

Interjection :

Une interjection est une exclamation invariable destinée à exprimer l’émotion de celui qui la prononce.

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Définition

Antiphrase :

Une antiphrase est une figure de style qui consiste à employer un mot, une expression ou une phrase pour faire comprendre le contraire de ce que l'on dit.

Ainsi, le savant ne trouve pas réellement sa créature belle : c’est même tout le contraire.

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À retenir

Après avoir réalisé son rêve, le savant prend conscience de ce qu'il a créé et regrette son acte.

Les dérives de la science dans la société

Le Meilleur des mondes est un roman d’anticipation dystopique d’Aldous Huxley, paru en 1932.

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Définition

Roman d’anticipation :

Un roman d’anticipation est un roman dont l’intrigue se déroule dans le futur.

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Définition

Dystopie :

Une dystopie est un récit qui décrit un monde effrayant afin de dénoncer vers quelles extrémités certains comportements pourraient conduire notre société.

Aldous Huxley décrit dans son roman une société entièrement dirigée par la science.

Le hasard de la nature y est éliminé et les individus sont sélectionnés et conditionnés avant même leur naissance.

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Définition

Conditionner :

« Conditionner » signifie influencer fortement le comportement et les actions d'une personne ou d'un groupe, généralement sans qu’il ne s’en rende compte.

Les individus sont classés selon des catégories, il est ici question des Gammas, des Deltas et des Epsilons. Ainsi, les bébés Deltas ont été conditionnés afin de ressentir une répulsion à l’égard des livres et des fleurs.

Dans l’extrait suivant, le directeur du centre d’incubation et de conditionnement explique à un groupe d’étudiants les manipulations génétiques qu’il réalise.

« Pourquoi se donner la peine de rendre psychologiquement impossible aux Deltas l’amour des fleurs ?
Patiemment, le D.I.C.1 donna des explications. Si l’on faisait en sorte que les enfants se missent à hurler à la vue d’une rose, c’était pour des raisons de haute politique économique. Il n’y a pas si longtemps (voilà un siècle environ), on avait conditionné les Gammas, les Deltas, voire les Epsilons, à aimer les fleurs – les fleurs en particulier et la nature sauvage en général.
Le but visé, c’était de faire naître en eux le désir d’aller à la campagne chaque fois que l’occasion s’en présentait, et de les obliger ainsi à consommer du transport.
– Et ne consommaient-ils pas de transport ? demanda l’étudiant.
– Si, et même en assez grande quantité, répondit le D.I.C., mais rien de plus. Les primevères2 et les paysages, fit-il observer, ont un défaut grave : ils sont gratuits. L’amour de la nature ne fournit de travail à nulle usine. On décida d’abolir3 l’amour de la nature […]. »

1 Le D.I.C. est le directeur du centre d’incubation et de conditionnement.
2 Les primevères sont des fleurs sauvages.
3 Abolir signifie supprimer, arrêter.

Le conditionnement des êtres

Les individus sont contrôlés grâce à la science. On remarque le champ lexical du conditionnement avec les termes « conditionnés », « faire en sorte », « les obliger à » ou encore « faire naître le désir de ».

À travers le dialogue entre le directeur et l’étudiant, le lecteur est informé des raisons de cette manipulation : il s’agit de « raisons de haute politique économique ».

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À retenir

Ce conditionnement prive les hommes de leur liberté puisqu’ils n’agissent plus que par réflexes.

Ainsi, on peut les conditionner à aimer les fleurs ou non, et cela à différents degrés. Les enfants Deltas se mettent désormais « à hurler à la vue d’une rose ». Ce simple fait nous parait absurde en tant que lecteur.

Le but de ce conditionnement est économique : les dirigeants souhaitent pousser les hommes à la consommation.

  • Dans un premier temps, ils les ont conditionnés à aimer la nature afin de les pousser à utiliser les moyens de transport payants pour se rendre à la campagne.
  • Mais lorsqu’ils ont compris que la nature était gratuite et qu’ils ne gagnaient pas assez d’argent, ils les ont conditionné, au contraire, à détester la nature.
  • Les hommes ne sont donc que des pantins entre les mains des dirigeants et des scientifiques.

Cette société s’appuie sur la science : tout y est calculé, même les goûts.

L’inversion des valeurs

La logique économique poussée à son extrême conduit à des aberrations.

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Définition

Aberration :

Une aberration est une erreur de jugement, une absurdité.

En effet, la logique économique poussée à l’extrême et appliquée à tous Le directeur explique en effet que « les primevères et les paysages […] ont un défaut grave : ils sont gratuits ». Le fait que la nature soit gratuite semble évident, et qualifier cela de « défaut grave » peut surprendre le lecteur.

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À retenir

Les dirigeants de cette société cherchent à tirer profit d’absolument tout et n’hésitent pas à conditionner les citoyens pour arriver à leurs fins.

La phrase « l’amour de la nature ne fournit de travail à nulle usine » place la nature dans une logique économique où tout doit être rentable.

Les dirigeants agissent avec froideur et semblent n’avoir aucun états d’âme à manipuler ainsi le peuple.

On observe en effet l’absence de termes évoquant l’émotion. De plus, la succession de phrases déclaratives donne un côté cynique au directeur.

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Définition

Cynique :

L’adjectif « cynique » désigne quelqu’un qui a des opinions contraires à la morale et les exprime sans gêne.

Ce monde sans liberté, sans nature et où tout n’est que manipulations permet de mettre en garde le lecteur contre les dérives possibles de la science dans notre société.

Conclusion :

La science apporte évidemment du confort et fait avancer notre société. Mais à travers la littérature de science-fiction, on sent naitre des inquiétudes face aux dérives que pourraient engendrer un abus de l’utilisation de la science. Ainsi l’Homme doit garder le contrôle et s’interroger d’un point de vue éthique sur chaque étape avant de la franchir. Le rôle des romans de science-fiction et d’anticipation est justement de prévenir le lecteur et la société des dérives qui pourraient menacer l’équilibre actuel.